• il y a 8 mois
Jeff Wittenberg reçoit Sébastien Lecornu, Ministre des Armées sur le plateau des 4 vérités. 

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00:00Bonjour à tous, bonjour Sébastien Lecornu, merci d'être avec nous, notre Europe est mortelle, c'est la phrase choc, l'une des phrases que l'on retient en tout cas du nouveau discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne,
00:14on a entendu beaucoup de fois hier dans sa bouche le mot de puissance européenne qui passe donc par un grand effort pour la défense, pour les crédits militaires, est-ce que c'est l'antidote au risque de mort qu'a évoqué Emmanuel Macron hier ?
00:27En tout cas les risques d'insécurité, eux ils sont bien là, avec tous les défis que nous pose la Russie, l'Iran, les proliférations nucléaires, le terrorisme qui n'a pas disparu, les contestations d'espaces nouveaux, les fonds sous-marins, la militarisation de l'espace, les menaces cyber, on vit une époque objectivement qui n'est pas que romantique,
00:45et de fait si la défense est une compétence nationale, on est attaché à notre souveraineté, à notre autonomie, il n'en demeure pas moins qu'il y a plein de choses qu'il faut pouvoir partager,
00:53soit parce que ça permet de faire diminuer la facture, de partager le fardeau, soit parce que ça nous permet aussi d'être beaucoup plus résistants.
00:59Je pense qu'il y a une phrase hier qui est clé, qui est assez cache au fond quand même du président de la République dans son discours en disant, cette Europe qui a délégué sa sécurité à Washington,
01:06ce n'est pas notre modèle grâce au général de Gaulle, qui a délégué son modèle énergétique à la Russie et qui a délégué son modèle industriel à la Chine, cette époque là doit être révolue et c'est une réalité géopolitique.
01:17Vous venez de répéter monsieur Lecornu que c'est une compétence nationale, ça fait des années, des décennies que l'on parle de défense européenne, c'est un serpent de merde qui ne verra donc jamais le jour.
01:28Ça dépend quoi, ce qui est national c'est l'utilisation de nos forces, c'est le rôle que le président de la République comme chef des armées, le suffrage universel a.
01:36En revanche l'Europe c'est aussi un marché commun, un marché unique, vous voyez bien que nos industries de défense, on a parlé beaucoup d'économie de guerre,
01:42ces derniers mois l'Ukraine nous fait redécouvrir qu'il faut produire en quantité, on voit bien que dans un marché commun, soit la Commission européenne agit en freinant les industries de défense,
01:51et parfois ce fut le cas il y a quelques années dans lesquelles c'était sale de produire des armes, dans lesquelles les entreprises françaises pouvaient avoir des difficultés d'ailleurs avec les instances communautaires,
01:59soit au contraire la Commission européenne, les institutions européennes, le Parlement européen pour lequel on votera le 9 juin prochain décide d'aider et de favoriser justement le développement des industries,
02:09en les finançant, en accompagnant les investissements en matière de production et d'innovation.
02:14Moi je suis un enfant de Vernon, donc un enfant d'Ariane, on voit bien que sur des grands programmes, qui n'étaient pas des programmes communautaires mais des programmes européens,
02:21entre nations, on voit bien d'ailleurs que ça crée de la valeur, ça crée de l'emploi et ça permet de résister au choc des compétitions internationales,
02:28et donc c'est vrai pour un certain nombre de programmes d'armement sur lesquels on a fondamentalement besoin.
02:32On joue vraiment le jeu dans ce domaine, le Président a demandé la préférence européenne, or il a aussi souligné en creux, mais tout le monde le sait,
02:39que beaucoup de pays, notamment nos voisins allemands, achètent du matériel notamment aux Etats-Unis pour leur système, en tout cas leur projet de système de boucliers antimissiles ne sera pas européen,
02:50c'est un exemple parmi d'autres, est-ce que cette préférence européenne que veut le Président et que vous voulez vous-même, elle n'est pas qu'un vœu pieux aujourd'hui ?
02:57Pour le bouclier antimissile, on n'en est pas là, l'affaire va durer du temps.
03:01Pourquoi beaucoup de capitales européennes achètent à Washington ?
03:05Tout simplement parce qu'elles sont dans la promesse de la part de Washington que Washington viendra les protéger, y compris avec un non-dit,
03:12y compris dans ces capitales et dans ces opinions publiques-là qu'est le parapluie nucléaire américain.
03:16Je trouve qu'on a une diffusion nucléaire qui est complètement autonome, dans laquelle d'ailleurs elle a tiré l'ensemble de notre modèle industrielle de défense.
03:22Il faut qu'il y ait un parapluie nucléaire français ?
03:25Pourquoi on a justement l'aventure d'assaut et pourquoi on est capable de vendre des rafales ?
03:29Parce que le rafale emmène la bombe nucléaire française, donc il faut comprendre que notre modèle est autonome,
03:34il s'est construit non pas contre Washington mais en autonomie de Washington et ça personne ne le remet en question.
03:39Mais aujourd'hui on le voit bien, les déclarations du candidat Trump dans cette campagne qui dit que l'article 5 de l'OTAN peut-être demain ne fonctionnera pas,
03:46des voix qui s'élèvent aux Etats-Unis en disant mais quand même le partage du fardeau il faut que les Européens en fassent plus,
03:52au moment où les Européens augmentent leur budget de défense, ils doivent comprendre qu'ils doivent profiter à l'emploi industriel européen,
03:58à une autonomie industrielle et donc militaire européenne.
04:02Une future défense européenne en tout cas sur certains aspects, le Président a donné des détails hier,
04:07il a annoncé la création d'une future académie militaire, il a parlé de cyber défense et il a parlé aussi d'une force de réaction rapide
04:14qui pourrait se constituer, qui pourrait atteindre 5000 hommes, de quoi on parle exactement ?
04:18Ça c'est un sujet clé et sur lequel moi je souhaite qu'on puisse aboutir dès l'année prochaine en étant très réactifs et très rapides.
04:23Vous avez beaucoup de crises sur lesquelles l'OTAN n'est pas compétente et sur lesquelles la France souvent mène des opérations seule.
04:30Je vais vous prendre un exemple très précis, les évacuations de nos ressortissants dans des pays qui sont en crise.
04:34Il y a un an de cela à peu près, on a eu une crise importante au Soudan, je pourrais vous en rappeler, on a lancé une opération à Khartoum,
04:40on a sorti 1080 nationalités, 1000 personnes, 200 français ou quelque chose comme cela, 250 de mémoire,
04:47dans lequel au fond on a mis en place un pont aérien majeur avec des A400M, avec des bateaux.
04:52Il se trouve que c'était la France toute seule, pratiquement seule.
04:55Donc est-ce que vous demandez de partager le fardeau ?
04:58Mais ce partage-là, il a du prix, il a de la valeur.
05:01Vous avez des missions qui sont militarisées mais dont l'OTAN n'a pas à connaître pour plein de raisons
05:06et sur lesquelles on se dit aujourd'hui faisons-le en européen et ça pour le coup c'est du pragmatisme.
05:10Et donc cette force-là qui permet par exemple de faire de la mise en sécurité de ressortissants européens,
05:14de citoyens portugais, italiens, allemands, français, on doit pouvoir la monter très rapidement.
05:19Il y a en tout cas un chemin dans chacune des capitales au moment où je vous parle pour arriver à le constituer.
05:23C'est pour ça que le Président de la République l'a mis sur la table hier,
05:25parce que j'avais déjà commencé évidemment à construire cette réflexion avec un certain nombre de mes homologues.
05:30On doit pouvoir avancer vite, c'est-à-dire pour 2025.
05:32Elle va prendre quelle forme ? Ce sera une structure pérenne en quelque sorte ?
05:36Oui, alors vous savez que dans notre modèle, il n'y a jamais d'abandon de souveraineté,
05:39contrairement à ce que certains, les filles ou autres, ont pu raconter sur le Charles de Gaulle récemment.
05:42Quand on met des forces à disposition de l'OTAN, de l'ONU, de l'Union Européenne,
05:47jamais le Président de la République, jamais le chef d'état-major des armées,
05:50jamais le Parlement et jamais le ministre ne perdent le contrôle constitutionnel sur nos forces.
05:54Une fois que cette chose-là est dite, oui, on peut mettre des forces à contribution
05:58qui permettent d'avoir une réactivité très forte en cas de crise.
06:01C'est vous-même qui venez de l'évoquer, le porte-avions Charles de Gaulle sous commandement de l'OTAN,
06:06ça a choqué un certain nombre de personnalités dans la classe politique.
06:10Vous, vous trouvez cela normal ?
06:11Ça a choqué Jean-Luc Mélenchon qui a été candidat à l'élection présidentielle.
06:14Et le Rassemblement national ?
06:15Oui, des gens qui donc prétendent exercer des responsabilités importantes
06:18en devenant Président de la République et chef des armées,
06:20et ne disent pas à nos concitoyens que précisément il n'y a pas de commandement.
06:23Le commandement, il est français.
06:25En revanche, vous avez une mise à contribution de ces forces
06:28qui passe sur un contrôle opérationnel de l'OTAN.
06:30Savoir si le porte-avions Charles de Gaulle, il est comme ça ou comme ça,
06:33savoir quelle est la route maritime par laquelle il va passer, c'est du bon sens,
06:36parce que lorsque vous faites ce genre de mission,
06:38vous emmenez des frégates italiennes, des frégates grecques,
06:41des frégates espagnoles, des sous-marins,
06:43et donc par définition, vous construisez autour du Charles de Gaulle une coalition.
06:47Mais ça sert à quoi un porte-avions ?
06:48Mais il y a même une nouveauté, il n'était pas dans une flotte de l'OTAN.
06:50Ça sert à quoi un porte-avions ?
06:51Ça sert à créer des coalitions, et je rappelle que la France a créé l'OTAN.
06:54Donc arrêtons aussi de…
06:55La question n'est pas l'OTAN, sauf à tomber dans un anti-américanisme primaire,
06:58qui est malheureusement un peu le problème de nos extrêmes,
07:01en tout cas dans la vie politique de notre pays.
07:03Le sujet, c'est que la France reste autonome et forte au sein de l'OTAN,
07:06mais ça c'est un bon débat pour les élections européennes à venir.
07:09Il nous reste deux petites minutes pour évoquer un sujet très concret
07:12que vous allez signer ce matin avec votre homologue allemand.
07:15Vous parlez de char du futur, un char franco-allemand en quelques mots,
07:19et pourtant le sujet est vaste.
07:21Encore une fois, c'est quoi et c'est quand ce char du futur ?
07:25Tout le monde connaît globalement, ou de loin en tout cas, le char Leopard allemand.
07:29Tout le monde connaît bien notre char Leclerc en France,
07:31dont on va démarrer la rénovation à Mivy.
07:33Le sujet, c'est en 2040, quel char on doit avoir ?
07:36Aujourd'hui, les chars en général dans les armées européennes
07:38n'ont pas les mêmes diamètres d'obus, n'ont pas complètement les mêmes paramètres,
07:42et pour être honnête aussi, en 2040, on aura une concurrence internationale
07:46sur le segment du terrestre qui va être très très forte.
07:49Les indiens, désormais, produisent plein de choses,
07:51des pays sud-américains, etc.
07:52C'est une première, un char binational.
07:53Alors, ça fait longtemps qu'on en parle, pour être honnête,
07:55y compris du temps du général de Gaulle, Pierre Messmer,
07:57on entendait déjà des discussions avec son homologue d'Allemagne de l'Ouest
08:00sur le sujet, donc les gaullistes avaient déjà eux-mêmes pensé d'ailleurs
08:03à ce genre de choses.
08:04Et de se dire, si on prend le meilleur de chacune de nos entreprises,
08:06KNDS, France-Allemagne, pour ne pas la citer, notamment,
08:10et en disant comment on est capable d'avoir un démonstrateur
08:12dans un premier temps qui va préciser ce que sera ce futur char.
08:16La raison, c'est que vous avez le char Leclerc jusqu'à là,
08:18mais vous savez, les programmes d'armement, ça prend du temps,
08:20et puis vous avez besoin de visibilité industrielle.
08:22Alors, avant cette lointaine échéance, il y en a eu une beaucoup plus proche
08:26que peut-être le Président a lancée hier, c'est les européennes.
08:29Vous avez l'impression que son discours, dense, parfois technique,
08:32va vraiment lancer cette campagne, qui est plutôt mal engagée
08:34pour votre candidate, Valérie Heynier, pour l'instant.
08:36C'est un discours du Président de la République,
08:37ce n'est pas un discours de campagne.
08:38Après, inévitablement, il nourrit la campagne
08:40parce qu'il vient mettre du fond sur la table.
08:42Mais ça ne va pas très bien pour votre camp.
08:43Non, mais la campagne démarre déjà, seulement, on va dire,
08:46et avec du contenu.
08:47Donc moi, j'ai hâte qu'elle démarre avec des vrais éléments de fond.
08:49Oui, on vient de se parler d'OTAN,
08:50on vient de se parler de dissuasion nucléaire,
08:52on n'a pas le temps d'en parler.
08:53Tous ces sujets sont des sujets qui concernent la sécurité, déjà,
08:56de notre pays, de nos enfants et de nos petits-enfants,
08:58mais aussi, d'ailleurs, notre empreinte industrielle,
09:01notre croissance, etc.
09:02Donc moi, je suis pressé qu'on puisse rentrer
09:04dans le fond du vrai débat.
09:05C'est ce qu'on a fait ce matin.
09:06Merci beaucoup.
09:07Je crois. Merci infiniment.
09:08Sébastien Lecornu, ministre des Armées, suite de Télémathas.