• il y a 8 mois
"L’ennemi véritable des Etats-Unis est la Chine. La crise en Ukraine n’est qu’un échauffement, la grande guerre arrive". Cette citation de Charles A. Richard, ancien amiral de l'US Navy, conforte l'idée selon laquelle les stratèges américains et chinois mettent l'hypothèse d'une guerre au centre de leur travaux. L'Ukraine n'étant plus qu'un boulet pour Washington qui ne sait plus comment s'en dépêtrer, en témoigne les 60 milliards $ d'aides finalement bloqués par le Congrès. Comment le conflit économique sino-américain déjà en cours peut-il déraper en conflit militaire ? Le journaliste Laurent Artur du Plessis, qui publie "Au cœur de la 3ème guerre mondiale", répond à cette question cruciale dans "Politique & Eco" et revient sur tous les foyers de tensions susceptibles de mener à un conflit global : de la guerre israélo-palestinienne à la rébellion saoudienne contre l'Oncle Sam, en passant par les dérives du système financier international.

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Transcription
00:00 (Générique)
00:17 Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de politique et économie en compagnie de notre invité cette semaine, Laurent-Arthur Duplessis. Bonjour monsieur.
00:26 Bonjour Pierre.
00:27 Laurent-Arthur Duplessis, vous êtes ancien journaliste au Figaro, vous êtes l'auteur de nombreux essais.
00:34 La Troisième Guerre mondiale a commencé, c'était en 2002, la publication de "La crise à la guerre" publiée en 2011,
00:44 ou encore "Erdogan ou la haine de l'Occident" publication en 2021, le dernier ouvrage en date.
00:50 Le voici, nous allons en parler ensemble dans un instant, au cœur de la Troisième Guerre mondiale aux éditions Jean-Cyril Gaudefroy,
00:58 à retrouver, comme d'habitude, sur la boutique de TVL.
01:02 Et avant de commencer, je vous incite, comme d'habitude, à cliquer sur le pouce en l'air, à partager et à commenter un maximum cet entretien
01:09 pour un meilleur référencement de TVL sur Internet.
01:14 Commençons avec vous, Laurent-Arthur Duplessis, avec ce constat que vous dressez dès le début de votre ouvrage.
01:21 L'effondrement de l'Union soviétique avait semblé inaugurer une paix mondiale et éternelle, trois décennies plus tard,
01:30 que vous évoquent les déclarations du président Macron sur l'envoi éventuel de troupes au sol en Ukraine pour combattre la Russie
01:39 et celle du président Poutine, nouvellement réélu, brillamment réélu, agitant la menace nucléaire.
01:48 – Alors, effectivement, il y avait, après 1991, avec le best-seller "La fin de l'histoire" de Francis Fukuyama,
02:01 l'apothéose d'une idée née au XVIIIe siècle principalement, un petit peu avant déjà, mais surtout au XVIIIe siècle,
02:10 notamment sous la plume d'Emmanuel Kant, le philosophe, qui avait écrit en 1795 un livre intitulé "Vers la paix universelle".
02:22 Et cette idée était inspirée d'un ouvrage d'un prédécesseur, l'abbé de Saint-Pierre de 1713, sur le même thème.
02:31 Et Auguste Comte, au XIXe siècle, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avait beaucoup développé cette idée-là,
02:40 en installant le schéma que la rationalisation de la gestion économique donnerait la richesse à toute l'humanité
02:50 et abolirait toutes ces guerres, nées d'une pensée irrationnelle, déployée dès les premiers âges de l'humanité,
02:59 avec les mythes et la superstition religieuse, selon ses mots.
03:04 Et ensuite, dans un deuxième âge, avec le culte des institutions étatiques, mais destiné à s'opposer les uns aux autres.
03:12 Et le troisième âge, l'âge à venir, selon Auguste Comte, ce serait la gestion rationnelle des gens et des choses,
03:20 c'est-à-dire la richesse technocratique, c'est-à-dire en réalité l'idéologie des élites occidentales, en fait.
03:26 Elles sont comtistes, même si elles n'ont pas lu Auguste Comte. Elles sont comtistes.
03:30 Et voilà qu'on voit à nouveau surgir sur le continent eurasiatique des conflits entre États,
03:38 alors que depuis 91, l'idée, c'est qu'on aurait des conflits mineurs, opposant les États à des groupes terroristes,
03:47 à des hérédentismes tribaux, en quelque sorte, mais on n'aurait plus les affrontements interétatiques.
03:55 D'ailleurs, c'est comme ça que nos armées étaient devenues échantillonnaires, destinées à aller en Afrique, etc.
04:01 Mais on n'avait plus besoin, on pensait qu'on n'avait plus besoin de grandes colonnes de chars, de grandes flottes aériennes, etc.
04:10 Et la guerre et Créneau-Russe remet sur le devant de la scène les conflits interétatiques sur le continent eurasiatique.
04:18 Et alors Macron, qui est en difficulté en politique intérieure, qui est affronté à la révolte des paysans et bien d'autres révoltes,
04:27 essaye d'exister maintenant par la politique internationale en se posant en tête de proue,
04:34 chef de file de l'interventionnisme européen, puisqu'il a des ambitions, après son deuxième mandat,
04:42 d'être le Washington européen, celui qui va fédérer les États européens à l'image de la Fédération des États-Unis.
04:49 – Des ambitions d'ailleurs qui prennent l'avantage sur celles des Américains qui abandonnent un peu le terrain.
04:56 On sait que les Républicains bloquent au Congrès une enveloppe de 60 milliards de dollars à l'aide à l'Ukraine.
05:01 – Et ils s'engouffrent dans la brèche. Ils s'engouffrent dans la brèche, triomphant.
05:05 Son narcissisme se déploie dans une sorte d'état d'ivresse retrouvé, alors qu'avant il allait de désespoir en désespoir.
05:16 Et là, voilà, il est le champion de l'Europe, de la liberté et de la démocratie face aux méchants putides.
05:23 – Il part à sa place par ses collègues chefs d'État et de gouvernement européens qui ne voient pas tout à fait les choses comme lui.
05:31 – Et qui sont terrorisés par cet aventurisme macronien parce qu'il a déjà prépositionné,
05:39 en plus des troupes déjà positionnées en Roumanie, notamment, puisque la France, dans le cas de l'OTAN,
05:47 et plus spécialement, quoiqu'ayant aussi des forces du côté des Baltes, notamment des avions, etc.,
05:55 avait déjà des troupes en Roumanie, la France ayant plus précisément la responsabilité de la partie sud
06:03 de cette ligne de front, si on peut dire, avec les Russes.
06:08 Et il semblerait qu'il ait envoyé des troupes spéciales en Roumanie pour étoffer le dispositif
06:14 et qu'il serait prêt éventuellement à bondir sur Odessa pour faire…
06:19 – Oui, le Président a dit "je suis prêt à envoyer des mecs", comme il a dit,
06:23 c'est comme ça qu'il parle de l'armée française, "je suis prêt à envoyer des mecs sur Odessa".
06:27 – Voilà, exactement. Parce qu'il est clair que dans les milieux otaniens se développe l'idée
06:36 que l'armée ukrainienne va s'effondrer au printemps été prochain, elle est à bout de souffle,
06:46 la mobilisation en Ukraine ne se fait pas pour faire des rotations et apporter des troupes fraîches,
06:53 c'est extrêmement laborieux, les jeunes ukrainiens ont compris
06:56 qu'ils allaient se retrouver avec une jambe au moins,
07:00 et s'ils ne seraient pas morts, etc., ils ne veulent plus y aller.
07:04 Et l'armement est très insuffisant de plus en plus,
07:08 puisqu'il y a une pénurie d'obus phénoménales du côté ukrainien maintenant.
07:13 Alors le résultat, c'est qu'au printemps été, après la respojtica,
07:17 la saison des pluies et de la boue, les russes pourraient bien profiter de leur avantage
07:22 pour aller sur Odessa notamment, prendre ce port qui est le verrou économique de l'Ukraine,
07:28 et ainsi contrôler l'économie ukrainienne par son débouché portuaire.
07:33 Alors là évidemment, ils auraient l'Ukraine en son entier dans la main, si on peut dire,
07:39 et l'OTAN est désespéré à cette idée-là, Washington ne savent pas quoi faire,
07:44 Biden ne veut pas une guerre mondiale, mais enfin, il est quand même bien embêté.
07:50 – Parce que Donald Trump prépare son retour éventuel à la Maison Blanche,
07:55 donc est-ce qu'on peut penser que le président Biden
07:59 se presserait dans un conflit avant le retour de Trump ?
08:03 – Alors si ce n'est lui qui est quand même sénile, on le voit bien,
08:07 tout au moins son entourage de l'État profond,
08:10 notamment de néo-conservateurs fort excités,
08:14 qui pourraient pousser le vieillard sénile dans cette direction cet été,
08:19 ce n'est pas impossible, et en tout cas, il y a quelque chose qui n'est pas rassurant,
08:23 ce sont les déclarations alarmistes des dirigeants de l'OTAN,
08:29 qui disent que de toute façon, ils prétendent que de toute façon,
08:34 si la Russie gagne en Ukraine, la Russie va déferler sur l'Europe de l'Ouest, en gros.
08:39 – Vous croyez à cette théorie ?
08:41 – Non, Poutine n'a pas envie de déferler sur l'Europe de l'Ouest, pas du tout.
08:45 C'est une rhétorique qui, je crois, est destinée à mobiliser les opinions publiques européennes
08:53 pour les inciter à accepter l'idée
08:55 qu'il va falloir s'appliquer directement contre les Russes.
08:59 Les Américains, à ce moment-là, vont surtout utiliser le sang européen
09:04 comme ils utilisent actuellement le sang ukrainien.
09:06 Tant que c'est le sang des autres qui coule, ils sont partants,
09:11 et donc là, il y a un risque, disons.
09:13 – Et vous avez cette phrase, "la plupart des guerres naissent d'un accident,
09:17 pas besoin de la démence d'un dirigeant".
09:20 – Et notamment la guerre de 1914-1918 est exemplaire à ce sujet.
09:24 – C'était le jeu des alliances qui avait conduit au conflit.
09:27 Évoquons, si vous voulez bien, Laurent-Arthur Duplessis,
09:29 la destruction des gazoducs Nord Stream,
09:33 dont le sabotage en Europe est l'objet d'une omerta à peu près totale.
09:37 Vous citez à ce propos les travaux du journaliste d'investigation américain Seymour Hersh.
09:43 Il est titulaire du prix Pulitzer, donc ce n'est pas totalement n'importe qui,
09:47 et puis en plus il est américain.
09:49 Quelles sont les conclusions de son enquête ?
09:52 – Alors les conclusions de son enquête sont formelles,
09:55 et alors lui a 85 ans, mais il n'est pas sénile, contrairement à ce qu'on dit.
10:00 Elles sont formelles, ce sont les Américains et des…
10:05 d'une équipe de Norvégiens qui ont fait le sabotage.
10:10 Et de fait, il faut bien comprendre une chose, la Baltique c'est un lac Otania.
10:16 – Oui, il est totalement sous contrôle.
10:18 – Il y a des censeurs, il y a des capteurs partout.
10:21 – Et des satellites aussi.
10:23 – Et des satellites, c'est-à-dire que pratiquement la moindre embarcation
10:27 qui navigue sur la Baltique est aussitôt repérée par les capteurs otaniens.
10:32 Alors, une équipe, ou des équipes, qui vont provoquer à des profondeurs
10:40 de 80 mètres à 100 mètres dans une eau glaciale,
10:45 des explosions qui correspondent à plusieurs centaines de tonnes de TNT.
10:50 – Parce qu'il faut savoir qu'il y avait du béton,
10:53 une grosse couche de béton qui entourait le gazoduc lui-même.
10:56 – Oui, le gazoduc est composé d'une gaine d'acier de 8 mm d'épaisseur,
11:03 et pas n'importe quel acier.
11:05 – De Ceruse.
11:05 – Et serti dans une gaine de béton de 15 cm, et pas n'importe quel béton.
11:12 Et pour faire sauter ça, il a fallu utiliser des quantités de TNT gigantesques.
11:21 Il y a eu 4 explosions, il a fallu descendre à 80 mètres de fond
11:26 d'énormes quantités de TNT.
11:29 Pour ça, il faut des moyens logistiques, techniques, et des équipes formées
11:37 qui sont l'apanage de quelques grandes puissances,
11:40 les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie.
11:45 Alors les Norvégiens ont pas mal parce qu'ils ont de l'offshore pétrolier.
11:49 Bon, puis la Chine, mais la Chine est hors de cause, elle a d'autres choses à fouetter.
11:52 La Russie, c'est pas elle qui aurait saboté son propre gazoduc,
11:56 alors qu'il suffit de fermer le robinet,
11:58 et puis d'en faire un élément de négociation ensuite avec les Européens.
12:02 – Oui, tout ramène vers les États-Unis.
12:06 Et vous rappelez que c'est l'entourage du président Biden,
12:09 à savoir son secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Anthony Blinken,
12:15 Victoria Nuland, qui dans un message avait dit "Fuck Europe",
12:18 on emmerde l'Europe, et puis Jack Sullivan.
12:21 Et donc, vous rappelez aussi que l'OTAN a refusé d'enquêter sur le sabotage,
12:27 et qu'il y a bien eu une enquête allemande, de Danois et de Suédois,
12:31 mais qui à ce jour reste sans conclusion.
12:33 – Voilà, c'est-à-dire les Danois et Suédois ont conclu,
12:37 les Suédois récemment, à savoir qu'en gros ils ne savaient rien,
12:43 après tout ce temps-là ils ne savaient rien,
12:45 et les Suédois simplement disent "C'était pas contre nous",
12:49 mais on ne sait pas qui, ça c'est pas contre nous, enfin c'est grotesque.
12:53 Et figurez-vous que d'autre part les Russes ont demandé à l'ONU
12:58 de mobiliser une commission d'enquête internationale, impartiale,
13:04 et pas du tout téléguidée donc par les Russes.
13:06 Ça a été refusé, puisque le Conseil de sécurité,
13:09 les États-Unis, le Royaume-Uni etc. ont pas voulu.
13:12 C'est bien la preuve de ce problème.
13:16 Et d'ailleurs j'avais vu sur LCI le général Trinquant,
13:22 qui est un des grands experts invités sur LCI,
13:25 qui a avoué à un moment donné au fil d'une émission,
13:28 je le cite dans le livre avec la date et les références,
13:32 que même s'il savait que c'est les États-Unis qui auraient fait le coup,
13:36 il ne le dirait pas. C'est un aveu ça.
13:40 Il ne dit pas qu'ils l'ont fait le coup,
13:41 mais il dit que s'ils apprenaient que c'était eux, ils ne le diraient pas.
13:45 – De toute façon on avait entendu déjà lors d'une conférence de presse
13:47 le président Biden dire "nous serons en mesure,
13:51 si la Russie est entrée en Ukraine, de taper le gazoduc et de le réduire à néant".
13:56 – Et alors une journaliste avait dit "mais comment c'est possible,
13:59 puisque c'est sous le contrôle des Allemands notamment,
14:03 et de nous c'est les Allemands, ça arrive sur les côtes allemandes".
14:07 Vous inquiétez pas, on pourra le faire, a répondu Biden.
14:12 – Alors la première victime en Europe de la destruction de ce gazoduc,
14:16 ce sont les industriels allemands.
14:19 L'Allemagne connaît une récession,
14:21 quelles vont être les conséquences de cette récession
14:24 sur le reste de l'Europe, en France en particulier ?
14:26 – Hélas, un effet domino, puisqu'en effet les économies européennes
14:31 sont très troitement imbriquées les unes aux autres,
14:34 et notamment l'économie française,
14:36 40% de ses exportations sont en direction de l'Allemagne.
14:40 Donc le ralentissement, voire la récession même en termes techniques de l'Allemagne,
14:47 a un impact forcément sur nos exportations, nous les Français.
14:53 Donc c'est pas bon pour nous non plus.
14:55 Et d'autre part, l'augmentation des coûts d'énergie,
14:59 puisque les Européens sont de plus en plus obligés
15:02 de se tourner vers le gaz naturel liquéfié,
15:05 qui est beaucoup plus cher que le gaz naturel,
15:07 puisqu'il faut le refroidir par cryogénisation
15:11 à -163°C dans des usines particulières,
15:16 le charger sur des bateaux en direction de leur destination,
15:21 et ensuite le regazéifier dans des installations monumentales pharaoniques,
15:27 une fois arrivés à bon port.
15:29 – Est-ce qu'on est en train, nous la France, ou eux les Allemands,
15:31 de construire justement ces structures pharaoniques ?
15:35 – Mais à grand renfort d'investissements énormes,
15:39 et pour ensuite se fournir en un gaz beaucoup plus cher.
15:45 – 3-4 fois plus cher que le gaz russe.
15:46 – Exactement, et c'est ainsi qu'on voit des industriels allemands,
15:50 et pas des moindres, commencer à fermer des usines en Allemagne,
15:55 ou en réduire les effectifs,
15:57 et à ouvrir des usines aux États-Unis,
16:01 encouragées qu'elles sont, et par le prix du gaz,
16:05 3 fois moins cher en Amérique,
16:06 qui est du gaz de schiste produit sur place,
16:08 mais vendu moins cher sur place qu'il ne l'est à l'export,
16:11 et d'autre part incitées aussi par l'Inflation Act,
16:16 édicté par l'administration Biden il y a un peu moins de 3 ans,
16:21 et qui réduit énormément, qui donne des avantages fiscaux
16:25 et des subventions considérables aux industriels étrangers
16:28 qui veulent bien venir installer leurs usines sur le territoire américain.
16:31 Donc il y a une réindustrialisation de l'économie américaine,
16:35 qui se fait notamment au détriment de l'Europe.
16:37 Donc les États-Unis continuent à obtenir ce qu'ils recherchent,
16:41 c'est-à-dire à affaiblir le rival économique qu'est l'Europe,
16:47 et le sabotage de Nord Stream concourt à cet affaiblissement.
16:51 – Outre ce conflit en Ukraine que l'on voit éclater,
16:56 pourquoi l'idée d'un conflit mondial refait-elle surface aujourd'hui ?
17:01 – Alors, elle refait surface l'idée d'un conflit mondial
17:03 parce qu'il y a le jeu des alliances,
17:07 il y a le fait que les Américains ont jeté les Russes dans les bras des Chinois,
17:13 en empêchant les Russes de continuer à convoler en juste un os,
17:20 si je peux dire, avec les Européens.
17:23 La fameuse maison commune, vous savez,
17:26 dont parlait Mikhail Gorbachev quand il était au pouvoir,
17:30 la maison commune, c'était la maison commune
17:32 entre les Russes et les pays d'Europe,
17:34 avec une architecture de sécurité unissant les deux et l'OTAN, etc.
17:40 D'ailleurs, on oublie qu'au début,
17:43 Poutine, arrivant au pouvoir en 2000,
17:46 prône un rapprochement avec l'OTAN,
17:48 un partenariat avec l'OTAN, Russie-OTAN.
17:52 – Oui, c'était notamment le cas au moment du 11 septembre.
17:54 – Complètement, où il était le premier à apporter un soutien massif à Washington
17:58 et à mettre ça sur la table.
18:00 – Plusieurs fois, il a tendu la main,
18:01 même jusqu'avant le conflit officiel de février 2022,
18:08 je crois en décembre, il avait fait encore une proposition de pacte
18:12 pour la sécurité en Europe.
18:14 Et il n'a pas arrêté également de lancer des avertissements aux Américains,
18:20 à l'OTAN donc aux Américains,
18:22 au fil des élargissements successifs de l'OTAN à l'Est,
18:25 alors même que des témoins de l'époque,
18:29 comme Roland Dumas, etc., et des actes diplomatiques,
18:33 des documents diplomatiques attestent que James Baker,
18:37 au moment de lâcher du mur de Berlin, avait promis à Gorbatchev…
18:41 – Que l'Ukraine restera un État tampon.
18:43 – Et pas seulement, mais que l'OTAN ne s'élargirait pas à l'Est.
18:48 – Kissinger aussi, de son côté, vous le dites dans votre ouvrage,
18:50 avait été averti, la propre administration américaine, sur l'extension.
18:55 – Alors que pourtant Kissinger n'était pas un petit saint,
18:59 il est mort récemment à 100 ans, ce n'était pas un petit saint,
19:02 mais il disait "attention, danger" et il disait,
19:05 Kissinger, il appliquait la fameuse phrase de Bismarck,
19:09 "quand on est trois, il faut être l'un des deux".
19:12 Les trois, c'est les États-Unis, la Russie et la Chine.
19:17 Les États-Unis, et ça Kissinger,
19:19 elle mettait en garde Washington contre ça,
19:22 les États-Unis, au lieu de faire ce qu'avait fait Kissinger,
19:25 qui dans les années 70 avait fait une alliance sino-américaine
19:29 contre l'Union soviétique de l'époque, donc les deux contre un.
19:34 Et là Kissinger disait "maintenant il faut faire l'inverse,
19:37 il faut faire une alliance avec les Russes contre les Chinois,
19:41 deux contre un".
19:43 Washington a pris le chemin inverse,
19:45 a désigné la Russie comme un ennemi et qu'il fallait mater
19:52 pour pouvoir encercler la Chine.
19:54 Seulement voilà, la Russie ne se laisse pas domestiquer,
19:58 la Russie a des pouvoirs de réaction, de réactivité
20:04 que Washington avait sous-estimé entièrement.
20:07 Kissinger avait multiplié les mises en garde.
20:10 Gorbatchev aussi, qui criait au fou également,
20:14 le Gorbatchev qui n'était plus chef de l'État russe
20:17 mais qui continuait à être une voix dans le monde.
20:20 Et des gens comme Védrine aussi, il avait dit.
20:24 – Hubert Védrine, l'ancien ministre des Affaires étrangères
20:27 – Il mettait en garde aussi.
20:30 – De Jospin, pardon.
20:30 – Et des gens qui ne sont ni des fous, ni des doctrinaires,
20:34 et justement parce qu'ils ne sont pas des doctrinaires,
20:36 ils mettaient en garde.
20:37 C'est la grande tradition diplomatique d'un richelieu, d'un mazarin.
20:41 D'ailleurs Védrine vient de faire un livre
20:43 sur justement sa grande tradition diplomatique
20:45 mais plus personne ne sait ce que c'est aujourd'hui.
20:47 – Oui, le corps diplomatique a été dissous par le président Macron en 2022.
20:51 Déjà en 2002, dans cet ouvrage que vous aviez écrit,
20:56 "La troisième guerre mondiale a commencé",
20:57 vous écriviez que la Chine refuserait de se couler dans le monde occidental
21:02 malgré son entrée dans l'OMC, c'était en décembre.
21:06 2001 et qu'elle entrerait en conflit économique puis militaire avec les États-Unis.
21:11 Alors le conflit économique russo-chinois, on y est,
21:15 c'est quoi les grands axes de ce conflit ?
21:18 – Alors, on voit bien que l'attention géopolitique entre les États-Unis et la Chine
21:25 a des répercussions sur les investisseurs.
21:28 Les investisseurs étrangers à la Chine commencent à se retirer,
21:34 à retirer leurs pays de la Chine pour les mettre en Inde par exemple,
21:37 ou au Vietnam et dans d'autres pays, à Bakou.
21:42 Les investissements étrangers en Chine se ralentissent beaucoup,
21:49 c'est-à-dire que l'économie chinoise commence à inspirer
21:52 de la méfiance aux investisseurs étrangers.
21:55 D'autre part, il y a le fait que le président Xi Jinping
22:00 arrivait à la tête de la Chine en 2012, en tant que secrétaire général
22:04 du Parti communiste chinois,
22:06 et il durcit de plus en plus ses positions vis-à-vis des États-Unis.
22:12 Alors, où est la poule, où est l'œuf ? Qui a commencé ? etc.
22:16 Mais toujours est-il qu'on voit bien que Pékin, de plus en plus,
22:22 tourne le dos aux libertés économiques octroyées
22:25 depuis le président Deng Xiaoping en 1978,
22:30 où on lâchait l'abri, sur le coup, des petits génies de la tech,
22:37 comme Ma par exemple, qui a finalement été mis en prison
22:41 et puis qui s'est exilé, etc.
22:43 Toutes ces demi-heures de la tech chinoise qui avaient porté la Chine
22:48 à la pointe du progrès technologique en informatique, en électronique, etc.
22:54 sont de plus en plus bridées par Pékin qui, de temps en temps,
22:58 les met en prison, démantèlent leur empire,
23:02 le coup en deux, trois morceaux,
23:05 tout ça remis sous la coupe de l'État chinois.
23:08 Alors, au risque avéré d'un affaiblissement
23:13 du dynamisme entrepreneurial chinois,
23:16 et au risque d'émousser les avancées technologiques chinoises,
23:22 ce qui, évidemment, a des répercussions quand même stratégiques,
23:25 mais la priorité de Xi Jinping, maintenant,
23:29 c'est de maintenir la force du Parti communiste chinois
23:35 sur l'économie chinoise et sur le peuple chinois,
23:38 au dépens, éventuellement, de la doctrine Deng Xiaoping,
23:45 pourvu la couleur du chat, le tout, c'est qu'il attrape les souris.
23:49 Eh bien là, la couleur du chat, Xi Jinping s'en préoccupe.
23:53 Il faut qu'il revienne rouge, le chat.
23:55 – Alors, justement, comment ça peut déraper en conflit militaire,
23:59 ce conflit économique russo-américain ?
24:01 – Alors, on en voit les prémices.
24:03 – Russo-chinois, excusez-moi, chino-américain, je vais y arriver.
24:06 – On en voit les prémices.
24:07 En effet, la flotte militaire chinoise
24:10 a un comportement de plus en plus agressif,
24:13 notamment contre les gardes-côtes philippins
24:16 et les bateaux de pêche philippins,
24:19 en tamponnant ou en arrosant aux canons à eau
24:26 les bateaux de pêche et les gardes-côtes,
24:29 au prétexte qu'ils ne devraient pas être là où ils sont.
24:31 Car, en effet, Pékin conteste les zones d'expansion économique
24:36 des pays aux alentours,
24:38 notamment la zone d'expansion économique,
24:40 c'est-à-dire, ce sont des zones maritimes
24:43 calculées en fonction des équidistances, etc.
24:47 Et la Chine conteste ces zones
24:50 de manière parfaitement illégitime et illégale,
24:53 et attaque de cette façon-là les navires philippins,
24:58 il y a une énorme tension entre la Chine et les Philippines à ce sujet,
25:02 mais aussi les vietnamiens.
25:05 Et puis, la Chine multiplie les manœuvres alors
25:11 autour de Taïwan, navales, aériennes, pour effrayer Taïwan,
25:16 et en quelque sorte, démontrer qu'elle peut à un moment ou à un autre
25:21 asphyxier Taïwan en l'encerclant, en quelque sorte.
25:24 – Mais alors justement, il y a toujours l'obstacle du détroit
25:28 entre les côtes chinoises et Taïwan, 130 km,
25:32 est-ce que les États-Unis interviendraient, selon vous,
25:35 si la Chine décidait d'envahir Taïwan ?
25:38 – Alors, les États-Unis se sont justement confrontés déjà
25:43 à ce problème avec l'Ukraine, si l'Ukraine s'écroule,
25:47 si l'armée ukrainienne s'écroule, et que la victoire russe en Ukraine
25:52 est patente, ça va être très décrédibilisant
25:57 pour l'Empire américain.
26:01 Que l'Empire américain ait finalement, au bout de 20 ans de guerre d'Irak,
26:07 déserté l'Irak, bon, qu'il ait déserté l'Afghanistan
26:10 dans des conditions déshonorantes aussi, bon,
26:13 ça restait des champs de bataille périphériques,
26:18 c'était des petits États ou des presque non-États
26:22 pour l'Afghanistan, etc.
26:24 Mais que les États-Unis, puisque l'OTAN c'est les États-Unis
26:29 et que l'Ukraine ne tient bout que grâce à l'OTAN,
26:33 de toute évidence, par ses armements, par ses fournitures,
26:37 ses appuis logistiques et financiers, bon,
26:39 que les États-Unis laissent choir le gouvernement de Kiev
26:45 et laissent envahir, au moins, enfin, laissent gagner les Russes,
26:49 comme dit Macron, il ne faut pas que les Russes gagnent,
26:51 si les Russes gagnent, c'est un désaveu pour l'Empire américain,
26:55 c'est une perte de crédibilité.
26:58 Alors si Taïwan tombe aussi sans que les Américains protègent Taïwan,
27:03 ce sera encore plus un désaveu.
27:04 Or, le problème qu'il a, l'Empire américain,
27:07 c'est qu'il ne se finance que par le privilège monétaire du dollar.
27:11 C'est-à-dire que, comme ce privilège monétaire est adossé
27:16 à un budget militaire de 40% de budget mondial,
27:19 c'est ça qui fait tenir debout économiquement.
27:23 – Je vous propose qu'on en parle dans la deuxième partie,
27:27 justement, des pétrodollars, mais vous rappelez aussi,
27:30 dans votre ouvrage, Laurent-Arthur Duplessis,
27:32 que les stratèges américains et chinois, de chaque côté,
27:34 mettent l'hypothèse d'une guerre au centre de leurs travaux.
27:39 Et cet amiral américain, que vous citez lui aussi, Charles A. Richard,
27:44 dit ceci, "l'ennemi véritable des États-Unis est la Chine,
27:48 la crise en Ukraine n'est qu'un échauffement, la grande guerre arrive".
27:51 – Exactement, et à West Point, à l'Académie Navale Indianopolis, etc.,
27:58 sur quoi bosse-t-on, sur quoi s'entraîne-t-on ?
28:03 C'est sur les plans de bataille dans l'Indo-Pacifique,
28:07 dans le cadre d'une guerre opposant les États-Unis à la Chine.
28:10 Et c'est d'ailleurs ce qui dérange beaucoup Washington,
28:14 c'est que l'Ukraine, Washington au départ,
28:19 tout en ayant poussé l'OTAN jusqu'à l'Est, etc.,
28:23 mais sans avoir vraiment compris qu'à un moment donné,
28:26 l'ours russe allait s'énerver, Washington se trouve embringué
28:31 dans cette affaire ukrainienne et ne sait plus comment s'en dépêtrer,
28:34 parce qu'en effet, ça oblige Washington à recentrer des forces
28:38 sur le théâtre européen, alors qu'Obama, déjà,
28:44 avait mis en avant le pivot qui consistait, justement,
28:49 le terme qui consistait à montrer que les Américains
28:52 retiraient des effectifs d'Europe,
28:55 ils en retiraient beaucoup des effectifs d'Europe,
28:58 et ils les faisaient roquer sur l'Indo-Pacifique.
29:01 Et Obama avait développé cette théorie du pivot
29:05 qui avait été ensuite continuée par Trump et puis par Biden,
29:13 et cette stratégie du pivot est contrariée là,
29:18 par la guerre d'Ukraine, puisque la Russie qui devait s'écrouler,
29:24 selon les grands penseurs américains, ne s'écroule pas,
29:27 puisque Poutine devait être destitué et remplacé par un nouveau Eltsine,
29:33 mais Poutine est plus que jamais en place,
29:36 et puisque l'économie russe qui devait partir en morceaux
29:39 a plutôt tendance à retrouver des couleurs.
29:42 Alors, c'est très embêtant, parce qu'effectivement,
29:46 les deux contre un, eh bien, on a l'axe,
29:50 parce que là aussi les Américains n'avaient pas prévu ça,
29:53 c'est que les liens entre Pékin et Moscou allaient se solidifier à ce point-là.
30:00 Les États-Unis croyaient que Pékin allait lâcher Moscou complètement,
30:05 et c'est l'inverse qui se produit.
30:06 Et alors du coup, ils sont démontés,
30:10 ils sont totalement désorientés par cet axe Moscou-Pékin,
30:16 et avec Téhéran qui s'adjoint à tout ça,
30:20 puisque Moscou est bien obligé de resserrer aussi ses liens avec Téhéran,
30:26 étant donné que Moscou est rejeté dans les bras des Chinois,
30:29 donc de tout ce que ça implique.
30:32 Et de ce fait-là, les Américains sont très très ennuyés,
30:38 s'ils laissent complètement tomber l'Ukraine,
30:40 c'est décrédibilisant pour eux,
30:41 s'ils veulent impliquer directement l'OTAN dans une guerre avec la Russie,
30:46 ce n'était pas dans leur calcul non plus ça.
30:50 La Russie devait tomber comme un fruit mûr.
30:54 Et pendant ce temps, Pékin observe ça avec attention,
30:57 en se disant, si les Américains laissent tomber l'Ukraine,
31:01 nous on prendra Taïwan sans problème, ils laisseront tomber Taïwan aussi.
31:05 Et puis d'autre part, si les Américains laissent complètement tomber l'Ukraine,
31:10 les alliés d'Asie, notamment les Vietnamiens, les Philippines,
31:16 j'irais même les Australiens,
31:19 et puis l'Inde qui maintenant a resserré ses liens navals
31:25 avec la marine américaine,
31:27 en mettant à disposition des Américains ses ports pour la maintenance, l'assistance, etc.
31:33 L'Inde qui se prépare à cet affrontement indo-pacifique,
31:38 Chine, États-Unis, qui aura forcément un effet d'entraînement sur la région,
31:44 l'Inde qui se méfie énormément de Pékin,
31:47 et qui en même temps se méfie du Pakistan qui est lui musulman,
31:51 eh bien tous ces alliés des États-Unis dans l'indo-pacifique,
31:56 à travers l'Aukus ou le Quad, vont avoir peur,
32:00 parce qu'ils vont se dire "mais alors quoi ?"
32:02 – Oui, le grand maître vient de tomber, qu'est-ce qu'on va devenir ?
32:05 – Qu'est-ce qu'on va devenir ?
32:06 Peut-on encore compter sur la protection américaine ?
32:09 Donc là, pour l'Empire américain, il y a un défi qui est posé là.
32:17 – Alors Laurent Turdu-Plessis, on va faire une pause,
32:20 et on reviendra dans la deuxième partie de notre émission
32:23 à tout un tas de foyers et de tensions que vous énumérez,
32:27 qui seraient susceptibles de mener à cette fameuse 3ème guerre mondiale,
32:31 on revient dans un instant.
32:32 [Générique]
32:36 Continuons notre entretien avec Laurent Arthur-Duplessis,
32:38 justement à la fin de cette première partie,
32:40 j'évoquais la multiplicité des foyers de tensions,
32:45 à commencer, on le voit, avec la réactivation du conflit israélo-palestinien,
32:51 le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou continue son offensive à Gaza,
32:56 malgré les appels au cessez-le-feu de l'ONU,
33:00 quels sont les risques que court Israël ?
33:04 Il y en a-t-il ?
33:06 – Le risque que court Israël est, je dirais, multiple.
33:09 D'abord, il y a tout de même une certaine fuite des cerveaux actuellement en Israël,
33:15 parce que beaucoup de gens se disent qu'Israël n'est plus
33:22 le havre de paix pour les juifs, le refuge pour les juifs du monde entier.
33:27 – Je crois que Kissinger, avant sa mort, avait prédit la mort d'Israël
33:32 pour le XXIème siècle, enfin…
33:34 – Oui, et en effet, c'est gros comme un timbre-poste Israël,
33:40 il n'y a aucune profondeur stratégique,
33:42 et moi je reste persuadé que de toute manière,
33:47 aucun pays musulman,
33:51 en tout cas dans les profondeurs de la psyché collective,
33:56 n'a vraiment accepté l'existence d'un État juif indépendant en son sein.
34:02 Ou chrétien aussi, puisqu'on voit qu'au Liban,
34:05 le multiconfessionnalisme ne fonctionne pas.
34:08 Les chrétiens libanais sont de plus en plus sous la botte du Hezbollah musulman,
34:16 qui est chiite, qui est à proxy de l'Iran et qui gouverne le Liban,
34:21 malgré le caractère tripartite, trifonctionnel en réalité,
34:27 le Liban est gouverné par le Hezbollah,
34:29 et les chrétiens se font tout petits au Liban.
34:34 – Oui, c'est Sunni, chiite, chrétien.
34:36 – Voilà, il y a une tripartition exactement, Sunni, chiite, chrétien.
34:40 Et c'est le Hezbollah qui domine le pays complètement.
34:43 – Mais sur le risque d'éclatement d'Israël avec cette offensive sans fin,
34:50 cette guerre contre les Gazaouis.
34:54 – Moi je crois qu'il n'y a pas de solution dans ce conflit-là.
34:57 On parle de la solution à deux États.
35:00 – Oui, ça fait des années qu'on vous en parle et qu'Israël joue avec ça
35:04 et qu'ils font tout pour que ça n'arrive pas.
35:06 – Oui, et puis en plus, au point où en sont arrivées les psychologies
35:11 des uns et des autres, je crois que c'est devenu impossible.
35:15 D'autre part, la ré-islamisation du monde musulman,
35:19 décrite par Samuel Hitchington dans son "Choc des civilisations"
35:23 paru en 1995, elle est à l'œuvre.
35:27 Le mouvement palestinien, alors c'est vrai qu'Israël a encouragé ça,
35:32 mais le mouvement palestinien s'est beaucoup islamisé.
35:35 Il y a tout de même…
35:37 – Encouragé par Israël d'ailleurs, qui a choisi de mettre en valeur le Hamas,
35:41 qui est un parti combatif plutôt que le parti de la négociation du…
35:49 – Du Fatar. – Du Fatar, excusez-moi.
35:51 – Oui, c'est vrai.
35:52 Néanmoins, je pense, j'ai toujours pensé que les manigances des États,
35:58 des services d'enseignement de ce genre-là,
36:00 comme par exemple celles des Américains
36:02 qui ont pas mal encouragé certains mouvements islamistes à travers le monde,
36:06 à commencer par les Moudjahidines du temps de la guerre d'Afghanistan
36:12 contre les Russes, puisque les Soviétiques à l'époque,
36:15 puisque Ben Laden est un enfant de la CIA, on peut dire,
36:19 d'une certaine manière.
36:20 Mais néanmoins, ces manipulations d'États et de services d'enseignement
36:27 ne peuvent véritablement porter leur fruit
36:30 que si elles interviennent dans un cycle favorable.
36:34 Je m'explique, durant la première guerre mondiale,
36:39 l'Empire Ottoman, qui était allié de l'Allemagne
36:43 contre donc France, Angleterre et puis ensuite les États-Unis,
36:47 avait pensé qu'il était possible de déclencher
36:52 une rébellion islamiste dans l'Empire français
36:55 et dans l'Empire britannique,
36:56 où il y avait beaucoup de musulmans dans les deux empires,
36:59 et ainsi d'enfoncer une grosse épine dans le pied des Français et des Anglais,
37:07 et donc le grand mufti a lancé un appel à la guerre sainte.
37:12 Cet appel à la guerre sainte est resté inopérant.
37:17 Il n'y a pas eu de guerre sainte,
37:18 et il aurait pu y en avoir une, à ce moment-là,
37:21 contre les Anglais et les Français, il n'y en a pas eu.
37:23 Parce qu'à l'époque, le monde musulman était encore dans ce creux de vagues,
37:29 suite à la subordination par les Européens à partir du 17ème, 18ème siècle,
37:36 par l'extension militaire coloniale de ces Européens,
37:40 par le spectacle de leur suprématie technique écrasante,
37:45 par le spectacle aussi même de leur supériorité culturelle à l'époque,
37:50 puisque les intellectuels du monde musulman de l'époque
37:52 étaient plutôt tournés vers l'admiration pour la philosophie
37:56 et les techniques européennes, et se disaient comment il faut les imiter,
38:00 ils pensaient qu'il fallait les imiter,
38:01 c'était le cas de Mehmet Ali, qui dirigeait l'Égypte à l'époque,
38:06 et qui avait été un ami de Ferdinand de Lesseps, et ainsi de suite.
38:10 Et puis sont arrivés les intellectuels anti-européens,
38:15 à la fin du 19ème siècle, qui eux, ont prôné au contraire
38:19 de tourner le dos aux valeurs et aux institutions européennes,
38:24 et de revenir à des valeurs traditionnelles islamiques,
38:29 c'est la réindigenisation du monde musulman dont parle Hitchington,
38:33 et eux ont dit, prenons les technologies européennes,
38:37 mais ne prenons pas les valeurs européennes,
38:39 ne prenons pas les institutions européennes,
38:41 retrouvons au contraire le califat,
38:46 les institutions islamiques traditionnelles,
38:49 notamment ottomanes, etc.
38:51 Et donc les manipulations des services de renseignement,
38:54 CIA, et puis Mossad, etc.,
38:59 arrivent sur un climat culturel de réislamisation
39:05 qui s'est développé dès la fin du 19ème siècle,
39:08 et puis quand Albana crée les Frères Musulmans en 1928,
39:12 le grand-père de Tariq Ramadan,
39:14 Albana qui était un instituteur, crée les Frères Musulmans en 1928,
39:21 et ça prend un développement extraordinaire,
39:23 il aurait essayé de faire ça en 1830,
39:29 ça n'aurait pas marché, ça n'aurait pas marché.
39:31 Donc il y a des vagues de fond,
39:33 et après il y a des surfeurs qui sont sur ces vagues de fond,
39:36 mais s'il n'y a pas la vague de fond, il n'y a pas le surfeur.
39:39 – Revenons à Israël avec vous Laurent Arthur Duplessis,
39:41 qui a trouvé, semble-t-il, un ennemi, un adversaire de poids,
39:46 c'est les Houthis chiites du Yémen,
39:49 eux soutenus par l'Iran qui multiplient leurs attaques contre Israël,
39:55 empêchent le passage de ces navires commerciaux en mer Rouge,
39:59 comment l'État hébreu gère-t-il la situation ?
40:01 – Eh bien, il la gère tant bien que mal,
40:04 parce qu'en réalité, il essaye de maîtriser militairement
40:10 le Hamas et ses alliés, parce qu'il y a aussi d'autres groupuscules là,
40:15 et d'autres dont le djihad islamique,
40:17 mais évidemment au prix d'un spectacle effrayant,
40:23 c'est l'anéantissement partiel des populations civiles, évidemment,
40:28 ce qui crée une animosité contre Israël,
40:31 et là-dessus, les Houthis qui sont un proxy de l'Iran,
40:36 comme le Hezbollah est un proxy de l'Iran,
40:38 et le Hamas est un proxy de l'Iran,
40:40 les Houthis qui, avec des missiles iraniens et des drones iraniens,
40:46 mettent à mal ce trafic commercial de la mer Rouge
40:50 qui représente 12% du trafic mondial,
40:54 et notamment qui revêt une importance considérable pour l'extrême-Orient,
40:58 puisqu'il y a beaucoup de pétrole qui passe par là pour l'extrême-Orient,
41:03 et où l'on voit d'ailleurs à quel point plus l'économie mondiale s'est complexifiée,
41:09 plus elle s'est mondialisée,
41:11 plus elle s'est interpénétrée dans ses divers éléments,
41:15 et plus elle a gagné en fragilité, si je peux dire,
41:20 un organisme, plus il est compliqué, plus il est fragile,
41:23 et là on voit bien que ces Houthis qui sont des montagnards guerriers,
41:29 tels que déjà Henri de Montfrey les avait dépeints dans ses romans,
41:32 il y a 200 ans, presque 200 ans,
41:35 qui sont de grands guerriers qui font la guerre,
41:37 qui ont tenu en échec l'Arabie Saoudite depuis 8 ans,
41:41 puisque l'Arabie Saoudite dirigeait une coalition contre eux,
41:44 ces Houthis, alimentés par les missiles et les drones iraniens
41:49 qui sont de bonne qualité,
41:51 ces Houthis sont en train de porter un coup très très sévère au commerce mondial,
41:56 puisque les bateaux font le tour par l'Afrique,
41:59 et ça rancherie énormément les coûts de transport
42:03 et d'autre part les délais d'acheminement,
42:06 et c'est déjà un dommage économique considérable
42:09 porté par cette population de montagnards, on peut dire, sous-développés.
42:14 – Alors vous évoquez aussi dans votre ouvrage, Laurent-Arthur Duplessis,
42:17 cette crise économique qui enfle en Occident,
42:21 pour partie à cause de l'endettement des États, qui explose,
42:26 c'est quoi les principales dérives du système financier international
42:31 qui, selon vous, pourrait mener au krach ?
42:34 – Voilà, alors juste un petit cadrage doctrinal,
42:38 c'est que des économistes de l'école dite autrichienne,
42:42 comme von Mises, von Hayek, etc. avaient théorisé le rôle de la monnaie,
42:50 rôle central de la monnaie dans le devenir économique,
42:53 c'est-à-dire qu'à partir du moment, disait-il,
42:58 où les États vont, pour reprendre une expression familiale,
43:01 surchauffer la planche à billets, en créant de la monnaie ex nihilo à tout va,
43:09 pour financer toutes sortes de dépenses inconsidérément,
43:14 il crée une effloraison de bulles spéculatives qui gonflent
43:21 et qui, comme toute bulle, s'envoie éclater à un certain degré de dilatation.
43:27 Et on a vu par exemple les subprimes en 2007 aux États-Unis éclater.
43:34 – À cause d'un excès de crédit.
43:35 – Voilà, à des acquéreurs insolvables de logements,
43:40 puisque n'importe quel ménage pauvre pouvait s'endetter,
43:45 c'était des endettements indexés sur l'évolution des taux d'intérêt.
43:50 Quand les taux d'intérêt montaient, ça étranglait complètement.
43:53 – Ce qui prouve que les professionnels de toutes ces structures bancaires
43:58 ne connaissaient absolument rien aux produits qu'ils vendaient à ces gens
44:02 qui étaient dans une précarité et qui auraient des difficultés à rembourser.
44:07 – Oui, et puis il y a l'avidité, il y a le court-termisme, il y a l'inconscience.
44:13 Il y a beaucoup d'éléments qui ont changé.
44:14 – Le bris américain.
44:15 – Le bris, complètement.
44:17 Et Greenspan, le patron de la Fédérale Réserve Banque,
44:22 disait, après la crise de 2000-2001 qui, elle, avait concerné la bulle Internet,
44:28 puisqu'il y a eu une autre crise avant,
44:30 on lui disait "M. Greenspan, vous débridez à nouveau les taux d'intérêt,
44:37 vous faites à nouveau de la planche à billets".
44:40 Greenspan répondait "Je préfère une bulle à une crise".
44:45 Il y a eu une bulle et il y a eu la crise, il y a eu les deux.
44:49 Et après 2008, il n'y a pas eu de grands correctifs à porter,
44:54 notamment en fonction de l'économie américaine et des économies européennes,
44:59 c'est-à-dire que, notamment, on n'a pas séparé dans les banques
45:05 l'activité de dépôt et l'activité de spéculation.
45:09 – Oui, d'ailleurs, je me souviens que pendant ces campagnes électorales,
45:12 Nicolas Sarkozy s'y était opposé vigoureusement.
45:15 – Oui, et alors, on est reparti sur le mélange des deux,
45:20 c'est-à-dire qu'on expose les dépôts des braves gens
45:25 aux aléas de la spéculation.
45:28 – Privatisation des gains, socialisation des pertes.
45:32 – Exactement, en 2009, la puissance publique a secouru les grandes banques,
45:39 les institutions financières américaines, etc.
45:42 Exactement ce que vous venez de dire, et on s'achemine à nouveau vers cela,
45:46 avec une dette publique qui, depuis cette époque,
45:50 a gonflé partout d'une manière incommensurable.
45:53 Pour la dette publique américaine, on est à 30 000 milliards de dollars,
45:59 mais il y a aussi les dettes privées, les entreprises et les ménages.
46:05 Et si on empile tout ça, on arrive quasiment à 80 ou 100 000 milliards,
46:12 enfin ça devient incommensurable.
46:14 C'est-à-dire que c'est une pyramide de Ponzi, cette économie mondiale,
46:18 c'est une pyramide de Ponzi où on est dans une cavalerie financière
46:22 perpétuelle jusqu'au moment où il y a une crise de confiance
46:25 et où la pyramide s'écroule.
46:27 – On a d'ailleurs vu quelques banques s'écrouler récemment,
46:31 la SVB, la Silicon Valley Bank, le Crédit Suisse,
46:34 qui sont peut-être annonciatrices de chutes de banques plus grosses.
46:38 – Voilà, à chaque fois la puissance publique essaie de colmater,
46:40 mais si ça prend une certaine dimension, la puissance publique ne pourra plus colmater.
46:45 Alors d'autant qu'on voit bien quand même qu'il y a une croisadure du cercle.
46:51 Les banques centrales essayent de remonter les taux d'intérêt
46:54 pour diminuer l'inflation, puisque l'inflation découle en bonne partie,
46:59 pas entièrement, mais en bonne partie, sur l'immensité de la masse monétaire.
47:03 Plus vous avez une masse monétaire énorme,
47:05 plus les prix montent par création monétaire, comme on dit.
47:08 Puisqu'il y a deux sortes, il y a inflation par création monétaire
47:12 et inflation par augmentation des matières premières, quelque chose comme ça.
47:17 Et le problème c'est qu'à un moment donné les banques centrales se disent
47:21 "Bon allez, on remonte les taux d'intérêt pour diminuer un petit peu la création monétaire".
47:25 Mais alors le problème, c'est que du coup ça étouffe l'économie.
47:29 Alors il y a une croisadure du cercle par le fait que les dysfonctionnements systémiques
47:34 sont devenus tellement importants que c'est comme un grand malade.
47:38 On remonte un organe, c'est l'autre qui flanche.
47:42 On s'occupe de l'autre organe, c'est le premier qui flanche.
47:44 C'est-à-dire qu'on n'arrive plus à équilibrer tout ça.
47:48 Et donc maintenant on est à la merci d'aléas ou géopolitiques,
47:53 c'est-à-dire que déjà on voit la mer rouge comme ce n'est pas bon pour l'économie.
47:57 On voit que les tensions entre la Chine et les États-Unis,
48:01 ce n'est pas très bon pour l'économie mondiale.
48:04 On voit que la croissance économique mondiale a ralenti de plus en plus.
48:08 Et on voit que l'économie chinoise elle-même n'est pas en bonne santé actuellement.
48:12 Elle a ralenti énormément l'économie chinoise.
48:14 – Malgré la dédollarisation de son économie et l'achat massif d'or.
48:20 – Oui, mais ça c'est surtout l'achat massif d'or, c'est pas malgré,
48:24 c'est en prévision d'or.
48:25 C'est-à-dire que les Chinois se préparent à un choc monétaire
48:30 car comme Von Mises et Hayek le disent,
48:36 à un moment donné, cette inflation de création monétaire,
48:39 cette surchauffe de la planche à billets
48:41 dont les Chinois n'ont pas été exempts eux-mêmes.
48:45 Mais la Banque centrale britannique, la Banque centrale européenne,
48:50 la Banque centrale japonaise, la Banque centrale américaine,
48:53 tout le monde le fait.
48:54 À un moment donné, l'école autrichienne dit,
48:58 "Ce bulle éclate et à un moment donné, il y a une crise des monnaies,
49:06 les monnaies perdent de leur valeur".
49:08 Et c'est dans cette perspective-là que les Chinois
49:12 ont stocké énormément d'or métal, je dis bien or métal
49:16 parce qu'il y a aussi leur papier, c'est l'achat d'action de mines d'or,
49:20 mais non, c'est l'or métal, au moins ils l'ont dans leur stock,
49:24 en prévision d'un adossement futur de leur monnaie
49:27 sur cette réserve d'or métal, donc ce retour à l'état non-or,
49:32 en prévision d'une crise monétaire mondiale.
49:35 Les Russes ont fait pareil aussi.
49:36 – Oui, ils ont une dette vraiment réduite.
49:39 – Oui, mais les Russes ont beaucoup d'or aussi,
49:41 ils en ont beaucoup stocké également, pareil en prévision de…
49:44 Alors les Russes eux-mêmes, on rigole en disant
49:47 qu'ils ont le PIB de l'Espagne,
49:49 mais ils ont quelque chose que l'Espagne n'a pas,
49:51 c'est à peu près toutes les matières premières,
49:53 17 millions de kilomètres carrés, toutes les matières premières,
49:57 métaux ferreux et non ferreux, plus le pétrole, plus le gaz,
50:01 ils ont du solide.
50:04 – Restons sur la monnaie avec vous, l'Arabie Saoudite,
50:07 on le sait désormais, vend son pétrole à la Chine en monnaie chinoise,
50:12 le yuan, donc plus en pétrodollars.
50:15 – Alors le yuan convertible en or en plus.
50:18 – On se souvient que Kadhafi avait tenté d'adosser son dinar à l'or,
50:28 c'était en 2009.
50:29 – Il avait 150 tonnes d'or dans sa réserve.
50:33 – Il a perdu la vie en février 2011,
50:37 dès le début de la première guerre civile libyenne,
50:40 combien de temps les Américains vont-ils laisser l'Arabie Saoudite
50:43 vendre son pétrole dans une autre monnaie que le pétrodollar ?
50:47 – Alors l'Arabie Saoudite n'en fait plus qu'à sa tête,
50:52 comme d'autres pays,
50:53 et c'est là où on voit bien que l'Empire américain est sur la sellette,
50:57 puisqu'en effet l'Empire américain repose sur le pilier monétaire,
51:03 le privilège monétaire du dollar, et sur le pilier militaire,
51:06 40% encore du budget militaire mondial.
51:09 À partir du moment où ce pilier monétaire commence à s'éroder,
51:14 et commence à s'éroder,
51:16 ça va devenir de plus en plus dangereux pour l'Empire américain
51:20 sur le plan économique et financier.
51:22 Et donc il va y avoir de plus en plus la tentation militaire,
51:26 c'est-à-dire réagir par la guerre.
51:30 Et c'est pour ça qu'on en revient au piège de Thucydide évoqué précédemment,
51:37 c'est que si l'Empire se sent menacé, l'Empire fait la guerre.
51:44 Il fait la guerre.
51:45 – Au milieu de ce conflit mondial que vous anticipez,
51:48 vous dites que l'Europe sera le théâtre d'un affrontement
51:52 entre l'Occident et la Russie.
51:54 Comment les armées du vieux continent pourront-elles y faire face ?
51:59 – Elles ne sont absolument pas actuellement capables d'y faire face.
52:02 L'Europe n'est toujours pas en économie de guerre.
52:06 L'Europe, je vois qu'il y a une expression qui fleurit,
52:10 que j'avais employée moi en 2002 pour désigner l'Europe,
52:13 c'est l'expression d'herbivores entourés par les carnivores.
52:17 Je vois que cette expression fait floresse aujourd'hui,
52:20 et à juste titre,
52:21 puisque cette Europe qui était une église droit de l'homiste,
52:26 prêchant le droit de l'homisme au monde entier
52:29 au nom d'une bienveillance et d'un pacifisme naïfs,
52:35 elle se retrouve maintenant exposée à tous les dangers.
52:39 Elle est l'instrument de l'Empire américain
52:42 qui la jette sur la ligne d'offront,
52:45 alors qu'elle n'a pas les moyens militaires de faire face
52:49 à un ours russe qui a si longtemps proposé une alliance
52:53 et qui maintenant est devenu furieux.
52:56 – La dissuasion nucléaire, vous en parlez aussi.
52:59 Ce principe a jusque-là empêché
53:02 les pays détenteurs de l'arme atomique de s'affronter.
53:05 Est-ce qu'on peut redouter l'utilisation de tirs atomiques ?
53:09 Alors non pas avec des bombes géantes,
53:10 mais avec des mini-bombes atomiques.
53:12 – Oui, tout à fait.
53:14 Tout à fait.
53:17 D'une part parce qu'on s'achemine vers une prolifération nucléaire,
53:20 donc plus il y aura d'acteurs, moins ce sera contrôlable.
53:22 – Oui, l'Iran est sur le point de la voir, si ce n'est déjà le cas.
53:25 – Et il est au seuil atomique,
53:28 je crois qu'il a l'uranium enrichi à 90%
53:31 pour faire à peu près déjà plus de 10 bombes atomiques
53:34 ou 15 bombes atomiques.
53:36 Dès qu'il aura fait son premier essai nucléaire,
53:40 de toute façon ça arrivera, à ce moment-là,
53:43 la Turquie, l'Arabie Saoudite, l'Égypte voudront la bombe atomique, etc.
53:49 Deuxième chose, Hiroshima et Nagasaki, c'était à peu près 15 kilotonnes.
53:55 Bon, on peut avoir des armes du champ de bataille
54:00 des 2, 3, 5 kilotonnes.
54:04 À partir du moment où une armée va se retrouver dans les cordes,
54:09 dans un combat classique,
54:11 il est évident qu'à ce moment-là, la tentation sera irrépressible
54:16 de se dégager par un tir atomique.
54:19 – Et d'en finir.
54:20 – Et de libérer l'espace par un tir atomique de 5 kilotonnes par exemple.
54:27 Alors d'ailleurs, nous avions, nous, deux régiments de Plutons
54:32 au temps du général de Gaulle.
54:35 Les Plutons, qu'est-ce que c'était ?
54:36 C'était donc, ils étaient basés à terre, sur le plateau d'Albion notamment.
54:40 Qu'est-ce que c'était ? C'était des armes nucléaires tactiques.
54:43 Et à quoi devaient-ils servir ces Plutons ?
54:46 À arrêter l'armée rouge si elle déferlait sur l'Europe.
54:50 Alors, c'était donc des armes nucléaires tactiques
54:54 destinées à arrêter l'armée rouge.
54:56 Ce n'étaient pas des armes nucléaires stratégiques
54:58 destinées à rayer Moscou ou Saint-Pétersbourg de la carte
55:03 puisque déjà ces Plutons, de toute façon,
55:04 étaient à portée relativement limitée.
55:07 Ensuite, on les a enlevées en disant "mais non, c'est pas gentil
55:09 si on tire sur le territoire allemand".
55:12 Et puis surtout, en disant "bon, la stratégie,
55:15 c'est pas du tactique, c'est uniquement du stratégique.
55:17 Si on nous attaque, on raye l'autre de la carte,
55:20 mais on ne fait pas une escalade avec du tactique".
55:23 – Si cette troisième guerre mondiale venait à éclater,
55:27 Laurent-Arthur Duplessis, on peut toujours rêver d'un évitement.
55:30 Dans quel État l'Europe sortira-t-elle du conflit ?
55:33 – Je pense que l'Europe sera encore plus ravagée
55:35 qu'elle ne le fut en 18 et en 45.
55:38 Les destructions ont connu un crescendo entre 18 et…
55:45 la première et la deuxième guerre mondiale,
55:47 et elles vont connaître un nouveau crescendo
55:48 entre la deuxième et la troisième guerre mondiale.
55:51 Et l'Europe, par son inconscience, son pacifisme BA,
55:55 se retrouve la proie de tout ce qui l'environne.
55:59 Et en plus, une maladresse diplomatique,
56:03 notamment vis-à-vis de la Russie,
56:05 liée à son servage vis-à-vis de Washington,
56:08 qui fait qu'elle n'a pas du tout suivi les conseils de sagesse
56:13 des diplomates avertis,
56:16 qui auraient consisté à cultiver cette maison commune
56:20 dont parlait Gorbatchev,
56:22 qui n'aurait pas consisté à transformer Poutine
56:26 en un serafin et la Russie en une démocratie scandinave,
56:30 mais qui aurait au moins permis l'essor de cette maison commune,
56:34 cette alliance de bon voisinage,
56:37 qui aurait, en quelque sorte,
56:39 installé une architecture de sécurité en Europe occidentale
56:43 en liaison avec la Russie,
56:45 et qui aurait ainsi permis d'éviter la situation
56:48 dans laquelle on se trouve aujourd'hui.
56:50 – Rien n'est joué, évidemment, toujours l'avenir reste très incertain,
56:54 Laurent Arthur Duplessis.
56:56 En tout cas, merci d'avoir accepté l'invitation de TV Liberté.
57:00 Je rappelle le titre de votre ouvrage,
57:02 "Au cœur de la troisième guerre mondiale",
57:04 à retrouver sur la boutique de TVL.
57:08 Merci à vous, monsieur.
57:09 Quant à nous, on se retrouve dans une semaine.
57:12 À bientôt.
57:13 [Musique]

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