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00:00Et je vous le disais, le chef du service d'Afrique à France 24. Et là, bonjour Stéphane.
00:04Bonjour Florent.
00:05On a entendu ces accusations, le Niger accuse donc le Bénin d'héberger des bases françaises.
00:09Tout d'abord, est-ce que c'est crédible ?
00:11On le voit dans le sujet, aussi bien les Béninois que les Français rejettent, pour ainsi dire, catégoriquement, ces accusations.
00:20En face, la partie nigérienne, donc la partie accusatrice, n'a pas à porter de preuves, en tout cas pas à ce stade.
00:28À moins de le faire, on peut tout à fait imaginer que le Bénin est quelque part en train de payer le fait d'avoir été,
00:35vous vous souvenez, au début de la crise, au lendemain du coup d'État, parmi les pays qui ont défendu une intervention militaire au Niger
00:44pour rétablir l'ordre constitutionnel.
00:48Opération militaire qui, au fil du temps, a finalement été abandonnée.
00:54Progressivement, elle a cédé à OR, revenu à de meilleurs sentiments, pour ainsi dire,
00:58et a ordonné la réouverture des frontières de ses États membres avec le Niger.
01:03Il se trouve que depuis cette décision, en février, le Bénin a ouvert ses frontières avec le Niger,
01:08mais dans l'autre sens, la décision n'a pas été, disons, appliquée.
01:13Les Nigériens ont décidé de maintenir leurs frontières fermées.
01:18Les Béninois ont laissé, si je puis dire, couler jusque-là.
01:22Et là, à quelques jours du démarrage de ce projet phare dont vous parliez, Florent,
01:26Patrice Talon, le chef de l'État béninois, a décidé de mettre un terme à ce bras de fer.
01:33En tout cas, de le renforcer, plutôt.
01:36Et donc, l'exportation de pétrole brut nigérien, prévu qu'il devait démarrer là, est bloquée.
01:42Projet qui est aussi important pour le Bénin.
01:46La crise diplomatique est ouverte aux yeux de tous. Comment en est-on arrivé là, Stéphane ?
01:53Si vous voulez, quand on regarde ce qu'il se passe, les relations entre les deux pays,
01:58avant le coup d'État du 26 juillet, c'est des relations qui étaient très bonnes, cordiales même.
02:04Les deux pays ont l'habitude de travailler sur des projets communs.
02:09Il y a un projet de chemin de fer qui devait relier Ouida au Bénin, à Niamey au Niger,
02:17sur lequel les deux pays ont travaillé.
02:19Il y avait une relation d'amitié, presque, entre Mohamed Bouazoum et Patrice Talon,
02:24en 2023, juste avant le coup d'État qu'il a renversé.
02:29Mohamed Bouazoum a rendu deux fois visite au président béninois.
02:33Il était question, à cette époque-là, des relations économiques entre les deux pays,
02:39des relations militaires entre les deux pays.
02:41Il y avait des échanges de renseignements entre les deux pays.
02:45Ce sont des pays presque frères, très liés par l'histoire.
02:50Et puis il y a eu ce coup d'État, je le disais tout à l'heure.
02:54Il y a eu cette position du Bénin, qui était parmi les pays qui étaient sur une ligne dure vis-à-vis de Niamey.
03:02Est-ce que c'est cela qui conduit à ce qu'il se passe aujourd'hui ?
03:06On peut tout à fait l'imaginer.
03:08Ce qui est sûr, c'est que cette crise a de lourdes conséquences économiques pour les deux pays.
03:12Exactement. Le projet dont on parle, c'est un projet d'exportation de pétrole.
03:18Si on peut regarder sur une carte le tracé du pipeline de l'ODIHC,
03:25On a vu en image tout à l'heure.
03:26qui permet d'exporter ce pétrole nigérien depuis le port de Sémé-Odi, près de Cotonou au Bénin.
03:36C'est une infrastructure qui fait 2000 km, dont presque 700 km au Bénin.
03:41C'est une infrastructure qui a coûté 2 milliards de dollars, financée notamment par les Chinois de la CNPC.
03:48Mais le Bénin et le Niger sont également financièrement partie prenante de ce projet.
03:53Pour un retour sur investissement de 2 milliards de dollars, il faut que cette infrastructure soit opérationnelle.
04:01Et le Niger est un pays enclavé, il a donc besoin d'exporter son pétrole.
04:04Exactement. Le Niger compte sur cette manne pétrolière pour renfouer ses caisses.
04:12Pénalisé par les sanctions de la CDAO, le pays n'a pas pu rembourser ses dettes sur les marchés financiers.
04:20Par ailleurs, le Niger a déjà reçu une avance de la Chine, de l'entreprise chinoise, en part de 400 millions de dollars dans le cadre de ce projet.
04:30Donc le Niger a tout intérêt à ce que ce projet démarre le plus vite possible.
04:34Côté béninois, ce n'est certes pas le Bénin qui exporte le pétrole,
04:37mais le Bénin, pour ouvrir ses infrastructures portuaires à ce projet, prélève des impôts, des taxes.
04:48On parle d'une estimation de plus de 450 millions d'euros sur 20 ans de recettes fiscales.
04:53Donc si ce projet venait à être bloqué dans le temps, c'est un manque à gagner pour tout le monde.
04:59Pour le Bénin, pour le Niger, mais aussi pour les Chinois qui pilotent ce projet.
05:04Merci pour ces explications très claires.
05:06Avant de vous libérer Stéphane, un dernier mot sur le Niger qui a coupé ses liens avec les Etats-Unis.
05:11Le Premier ministre a donné une interview, on l'a vu tout à l'heure en image, il a donné une interview au Washington Post pour l'expliquer.
05:17Exactement. Et disons que c'est la première fois que les autorités nigériennes s'expriment, en tout cas de cette manière-là,
05:25sur ce qui s'est passé avec les Etats-Unis.
05:27Pour vous faire la chose de la manière la plus simple, en gros ce qu'explique Ali Marman Zayn,
05:36c'est qu'on a coupé nos relations avec les Américains parce que nous avons fait l'objet d'une menace.
05:44Une menace venant des diplomates américains qui, lorsque ceux-ci nous ont dit on va vous sanctionner,
05:51on va sanctionner le pays si vous venez à signer un accord pour fournir de l'uranium à l'Iran.
05:59Iran qui s'est beaucoup rapproché des Etats du Sahel ces dernières années.
06:06Donc ce qu'explique le Premier ministre nigérien, c'est d'abord que c'est une démarche condescendante.
06:13C'est un manque de respect vis-à-vis d'un Etat souverain.
06:16Et donc dans ce cas-là, ne pouvait pas accepter de continuer à collaborer avec les Américains.
06:22Des Américains à qui il reproche également de n'avoir pas véritablement aidé le Niger face au terrorisme.
06:29Et il a fait une comparaison par rapport aux moyens déployés par les Américains
06:34pour soutenir l'Ukraine et l'Israël dans le cadre du conflit à Gaza.
06:41Les Etats-Unis qui avaient une base au Niger, à Agadez de mémoire.
06:44Exactement, une base de drones qui lui permettait de rayonner sur la zone
06:48et pour collecter notamment des renseignements qui dit-on servaient un peu à tout le monde,
06:55aux Français, aux Nigériens, à d'autres pays africains.
06:58Des explications très fournies. Merci beaucoup Stéphane Ballon.