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Anne Fulda reçoit François Molins pour son livre «Au nom du peuple français» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, François Mollins.
00:02 Vous êtes magistrat.
00:04 Vous avez passé l'essentiel de votre vie judiciaire au parquet,
00:08 à Paris, à Bobigny.
00:09 Vous avez été aussi directeur de cabinet de deux ministres de la justice
00:14 et avant d'être nommé en 2018 procureur général de la République.
00:18 Et vous venez de publier vos mémoires,
00:20 puisque vous avez pris votre retraite l'été dernier.
00:22 Mémoires qui s'appellent "Au nom du peuple français"
00:25 et qui sont parues chez Flammarion
00:27 et ont été écrites en collaboration avec Chloé Triomphe.
00:31 Les Français connaissent votre visage, on va dire hélas,
00:36 parce qu'on vous a beaucoup vu au moment de la vague d'attentats
00:38 qui a touché la France entre 2012 et 2018.
00:42 Pourquoi avez-vous décidé d'écrire ce livre ?
00:44 Parce que vous avez l'impression qu'on connaît mal le fonctionnement de la justice ?
00:47 - Il y a deux raisons essentielles.
00:49 La première, c'est qu'effectivement, la justice est mal connue.
00:53 Donc j'ai voulu expliquer à travers les affaires que j'avais traitées
00:56 et puis la carrière que j'ai eue, toutes les facettes du métier de procureur.
01:00 Et puis, il y a une seconde raison, c'est ce qu'explique le titre,
01:02 "Au nom du peuple français", c'est que la justice à laquelle j'ai participé,
01:05 elle est rendue au nom du peuple français.
01:07 Donc moi, j'estime qu'après 46 ans de carrière,
01:10 c'est assez légitime de rendre compte de son action.
01:13 Et je pense que c'est le droit de tous nos concitoyens
01:18 de savoir effectivement ce qu'on a pu faire
01:20 quand on a exercé des postes comme ça.
01:21 - Alors ce qui est intéressant, c'est de voir la variété des missions
01:24 que vous avez pu et dû remplir.
01:26 Alors déjà, c'est vrai que je pense que la plupart des Français
01:29 ne savent pas exactement ce qu'est un magistrat du parquet.
01:33 - Non, non.
01:34 Un magistrat du parquet, c'est déjà un magistrat
01:37 qui a les mêmes obligations éthiques et déontologiques qu'un magistrat du siège,
01:42 mais il n'est pas aussi indépendant.
01:44 Et en réalité, il est là pour défendre l'intérêt général
01:47 et les intérêts de la société.
01:48 Et ça se traduit dans son travail par deux facettes en réalité très différentes.
01:54 Je le fais le plus court possible.
01:55 Il y a un premier volet dans le cadre duquel il est une sorte d'agent du gouvernement
02:00 parce qu'il doit mettre en œuvre la politique pénale
02:03 qui a été décidée par le gouvernement.
02:04 Et pour ça, il peut recevoir des instructions générales.
02:07 Et puis un deuxième volet qui alimente beaucoup son quotidien,
02:10 c'est qu'il dirige la police judiciaire et donc il dirige les enquêtes.
02:13 Et il traite donc les affaires individuelles sur lesquelles il va décider.
02:18 Donc, est-ce qu'il classe ? Est-ce qu'il poursuit ?
02:21 Il fait exécuter les peines ?
02:23 Alors, c'est un métier qui est lourd, qui est difficile.
02:25 D'abord, c'est une lourde responsabilité.
02:26 Puis en plus, ce que vous écrivez,
02:28 vous êtes confronté quotidiennement à la mort et à la violence.
02:32 Est-ce que parfois, il n'y a pas un trop-plein ?
02:35 Est-ce que vous exprimez d'une certaine façon
02:36 lorsque vous allez sur la scène des attentats de Charlie Hebdo ?
02:41 C'est un métier effectivement qui est violent
02:43 parce qu'on est confronté à la violence en permanence dans ces choses-là.
02:48 La violence, elle est toujours au cœur des procès.
02:50 Mais bon, ça fait partie du quotidien.
02:52 Je n'ai jamais regretté personnellement d'avoir choisi ce métier,
02:54 de l'avoir exercé aussi longtemps.
02:56 Donc, c'est un métier qui est violent.
02:57 C'est aussi un métier qui est dangereux, pas pour soi, mais pour les autres,
03:00 parce qu'on a effectivement en charge
03:03 les intérêts familiaux, moraux, professionnels, matériels des gens.
03:06 Et il vaut mieux ne pas se tromper.
03:09 Alors, est-ce que parfois, face à cette misère humaine accumulée
03:14 que vous voyez, il n'y a pas une forme de désarroi ?
03:17 Vous racontez que, justement, lorsque vous allez à Charlie,
03:21 face à l'horreur de la scène de crime,
03:22 vous vous signez comme naturellement et vous priez.
03:25 C'est un refuge ?
03:26 - Oui, oui, c'est un refuge.
03:29 C'est un refuge parce que dans le cadre de ce travail,
03:32 effectivement, comme vous dites,
03:33 on peut être confronté à des choses qui sont horribles, qui sont abominables.
03:36 On a le droit d'avoir des émotions.
03:38 On est des hommes et des femmes comme les autres.
03:40 Simplement, il faut arriver à les gérer pour que ces émotions ne viennent pas
03:44 polluer ensuite l'exercice de sa profession.
03:47 Donc, chacun a sa technique.
03:48 Moi, effectivement, je me recueille chaque fois devant une chose comme ça.
03:51 Et là, en l'occurrence, j'ai effectivement, j'ai prié pendant quelques minutes.
03:56 - Vous avez eu à traiter beaucoup d'affaires politiques aussi,
03:59 également les plus connues, affaires Cahuzac, Tapie.
04:02 Et vous vous écrivez que très vite,
04:03 vous avez compris que politique et justice étaient imbriqués,
04:07 ce qui n'est pas normal.
04:09 Est-ce que c'est inévitable ?
04:11 - Ça pourrait aller mieux.
04:14 Je ne sais pas si c'est forcément évitable,
04:16 parce qu'à un moment donné, à partir du moment où un homme politique
04:21 est mis en cause pour avoir commis une infraction,
04:24 le procureur et le juge vont devoir faire leur travail.
04:27 Pour parler du procureur, il va devoir lancer des enquêtes.
04:30 Et c'est sûr que ce genre de choses rend très difficile
04:33 les relations entre la politique et la justice.
04:36 Je pense que pour autant, ce genre de difficultés doit être surmontée
04:39 à partir du moment où chacun fait son travail,
04:41 essaie de ne pas faire et de ne pas rentrer dans l'office de l'autre.
04:44 Et j'allais dire que malgré ces affaires,
04:47 je ne veux pas pêcher par naïveté ou par accès d'optimisme,
04:50 mais je pense qu'il faudrait que chacun accepte que l'autre remplisse son office
04:55 et avoir des relations qui soient davantage fondées sur le respect mutuel,
04:59 mais pas la connivence.
05:01 - Dernière question, rapidement.
05:03 Lorsque vous étiez notamment au Parquet de Bobigny,
05:05 vous avez eu à faire ce que vous écrivez,
05:06 à beaucoup d'affaires de violence conjugale,
05:09 de violence à l'encontre des femmes.
05:11 Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'on appelle un peu le "me too" français
05:15 de ces femmes dont la parole se libère ?
05:18 Est-ce qu'il n'y a pas un danger aussi,
05:21 lorsqu'on se place du point de vue de la justice ?
05:23 - Moi, je dis toujours qu'il faut se féliciter du mouvement "me too",
05:29 parce que si ça a libéré la parole des femmes
05:31 et que ça peut contribuer à mieux révéler les affaires
05:34 dont elles ont été victimes et donc à mieux les protéger, c'est bien.
05:38 Après, il ne faut pas que ça se traduise
05:40 par la négation des missions de la justice.
05:42 Les verdicts de culpabilité ou d'innocence,
05:44 ça ne peut se faire que dans une ancienne judiciaire,
05:47 dans le cadre du procès, du procès équitable,
05:49 avec les droits de chacun qui sont respectés.
05:51 Donc "me too", oui.
05:53 Le tribunal médiatique, non.
05:57 - En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire ce livre
05:59 "Au nom du peuple français".
06:00 C'est passionnant, ça retrace une riche carrière variée.
06:05 Et c'est paru chez Flammarion.
06:06 Merci beaucoup, François Mollens.
06:08 - Merci à vous.
06:09 (Générique)
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06:14 [SILENCE]

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