Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode répond aux questions de Christophe Lamarre.
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00:00 L'invité éco avec Banque Populaire, engagé aux côtés de ceux qui entreprennent.
00:04 Europe 1, il est 6h41.
00:06 Peut-on s'habiller 100% français sans se ruiner ?
00:10 Le prêt à porter entièrement made in France souffre trop cher,
00:13 jugent les clients français qui auraient repris les anciennes habitudes.
00:17 Acheter des vêtements pas chers, même s'ils ont fait un long voyage pour venir jusque chez nous.
00:21 La marque emblématique de sous-vêtements, le CYP, français, a dû casser ses prix pour survivre.
00:25 Et vous en parlez avec votre invité sur Europe 1, Christophe Lamarre.
00:28 Il s'agit du directeur de l'Observatoire économique à l'Institut français de la mode, Gilda Mainviel.
00:33 Bonjour Gilda Mainviel.
00:34 Bonjour.
00:35 Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par le slip français ?
00:38 Alors les difficultés rencontrées par le slip français ne sont pas forcément propres à cette marque
00:45 puisque l'on est dans un contexte, un environnement difficile pour la mode en général.
00:50 Il y a eu bien sûr des effets aggravants avec la crise sanitaire, l'inflation, qui n'ont pas favorisé la consommation.
00:56 Mais on va résumer les choses plus simplement en disant que depuis une quinzaine d'années,
01:01 les consommateurs consomment autrement.
01:04 Et montée en puissance de la seconde main, sobriété, sont autant d'éléments qui modifient la donne du marché en quelque sorte.
01:11 La marque est obligée de diviser par deux le prix de ses articles, ce n'est quand même pas rien.
01:15 Est-ce que ce sont les marques tricolores qui sont les plus touchées aujourd'hui ?
01:19 Alors on a assisté ces dernières années à une montée en puissance
01:23 de nouveaux acteurs qui se sont positionnés sur des entrées de gamme, des prix très attractifs pour les consommateurs.
01:29 On en parle très souvent en Chine, Témou, on a la seconde main, ce sont aussi des petits prix.
01:36 Donc les consommateurs sont en quelque sorte, pour une partie d'entre eux,
01:40 attirés par ces petits prix dans un contexte sous le pouvoir d'achat et fragile.
01:44 Donc le Made in France qui représente en volume 3% du marché
01:49 a parfois du mal à se positionner parce que évidemment ce sont des prix qui sont beaucoup plus élevés
01:54 pour ce type de consommateur et il faut faire comprendre aux consommateurs que
01:59 on est gagnant en achetant finalement des produits Made in France qui vont durer plus longtemps et de meilleure qualité.
02:05 Ce sont vraiment ces prix trop élevés qui dissuadent les consommateurs, il n'y a pas d'autre explication en réalité ?
02:09 Le prix c'est très important. Quand vous faites des enquêtes de consommateurs,
02:13 vous vous posez la question au consommateur, quel est le premier déterminant lorsqu'on achète un produit de mode ?
02:20 C'est le prix qui vient en premier, ce n'est pas le seul déterminant.
02:23 La qualité, les enjeux de l'éco-responsabilité sont importants, mais ce qui vient en premier c'est le prix.
02:30 Et malheureusement, c'est quelque chose qui rend difficile des positionnements
02:35 comme celui du slip français, mais comme d'autres marques.
02:40 Gilles d'Amainviel, pourtant, au sortir de la pandémie, la consommation locale et éco-responsable semblait être privilégiée par les consommateurs.
02:47 Le fondateur du slip français constate que le monde est retourné à ses vieilles habitudes en matière d'habillement.
02:52 Est-ce que vous partagez son analyse ?
02:54 Non, je ne partage pas cette analyse, je suis plus optimiste que lui.
02:58 Je comprends son point de vue parce que lui il est aux manettes et moi je ne fais qu'observer,
03:02 donc je le fais modestement, mais je pense qu'on a quand même des aspirations pour aller vers davantage de sobriété.
03:10 Quand je dis "on", ce sont les consommateurs pour aller vers davantage de sobriété,
03:16 des produits fabriqués dans des conditions sociales meilleures.
03:20 Je pense que le drame du Rana Plaza en 2013 a marqué les consommateurs et je suis quand même finalement assez optimiste pour le futur.
03:28 On va prendre un petit peu de champ, je vais vous citer Burton, Koukaï, André ou encore Camailleux.
03:33 De nombreuses marques iconiques du prêt-à-porter ont mis la clé sous la porte ou sont en difficulté.
03:38 C'est globalement tout le secteur de la moyenne gamme et du textile dans son ensemble qui est touché ?
03:43 Le milieu de gamme est effectivement en difficulté parce qu'il faut bien voir que par exemple,
03:50 on n'avait pas cité Camailleux mais historiquement c'était une enseigne très importante
03:54 et quand Camailleux a fermé fin 2022, c'était un choc psychologique.
03:59 Et quand on regarde les prix moyens, c'est très important de regarder que par exemple,
04:03 Camailleux était trois fois plus cher que ce qu'on appelle aujourd'hui l'ultra fast fashion avec des acteurs comme SHEIN.
04:10 Donc vous voyez, vous avez un écart qui s'est amplifié entre les petits prix de SHEIN, de l'ultra fast fashion et aussi de vintage.
04:18 La seconde main, c'est très accessible.
04:21 Donc on a finalement un milieu de gamme qui a du mal à trouver son public.
04:28 Aussi parce qu'on est dans un secteur où il y a une pléthore d'acteurs qui sont apparus.
04:34 On a sans doute ouvert des points de vente de façon excessive dans les années 2000
04:40 et aujourd'hui vous avez une offre de mode, de vêtements qui est sans doute surdimensionnée par rapport à la demande.
04:48 Et ça, c'est un élément important, ce qui n'était pas le cas dans les années 2000.
04:52 Camailleux, par exemple, a eu évidemment des très belles années dans ces années-là.
04:56 Mais aujourd'hui, on est un marché quasiment saturé avec des gros cylindrés qui arrivent,
05:02 avec des puissances commerciales, un marketing agressif, des tout petits prix.
05:06 C'est difficile de rivaliser quand on est un acteur historique français
05:11 et qu'on est là depuis plusieurs dizaines d'années sur un marché, encore une fois, extrêmement concurrentiel.
05:18 - Gilda Mainviel, vous avez notamment abordé la question de l'ultra fast fashion.
05:22 Alors on pense effectivement, vous en avez parlé un petit peu, de la marque chinoise SHEIN.
05:27 Alors ce sont des produits qui inondent le marché via un renouvellement très rapide des collections.
05:31 Les députés ont récemment adopté une loi pour interdire dès l'année prochaine
05:35 la publicité issue de la fast fashion et la promotion des entreprises qui la diffusent.
05:40 Alors le texte doit encore passer au Sénat, si ma mémoire est bonne,
05:43 mais est-ce que cette loi permettrait selon vous de rééquilibrer un peu les choses ?
05:47 - Alors je l'espère que cette loi pourra permettre de rééquilibrer un peu les choses,
05:52 même si ce n'est pas certain malheureusement.
05:54 Mais en tout cas, j'y vois un symbole fort, c'est-à-dire qu'au niveau politique,
05:59 on a pris conscience du péril et en effet, il faut défendre les distributeurs français,
06:05 il faut défendre l'économie française.
06:07 On est souvent un peu naïf en Europe, en France, par rapport aux États-Unis,
06:11 par rapport à la gestion de cette concurrence et de ce marketing très agressif.
06:17 Et puis dans le symbole, il y a aussi l'idée qu'il faut communiquer avec les consommateurs
06:23 pour leur expliquer encore une fois qu'il vaut mieux acheter un petit peu plus cher
06:29 et des produits qui sont fabriqués dans des conditions sociales
06:33 et avec des belles matières et des conditions sociales acceptables
06:36 plutôt que de privilégier uniquement le petit prix.
06:40 Et c'est vrai que le marketing très agressif de Shihin et des autres qui sont proches de Shihin,
06:48 c'est vrai que c'est un marketing que les chaînes historiques françaises n'ont pas l'habitude d'utiliser.
06:56 C'est vrai qu'elles sont un peu dépassées par rapport à ces campagnes sur les réseaux sociaux.
07:02 Le marketing d'aujourd'hui a beaucoup changé
07:04 et c'est vrai que ça fait beaucoup de mal aux acteurs historiques français.
07:07 La balle est plus que jamais dans le camp des consommateurs.
07:10 Merci Gilda Mainviel, vous êtes directeur de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode.
07:16 Bonne journée.
07:16 Bonne journée.
07:18 C'était l'invité Éco avec Banque Populaire.
07:20 Engagé aux côtés de ceux qui entreprennent.
07:22 Banque Populaire, partenaire premium de Paris 2024.
07:25 I'm free