Aujourd'hui, le docteur Kierzek nous parle de prosopagnosie, cette étrange maladie qui empêche de reconnaître les visages.
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00:00Est-ce que vous le reconnaissez, lui ? C'est le docteur Kierzek qui s'est fâché avec son rasoir.
00:05Gérard, ce n'est pas seulement une plaisanterie, car jeudi dernier, ici même,
00:08on a reçu l'humoriste Elodie Poux qui nous a dit être atteinte de prosopagnosie.
00:15Vous expliquez souffrir de ? Alors, prosopagnosie ?
00:18Prosopagnosie.
00:19Qu'est-ce que c'est la prosopagnosie ?
00:19C'est l'amnésie des visages.
00:21Ça veut dire que vous n'arrivez pas à reconnaître quelqu'un que vous avez déjà vu ?
00:23Voilà, vous êtes tous pixelisés sur du plateau.
00:27Elle est donc incapable, Elodie Poux, de reconnaître les visages,
00:30même ceux qui lui sont familiers.
00:31C'est dingo, cette maladie, Gérard.
00:32Vous avez eu du bol parce qu'elle vous a donné la définition compréhensible.
00:34Souvent, elle donne cette définition.
00:36« C'est une défaillance dans l'analyse structurelle des visages
00:38qui empêche l'élaboration d'un précepte susceptible d'activer une unité de reconnaissance faciale. »
00:42C'est plus clair.
00:44Mais elle aurait pu vous sortir cette définition.
00:47En fait, elle ne reconnaît pas les visages.
00:49C'est un peu un monde sans visage.
00:50Elle dit que c'est pixelisé, c'est un peu flou.
00:53Elle n'arrive pas à reconnaître.
00:54Ça touche une personne sur cinq ans.
00:55Mais ce n'était pas une vanne pixelisée ?
00:56Non, c'est vraiment ça.
00:59C'est un trouble neurologique.
01:00Elle n'est pas la seule.
01:00Il y a une personne sur cinq ans.
01:01Ce n'est quand même pas si fréquent que ça.
01:03Il y a Brad Pitt aussi.
01:04Ah, c'est pour ça !
01:06Et plus à part Connu.
01:07Il ne me reconnaît jamais.
01:08Il y a Thierry Vermitt aussi, quand vous en discutez.
01:11Attendez, une personne sur cinq ans ?
01:13Oui, une personne sur cinq ans.
01:14C'est énorme.
01:15C'est compliqué parce que c'est souvent à des niveaux différents.
01:18Mais ça fait pas mal de monde.
01:19Et en fait, les formes sont vagues.
01:21Alors, ça peut être complètement pixelisé.
01:24On ne reconnaît absolument pas.
01:26Ça peut être les proches.
01:28Mais ça peut être parfois l'incapacité, dans des formes sévères,
01:30de reconnaître son propre visage dans un reflet, par exemple,
01:33ou dans un miroir.
01:34Incroyable.
01:34Donc, on voit que ce trouble neurologique,
01:36il est quand même problématique.
01:37Vous imaginez, dans la vie quotidienne, c'est gênant.
01:39Mais en plus, elle nous a raconté quelque chose d'absolument ahurissant.
01:43C'est qu'elle ne reconnaît pas les membres de son équipe
01:45qui doivent se présenter chaque jour en disant
01:47« je suis la main », « on s'est vu hier », etc.
01:49C'est hallucinant.
01:50Ça vient d'où, cette maladie ?
01:51Et puis, c'est hyper vexant, parce que vous imaginez,
01:53elle doit passer et les gens qui en souffrent passent pour
01:55« quel prétentieux, quelle prétentieuse, ils ne me reconnaissent pas,
01:58ils ne font pas attention », alors que c'est un vrai trouble neurologique.
02:00Il y a deux origines.
02:00Il y a une origine congénitale, il y a des gens qui naissent comme ça.
02:03Et on n'a pas trop l'explication.
02:05On sait que c'est une partie du cerveau,
02:07mais quand c'est congénital,
02:09finalement, il n'y a jamais eu aucune reconnaissance des visages.
02:11Et puis, ça peut apparaître, ce qu'on appelle un trouble acquis.
02:14Et notamment, suite à un AVC, suite à un traumatisme crânien
02:17ou une maladie neurodégénérative,
02:18d'une zone qu'on appelle occipitale ou occipito-temporale.
02:22Vous voyez, le lobe occipital, c'est celui qui est derrière
02:24et le lobe temporal, c'est celui qui est sur le côté.
02:26Donc, ce sont les deux zones qui sont appliquées
02:28dans cette reconnaissance des visages.
02:30Mais j'ai une question, Gérald.
02:32C'est un trouble de la vue ?
02:33C'est-à-dire que tout le reste, on le voit bien
02:35ou c'est juste les visages qu'on n'identifie pas ?
02:37Ce n'est pas un trouble de la vue, c'est-à-dire que la vue fonctionne bien.
02:39Le signal est envoyé au cerveau,
02:41mais c'est le cerveau qui n'intègre pas ce signal.
02:44Et en fait, il y a deux types de prosopagnosie.
02:46Il y a une prosopagnosie aperceptive,
02:48c'est-à-dire qu'elle ne peut pas faire la synthèse.
02:50La personne ne peut pas faire la synthèse des informations visuelles.
02:53Et puis sinon, c'est un problème de lien avec la mémoire.
02:56C'est-à-dire qu'on n'ancre pas le nom, par exemple,
02:59Thomas Otto, Marie Portolano, avec le visage.
03:02Et donc, ce trouble-là, la région, c'est cette région occipito-temporale.
03:06Alors, vous imaginez bien toutes les stratégies
03:08qui sont mises en place pour pouvoir contourner ça.
03:11Mais c'est une difficulté à reconnaître les visages à la télé,
03:13sur des photos, les proches, son propre reflet.
03:16Donc, quand on regarde un film, on est paumé, en fait.
03:19Oui, ça peut être un problème pour regarder un film.
03:21En tout cas, c'est un problème pour avoir le nom de l'acteur.
03:24Mais il peut y avoir...
03:25Après, il y a des stratégies de contournement.
03:26C'est-à-dire qu'on sait que tel acteur, il est habillé avec un pull rouge.
03:29Donc, on va pouvoir reconnaître, etc.
03:30C'est hallucinant.
03:31Et ça se soigne ?
03:32Pas de traitement.
03:34Pas de traitement parce que pas d'explication véritable.
03:36Donc, ça ne se soigne pas.
03:38Il y a des voies de recherche,
03:39notamment quand il y a des traumatismes crâniens ou des AVC.
03:42Par contre, ça se contourne.
03:44Quand je vous disais qu'on se fie à la voix, par exemple,
03:46où on va demander en permanence aux gens de se représenter,
03:49il y a des indices aussi.
03:50La coiffure, les vêtements, des accessoires,
03:53tout ça va permettre d'avoir une vie quotidienne un peu plus calme.
03:57Ou prendre des photos, tout simplement.
03:58Vous prenez une photo, vous mettez le nom dessous.
04:00Et puis après, quand je le vois, je dis
04:01« Ah, ça, je sais que c'est Thomas » ou « Je sais que c'est Marie ».
04:05Alors, il y a aussi des stratégies de rééducation neuropsychologique.
04:08Il y a un bouquin comme ça qui est assez célèbre,
04:10qui a été fait par un neurologue qui s'appelle Oliver Sacks.
04:12Et il avait écrit ce livre « L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau ».
04:15Alors là, c'était un autre trouble neurologique.
04:17En fait, il confondait les personnes avec des objets.
04:20Et on voit qu'il y a ces mondes fascinants de la neurologie,
04:22parfois assez terribles aussi, parce que c'est des pathologies,
04:25qu'on s'imaginait dans la vie quotidienne.
04:26Eh bien, merci beaucoup à vous, Docteur.
04:28Ce qui est pratique avec les médecins,
04:28c'est qu'ils ont leur nom écrit sur la blouse.
04:30Donc, on ne va pas se tromper.