• il y a 8 mois
Transcription
00:00:00 [Générique]
00:00:15 [Bruit de la mer]
00:00:19 [Musique]
00:00:47 [Musique]
00:01:00 Je m'appelle Sarah Baruc, j'ai 43 ans.
00:01:03 Pendant 10 ans, j'ai vécu avec la peur au ventre.
00:01:06 Pendant 10 ans, j'ai vécu la violence d'un homme.
00:01:10 Mon homme.
00:01:15 Aujourd'hui, j'ai réussi à m'échapper de cette emprise.
00:01:18 À me libérer.
00:01:20 Cette liberté, j'ai décidé de m'en servir.
00:01:23 Faire bouger les lignes, c'est le défi que je me suis lancée.
00:01:28 En France, une femme meurt tous les deux jours et demi
00:01:44 de la violence de son compagnon ou ex-compagnon.
00:01:47 Elle s'appelle Guylaine, Claire, Julie, Hilal, Solveig, Mélissa.
00:01:55 Elles ont toutes été tuées.
00:01:57 Pendant presque 3 ans, j'ai enquêté.
00:02:02 Je voulais savoir qui elles étaient, pas comment elles étaient mortes.
00:02:05 J'ai retrouvé toutes ces familles qui avaient perdu une fille, une maman, une sœur.
00:02:10 J'ai pas perdu que ma maman, j'ai perdu ma maman, mon papa, ma famille.
00:02:15 J'en ai fait un livre. Un livre qui a changé ma vie.
00:02:20 J'ai voulu aller plus loin, comprendre le fond.
00:02:25 Je suis allée dans les gendarmeries.
00:02:27 Dès que je vais rentrer de la maternité, ça va être une claque, deux claques, trois claques.
00:02:31 Ils s'arrêtent jusqu'à temps que je saigne bien comme il faut,
00:02:34 parce que le sang les coeur.
00:02:36 Je me suis rendue dans les entreprises, dans les écoles.
00:02:40 Bonjour tout le monde, moi je m'appelle Sarah.
00:02:43 J'ai interrogé des psychiatres, des magistrats, des associations.
00:02:48 Je voulais comprendre l'ensemble du problème
00:02:51 pour qu'ensemble, on puisse trouver des solutions cohérentes et pragmatiques.
00:02:55 Et puis j'ai eu des idées de projets. J'ai fait un podcast.
00:02:59 Pour sortir de l'enfer des violences dans le couple,
00:03:01 il faut d'abord reconnaître qu'on a été victime.
00:03:04 J'ai fait des vidéos.
00:03:06 Il me tire par les cheveux par terre, il me brûle avec des cigarettes.
00:03:09 J'ai des cocares aux deux yeux.
00:03:11 Et je me dis qu'il faut absolument que je trouve un moyen de m'en sortir.
00:03:15 Et je décide de reprendre mes études.
00:03:17 J'ai créé un test pour savoir si on est victime de violences ou pas.
00:03:22 J'ai même créé un sac de départ.
00:03:25 Et du coup, on a caché dans le fond du sac, un double fond, très discret comme ça.
00:03:31 Si toutes ces petites idées peuvent sauver de serait-ce qu'une vie, alors on a gagné.
00:03:36 Il ne faut pas que ces femmes soient mortes pour rien.
00:03:43 Tout ce que je fais, je le fais pour elles.
00:04:00 Tous ces visages derrière moi,
00:04:02 c'est 125 visages.
00:04:04 C'est un an de féminicide en France.
00:04:06 Solveig, elle s'est fait tuer devant son petit bébé qui était dans sa poussette
00:04:13 le jour où elle a fait l'état des lieux de l'appartement qu'elle venait de quitter.
00:04:16 Guylaine, elle s'est faite brûler vive devant sa petite fille de 6 ans.
00:04:20 Toutes ces femmes, ça aurait pu être moi.
00:04:27 Ça aurait pu m'arriver.
00:04:30 Dans la nuit du 5 au 6 juin 2020, c'est la dispute de Trot.
00:04:34 Il m'a hurlé dessus.
00:04:37 Et il a tout cassé chez moi.
00:04:44 J'ai eu un petit bébé.
00:04:50 J'ai eu un petit bébé.
00:04:54 J'ai eu un petit bébé.
00:04:58 Il a dit des choses qui m'ont fait peur.
00:05:01 Ça fait des semaines que je me dis qu'il faut que ça s'arrête.
00:05:08 Et...
00:05:12 À 2h du matin, je prends ma fille et on s'en va.
00:05:19 Petite, je pouvais passer des heures à regarder les fenêtres
00:05:24 et à m'imaginer ce qui se passait derrière.
00:05:28 Je me disais, les femmes qui subissent de la violence, c'est dans les cités.
00:05:36 C'est dans les villes.
00:05:38 C'est dans les villes.
00:05:40 C'est dans les villes.
00:05:42 C'est dans les villes.
00:05:44 Les femmes qui subissent de la violence, c'est dans les cités.
00:05:48 C'est des femmes qui ne comprennent pas nécessairement bien le français,
00:05:52 qui viennent d'un autre pays.
00:05:54 Et je savais qu'il y avait une des mamans d'un ami de mon frère
00:05:58 qui se faisait battre dans cette cité.
00:06:01 J'avais assimilé les mauvais traitements infligés aux femmes
00:06:06 par la différence de culture, de moyens.
00:06:09 C'était symbolisé par ce qui se passait derrière les fenêtres de chez moi.
00:06:14 Je me disais, ça ne m'arrivera jamais.
00:06:17 La seule manière dont on communiquait jusqu'ici sur les féminicides,
00:06:24 c'était à travers les articles de journaux factuels sur les détails de la mort
00:06:29 et les décomptes de féminicides.
00:06:31 Sauf que quand je me suis réfugiée chez mes parents,
00:06:34 je me suis dit que si ça s'était mal terminé,
00:06:37 c'était vraiment une double peine pour ma famille
00:06:40 que non seulement je ne sois plus là,
00:06:42 mais que je sois devenue un numéro pour la société,
00:06:45 que je sois devenue le 84e féminicide de l'année 2020.
00:06:48 C'est là que j'ai eu l'idée de raconter les personnalités,
00:07:01 les vies des femmes qui n'étaient plus là
00:07:04 et pas comment elles étaient mortes.
00:07:07 Parce qu'on ne s'identifie pas à un fait divers ou à une statistique.
00:07:14 On s'identifie à quelqu'un dont l'histoire fait écho à la nôtre.
00:07:19 On s'identifie à quelqu'un qui a la même passion,
00:07:22 qui a le même rêve, qui a le même plat préféré,
00:07:25 qui a la même petite habitude.
00:07:28 On ne s'identifie pas à quelqu'un qui a reçu 39 coups de couteau.
00:07:32 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:35 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:38 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:41 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:44 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:47 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:50 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:53 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:56 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:07:59 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:02 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:05 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:08 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:11 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:14 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:17 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:20 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:23 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:26 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:29 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:32 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:35 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:38 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:41 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:44 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:47 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:50 On s'identifie à quelqu'un qui a reçu un coup de couteau.
00:08:53 Je voulais que ce soit un reflet de notre société,
00:08:56 que ces 125 ambassadrices représentent les femmes
00:08:59 dans toutes leurs complexités et leur pluralité.
00:09:02 que ces 125 ambassadrices représentent les femmes
00:09:05 dans toutes leurs complexités et leur pluralité.
00:09:08 dans toutes leurs complexités et leur pluralité.
00:09:11 Plus on ne court plus.
00:09:13 Un, deux, trois. Regardez-moi. OK.
00:09:16 Un, deux, trois. Regardez-moi. OK.
00:09:19 Voilà.
00:09:21 On a fait, tout ensemble, à l'hôtel de ville,
00:09:24 un super article où ils expliquent le projet, eux.
00:09:27 C'est la folie.
00:09:29 J'ai pas l'habitude d'être au centre de tellement d'attention
00:09:32 avec des gens qui me disent que c'est super inspirant
00:09:35 ce que je raconte alors que pendant des années,
00:09:38 personne ne voulait m'écouter.
00:09:40 Mais non, c'est très impressionnant et je suis super fière.
00:09:43 Quand cette espèce d'avalanche médiatique
00:09:46 s'est abattue sur moi,
00:09:49 je ne m'attendais pas du tout à ça.
00:09:52 - Sarah Barouk, bonjour. - Bonjour.
00:09:54 Merci beaucoup d'être avec nous ce soir.
00:09:56 On vous connaît en tant qu'écrivaine.
00:09:58 - Vous avez publié ce livre. - 125 et des milliers.
00:10:01 C'est le titre de ce livre par E. Sharper Collins
00:10:04 dédié au destin de femmes victimes de féminicides.
00:10:07 En librairie à partir de ce mercredi 8 mars.
00:10:10 Merci beaucoup, Sarah Barouk, d'avoir été avec nous.
00:10:13 Je ne m'attendais pas du tout à ça et j'étais contente pour les familles.
00:10:16 Mais il y a eu un avant et un après ce livre.
00:10:19 Je pourrais dire que j'ai eu envie de devenir porte-parole,
00:10:22 mais en fait, elles m'ont dessinée porte-parole.
00:10:25 Je n'ai pas eu le droit de refuser et ça m'a donné envie d'aller plus loin.
00:10:43 Quand j'étais en couple avec le père de ma fille,
00:10:46 je n'avais pas le choix des programmes télé,
00:10:49 je n'avais pas le choix libre de regarder des séries.
00:10:55 Et donc souvent, en cachette, je me mettais des écouteurs
00:10:59 et j'écoutais des podcasts pendant que je faisais le ménage
00:11:02 ou pendant que je faisais à manger.
00:11:04 J'avais l'impression que les gens étaient avec moi.
00:11:07 Et du coup, très vite, j'ai eu envie de faire un podcast.
00:11:10 C'est une conversation aguerrie avec des experts,
00:11:13 des témoignages forts, avec des familles de victimes,
00:11:16 pour analyser, expliquer et surtout aider concrètement les femmes qui nous écoutent
00:11:19 et les femmes autour de vous.
00:11:21 Pour produire ce podcast et l'animer, j'ai fait appel à Julie Mamoumani,
00:11:25 qui est une influenceuse connue sous le nom de Mamouze sur les réseaux sociaux.
00:11:30 Ce podcast, c'est un podcast qui lutte contre les idées reçues liées à la violence.
00:11:36 On veut permettre aux femmes victimes de rester vivantes.
00:11:39 Rester vivantes.
00:11:42 Et de leur montrer que ce qu'on leur dit, ce n'est pas toujours vrai
00:11:46 et que sans sortir, ce n'est pas si compliqué si on a les bonnes informations.
00:11:50 Idées reçues numéro 1.
00:11:52 La violence, c'est que des coups.
00:11:55 En fait, il y a trois types de violences.
00:11:57 Il y a les violences psychologiques, les violences physiques et les violences sexuelles.
00:12:00 Et très souvent, dans les relations d'intimité, dans les relations préétablies
00:12:05 entre un homme et une femme qui se connaissent déjà,
00:12:08 quand on perçoit les premières violences physiques et/ou sexuelles,
00:12:13 on s'aperçoit à rebours que des violences psychologiques avaient déjà démarrées.
00:12:18 Et tout l'enjeu, c'est d'essayer de détecter ces premières violences psychologiques
00:12:24 aussitôt qu'elles démarrent.
00:12:25 C'est-à-dire avant qu'elles ne finissent par des violences physiques et sexuelles.
00:12:29 Dans 98% des cas de féminicide, on se rend compte qu'il y a eu ce qu'on appelle
00:12:36 quelque chose mis en place par l'auteur qui s'appelle le contrôle coercitif.
00:12:39 Ça va être une dépendance économique, ça va être une dépendance sociale.
00:12:43 C'est-à-dire qu'on ne va plus pouvoir voir ses amis sans avoir à rendre des comptes,
00:12:46 on ne va pas pouvoir prendre la voiture pour aller faire une course sans dire où on va,
00:12:50 ça va être ne plus avoir de comptes pour pouvoir payer les choses soi-même,
00:12:55 devoir se justifier de tout.
00:12:56 Il était extrêmement jaloux, dans la mesure où il avait peur que je le quitte.
00:13:02 Tout ce qui, dans sa tête, pouvait aboutir à une séparation était banni.
00:13:07 Ça veut dire que se maquiller, s'habiller d'une façon séduisante, fini.
00:13:17 Les talons, c'était non.
00:13:18 Les talons, c'était pour les putes.
00:13:20 Le vernis, c'était non.
00:13:21 Le vernis, c'était pour les putes ou les cagoles.
00:13:24 En résumé, c'était tout le temps des disputes et je ne pouvais rien faire sans son accord.
00:13:28 - Quand Sarah dit qu'elle a dû changer son comportement, s'habiller d'une manière particulière,
00:13:35 est-ce que ça c'est déjà de la violence ?
00:13:37 - Ah oui, c'est de la violence.
00:13:38 Ça fait de vous un objet.
00:13:40 Votre marge de vie, votre marge de choix, votre marge d'erreur aussi,
00:13:46 vous est confisquée par l'auteur, par le gourou.
00:13:50 - Il peut y avoir des choses parallèles qui sont de la violence psychologique.
00:13:54 Par exemple, détruire des choses auxquelles on tient, s'attaquer à un animal de compagnie,
00:13:59 détruire tes archives, jeter la bague que ta mère t'a donnée.
00:14:03 On ne t'a pas tapé encore.
00:14:05 - Mais ça fait déjà.
00:14:06 - Déjà.
00:14:07 Et ça, ça montre bien qu'il y a une volonté de destruction.
00:14:10 - Comment on est rattrapé ?
00:14:11 C'est ça, comment on fait pour décrocher de ce système de fonctionnement-là ?
00:14:15 - Je dirais qu'il n'est jamais trop tard tant qu'on n'est pas morte.
00:14:19 Et beaucoup de patientes et Sarah elle-même sont vraiment la preuve vivante qu'on peut revenir de l'enfer.
00:14:26 Après, il faut beaucoup, beaucoup de détermination et il faut être très bien accompagnée.
00:14:30 - Radha Atem, c'est une gynécologue qui s'est fait connaître
00:14:35 parce qu'elle réparait les femmes mutilées par des excisions.
00:14:39 Et puis, petit à petit, elle s'est rendue compte que les violences faites aux femmes,
00:14:45 c'était bien plus que uniquement les mutilations.
00:14:48 Et donc, elle a voulu créer un lieu, la maison des femmes,
00:14:52 où les femmes, victimes de violences, quelles qu'elles soient,
00:14:55 seraient prises en charge de A à Z avec des consultations possibles à tous les niveaux.
00:15:02 Tous les jours, c'est environ 80 femmes qui passent la porte de cette maison pour raconter ce qu'elles vivent.
00:15:10 - Je suis partie parce qu'un soir, il a commencé à m'insulter, à être méchant.
00:15:19 J'ai voulu un peu me défendre verbalement et là, il m'a pris, il m'a jetée par terre.
00:15:26 Et je suis tombée à ça d'une caisse en métal.
00:15:28 Et là, j'ai vu mes enfants autour de moi et j'ai fait en fait, là, il faut absolument que tu te casses.
00:15:33 Et c'est marrant, c'est... Partir, c'est intéressant comme sujet.
00:15:38 Parce que j'ai des amis très, très proches.
00:15:41 Et ce moment-là où tu sais pas quel ami choisir, qui appelles-tu ?
00:15:46 Je savais que ce ne fallait pas que j'appelle ma mère.
00:15:48 Mais bizarrement, je choisis mon amie qui m'accompagne depuis 17 ans
00:15:54 parce que je savais qu'elle, elle ne me laisserait pas aller en arrière.
00:15:58 Et donc, quand je l'ai appelée, je lui ai dit surtout, là, tu m'écoutes, je vais te dire quelque chose.
00:16:02 Et si dans 2 mois, je te dis, c'est pas grave, j'y retourne parce qu'il y a mes enfants, il y a ma famille et tout ça,
00:16:07 tu me dis hors de question et tu me rappelles ce que je t'ai dit il y a 2 mois.
00:16:10 - Tu t'es choisi un garde-fou ? - Ouais.
00:16:12 Moi, je voulais parler, mais le problème, c'est que j'avais personne à qui parler
00:16:16 puisque pendant des années, je me suis isolée de tout le monde.
00:16:19 Je parlais plus à mon père, je parlais plus à ma mère, j'avais plus de copines
00:16:22 parce que je les ai plantées pendant des mois
00:16:26 parce que j'avais pas le droit de les voir et que j'avais pas le droit de leur dire.
00:16:30 Donc, en fait, j'avais plus personne.
00:16:32 Et puis, les autres sont des miroirs.
00:16:35 Donc, si on leur raconte, on se prend dans la gueule ce qu'on vit,
00:16:39 y a pas de retour en arrière.
00:16:41 Au début, on s'était rencontrés à la fac, il était différent.
00:16:46 Il était... j'irais cool.
00:16:49 Je ne sais pas ce qui s'est passé dans sa tête, mais il assombrait petit à petit
00:16:54 façon interdiction de regarder par la fenêtre, interdiction de sortir toute seule,
00:17:00 interdiction d'écouter de la musique, de danser, de regarder des films, de vivre, quoi.
00:17:06 Donc, ce qui m'a poussée à prendre la décision, c'est que j'ai subi l'ultime violence
00:17:12 quand il a failli me jeter par la fenêtre.
00:17:15 Et donc, à un certain moment, poussée d'adrénaline, on ne réfléchit même pas,
00:17:21 on s'occupe pas.
00:17:23 - Tu es partie toute seule ? - Avec tes enfants ?
00:17:27 Tout à fait.
00:17:28 T'as peur encore aujourd'hui qu'ils te retrouvent ?
00:17:31 Oui.
00:17:40 Oui.
00:17:45 [Musique]
00:17:48 Le soir de mon départ, c'était des cris, c'était des insultes, mais des insultes dégueulasses.
00:18:09 Que j'étais crade, que je puais, que j'étais dégueulasse, comme du robe le chon qui coule,
00:18:14 que j'étais une pute, que j'étais une salope.
00:18:17 Toutes les minutes trente, il me répète les mêmes insultes.
00:18:20 Plusieurs fois, j'en pouvais tellement plus que j'ai ouvert la fenêtre et j'ai regardé en bas
00:18:24 en me disant "je vais me tuer parce que là, j'y arrive plus".
00:18:27 Et là, il me disait que même ça, j'en étais pas capable.
00:18:31 Et il recommence à me disputer.
00:18:35 Et moi, je me dis qu'il faut absolument que je dorme.
00:18:37 Alors je m'enferme dans la salle de bain en espérant dormir dans la baignoire deux heures,
00:18:41 en me bouchant les oreilles.
00:18:43 Sauf qu'il ouvre la porte avec un couteau.
00:18:45 J'ai peur.
00:18:48 Je bloque la porte avec mes jambes en appuyant sur la commode
00:18:52 et j'appelle mes parents au secours pour qu'ils viennent nous chercher.
00:18:55 Et là, mon père décroche, je lui dis "papa, j'en peux plus"
00:18:58 et il me dit "je sais".
00:19:00 Ils sont arrivés.
00:19:04 [Musique]
00:19:13 [Musique]
00:19:23 [Musique]
00:19:51 [Musique]
00:20:01 [Rires]
00:20:04 - T'as plein de filles, hein ?
00:20:06 [Musique]
00:20:17 - Quand j'étais petite, les gens disaient que chez nous, c'était la maison du bonheur.
00:20:22 J'ai un papa et une maman qui sont ensemble depuis qu'ils ont 14 ans.
00:20:27 Un frère, une sœur.
00:20:29 Mon père est médecin, ma mère est institutrice.
00:20:33 Ce sont des personnes tournées vers les autres.
00:20:35 Quand j'étais petite, je n'ai pas connu la violence.
00:20:38 Mais je n'ai jamais assisté à des scènes de violence entre mes parents
00:20:43 ou de mes parents envers nous.
00:20:45 [Musique]
00:20:55 J'ai grandi dans une famille où on jouait de la musique tous ensemble,
00:20:59 de tous les instruments.
00:21:01 On est une famille qui chérit l'amour, la joie, le fait de se retrouver.
00:21:07 [Musique]
00:21:19 On rêve toujours que ses enfants soient heureux, qu'ils aient une jolie famille
00:21:23 et que tout se passe bien.
00:21:25 Au début, on ne voit pas ce qui se passe.
00:21:28 On se dit, bon, elle change.
00:21:30 C'est normal, elle a plus de 30 ans, elle a le droit de faire sa vie,
00:21:34 elle a le droit d'avoir ses idées, elle a le droit de s'éloigner.
00:21:38 C'est peut-être un passage...
00:21:41 C'est au fur et à mesure qu'on se dit, non, mais il y a quelque chose qui ne va pas.
00:21:44 D'abord, tu ne chantais plus, tu étais quelqu'un de très joyeux.
00:21:48 Tu chantais tout le temps, tu avais toujours des blagues,
00:21:51 tu te marrais tout le temps.
00:21:53 On était vraiment en phase, même avec tes frères et soeurs,
00:21:55 tu étais quelqu'un de très drôle, très joyeux.
00:21:59 Donc ça s'est un petit peu atténué, il a éteint le feu, si tu veux,
00:22:02 et on ne s'est pas rendu compte.
00:22:03 Je ne reconnaissais plus ma fille, en fait.
00:22:05 J'avais l'impression qu'il y avait un monde qui était entre nous,
00:22:09 mais je ne lâchais pas, je me suis dit, bon, ça va passer.
00:22:13 Mes parents, ils ont vu, sauf que je ne vivais plus chez eux.
00:22:18 Une fois que je leur ai dit non, une fois.
00:22:20 Une fois que je leur ai dit de ne pas s'inquiéter, deux fois.
00:22:23 Une fois que je leur ai dit que c'était ma vie, trois fois.
00:22:26 À un moment donné, ils ont d'autres enfants, ils ont une vie,
00:22:29 ils ne peuvent pas lutter sans arrêt contre moi et mes mensonges.
00:22:33 -S'il y avait une seconde imaginée qu'il avait la main sur toi,
00:22:36 jamais, j'aurais laissé les choses faire.
00:22:38 En tous les cas, j'aurais fait autrement.
00:22:40 Et donc, ce lundi-là, j'ai découvert les portes défoncées au coup de poing,
00:22:46 toutes les portes, il n'y avait aucune porte qui restait entière,
00:22:49 et des débris de verre, des miroirs, la maison vraiment fracassée.
00:22:54 Et là, bon, j'ai pleuré, bon, ça, c'est...
00:22:57 Je me suis encore surpris, encore aujourd'hui, quand j'y repense.
00:23:00 Donc j'ai compris que tu étais battue, je ne le savais pas.
00:23:03 Et je n'ai même pas vu le couteau.
00:23:05 Non, je n'ai pas vu le couteau parce que j'avais l'impression
00:23:09 de m'être interposé entre lui et toi, et si tu veux, prêt à...
00:23:14 Comme si j'allais te protéger, tu vois.
00:23:17 -Ce soir-là, ils m'ont sauvée.
00:23:21 -Après, j'ai récupéré Sarah.
00:23:24 J'étais contente qu'elle soit là, j'étais rassurée.
00:23:28 Elles étaient sorties, enfin, Sarah était sortie de là-bas.
00:23:32 Je n'ai jamais imaginé un seul instant qu'elle pourrait être morte.
00:23:36 Pourtant, c'est vrai qu'on l'entend tous les jours, qu'on entend...
00:23:40 Mais toutes les mamans n'ont jamais pu imaginer,
00:23:44 toutes les mamans que j'ai interrogées,
00:23:46 elles n'auraient jamais imaginé que ça finirait comme ça.
00:23:49 ...
00:24:05 -Charlotte, c'était plus une connaissance qu'une amie,
00:24:09 sauf qu'on se croisait tout le temps, on habitait juste à côté,
00:24:12 nos filles étaient dans la même école,
00:24:14 et du coup, cette proximité, en fait,
00:24:16 a tiré des sonnettes d'alarme chez elle,
00:24:19 et elle s'est rendue compte de quelque chose,
00:24:22 et elle n'a pas tout de suite su comment m'en parler.
00:24:25 -Je me posais des questions, parce que je voyais qu'effectivement,
00:24:30 t'avais à la fois envie qu'on se voit plus,
00:24:33 et à la fois, t'étais jamais disponible.
00:24:35 Puis dans les petites choses que tu me disais,
00:24:37 je voyais que c'était particulier,
00:24:39 je me souviens même que tu m'avais parlé du fait que je suis partie
00:24:42 3 jours en laissant ma fille à mon mari,
00:24:45 et quand je suis revenue, on s'est rencontrée,
00:24:47 je me suis dit "ça m'a fait du bien, je suis partie 3 jours",
00:24:50 et tu m'as dit "mais ils te laissent faire ça ?"
00:24:52 (Rires)
00:24:54 Oui, j'ai le droit de partir 3 jours,
00:24:56 mais c'est vrai que dans ton regard,
00:24:58 ça avait l'air tellement... -Ah oui, c'était...
00:25:00 -Quelque chose d'inenvisageable.
00:25:02 Et ensuite, il y a eu ce jour où je t'ai vue à la crèche,
00:25:05 et c'était la première fois que je t'ai vue avec des marques dans le cou,
00:25:08 et...
00:25:10 je me suis dit "mais c'est fou,
00:25:12 qu'est-ce qui se passe ?"
00:25:14 Je voulais tellement te dire "tu peux venir à la maison quand tu veux,
00:25:18 à n'importe quelle heure du jour, de la nuit,
00:25:21 et puis les mots sortent pas, tu t'oses pas,
00:25:24 et j'aurais dû t'attendre,
00:25:26 parce que t'étais là pour 15 minutes de plus,
00:25:28 et j'aurais dû t'attendre,
00:25:30 et ce jour-là, j'ai raté le coche.
00:25:32 Après, c'est compliqué,
00:25:34 à quel moment tu...
00:25:36 à quel moment tu es assez proche de quelqu'un
00:25:38 pour aller l'interpeller ?
00:25:40 - En fait, je pense que...
00:25:42 c'est pas obligé d'être proche.
00:25:44 Je pense que...
00:25:46 t'es pas obligé d'arriver avec des gros sabots,
00:25:48 et de dire "bon, je pense qu'il se passe ci ou ça,
00:25:50 juste, est-ce que ça va en ce moment,
00:25:52 pardon, peut-être que c'est déplacé,
00:25:54 mais je suis un peu inquiète pour toi,
00:25:56 enfin, ce..."
00:25:58 - Ouais, c'est vrai.
00:26:00 - Et puis si c'est pas vrai, c'est pas vrai,
00:26:02 et puis du coup, tu dis "ben, écoute, tant mieux,
00:26:04 je préfère me tromper,
00:26:06 Et si c'est pas le cas, ou si t'as besoin qu'on en parle, voilà.
00:26:10 -Oui, t'as raison.
00:26:11 Musique pesante
00:26:14 ...
00:26:35 -Si près d'une femme sur cinq subit des violences dans sa vie,
00:26:39 la proportion reste la même en entreprise,
00:26:42 parmi les salariés.
00:26:43 C'est pour ça que, depuis deux ans,
00:26:46 j'essaye de sensibiliser les entreprises.
00:26:49 Donc...
00:26:50 J'ai fait à peu près tout le CAC 40, mais je continue.
00:26:53 Euh...
00:26:54 Et je leur explique que c'est simple, en fait.
00:26:58 ...
00:26:59 Bonjour.
00:27:00 -Le monde de l'entreprise
00:27:03 a un devoir de protection de ses collaborateurs.
00:27:06 La responsabilité de l'employeur s'exerce sur toutes les dimensions
00:27:11 qui constituent le bien-être d'un salarié.
00:27:14 Et savoir détecter en entreprise les signaux faibles d'une victime,
00:27:18 ça s'apprend.
00:27:20 -Moi, pendant les premières années de mauvais traitement,
00:27:24 j'étais encore salariée.
00:27:26 Et j'ai jamais pu aller à un dîner de collègues,
00:27:31 j'ai jamais pu aller à un séminaire.
00:27:33 Je devais être joignable tout le temps,
00:27:36 je devais quitter des réunions importantes
00:27:39 pour me planquer dans les toilettes et répondre,
00:27:42 rassurer le père de ma fille sur le fait
00:27:44 que je n'étais pas avec un autre homme,
00:27:47 et le rassurer sur le fait que son dîner serait prêt à l'heure.
00:27:51 J'étais tirée par un élastique en dehors du monde de l'entreprise.
00:27:55 Certains de mes collègues s'en rendaient compte,
00:27:58 ils ne savaient pas comment agir,
00:28:00 et l'entreprise n'apportait aucune solution.
00:28:03 -Quand on ne sait pas détecter des signaux faibles
00:28:06 et qu'on est un manager ou un collègue,
00:28:08 on peut affubler une femme d'une double peine.
00:28:11 Par exemple, quelqu'un qui va avoir un fort taux d'absentéisme,
00:28:15 on peut le comprendre comme une personne
00:28:18 qui n'est pas investie dans son travail,
00:28:21 alors qu'elle vit des choses graves.
00:28:23 Une femme qui change d'apparence physique,
00:28:26 elle va être mise de côté de son travail,
00:28:28 mais jusqu'à ce qu'elle vit, c'est tellement dur
00:28:31 que son apparence s'en ressent.
00:28:33 Il y a plein de signaux faibles
00:28:35 qui, dans l'urgence managériale de résultats,
00:28:38 peuvent parfois aggraver des situations.
00:28:41 C'est très régulier que des femmes victimes de violences
00:28:44 soient renvoyées parce qu'elles sont considérées
00:28:48 comme inefficaces. C'est la double peine.
00:28:50 -C'est important, d'autant plus qu'il faut qu'elle garde son emploi.
00:28:54 Si elle perd son emploi, c'est la double peine,
00:28:57 parce qu'on ne lui laisse plus la possibilité de partir.
00:29:00 Elle est en imprise totale avec son boulot.
00:29:03 -Quand les femmes vont travailler,
00:29:05 c'est peut-être le seul endroit où elles sont jugées
00:29:08 pour ce qu'elles font, pour leurs réflexions,
00:29:11 et où elles ne sont pas surveillées.
00:29:13 Donc l'entreprise peut devenir une "safe place".
00:29:17 Ce grand groupe hôtelier propose des solutions
00:29:20 en interne pour les salariés
00:29:22 et en externe pour les femmes victimes de violences.
00:29:25 Ils ont choisi de ne pas trop communiquer dessus
00:29:28 pour des raisons de dignité et de sécurité.
00:29:30 Comme c'est un groupe hôtelier,
00:29:32 le principal problème des femmes qui s'enfuient,
00:29:35 c'est de savoir où elles vont habiter.
00:29:38 Ils mettent à disposition des femmes victimes de violences
00:29:41 des chambres d'hôtels.
00:29:42 Personne ne sait quel hôtel est concerné,
00:29:46 mais ces femmes peuvent retrouver un peu une dignité,
00:29:50 peuvent souffler, le temps que l'Etat les prenne en charge
00:29:54 et puisse trouver une solution pérenne.
00:29:56 Par an, c'est plus de 400 femmes et enfants.
00:30:01 Une fondation des femmes nous dit qu'on a sauvé des vies,
00:30:04 c'est la raison pour laquelle on s'est engagées sur ces projets.
00:30:08 Sauver une vie, c'est déjà énorme.
00:30:12 Donc on continuera.
00:30:14 -Je pense qu'on a une approche, quand même,
00:30:18 qui touche.
00:30:19 Il y a quand même quatre femmes qui sont venues me voir
00:30:23 pour me dire que c'est ce qu'elles avaient vécu
00:30:25 ou ce qu'une proche avait vécu.
00:30:27 C'est ça qui me bouleverse toujours.
00:30:29 -Idée reçue numéro 2.
00:30:33 Pourquoi est-ce qu'elle n'est pas partie ?
00:30:36 Pourquoi je ne suis pas partie avant ?
00:30:39 Pour sortir de l'enfer des violences dans le couple,
00:30:42 il faut d'abord reconnaître qu'on a été victime.
00:30:45 C'est le premier pas vers la vie d'après.
00:30:48 -Vous vous doutez que vous avez peur, parfois, chez vous,
00:30:50 que vous êtes plus souvent triste qu'heureuse dans votre couple.
00:30:54 Il y a le 3919, le numéro de Violence Femmes Infos.
00:30:58 Comment on sait qu'on est une victime ?
00:31:01 -Tout le piège de la relation, toute la fourberie,
00:31:05 c'est que les débuts sont toujours merveilleux.
00:31:08 Si un homme vous séduit en vous donnant des coups,
00:31:12 évidemment qu'à ce moment-là,
00:31:14 vous ne rentrez pas dans la relation.
00:31:16 Le problème, c'est que ça démarre toujours bien
00:31:19 et que ça s'introduit de manière très pernicieuse.
00:31:22 En fait, ce qui est très important, je pense,
00:31:24 c'est de s'écouter pour réaliser
00:31:27 qu'à un moment donné, on n'est plus maître de soi,
00:31:30 on n'est plus maître de sa pensée,
00:31:32 on a peur des erreurs qu'on peut commettre.
00:31:35 -Quand on est sous emprise,
00:31:37 on n'arrive pas à dire qu'un homme méchant est méchant.
00:31:40 En revanche, on peut dire qu'on a peur.
00:31:44 ...
00:31:51 -Pour les femmes qui sont dans un niveau de coercition
00:31:54 extrêmement élevé, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus le droit
00:31:58 de travailler, de sortir de chez elles sans leur agresseur,
00:32:01 on peut se dessiner un point au centre de la main
00:32:04 et le montrer à son pharmacien.
00:32:05 On peut également faire comme ça ou comme ça
00:32:08 et le montrer dans la rue.
00:32:09 Ce sont des signaux d'appel au secours
00:32:12 et qui disent "je suis victime de violences domestiques conjugales.
00:32:16 Aidez-moi."
00:32:17 Le violentomètre, c'est une échelle de la violence dans le couple.
00:32:21 Donc, il y a 23 questions.
00:32:23 Plus les observations vont de l'oranger au rouge vif,
00:32:29 plus, en fait, le danger est censé augmenter
00:32:32 au sein de la relation.
00:32:33 Les 23 questions, pour moi, elles sont simples,
00:32:36 voire trop simples.
00:32:37 Dire "est-ce qu'il te manipule ?"
00:32:39 Moi, j'aurais été incapable de savoir
00:32:41 ce que ça veut dire, en fait, un homme qui te manipule.
00:32:45 Et surtout, il y a une graduation du danger
00:32:48 qui, pour moi, ne colle pas à la réalité.
00:32:51 Parce qu'on peut être dans le rouge foncé
00:32:54 et rester comme ça 20 ans.
00:32:56 On va souffrir, mais on va être vivante.
00:32:58 Et on peut être dans le orange clair et mourir ce soir.
00:33:01 Moi, dans mon test, j'ai voulu que ce soit
00:33:04 un outil où on te prend par la main.
00:33:07 Donc, ce test s'appelle "suis-je victime de violence ?"
00:33:10 C'est censé répondre à cette question
00:33:12 que toutes les femmes qui vivent des choses
00:33:14 qu'elles pensent pas acceptables,
00:33:16 mais elles savent pas le qualifier,
00:33:18 au moins, on répond oui ou non.
00:33:20 -Prononce-t-il à ton encontre des insultes
00:33:23 ou qualificatifs ?
00:33:24 -As-tu eu peur de ses réactions ?
00:33:26 -Dois-tu lui dire où tu es ?
00:33:27 -As-tu besoin de son aval pour t'exprimer ?
00:33:30 -As-tu besoin de son consentement pour compenser ton argent ?
00:33:33 -Te sens-tu dévalorisée ?
00:33:35 -Tu as répondu non à chaque question de chaque partie ?
00:33:38 Ton couple évolue sur des bases saines,
00:33:40 profite de cette belle relation.
00:33:42 Si tu as répondu oui, il y a peut-être de la toxicité
00:33:45 dans ton couple et, à terme, un danger potentiel.
00:33:48 Il faudra partir, même si c'est dur.
00:33:50 Musique douce
00:33:52 ...
00:33:58 Ce dont je me suis rendue compte,
00:34:00 c'est que l'essentiel des femmes se font tuer
00:34:03 le jour où elles s'en vont,
00:34:05 le jour où les papiers du divorce arrivent,
00:34:07 le jour où elles nouent une nouvelle relation.
00:34:10 Soit le type leur court après,
00:34:12 vient les chercher, etc.,
00:34:13 soit elles ont oublié quelque chose
00:34:16 et elles retournent à la maison, et c'est là qu'elles se font tuer.
00:34:19 Typiquement, Nathalie, elle était partie,
00:34:22 ils avaient passé tous une formidable journée
00:34:25 au resto avec la maman, donc la grand-mère,
00:34:27 et elle s'est rendue compte que sa fille
00:34:30 avait oublié son cahier dans la maison
00:34:32 et le lendemain, elle devait me présenter quelque chose à l'école.
00:34:35 Nathalie est retournée et c'est là qu'elle s'est fait tuer.
00:34:39 Son ex-mari l'a poignardée et elle est morte.
00:34:41 Donc, le truc, c'est qu'un départ, ça se prépare.
00:34:45 On a voulu, avec Yasmine,
00:34:48 qui est une amie de très longue date,
00:34:50 que je connais depuis que j'ai 13 ans,
00:34:53 et qui a une marque de sac,
00:34:54 créer un sac pour s'enfuir.
00:34:57 -Donc, c'est un sac qui n'a pas de couleur particulière,
00:35:00 qui n'exprime rien à l'extérieur.
00:35:03 Tout ce qu'il a de particulier, c'est à l'intérieur,
00:35:06 puisqu'on a choisi, et c'est venu assez vite,
00:35:09 cette idée de mettre un double fond,
00:35:12 et du coup, on a caché un petit zip très discret
00:35:15 dans lequel, effectivement, parce que c'est ce qu'on se disait,
00:35:19 accumulent les papiers essentiels, déjà, dans une vie normale,
00:35:22 c'est compliqué d'avoir tout sous la main.
00:35:25 Dans ces conditions-là, pour une femme qui est terrorisée,
00:35:28 c'est important d'avoir un endroit où,
00:35:30 à chaque fois qu'elle récupère un papier,
00:35:32 qu'elle peut faire une photocopie,
00:35:34 qu'elle peut s'échapper, avoir un moment à elle,
00:35:37 elle le met dans le fond du sac, elle les accumule comme ça...
00:35:41 -Le verrou a tout, elle est prête, elle peut s'en aller.
00:35:44 Donc, le sac est vendu dans un sac en tissu.
00:35:47 On a écrit "tu as besoin d'une main tendue,
00:35:50 "scanne le QR code sur l'étiquette intérieure."
00:35:52 Quand tu scans le QR code, il y a un texte assez long,
00:35:56 mais pour l'instant, je l'ai apporté comme ça.
00:35:58 Il doit être mis en page sur le site.
00:36:00 "Tu n'es pas seule, nous sommes avec toi.
00:36:03 "Si tu as acheté ce sac, c'est que tu sais
00:36:05 "que ce que tu vis chez toi n'est pas acceptable
00:36:08 "et qu'il faudra partir.
00:36:09 "Si tu l'as reçu, c'est que quelqu'un de ton entourage
00:36:12 "pense à toi et craint pour ton avenir."
00:36:14 -Et surtout, ce qu'on rappelle, c'est qu'il vaut mieux
00:36:17 prendre le temps de se préparer
00:36:19 plutôt que de partir sur un coup de tête.
00:36:22 Évidemment, sauf si on est en danger de mort.
00:36:25 Mais d'une manière générale,
00:36:26 il vaut mieux prendre trois semaines de plus
00:36:29 et ne pas avoir à revenir que de partir tout de suite.
00:36:32 -On aimerait en mettre en disposition des associations.
00:36:35 On a plein de points de contact auquel on pense.
00:36:37 Tous les endroits où elle peut se rendre seule, sans lui,
00:36:41 et qui soient séparés presque du cercle familial,
00:36:43 c'est important, où elle peut quand même
00:36:46 avoir un tout petit moment pour elle.
00:36:48 Elle le voit, elle a entendu parler, hop.
00:36:50 C'est vraiment l'idée.
00:36:52 -Pour moi, ce qui va sauver les femmes et les filles
00:36:55 et les familles, c'est justement ces initiatives privées,
00:36:59 ces initiatives d'entreprises qui ont envie de changer les choses,
00:37:02 de personnes qui ont envie de changer les choses
00:37:05 et qui sont là pour combler les trous dans la raquette.
00:37:08 -C'est très important pour moi de distribuer les premiers sacs
00:37:12 à la maison des femmes
00:37:13 pour qu'ils puissent bénéficier aux patients de Rada.
00:37:17 Rada, qui est là, m'a permis de venir aujourd'hui
00:37:21 vous présenter ce sac qui s'appelle Olympe,
00:37:23 en hommage à Olympe de Gouges.
00:37:25 C'est aussi un sac qu'on peut offrir à une amie ou à une proche
00:37:29 dont on sait qu'elle vit des choses difficiles
00:37:31 et on ne sait pas comment aborder le sujet avec elle.
00:37:34 Des objets qui permettent d'aborder
00:37:36 de façon un petit peu détournée la problématique
00:37:39 tout en contribuant à apporter des solutions.
00:37:42 On s'est dit que c'était peut-être
00:37:44 une nouvelle façon d'aborder ces sujets.
00:37:46 -Oui, quand on a l'idée d'une femme qui est en chemin
00:37:49 et que ça peut l'aider à passer un cap, oui.
00:37:52 Il faut bien les planquer pour les distribuer d'abonnés.
00:37:55 -J'ai eu beaucoup de mal à trouver la femme directeure.
00:37:58 -C'est bon signe.
00:37:59 -Alors qu'on savait que...
00:38:01 -C'est ça.
00:38:02 C'est super.
00:38:03 C'est sûr qu'on a besoin, je pense, de...
00:38:05 Ca se fait beaucoup, maintenant, les patients experts.
00:38:08 On passe beaucoup de temps à réfléchir
00:38:11 au parcours des patients, à comment les prendre en charge.
00:38:14 C'est vrai qu'avoir un avis des personnes concernées,
00:38:17 avoir leurs conseils, leurs recommandations,
00:38:20 je pense que ça fait partie des choses
00:38:22 qui sont hyper importantes et qu'on n'a pas forcément beaucoup ici.
00:38:26 -Ce sac, j'en suis fière.
00:38:28 J'en suis fière parce que c'est le début de la liberté.
00:38:31 Le sac, c'est un symbole.
00:38:33 Quand on l'a et qu'il est posé dans un coin,
00:38:36 ça veut dire qu'on a commencé à établir son plan.
00:38:40 Musique douce
00:38:42 ...
00:38:46 -Bonjour à tous.
00:38:48 Vous êtes présents pour suivre la formation
00:38:51 qui va vous permettre d'avoir les bonnes pratiques
00:38:53 pour l'accueil d'une victime de violences
00:38:56 intrafamiliales et conjugales et connaître la psychologie
00:38:59 d'une victime pour mieux la comprendre.
00:39:02 -Pendant longtemps, les violences faites aux femmes
00:39:05 s'étaient considérées comme des problèmes de femmes.
00:39:08 Il y avait beaucoup de personnes dans la police
00:39:10 qui ne prenaient pas les femmes au sérieux.
00:39:13 Et pareil, beaucoup de gendarmes et policiers
00:39:15 n'étaient pas suffisamment formés à la détection
00:39:18 et à l'accueil des témoignages de violences.
00:39:21 -Evidemment, l'accueil des victimes, c'est important.
00:39:24 Vous avez un rôle, je dirais, de contributeur à la paix
00:39:28 en n'ajoutant pas de traumatisme au traumatisme.
00:39:31 -Ca a changé.
00:39:32 Il y a beaucoup d'associations qui se démènent
00:39:35 pour aller former les gendarmes et les policiers.
00:39:39 Beaucoup d'initiatives qui sont prises
00:39:43 par les gendarmes et les policiers.
00:39:45 Ca va dans le bon sens,
00:39:46 mais on n'est pas encore tout à fait au niveau.
00:39:50 -Merci de m'accueillir parmi vous.
00:39:52 Alors, moi, je suis là pour vous raconter un petit bout de ma vie
00:39:56 et peut-être, sans prétention,
00:40:00 peut-être pouvoir vous aider à améliorer
00:40:03 comment on est accueillis avec les forces de l'ordre.
00:40:06 Alors, il y a quelques années, un peu plus d'une dizaine d'années,
00:40:10 je vais rencontrer un homme qui est charmant.
00:40:12 Parfois, on se dispute. C'est un peu violent,
00:40:15 mais je me dis que moi aussi, j'ai un fort caractère, lui aussi.
00:40:18 Bon, bah, voilà, les choses se passent.
00:40:21 Et puis, un beau jour, je vais tomber enceinte,
00:40:24 et ça va être là que ça va être terrible.
00:40:26 Dès que je vais rentrer de la maternité,
00:40:29 il va mettre en place une sorte de rituel.
00:40:31 C'est-à-dire qu'on prend...
00:40:33 A 14h, on couche notre enfant.
00:40:36 C'est la base.
00:40:38 Et donc, comme il veut pas me taper devant le petit,
00:40:41 ça va commencer dès le matin, où il va me dire...
00:40:43 Je sais pas, il veut des œufs au plat,
00:40:46 mais ces œufs sont mal centrés, le jaune est mal centré.
00:40:49 Vraiment des petits trucs où... Voilà.
00:40:51 Il va s'énerver. Et là, il va me dire,
00:40:53 "Dans 3h, je te défonce."
00:40:55 Tout au long de la matinée, jusqu'à ces 14h,
00:40:57 ça va être que ça.
00:40:58 "Fais attention, il te reste 2h."
00:41:00 "C'est chaud, il te reste qu'une heure."
00:41:03 Cette attente, elle est horrible.
00:41:05 Elle est même pire que les coups.
00:41:06 Et donc, enfin, cette heure fatidique
00:41:09 où je vais coucher mon fils parce qu'il est 14h,
00:41:11 je le dépose et là, ça va être une claque, deux claques...
00:41:14 En fait, il s'arrête jusqu'à temps que je saigne bien comme il faut
00:41:18 parce que le sang l'écœure.
00:41:19 Et ça continue comme ça pendant peut-être tous les 2-3 jours
00:41:23 et du coup, c'est de plus en plus...
00:41:25 J'appelle la gendarmerie,
00:41:26 parce que je me dis, "Il faut y croire."
00:41:29 Ils ont mis 45 minutes à venir.
00:41:31 Y a deux gendarmes qui arrivent.
00:41:32 On me dit, "Ca va, madame ? Tout va bien ?"
00:41:35 "Oui, super."
00:41:36 Mais pendant ce temps-là, derrière la porte,
00:41:38 j'ai un gendarme avec mon fils qui me tient en joue dans le dos.
00:41:42 Dans mon dos, j'ai son arme.
00:41:43 Je suis là à parler aux gendarmes. "Ouais, super, tout va bien."
00:41:46 Mais c'est vrai que tout simplement, je me suis dit,
00:41:49 "Ce jour-là, il m'aurait demandé de sortir.
00:41:52 "Peut-être que ça, j'aurais parlé."
00:41:54 C'est des petits détails comme ça,
00:41:56 mais qui peuvent, du coup, tout changer.
00:41:58 -Donc, maintenant, c'est plus du tout ça.
00:42:00 Ce que vous avez vécu, encore une fois, il y a 10 ans,
00:42:03 vous le revivriez plus en brigade à l'heure actuelle.
00:42:06 -Heureusement.
00:42:08 -Il peut y avoir des exceptions, des mauvais partout,
00:42:10 mais très sincèrement, ces formations sont faites
00:42:13 et je pense qu'elles ont un impact sur les militaires.
00:42:18 -Merci.
00:42:19 -Merci, Mauréen.
00:42:20 -Merci beaucoup.
00:42:21 Applaudissements
00:42:23 ...
00:42:27 Musique douce
00:42:30 ...
00:42:36 ...
00:42:49 -Voilà, imagine, t'es là, tu viens de porter plainte,
00:42:53 tu viens de raconter ta vie, ta petite misère
00:42:56 pendant en moyenne 3h30.
00:42:58 Et puis, plus rien.
00:43:01 Moi, j'ai eu de la chance, j'avais mes parents,
00:43:06 qui m'avaient recueillie, ils ont pu garder ma fille
00:43:08 pendant que j'étais au commissariat.
00:43:10 Ils se sont occupés d'elle, elle était aimée,
00:43:13 elle était entourée, mais il y a plein de femmes.
00:43:15 Déjà, c'est toute une organisation pour accepter
00:43:18 d'aller porter plainte, pour y aller.
00:43:20 Et une fois que c'est fait,
00:43:22 elles se retrouvent à la rue avec leur mom,
00:43:25 là, comme ça, dans le froid,
00:43:27 à regarder les voitures passer,
00:43:29 de tous les gens qui ont un endroit où aller.
00:43:31 ...
00:43:35 On a une victime qui passe le cap d'aller porter plainte.
00:43:40 C'est énorme.
00:43:41 C'est énorme.
00:43:42 A ce moment-là, on peut pas la laisser toute seule.
00:43:45 Elle y va, elle a son enfant sous le bras,
00:43:48 son sac de l'autre.
00:43:49 Comment on fait ?
00:43:50 Voilà. Comment on fait, une fois qu'on a porté plainte
00:43:53 et que la vie continue ?
00:43:54 -Donc, j'ai eu l'idée de créer cet espace refuge
00:43:57 pour que les femmes qui viennent de porter plainte
00:44:00 puissent tout simplement faire une pause
00:44:02 avant de trouver une solution d'hébergement plus pérenne.
00:44:06 -Alors, avec Sarah, on a...
00:44:07 Enfin, surtout Sarah, m'a dit,
00:44:09 "On va le faire où ? On va le faire où ?
00:44:11 "Si on le faisait chez toi, on peut essayer,
00:44:14 "oui, dans le Val-d'Oise.
00:44:15 "Il faudrait que tu contactes les autorités."
00:44:18 "Oui, d'accord."
00:44:19 Donc, j'ai contacté mon préfet
00:44:22 pour créer une chambre à soi dans le Val-d'Oise.
00:44:26 ...
00:44:33 -L'idée, c'est quand même de trouver le logement,
00:44:36 là, en gros, dans cette rue à proximité.
00:44:40 -Oui. -En fait, moi-même,
00:44:42 j'ai regardé, quand tu cherches des hôtels autour,
00:44:45 le premier, il est à 19 km. -Il n'y a rien, ici.
00:44:48 -Tu sors de la gendarmerie, c'est le problème de la ruralité.
00:44:51 -50 % du territoire français, c'est la ruralité.
00:44:54 -Tu vois que les victimes de violences qui vont porter plainte,
00:44:57 derrière, s'il faut qu'elles fassent 20 km
00:45:00 pour trouver un endroit pour se reposer,
00:45:02 c'est compliqué. Il faut être plus ambitieux
00:45:05 pour protéger les victimes.
00:45:07 -L'idée de cette chambre à soi, c'est un lieu secret
00:45:10 qui va être à moins de 100 m de la gendarmerie, qui est là.
00:45:14 Finalement, à la fin du dépôt de plainte,
00:45:16 on lui donne les clés, on lui dit si vous n'avez nulle part où aller,
00:45:20 on a une solution, il y a de quoi se changer,
00:45:22 de quoi se nourrir, de quoi repartir,
00:45:24 de quoi faire une pause et repartir.
00:45:27 -C'est un lieu un petit peu de répit,
00:45:29 répit 24 ou 48 heures,
00:45:32 avec les contacts des personnes ressources,
00:45:34 des bonnes associations, un lieu un peu cocon,
00:45:37 où la victime va pouvoir poser son sac.
00:45:41 -J'ai hâte qu'on ait les clés ensemble,
00:45:45 parce que c'est le premier, c'est un projet pilote.
00:45:48 -Tout à fait, quand on pense à la première idée,
00:45:51 la première graine de ce projet, c'est de se dire que dans 10 ans,
00:45:55 on peut être un petit peu ambitieux,
00:45:57 il y en aura partout, à côté de tous les commissariats.
00:46:00 -Voilà, commissariat, gendarmerie,
00:46:02 et qu'il n'y aura plus ce problème de "qu'est-ce que je fais
00:46:05 "une fois que j'ai porté plainte ?"
00:46:07 -C'est ça, un petit moment de répit.
00:46:09 ...
00:46:17 -Les canapés, ce qui est intéressant,
00:46:19 c'est d'avoir un système modulable.
00:46:21 Tu ne sais pas ce que tu auras.
00:46:23 Tu peux avoir un canapé d'angle, un canapé droit, une chauffeuse.
00:46:26 -C'est ça. Un endroit pour que les enfants puissent dormir.
00:46:29 Un départ, c'est très déstabilisant,
00:46:32 ils ne savent plus où ils habitent,
00:46:34 donc il y a besoin d'un petit cocon pour eux, pour faire une sieste.
00:46:37 Voilà. La même chose pour la maman.
00:46:40 -Il faut que ça soit adaptable un peu partout en France,
00:46:43 mais on l'a fait pour des hôpitaux,
00:46:46 donc où tout est adaptable.
00:46:49 -Oui, par exemple, pour les hôpitaux,
00:46:51 tous les canapés, là, c'est des tissus
00:46:53 qui sont antibactériens, lavables, etc.
00:46:57 -Ce qu'on a l'habitude de faire, c'est différentes harmonies de couleurs.
00:47:01 Trop de blanc, c'est toujours un peu froid,
00:47:03 donc il faut vraiment quelque chose
00:47:05 dans lequel elles se sentent tout de suite bien.
00:47:08 Et puis, vivant, les livres, ça aide beaucoup à ça.
00:47:12 Les choses sur les murs, accrocher des tableaux,
00:47:14 des choses qui ont l'impression qu'elles sont chez elles.
00:47:18 En tout cas, pas un lieu impersonnel.
00:47:20 -L'idée, c'est de se reconnecter à soi,
00:47:23 de se réparer à l'intérieur, et ça passe par se regarder en face.
00:47:26 J'aimerais un miroir dans ces pièces
00:47:29 où il y ait un petit mot décrit dessus,
00:47:33 qui dise "T'es pas toute seule, regarde-toi"...
00:47:36 Je vais te donner le mot en l'air, mais voilà.
00:47:38 Un miroir, en fait, qui t'invite à te regarder en confiance
00:47:43 et qui te dit "Le début de la presse,
00:47:45 ça passe par la femme que tu vois là."
00:47:47 Moi, je sais bien, ça.
00:47:48 Ça résonne en tant que femme, heureusement.
00:47:51 Moi, j'ai été préservée de ces violences.
00:47:54 Forcément, de t'entendre,
00:47:57 ça donne du sens à notre métier, surtout.
00:48:00 Musique douce
00:48:02 ...
00:48:16 -Les moments qui suivent la fuite,
00:48:19 ils sont très durs, parce qu'on est tout seule,
00:48:22 on est jugée 24 heures sur 24,
00:48:24 quand on a des enfants, ils sont pas bien...
00:48:26 Enfin, il se passe pas mal de semaines,
00:48:28 voire de mois où on mord la poussière.
00:48:31 Et si on n'est pas convaincue qu'il y a de l'espoir,
00:48:34 ensuite, et que la vie peut être belle,
00:48:37 eh ben, tout simplement, on s'enfuit pas
00:48:40 et on risque sa peau.
00:48:41 J'ai eu envie de faire des vidéos
00:48:45 qui inspireraient les femmes et surtout qui leur donneraient espoir.
00:48:49 C'est une série qui s'appelle "La vie sera belle",
00:48:51 où des femmes, anciennes victimes de violences conjugales,
00:48:55 quand on les voit, on ne suspecte pas du tout
00:48:57 ce qu'elles ont vécu, nous expliquent
00:49:00 comment elles s'en sont sorties et le message
00:49:03 qu'elles aimeraient transmettre à d'autres
00:49:05 pour qu'elles aient la force de partir.
00:49:07 -T'as rien à prouver.
00:49:09 Et t'as déjà vu pire, donc ça sert à rien d'avoir peur.
00:49:13 -Le message qu'on a envie d'envoyer, il n'est pas alarmiste,
00:49:17 il est que...
00:49:18 On ne s'en va que si on a l'espoir d'une vie meilleure.
00:49:21 Et on est là pour donner cet espoir,
00:49:24 pour montrer qu'il y a des femmes qu'on trouve merveilleuses,
00:49:27 qu'on trouve fortes, auxquelles on s'identifie
00:49:31 et qui, en fait, ont vécu ça
00:49:33 et qu'aujourd'hui, ça se voit même plus.
00:49:36 -OK.
00:49:37 -Tout le monde est en mode ambulance.
00:49:40 -Je vais te demander de me raconter
00:49:43 comment a débuté cette histoire et comment la violence s'est mise en place.
00:49:46 -J'ai choisi Carole Rocher
00:49:49 parce que déjà, elle est connue en tant que comédienne,
00:49:52 mais elle est également metteur en scène.
00:49:54 C'est une grande gueule, c'est une fille qui transige jamais
00:49:59 avec ce qu'elle a à dire, peu importe si ça lui coûte professionnellement.
00:50:03 -On se marie, donc, deux ans après nos fiançailles.
00:50:07 Le début était très bien, mais la fin, j'ai compris
00:50:11 dans quel guet-pied je m'étais fourrée.
00:50:13 -A cette époque-là, j'étais jeune, je manquais de confiance en moi,
00:50:17 j'avais peu d'estime de moi.
00:50:19 -J'ai 17 ans et demi quand je rencontre le père de ma fille
00:50:22 et très rapidement, c'est la descente aux enfers.
00:50:26 -Je commence à découvrir
00:50:31 des choses pas très nettes
00:50:33 et en fait, ils mettaient tout à mon nom.
00:50:37 Et donc, les voitures, les crédits qu'ils prenaient,
00:50:42 je retrouve tout et puis au fur et à mesure,
00:50:45 en fait, je fais les additions, les additions, les additions.
00:50:49 J'avais des milliers et des milliers de dettes
00:50:53 et ça s'accumulait, ça s'accumulait.
00:50:56 C'est le début d'un enfer qui va commencer.
00:51:00 -Le quotidien ressemble à...
00:51:04 "T'as pas ramassé mon caleçon, le linge est pas propre,
00:51:07 "le steak est pas assez cuit, mais tu fais tout mal,
00:51:11 "t'es bonne à rien, t'arriveras à rien."
00:51:13 -Et il m'a giflé.
00:51:14 Il m'a giflé fortement.
00:51:18 -Et je lui dis que je veux me séparer.
00:51:20 -Et je vais vivre chez mes parents
00:51:23 et là, j'avais le droit à 100 textos par jour d'insultes.
00:51:28 J'ai l'impression que je suis dans un cauchemar.
00:51:32 Et il me défonce.
00:51:34 J'ai cru que j'allais mourir. J'ai des cocares aux deux yeux,
00:51:38 j'ai des bosses sur la tête, j'ai des bleus sur les bras,
00:51:41 dans le dos. Il me tire par les cheveux par terre,
00:51:44 il me brûle avec des cigarettes.
00:51:46 J'hurle en pensant voir la mort arriver.
00:51:49 Il me dit qu'il devient tellement fou qu'il me dit
00:51:52 "T'es à moi, t'es obligé de rester avec moi,
00:51:55 "on a un enfant ensemble.
00:51:56 "Si tu décides de partir, je te buterai."
00:51:59 -Par quoi est passée ta reconstruction ?
00:52:01 -Ca a commencé par le travail, toujours le travail.
00:52:05 Puis, une rencontre.
00:52:06 Je pense que le "je" déclic.
00:52:10 Ca a été un matin,
00:52:14 après une nuit entière de coups,
00:52:20 en me regardant, en regardant ce visage,
00:52:22 en regardant cette personne dans le miroir,
00:52:25 en me disant "Mais c'est qui ? C'est qui, en fait ?
00:52:28 "C'est pas possible, tu mérites pas ce qui t'arrive."
00:52:31 Je me dis qu'il faut absolument que je trouve un moyen de m'en sortir
00:52:35 et je décide de reprendre mes études.
00:52:38 Quand je rentre à l'école d'infirmière,
00:52:40 je rencontre d'autres jeunes filles, plus jeunes que moi,
00:52:43 et je parle à ce nouveau groupe d'amis que j'ai,
00:52:46 que je rencontre et qui me fait du bien.
00:52:48 Et d'en parler, pour moi, c'est le premier pas
00:52:51 vers la libération.
00:52:53 Il ne m'empêchera pas d'avoir mon diplôme et d'avoir un métier,
00:52:56 car je sais que mon métier, c'est mon indépendance.
00:52:59 -On va couper ?
00:53:01 -Ah !
00:53:02 -Putain !
00:53:03 -Voilà.
00:53:04 Merci.
00:53:06 -Bravo.
00:53:07 Bravo, Carole.
00:53:09 -La violence, elle s'immisce toujours dans les failles narcissiques,
00:53:12 dans les défauts de confiance en soi.
00:53:14 Et une des manières de combler ces failles,
00:53:19 c'est de travailler sur son estime.
00:53:21 Et pour ça, le sport, c'est la réponse.
00:53:24 ...
00:53:36 -Le déclic est venu parce que je me sentais à la ramasse partout,
00:53:40 je me sentais faible.
00:53:42 Je me suis dit que si je veux m'en sortir, être forte,
00:53:45 mon corps doit être fort, je dois pouvoir courir,
00:53:48 je dois pouvoir endurer,
00:53:50 je dois pouvoir être solide.
00:53:53 Et du coup, je me suis mise à m'entraîner,
00:53:56 mais je me faisais des entraînements militaires.
00:53:58 J'avais l'impression de partir dans la mission
00:54:01 "il faut sauver le soldat Sarah".
00:54:04 ...
00:54:14 Moi, je me suis sortie de la violence.
00:54:16 Je me suis reconstruite.
00:54:18 ...
00:54:21 Mais il y a un sujet qui m'obsède.
00:54:24 Est-ce que ma fille va garder des séquelles de tout ça ?
00:54:29 ...
00:54:36 Aujourd'hui, ma fille, elle a 4 ans et demi.
00:54:38 Je l'ai attendue toute ma vie.
00:54:41 Je suis restée 10 ans avec son père
00:54:43 parce que j'avais tellement peur de ne pas avoir d'enfant
00:54:47 que je croyais que j'étais tellement nulle
00:54:50 que s'il me laissait, je trouverais jamais personne d'autre
00:54:53 pour m'aimer et que j'aurais jamais d'enfant.
00:54:56 Et je suis tombée enceinte d'elle.
00:54:58 J'ai eu d'abord très peur qu'il ne m'autorise pas à la garder.
00:55:02 Donc j'ai vécu une grossesse très dans la peur.
00:55:07 Et il a accepté qu'on le garde sous conditions.
00:55:10 Ces conditions, c'était que...
00:55:13 Il ne fallait pas que ça change sa vie.
00:55:16 Donc il ne fallait pas qu'il manque de sommeil.
00:55:19 Et puis, comme je l'avais fait chier pendant 10 ans
00:55:22 pour avoir un enfant,
00:55:24 c'était à moi de m'en occuper toute seule.
00:55:26 Donc pas le droit d'avoir ma mère qui vient de m'aider,
00:55:30 pas le droit d'avoir une nounou,
00:55:32 pas le droit de l'amener à la crèche.
00:55:34 J'ai pas pu choisir le prénom de ma fille.
00:55:36 Il a décidé de l'appeler Lala.
00:55:40 Et je sais pas pourquoi.
00:55:41 Là, ce soir-là, je dormais dans mon bureau avec elle.
00:55:45 Et en fait, son père a fait une crise juste après.
00:55:49 Et ce soir-là,
00:55:51 il a cassé la lampe juste à côté de sa tête.
00:55:55 Et puis, il y a eu
00:55:58 la première engueulade
00:56:01 absolument choquante,
00:56:03 où il m'a cassé la main.
00:56:05 J'avais ma fille dans les bras.
00:56:08 Il m'a poussée. Je l'ai repoussée.
00:56:11 Il a pas supporté, il m'a attrapée la main.
00:56:13 Il l'a cassée.
00:56:15 Et je suis tombée par terre avec mon bébé.
00:56:17 Quand il y a eu de la violence autour d'un enfant,
00:56:21 même quand les parents disent
00:56:24 "Je ne l'ai pas touchée", c'est pas vrai.
00:56:26 Le simple fait de crier
00:56:29 est un traumatisme pour l'enfant.
00:56:32 Donc, quand les parents violents disent
00:56:35 "Mais lui, elle, on ne l'a pas touchée",
00:56:37 c'est pas vrai. L'enfant est touché.
00:56:40 Quand vous avez rencontré cet homme,
00:56:43 d'emblée, il y a eu un contrat affectif.
00:56:46 "Je n'ai pas beaucoup de valeur.
00:56:48 "Tu veux bien t'intéresser à moi ?
00:56:50 "Merci de m'aimer.
00:56:52 "Vous étiez en prison.
00:56:54 "Vous étiez capturé.
00:56:56 "Et le bébé n'a pas été sécurisé."
00:56:59 Donc, ça veut dire que maintenant,
00:57:01 la démarche, c'est de sécuriser la mère
00:57:03 pour que le bébé ait une mère sécurisante.
00:57:07 Et beaucoup d'hommes violents
00:57:10 supportent pas la grossesse de leur femme.
00:57:15 C'est à ce moment-là, très souvent,
00:57:17 que commence la maltraitance.
00:57:18 "Si par malheur, ma femme, que j'ai enfin réussi à capturer,
00:57:22 "capturer,
00:57:24 "si elle porte un bébé, ma femme va m'échapper."
00:57:28 Je ne supporte pas qu'elle m'échappe.
00:57:30 Ils lui tentent les bras, ils cassent les mains,
00:57:33 ou ils tapent.
00:57:34 Et parfois, ça peut aller jusqu'à la mort de leur femme.
00:57:39 La solution de facilité, c'est de penser
00:57:42 que ces hommes sont des criminels, il faut les punir.
00:57:45 Mais moi, ce qui m'intéresse, et vous aussi,
00:57:48 c'est la prévention.
00:57:49 Comprendre pourquoi ces hommes-là, en sont arrivés
00:57:53 à une telle tragédie amoureuse,
00:57:55 ils savent pas aimer.
00:57:57 On a fait des observations
00:57:59 qui montrent que 5 % des petits garçons
00:58:02 réagissent à la frustration par la violence
00:58:06 contre moins de 1 % de petites filles.
00:58:08 Dans ces petits garçons-là,
00:58:10 au lieu de les sécuriser,
00:58:13 on les punit.
00:58:15 Et en les punissant, on confirme la violence,
00:58:17 on leur apprend la violence.
00:58:20 Et il faut que les jeunes,
00:58:22 les jeunes mères et les jeunes pères,
00:58:25 apprennent, mettent en place un système
00:58:27 qui apaise ces 5 % de petits garçons.
00:58:30 On sait le faire.
00:58:32 On sait le faire, on les apaise par le jeu,
00:58:34 les jeux moteurs, les explications verbales,
00:58:38 pas par les écrans.
00:58:40 On sait apaiser ces petits garçons.
00:58:42 ...
00:58:48 -Restez vivantes.
00:58:50 Alors, restez vivantes.
00:58:54 -Il est reçu numéro 3.
00:58:57 Après un féminicide,
00:58:58 les enfants recueillis vont s'en sortir.
00:59:01 J'ai rencontré de nombreux enfants de victimes,
00:59:04 dont Fanny, Milena et Lucas,
00:59:06 remis à des proches comme des paquets de linge sale,
00:59:09 me dira Sandrine Boucher,
00:59:11 qui a récupéré sa nièce dans ses vêtements du jour du crime.
00:59:14 -Bonjour, Sandrine. -Bonjour.
00:59:16 -C'est aussi ça, la réalité, des enfants de victimes de féminicides ?
00:59:20 -Oui, malheureusement, c'est la réalité de terrain,
00:59:22 même 6 ans après,
00:59:24 puisque ma soeur est décédée.
00:59:25 -C'est-à-dire qu'un enfant qui a subi ça,
00:59:28 lui aussi, et qui perd sa mère dans des conditions atroces,
00:59:31 personne ne va l'accompagner ? -Personne ne va l'accompagner.
00:59:34 Il faut bien prendre en compte que ces enfants sont victimes,
00:59:38 mais ils ont assisté à une scène de guerre.
00:59:40 -C'est vrai ? -Oui.
00:59:42 -Sandrine, qui a créé l'UNFF,
00:59:43 l'Union nationale des familles de féminicides,
00:59:46 c'est la soeur de Guylaine.
00:59:48 Elle a été brûlée vive devant sa petite-fille.
00:59:50 Musique sombre
00:59:53 ...
01:00:02 -Ma nièce a vu sa maman brûlée sous ses yeux,
01:00:05 et quand je me suis proposée pour la recueillir,
01:00:08 on m'a dit "très bien, la voilà,
01:00:10 "bonne chance". A aucun moment, on m'a dit
01:00:13 "il faudrait la faire suivre d'un point de vue psychologique,
01:00:16 "car c'est grave". Non, on ne nous accompagne pas.
01:00:19 -Ca paraît fou, Muriel Salwana.
01:00:21 -Oui, c'est ce que je dénonce.
01:00:23 Il y a vraiment une défaillance de l'Etat extrêmement importante,
01:00:27 et puis une absence de soutien, de prise en charge,
01:00:33 alors que c'est une urgence, des traumas gravissimes.
01:00:36 On peut comparer avec des fractures.
01:00:38 Si vous les traitez tout de suite, si vous réduisez la fracture,
01:00:41 si vous protégez le membre, l'os va se réparer.
01:00:44 Il y a une ostéogénèse.
01:00:46 C'est pareil pour le cerveau.
01:00:48 Si vous le mettez dans de bonnes conditions,
01:00:50 si vous réduisez la fracture avec un travail psychothérapique
01:00:54 et une mise en protection, le cerveau se répare.
01:00:56 Il y a une neurogénèse.
01:00:58 Il faut absolument accompagner, bien entendu, ces enfants,
01:01:01 et puis aussi soigner les proches qui sont aussi traumatisés.
01:01:05 -Vous êtes la sœur, donc vous venez de perdre aussi
01:01:08 votre fils. Comment vous faites, Sandrine,
01:01:10 quand vous vous retrouvez avec votre nièce ?
01:01:13 Vous avez pu parler de ça avec votre nièce ?
01:01:15 -Oui, avec ma nièce, on a beaucoup échangé.
01:01:18 Et puis avec sa thérapeute, également,
01:01:20 on a beaucoup échangé.
01:01:22 Après, ce qui est très important, ce que dit Muriel,
01:01:25 c'est que nous, on accompagne aussi des enfants devenus grands.
01:01:28 Et je pense à un monsieur qui a 38 ans aujourd'hui.
01:01:33 Sa maman était assassinée quand il avait 8 ans.
01:01:36 Aujourd'hui, il est dans un état proche du suicide
01:01:38 parce qu'il n'a jamais été pris en charge.
01:01:41 Du coup, on se dit que 30 ans sont passés...
01:01:44 -Et rien n'a changé. -Et pourtant,
01:01:46 il est dans un état pire que nous,
01:01:48 alors que c'était il y a quelques années.
01:01:50 Donc, voilà, c'est vraiment très important
01:01:53 de prendre en charge les enfants.
01:01:55 ...
01:02:12 -J'ai toujours adoré Noël.
01:02:14 On avait des super Noëls à la maison.
01:02:16 J'ai grandi dans une maison
01:02:18 avec une famille privilégiée où on avait des super Noëls.
01:02:21 Euh...
01:02:22 Mais ma maman est décédée le 26 décembre 2018.
01:02:25 Donc c'est vrai que ça a donné une connotation particulière au Noël.
01:02:29 ...
01:02:31 Le père de Fanny a tué...
01:02:33 sa femme, donc la maman de Fanny.
01:02:36 ...
01:02:40 Et Fanny n'a plus d'enfance.
01:02:42 ...
01:02:43 Donc c'était le 26 décembre 2018.
01:02:46 On avait passé Noël avec mes...
01:02:48 avec mes parents, avec mon ex-copain de l'époque
01:02:50 et son petit garçon.
01:02:52 Les choses se sont bien passées.
01:02:54 Il y a eu une petite dispute entre mes parents.
01:02:57 Mon père était fatigué.
01:02:58 Et puis, le soir, je suis rentrée chez moi
01:03:00 et je dirais...
01:03:02 Deux heures après, j'ai reçu un appel.
01:03:04 Quand j'ai décroché, c'était une voix chevrotante au téléphone
01:03:07 que j'ai pas reconnue tout de suite.
01:03:09 Elle m'a dit "Allô ?"
01:03:10 Oui.
01:03:12 "C'est mamie.
01:03:14 "Il est arrivé quelque chose de terrible."
01:03:17 Et puis, en fait, elle m'a juste balancé
01:03:20 "Ton papa a tué ta maman."
01:03:21 ...
01:03:23 Donc j'ai dû avoir... J'ai buggé.
01:03:26 Je lui ai dit "Mais mamie, qu'est-ce que tu racontes ?"
01:03:29 "Fais n'importe quoi."
01:03:30 "Ça va pas ? T'es toute seule à la maison ?
01:03:32 "Qu'est-ce qui se passe ?"
01:03:34 J'ai entendu le téléphone changer de main
01:03:36 et j'ai un homme qui s'est présenté
01:03:38 en disant "adjudant".
01:03:41 J'ai plus son nom en tête.
01:03:42 Et quand j'ai entendu le mot "adjudant",
01:03:45 j'ai compris "gendarmerie".
01:03:46 J'ai compris.
01:03:49 Et là, je suis...
01:03:51 Je crois que, oui, j'ai dû crier, je suis tombée par terre.
01:03:54 Et il m'a simplement dit
01:03:56 "Vos grands-parents vont venir vous chercher."
01:03:58 Le temps qu'ils viennent me chercher, il y avait 15 minutes,
01:04:01 donc je suis restée chez moi à tourner en rond, à pleurer, à crier.
01:04:05 Mais je suis toujours... C'est un film.
01:04:07 C'est un film et je me dis... Je me réveille.
01:04:10 Et je suis allée dans une autre chambre de l'appartement
01:04:13 pour...
01:04:14 Je me suis roulée en boule sur un tapis
01:04:17 et je... Je me suis mise à pleurer.
01:04:20 Parce que je me réveillais pas.
01:04:22 En fait, ce qui s'est passé, c'est qu'il avait un laguiole pliable
01:04:31 dans la veste de sa polaire.
01:04:33 Il a découvert la gorge de notre maman
01:04:35 et il l'a poignardée à sept reprises dans la gorge.
01:04:48 C'est pas comme quand un parent meurt et qu'il y a l'autre qui reste là,
01:04:51 qui peut toujours contrebalancer, qui peut aider.
01:04:54 Là, c'est la fin de tout.
01:04:56 J'ai beaucoup de personnes de mon entourage qui ont pas compris.
01:04:59 "C'est bon, Fanny, ta mère est morte. Tourne la page, passe à autre chose.
01:05:03 "Ça fait trois mois que t'en parles, tu chiales tout le temps."
01:05:06 J'ai pas perdu que ma maman, ce jour-là.
01:05:09 J'ai perdu ma maman, j'ai perdu mon papa, j'ai perdu ma famille.
01:05:12 Parce que toute la famille a explosé, j'ai perdu ma maison.
01:05:16 La maison que mes parents avaient construite pour notre famille,
01:05:19 j'ai même pas eu une assistante sociale, rien.
01:05:23 La vente de la maison, les notaires, les assurances, les mutuels...
01:05:27 Il y a aussi le nettoyage de la scène de crime,
01:05:30 qui n'est jamais pris en compte.
01:05:32 -On est dans un pays où c'est aux familles de nettoyer les scènes.
01:05:36 Souvent, ces enfants-là, ils viennent de perdre leur maman,
01:05:39 leur papa est en prison,
01:05:41 l'autorité parentale n'est pas retirée de façon systématique
01:05:45 et leur papa peut continuer à leur nuire de la prison.
01:05:49 Il peut les empêcher de voir un psy,
01:05:53 il peut les empêcher de changer d'école,
01:05:55 il peut les empêcher d'être heureux et de se reconstruire
01:06:00 en exigeant de les voir,
01:06:01 en exigeant tout un tas de choses qui leur portent préjudice,
01:06:06 en plus de ce qui leur a imposé de deuil.
01:06:08 -Je pense que le papa qui m'a élevé, en qui j'avais confiance,
01:06:15 qui a été le premier homme de ma vie, il n'est plus là.
01:06:18 Celui qui est en prison, je ne lui veux ni du bien ni du mal,
01:06:22 je ne suis pas quelqu'un de foncièrement méchant,
01:06:25 je ne peux pas nier qu'il a été un super papa pendant 20 ans,
01:06:28 mais je veux qu'il me foute la paix.
01:06:31 Musique sombre
01:06:33 ...
01:06:38 -Nous n'arrivons pas à dire que la famille,
01:06:41 c'est le lieu de toutes les pathologies,
01:06:43 parce que c'est dans la famille que l'on viole,
01:06:46 que l'on tue, que l'on maltraite.
01:06:49 Je le dis depuis 30 ans.
01:06:51 Depuis 30 ans, je vois régulièrement
01:06:54 les ministres de la Justice, les conseillers,
01:06:57 les députés, les sénateurs, je leur explique tout ça.
01:07:01 On est verrouillés à la présomption d'innocence.
01:07:05 Il y a un grand malentendu.
01:07:07 La présomption d'innocence ne doit pas être un verrou
01:07:10 pour les femmes.
01:07:12 Cela ne signifie pas que les femmes doivent se taire
01:07:16 et cela ne signifie pas que c'est faux, ce qu'elles expriment.
01:07:19 Cela signifie tout simplement
01:07:22 que le procureur de la République et le juge
01:07:25 doivent examiner chacune des preuves
01:07:29 qui sont dans le dossier
01:07:31 et qu'à la suite de cette analyse-là,
01:07:33 s'il y a effectivement un doute, le doute profite à l'accusé.
01:07:38 Par conséquent, jusqu'à il y a peu de temps,
01:07:41 ça vient de changer,
01:07:42 les audios n'étaient pas acceptés
01:07:45 ou filmés grâce au téléphone portable
01:07:48 n'étaient pas acceptés par les juridictions.
01:07:51 Depuis le 23 décembre 2023,
01:07:55 on peut désormais produire
01:07:58 ces enregistrements.
01:08:00 Heureusement.
01:08:02 Encore faut-il que la victime,
01:08:04 alors même qu'elle a peur de mourir,
01:08:07 qu'elle ait la possibilité, la capacité,
01:08:09 puisqu'elle est en plein stress dramatique,
01:08:11 de pouvoir prendre son téléphone,
01:08:13 l'avoir sous la main et enregistrer.
01:08:17 Cri de bébé
01:08:20 ...
01:08:22 -Arrête de nous faire chier.
01:08:24 Tout va bien quand t'es pas là, Sarah.
01:08:26 Moi, j'essaye de pas t'attraper par la peau du cul
01:08:30 et de te foutre dehors.
01:08:31 -On se couche, on dormira pas de la nuit.
01:08:34 -Je vais pas me raconter.
01:08:35 -On dormira pas de la nuit.
01:08:37 -Je vais pas me raconter.
01:08:38 -Tu es gentille avec moi.
01:08:40 -J'ai 45 minutes.
01:08:41 -Tu es gentille avec moi.
01:08:43 Arrête de me taper cette merde.
01:08:45 -J'ai 45 minutes.
01:08:47 -Non, ça n'est pas vrai.
01:08:48 Ca n'est pas vrai. Ca n'est pas vrai.
01:08:51 Ca n'est pas vrai.
01:08:52 Arrête de mentir, OK ?
01:08:54 Je te demande seulement d'être gentille.
01:08:57 -Les hommes violents, ce sont des terroristes de l'intime.
01:09:01 Donc, il faut une protection au temps réel.
01:09:04 Ces femmes-là sont tuées parce qu'il n'y a pas de protection
01:09:08 en temps réel.
01:09:09 Elles sont tuées entre le moment de la plainte
01:09:12 et le moment où il va être jugé.
01:09:14 C'est que c'est hallucinant
01:09:16 le nombre de femmes mortes qui avaient porté plainte
01:09:20 alors qu'elles avaient alerté et demandé de l'aide.
01:09:23 Et ça, c'est pas possible.
01:09:25 Alors, pourquoi ne pas administrer dès la plainte
01:09:28 un bracelet anti-rapprochement ?
01:09:30 Puisque, de toute façon, avec un bracelet anti-rapprochement,
01:09:34 un homme va pouvoir faire ce qu'il veut de sa vie,
01:09:37 sauf rencontrer madame.
01:09:38 On a 220 000 femmes, 223 000 femmes victimes de violence,
01:09:42 et il y a, devinez,
01:09:45 entre 1 000 et 3 000 bracelets anti-rapprochement.
01:09:51 Il en faudrait 100 fois plus.
01:09:54 Il faut savoir que le juge aux affaires familiales
01:09:58 doit demander l'autorisation de l'agresseur du mis en cause
01:10:02 pour pouvoir lui faire porter le bracelet anti-rapprochement.
01:10:06 Est-ce que cet homme-là a demandé l'autorisation
01:10:10 pour taper, violer sa femme devant ses enfants ou ses enfants ?
01:10:15 Non.
01:10:19 Protéger, ce n'est pas condamner.
01:10:23 Protéger, ce n'est pas tout interdire.
01:10:27 C'est juste interdire ce lien
01:10:29 qui a fait que l'homme ait passé à l'acte.
01:10:33 Chaque citoyenne a le droit de vie en France.
01:10:43 C'est ce que dit la Cour européenne des droits de l'homme.
01:10:46 Là, l'État ne protège pas le droit à la vie
01:10:49 des femmes victimes de violence.
01:10:51 J'ai donc assigné,
01:10:55 voyant le tel déni de justice, l'État,
01:10:58 de non-assistance à personne en danger.
01:11:02 Et l'État a été condamné.
01:11:04 C'est un acte extrêmement fort.
01:11:08 Donc, ça permet aussi de faire évoluer le droit.
01:11:13 ...
01:11:29 Pour moi, la solution,
01:11:30 c'est que la société devienne la solution.
01:11:34 Ca veut dire que chacun doit oeuvrer.
01:11:38 A son niveau, les politiques, les entreprises,
01:11:41 la société civile et bien sûr les artistes.
01:11:44 ...
01:11:51 -Tout est parti. C'est un article de presse
01:11:54 sur lequel je suis tombée en 2017 sur le meurtre d'une jeune femme.
01:11:58 Et à un moment, l'article mentionnait l'arme du crime,
01:12:01 qui se trouve être un cutter, un petit cutter comme ça.
01:12:05 Et moi, il se trouve que le cutter, c'est un objet très familier pour moi
01:12:09 parce que j'ai une formation d'architecte.
01:12:11 Et le fait que ce détail soit mentionné,
01:12:14 ça m'a fait basculer dans la réalité de ce qui s'était passé.
01:12:18 C'est-à-dire que d'un coup, j'ai visualisé l'horreur
01:12:21 de ce qui avait eu lieu.
01:12:23 C'est-à-dire le mec qui a son cutter
01:12:25 et qui vient avec cet outil assez lambda
01:12:29 assassiner une jeune femme qui était la mère de ses enfants.
01:12:32 Une histoire terrible.
01:12:33 Et je me suis dit que c'est peut-être le trait d'union que je cherche.
01:12:37 La chose qui peut nous permettre de passer de quelque chose qui ne nous touche
01:12:41 à quelque chose qui ne nous touche pas.
01:12:43 Et donc, j'ai commencé à faire des recherches approfondies.
01:12:47 J'ai dû lire à peu près 700 articles de presse.
01:12:51 Et j'ai choisi de m'arrêter sur les objets du quotidien
01:12:54 qui sont détournés en arme de crime.
01:13:07 Le but de ce travail-là, c'est de faire en sorte
01:13:09 que les personnes qui regardent les images se sentent concernées.
01:13:12 À mon sens, il n'y a vraiment que par l'empathie,
01:13:15 par le fait de se sentir, de se mettre à la place des autres,
01:13:18 d'être en capacité de se penser dans une vie qui n'est pas la sienne.
01:13:22 Il n'y a quasiment que ça, en fait,
01:13:25 qui peut faire avoir un pouvoir d'action sur ces histoires.
01:13:27 Ça génère une libération de la parole.
01:13:29 J'ai beaucoup de témoignages dans des vernissages,
01:13:33 notamment quand je suis présente sur une exposition.
01:13:36 Je reçois des retours de personnes qui viennent me faire part
01:13:38 de pourquoi cette série les touche.
01:13:40 Soit ça les touche directement, soit ça touche leur famille.
01:13:43 C'est ça qui est intéressant, c'est que ça fonctionne plutôt bien.
01:14:05 Il va falloir que les médias arrêtent de parler de crimes passionnels,
01:14:09 de dérapages, de coups de folie,
01:14:12 comme si un excès d'amour justifiait,
01:14:15 voire permettait de pardonner un meurtre.
01:14:19 Parce que derrière, c'est invisibiliser les victimes
01:14:22 et la gravité des faits.
01:14:23 Parce que, justement, il y a un mot qui sert à ça,
01:14:26 et c'est "féminicide".
01:14:28 Ça a un sens.
01:14:29 C'est tuer une femme parce qu'elle est femme.
01:14:31 Il y en a qui se battent pour ça, il y en a qui traquent, justement,
01:14:35 les mots qui nourrissent les drames.
01:14:38 Je pense à Rose Lamy.
01:14:39 Moi, je suis très intéressée par les faits divers,
01:14:42 et donc j'ai commencé avec ça.
01:14:43 Et j'ai été vraiment toujours ahortée par la manière
01:14:46 dont on ironise ou dont on s'amuse de violences conjugales,
01:14:50 et parfois de féminicides.
01:14:52 J'en ai en tête, qui est très connue,
01:14:54 c'est "Ivre, il frappe sa femme pour des grumeaux dans la pâte à crêpes".
01:14:58 Mais il y a des exemples où elles se font tuer ou frapper
01:15:01 parce qu'elles ronflent ou parce qu'elles ne font pas les mots croisés
01:15:04 comme il faut.
01:15:05 Ce que je reproche aux médias,
01:15:17 c'est de tourner ça en dérision comme si c'était drôle,
01:15:20 et aussi de présenter les motivations de ces hommes-là
01:15:23 comme des motifs valables.
01:15:25 Il n'y a pas de justification à la violence, au gifle ou au coup.
01:15:28 C'est interdit par la loi.
01:15:29 Point final, à partir du moment où ça se produit,
01:15:31 on ne doit pas essayer de l'expliquer ou de le minimiser.
01:15:34 Et ça, c'est des mécanismes qu'on voit encore trop souvent.
01:15:39 Si on présentait les violences intrafamiliales
01:15:41 et les féminicides pour ce qu'ils sont,
01:15:44 ça deviendrait insupportable, tous les trois jours,
01:15:46 de lire la même chose et on prendrait peut-être
01:15:48 un peu plus conscience du problème.
01:15:49 Sauf que là, on va nous les raconter
01:15:50 comme des petites histoires un peu amusantes,
01:15:52 et du coup, on les oublie d'un jour à l'autre
01:15:54 et on oublie qu'il y en a deux à trois par semaine en France.
01:15:57 Et j'ai une autre statistique que j'aime bien partager
01:16:00 parce que je la trouvais différente,
01:16:01 mais 45 interventions de la police par heure
01:16:05 pour violences intrafamiliales,
01:16:06 c'est presque une par minute,
01:16:09 et c'est un des premiers motifs d'intervention du GIGN,
01:16:11 d'aller sauver des otages, donc des enfants et des femmes,
01:16:14 prises en otage par des bons pères de famille.
01:16:17 Et là, on est dans un champ lexical du terrorisme, quasiment,
01:16:21 parce qu'on parle du GIGN et d'intervention de la police
01:16:23 pour des séquestrations.
01:16:25 Et je trouve que ces statistiques-là
01:16:28 ne reflètent pas la manière dont on va en parler dans les médias.
01:16:30 On va plutôt dire que c'est une histoire individuelle,
01:16:32 elle l'avait bien cherchée, c'est des histoires de couple,
01:16:34 alors que non, on voit bien que c'est une machine qui est à l'oeuvre
01:16:37 et qui ne s'arrêtera pas si on ne décide pas de la regarder en face.
01:16:41 -Madame, monsieur, bonjour.
01:16:44 Avant de développer ces titres,
01:16:45 cette nouvelle, Marie Trintignant, est morte.
01:16:48 Les médecins ont fait état de traces de coups violents
01:16:51 portés à son visage.
01:16:53 Pour la mère de l'actrice, il s'agit d'un crime.
01:16:56 Pour le chanteur, Bertrand Cantat, présumé coupable,
01:16:58 c'est un accident.
01:16:59 -Moi, je suis fan de Noir Désir à l'époque.
01:17:04 Je viens de le voir aux Énigmes d'Orléans,
01:17:06 j'ai adoré.
01:17:07 Ma sœur m'avait donné sa place en disant qu'elle irait plus tard.
01:17:11 Et ma première pensée, c'est de me dire,
01:17:13 mince, ma sœur ne pourra plus les voir en concert.
01:17:15 Donc moi, j'ai complètement adhéré
01:17:17 au discours de l'artiste maudit.
01:17:20 Et je n'ai pas pensé à elle au début, en fait,
01:17:22 comme tout le monde.
01:17:23 Et puis après, il y a eu le traitement médiatique qu'on connaît,
01:17:26 qui était vraiment terrible,
01:17:28 qui la culpabilisait, elle,
01:17:30 qui disait qu'elle était responsable de sa propre mort, en gros.
01:17:33 Et là, j'ai compris qu'il y avait quelque chose qui tournait pas rond.
01:17:36 Et en fait, moi, ce qui me heurte,
01:17:45 c'est qu'il y a 19 impacts de coups
01:17:48 et on sait que son crâne a été enfoncé.
01:17:51 Et dans l'imaginaire collectif,
01:17:53 le traitement médiatique a créé une histoire,
01:17:55 une narration où c'est un accident.
01:17:58 Donc c'était vraiment indécent.
01:18:01 On l'a attaqué sur son mode de vie,
01:18:03 qu'elle avait des enfants de pères différents.
01:18:05 On a dit qu'elle était droguée, qu'elle avait bu, alors que lui aussi.
01:18:08 Mais pour lui, c'était atténuant comme circonstance,
01:18:11 puis elle, c'était aggravant.
01:18:12 Plein de choses comme ça
01:18:14 qui, je pense, ont marqué la mémoire collective, quand même.
01:18:17 Et puis il y a aussi toute une narration qui voudrait
01:18:19 que les hommes violents, ce ne soient jamais
01:18:21 des bons pères de famille, que ce soit toujours l'autre.
01:18:24 Alors l'autre, c'est le fou, le marginal,
01:18:27 le rôdeur de parking, le tueur de joggeuse,
01:18:30 l'étranger ou le pauvre,
01:18:32 un peu de la rubrique des faits divers,
01:18:34 alors qu'en fait, ça peut potentiellement être tous les hommes
01:18:37 et dans toutes les catégories sociales.
01:18:39 Je ne crois pas
01:18:41 que les monstres existent, en fait.
01:18:44 (musique angoissante)
01:18:46 De la même façon qu'il n'y a pas de stéréotype
01:18:54 de victime de violence, il n'y a pas de stéréotype de bourreau.
01:18:58 Le père de ma fille, il est grand, beau,
01:19:01 très cultivé, il est drôle.
01:19:04 Moi, je ne suis pas tombée amoureuse d'un monstre.
01:19:08 Il est lui aussi le résultat d'une histoire.
01:19:14 Et pour venir à bout de ce fléau,
01:19:17 il faut comprendre ce qui se passe chez les hommes violents,
01:19:21 pourquoi ils deviennent violents.
01:19:23 (musique angoissante)
01:19:25 -Damien, qui est un jeune homme de trentaine d'années,
01:19:32 qui est emprisonné pour assassinat sur sa conjointe.
01:19:35 Thomas, qui avait 38 ans quand je l'ai rencontré,
01:19:40 qui, lui, a été incarcéré, pas pour meurtre,
01:19:42 mais pour violence, actes de barbarie, torture,
01:19:45 sur son ex-compagne.
01:19:46 Eric, qui avait 50 ans,
01:19:50 qui était emprisonné
01:19:52 pour homicide sur sa conjointe.
01:19:56 (musique angoissante)
01:19:59 Ce sont des gens tout à fait ordinaires
01:20:08 qui avaient une famille, un boulot, des amis,
01:20:11 qui étaient complètement insérés dans la société
01:20:13 et qui, pourtant, en demeurant, ont été capables
01:20:15 de ces actes monstrueux.
01:20:17 Et pour moi, c'était vraiment important de les représenter,
01:20:20 parce qu'en fait, c'est monsieur tout le monde.
01:20:23 Moi, je ne connaissais pas du coup
01:20:25 ni ce qu'ils avaient fait exactement, ni leur visage,
01:20:29 quand je les attendais dans le parloir avant qu'ils arrivent.
01:20:31 Et à chaque personne qui est rentrée, à chaque fois,
01:20:33 je suis restée sur ma chaise,
01:20:36 à les regarder et à me dire "Mais qu'est-ce qu'il fait, là, lui ?"
01:20:39 Et je me suis retrouvée face à des gens
01:20:41 qui étaient vraiment dans toute cette complexité de l'humain,
01:20:44 c'est-à-dire des gens qui étaient très humains,
01:20:46 sympathiques des fois, drôles des fois,
01:20:48 à l'opposé de ce qu'on pourrait s'imaginer
01:20:50 quand on pense aux meurtriers,
01:20:55 aux criminels ou à l'assassin.
01:20:56 Vraiment, c'était quelque chose d'assez sidérant.
01:20:59 Et c'était vraiment important, encore une fois,
01:21:02 de travailler sur l'imaginaire,
01:21:03 c'est-à-dire de ne pas les montrer de face,
01:21:05 mais les montrer de trois quarts dos,
01:21:08 avec assez de détails qui suggèrent qui ils pourraient être,
01:21:10 sans qu'on sache vraiment qui ils sont.
01:21:12 On va se dire "Ah bah tiens,
01:21:14 lui il ressemble quand même pas mal à mon voisin,
01:21:16 il ressemble un peu à mon père,
01:21:18 il me fait penser à un pote."
01:21:20 Quand, disons,
01:21:25 le mouvement #MeToo a pris de l'ampleur aux États-Unis,
01:21:28 qu'il est arrivé en Europe,
01:21:29 c'est à ce moment-là que je décide d'intégrer un groupe de paroles
01:21:33 d'hommes auteurs de violences conjugales,
01:21:35 ils sortent tous, quasiment tous, de prison,
01:21:37 avec l'idée que peut-être cette confrontation
01:21:40 à la parole des uns et à la parole des autres
01:21:42 leur frapperont de conscience individuellement
01:21:44 ce qu'ils ont fait est grave,
01:21:47 et qu'il ne faut surtout pas récidiver.
01:21:49 J'imaginais le dispositif qu'on peut trouver
01:21:51 chez les alcooliques anonymes, en fait,
01:21:52 avec des mecs qui vont dire "Bonjour,
01:21:55 j'ai 35 ans, je m'appelle Mathieu,
01:21:57 si je suis là, c'est parce que je frappe ma femme."
01:22:00 Et cette phrase-là, "je frappe ma femme",
01:22:02 je réalise que je ne l'ai jamais entendue.
01:22:04 C'est hyper flippant, et en même temps,
01:22:07 ce n'est pas très étonnant.
01:22:09 La figure, disons, dominante
01:22:12 de l'homme hétérosexuel,
01:22:14 qui est plus ou moins celle que,
01:22:16 en tant qu'enfant et adolescent,
01:22:17 on va suivre en se disant "Voilà,
01:22:19 pour devenir un homme,
01:22:20 il y a un certain nombre d'étapes à suivre",
01:22:23 elle est assez caricaturale,
01:22:24 et elle n'est pas très complexe.
01:22:26 C'est jamais quelqu'un
01:22:29 qui se met à table pour parler.
01:22:31 C'est toujours quelqu'un qui est
01:22:34 dans une sorte de boule de nervosité
01:22:37 qui est associé à une espèce d'handicapé
01:22:39 des sentiments, où il faut tout garder en soi,
01:22:41 ne rien montrer.
01:22:43 Il n'y a presque que la colère
01:22:45 qui est autorisée.
01:22:46 C'est quand même aussi des modèles
01:22:48 de masculinité hégémonique
01:22:50 qui ont été encouragés pendant des années.
01:22:52 Des mecs comme Stallone, Schwarzenegger,
01:22:54 John Wayne, avant,
01:22:56 c'est des gars qui ont systématiquement
01:22:59 réglé leurs problèmes par la violence.
01:23:01 Je ne dis pas qu'on est bêtes et méchants
01:23:04 à reproduire ce qu'on voit à la télé
01:23:06 ou au cinéma,
01:23:07 mais ce sont des modèles
01:23:09 qui, de manière insidieuse,
01:23:12 rentrent dans nos représentations,
01:23:14 dans nos comportements,
01:23:16 sachant que, quand on regarde,
01:23:18 encore une fois, et qu'on ouvre les dossiers,
01:23:19 et qu'on regarde qui ont été ces petits garçons
01:23:21 avant de devenir ces hommes,
01:23:23 on voit qu'eux aussi se sont fait frapper,
01:23:26 dans l'immense majorité des cas.
01:23:29 Aujourd'hui, on sait que 30 % des enfants
01:23:33 qui ont assisté à de la violence sans suivi,
01:23:36 par la suite, deviendront plus tard victimes.
01:23:39 30 % deviendront bourreaux.
01:23:41 Et 30 % seront ce qu'on appelle résilients.
01:23:45 Ça veut dire qu'ils ne se définiront pas
01:23:47 par rapport à la violence.
01:23:48 Et donc, pour résoudre et empêcher
01:23:51 les prochains féminicides,
01:23:53 il faut lutter à la racine
01:23:57 sur les représentations du masculin et du féminin.
01:24:01 Et ça, ça se fait dans les écoles,
01:24:03 les collèges, les lycées.
01:24:25 -Coralie a fait une hémorragie interne.
01:24:28 Son compagnon, le père de son petit garçon,
01:24:32 l'a frappé avec un marteau un soir.
01:24:35 C'était le premier procès auquel j'ai assisté dans ma vie.
01:24:39 Et lorsque les enquêteurs ont raconté
01:24:42 ce qu'ils avaient trouvé,
01:24:43 ils ont projeté au mur des SMS
01:24:46 que recevait Coralie durant les disputes.
01:24:49 Et là, je me suis rendue compte que je recevais les mêmes.
01:24:53 Et ensuite, ils ont montré les résultats
01:24:55 d'enquêtes de violence physique,
01:24:57 et en fait, on avait eu la même fracture à la même main.
01:25:00 Je me suis dit...
01:25:02 En fait, je ne suis pas folle.
01:25:04 C'est pas parce qu'il n'y avait pas d'intention de tuer
01:25:09 que ça ne peut pas arriver.
01:25:11 Et avec Anaïs, la sœur de Coralie,
01:25:16 du coup, on est restés assez liés.
01:25:18 Je lui ai promis que ça servirait à quelque chose.
01:25:22 ...
01:25:30 -Bonjour.
01:25:31 -Bonjour.
01:25:33 -J'aurais pas imaginé un jour être ici en tant que sœur de victime.
01:25:37 Donc c'est important pour moi aujourd'hui,
01:25:40 même si c'est difficile.
01:25:41 Que vous compreniez que les violences conjugales,
01:25:49 c'est bien plus que ce qu'on imagine au plus simple,
01:25:52 c'est-à-dire les violences physiques et éventuellement verbales,
01:25:55 mais qui sont peut-être les plus dangereuses,
01:25:58 car elles peuvent être fatales.
01:26:00 -Les violences conjugales, ce n'est pas une affaire de fille.
01:26:03 C'est à la fois une affaire de fille et de garçon.
01:26:08 Et c'est là que c'est très important de faire le lien
01:26:11 avec ce qu'on vous a déjà probablement raconté
01:26:13 du harcèlement scolaire et des autres formes de violence
01:26:17 que, déjà à votre âge, on reçoit.
01:26:19 Moi, par exemple, je vais reprendre mon parcours.
01:26:23 À votre âge, j'étais une jeune fille
01:26:27 au physique très ingrat,
01:26:29 dans le sens où j'étais en force sur poids,
01:26:31 j'avais des boutons partout, des lunettes, des bagues,
01:26:34 et que beaucoup de garçons s'étaient moquées de moi
01:26:37 en me disant que jamais personne tomberait amoureux de moi.
01:26:40 Et donc, alors, aujourd'hui,
01:26:42 on appelle ça une forme de harcèlement scolaire.
01:26:46 Sauf que dans ma tête,
01:26:48 tout ça, ça avait créé une cicatrice.
01:26:51 Et du coup, quand j'ai grandi,
01:26:53 j'étais prête à accepter n'importe quelle situation
01:26:57 pour être aimée.
01:26:59 Parce que j'étais tellement convaincue que je méritais pas ça
01:27:04 que j'étais prête à remercier n'importe quel homme
01:27:07 de bien vouloir m'aimer,
01:27:09 même si ça me faisait mal.
01:27:12 -Je voulais vous poser une question.
01:27:14 Est-ce que l'homme qui vous a fait du mal,
01:27:16 c'était, si c'est pas indiscret, votre premier homme,
01:27:19 et du coup, vous avez voulu direct le prendre
01:27:21 parce que vous vous êtes dit, pour une fois, quelqu'un d'aimé ?
01:27:25 -C'était pas mon premier, mais j'avais pas eu de bol
01:27:28 avec ceux d'avant non plus,
01:27:29 alors ça avait pas amélioré les choses.
01:27:33 C'est parce que ça n'avait pas marché avec les précédents
01:27:36 que petit à petit, j'avais continué de penser
01:27:39 que justement, à l'amour de moi, c'était pas possible.
01:27:42 "S'il vous plaît, faites que quelqu'un m'aime,
01:27:44 "lui, d'accord, c'est bon."
01:27:46 Et là, ça a été la fin.
01:27:47 -C'est passé quoi avec...
01:27:49 Du coup, Marie, il a été en prison.
01:27:53 -Tu vas être un peu déçue de la justice en France.
01:27:55 Je suis allée au commissariat, j'ai porté plainte,
01:27:59 et lui, en fait, il a très mal vécu que je m'en aille.
01:28:02 Il est devenu un peu fou.
01:28:04 Il a été en hôpital psychiatrique,
01:28:06 et qu'en France, lorsque tu es suivi,
01:28:08 c'est plus important que la police, en fait,
01:28:12 donc il a eu un simple, ce qu'on appelle "rappel à la loi".
01:28:15 On lui a dit "c'est pas bien ce que vous faites,
01:28:17 "la loi est contre."
01:28:19 Et puis, tant qu'il prend, en fait, son traitement
01:28:22 et qu'il est suivi,
01:28:23 il n'a pas d'autres obligations.
01:28:27 Musique sombre
01:28:30 ...
01:28:42 -Aaah !
01:28:45 ...
01:29:08 -Avec l'UNFF, généralement, chaque manif du 25 novembre,
01:29:12 c'est un an de travail.
01:29:14 C'est la journée officielle de lutte
01:29:16 contre les violences faites aux femmes.
01:29:18 Cette année, on a essayé de frapper très fort.
01:29:21 -Toi, t'es un homme, toi.
01:29:22 Tu fais le dur, tu fais le beau, t'es pas un homme, toi.
01:29:26 Sans demi-mesure, toujours trop dégoût.
01:29:28 T'es un homme, toi.
01:29:29 T'as rendu azur le teint de ma peau,
01:29:31 mais t'es pas un homme, toi.
01:29:33 L'amour finit toujours par briser les os.
01:29:35 Pas besoin de subir la violence pour reconnaître ses méfaits.
01:29:38 En quelle année tu me cognes en silence ?
01:29:41 L'origine du mal est ton essence.
01:29:43 C'est moi qui suis venue la titiller.
01:29:45 Que tu te passerais bien de ma présence,
01:29:47 mais tu m'aimes à m'en crever.
01:29:49 La tête pleine de doutes, ce soir, j'ai la gorge nouée.
01:29:52 J'en ai plus rien à foutre, je dois m'en aller, quitte à crever.
01:29:55 -C'est pas des porte-cartes, c'est pas des chiffres.
01:29:58 Ce sont nos étoiles, nos soeurs, nos amis, nos mères, nos cousines.
01:30:02 -La tête pleine de doutes, ce soir, j'ai la gorge nouée.
01:30:05 J'en ai plus rien à foutre, je dois m'en aller, quitte à crever.
01:30:09 -Aujourd'hui, il y en a une qui est décédée,
01:30:11 des mains de son conjoint.
01:30:13 Ca s'arrêtera jamais.
01:30:14 Je suis très, très en colère.
01:30:16 Quand je vois toutes ces porte-cartes,
01:30:18 ça me met en colère, mais par contre,
01:30:21 il y a une chose qui est sûre,
01:30:22 jamais on se découragera, jamais.
01:30:24 -Ce soir, faut à tout prix que je me taille.
01:30:27 J'ai plus la force de me faire humilier.
01:30:29 A quoi bon aller voir ces canailles ?
01:30:32 Des plaintes, j'en ai déjà déposées.
01:30:34 Ils m'ont dit "c'est rien, rentre au Bercail".
01:30:37 ...
01:30:39 Coup de feu
01:30:40 ...
01:30:43 Musique douce
01:30:45 ...
01:31:00 -C'est très différent de se souvenir tout seul
01:31:02 de nos mortes dans nos coins
01:31:04 et puis s'en souvenir ensemble.
01:31:06 ...
01:31:30 -C'est pour les victimes que j'avance.
01:31:33 Pour moi, elles sont toujours là
01:31:35 et j'espère qu'à partir de maintenant,
01:31:37 pour tout le monde, elles seront aussi vivantes.
01:31:40 ...
01:31:48 -Pas trop vite, tannos !
01:31:51 Tannos, pas trop vite !
01:31:53 ...
01:32:17 ...
01:32:25 -La seule façon pour moi de vivre en paix,
01:32:28 c'est d'agir,
01:32:29 c'est de faire en sorte d'apporter ma petite contribution
01:32:32 pour que les choses changent.
01:32:34 Si je le fais pas, je n'arrive pas à me regarder devant une glace.
01:32:37 J'ai besoin que quand ma fille aura 10 ans, 11 ans, 12 ans,
01:32:41 14 ans, 16 ans, et qu'elle comprendra,
01:32:44 qu'elle regardera ma vie avec un autre recul,
01:32:46 j'ai besoin qu'elle dise
01:32:48 "ma mère a merdé à tel niveau,
01:32:49 "mais en même temps, elle a fait en sorte que ça change."
01:32:53 ...
01:33:23 ...
01:33:51 [Bruit de moteur]

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