Léa Salamé reçoit l'actrice Agathe Natanson, veuve de Jean-Pierre Marielle, pour son livre "Chantons sous les larmes - Lettres à Jean-Pierre Marielle" au Seuil.
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00:00 Léa, ce matin vous recevez une comédienne !
00:02 Bonjour Agathe Nathanson !
00:04 Bonjour !
00:04 Merci d'être avec nous ce matin !
00:06 Si vous étiez un auteur ou une autrice de théâtre, un animal et un sentiment, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:12 Alors un auteur, je serais Marie Vau, parce que j'aime Marie Vau.
00:16 Un animal... un chien !
00:19 Pourquoi un chien ?
00:20 Parce que maintenant que j'ai un petit chien, je m'aperçois à quel point ça peut être à la fois dépendant et à la fois que de l'amour et à la fois une présence indispensable à la vie.
00:34 Et si vous étiez un sentiment ?
00:36 L'empathie !
00:38 Vous citez Nick Cave en épigraphe de votre livre. Nick Cave qui avait perdu son fils et qui disait "L'espoir c'est l'optimisme avec un coeur brisé".
00:48 C'est ce que vous ressentez aujourd'hui ?
00:50 Oui !
00:52 Optimiste mais avec un coeur brisé.
00:54 Oui optimiste parce que je crois que c'est un don pour la vie. Je crois que j'ai ce don là et que malgré les épreuves, et j'en ai connu beaucoup, je garde ce don pour la vie et cette joie qui fait qu'avec la peine et avec toute la lourdeur d'un sac à dos bien chargé, on peut continuer à vivre avec un peu d'optimisme.
01:15 Moi c'est Jean Dormeson que j'ai envie de vous citer ce matin. Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans le coeur des vivants.
01:22 Votre livre "Chantons sous les larmes", lettre à Jean-Pierre Mariel, m'a fait penser à cette phrase de Dormeson.
01:27 Agathe Nathanson, je dis en quelques mots, vous êtes comédienne, on vous a vu au théâtre, aussi chez Pialade, en Capitane Marlowe à la télé.
01:33 Et pour ceux qui s'en souviennent, vous avez été la fille de Louis de Funès dans "Oscar" d'Edouard Molidaro quand vous aviez 20 ans.
01:39 Et dans ce livre bouleversant et poétique, c'est la femme amoureuse que l'on retrouve. Ce livre, aux éditions du Seuil, ce sont vos lettres à votre grand amour, Jean-Pierre Mariel,
01:47 disparu il y a 5 ans. Vous parlez du manque, de l'absence et de ces dernières années assombries par la maladie d'Alzheimer.
01:53 En lui écrivant ainsi ces lettres que vous publiez aujourd'hui, vous le gardez au vivant, au fond. C'est une consolation ces lettres ?
02:01 Une consolation non, mais c'est sa présence qui est constamment avec moi et que peut-être, si je n'avais pas écrit ces lettres, ça n'aurait pas été si fort.
02:10 Parce que moi je ne sais pas parler au mort. Je ne lui dis pas, si je lui dis bonjour tous les matins, bonsoir tous les soirs, mais ça c'est tout simple.
02:17 Mais je ne lui demande pas son avis, mais il est non-stop avec moi. Et ces lettres, c'était qu'il me sent aussi non-stop avec lui. Enfin j'espère.
02:27 Ça fait 5 ans que Jean-Pierre Mariel est mort. Et on se dit en lisant votre livre que vous n'avez pas fait votre deuil et que vous ne le ferez jamais.
02:32 Non, je ne le ferai jamais. Je ne l'ai pas fait. J'ai l'impression qu'il est parti hier. Je revois le moment même où il est parti, hier, alors avec moins de larmes.
02:42 Et un peu plus de chant peut-être. Mais non, je ne ferai jamais mon deuil. Jamais. On ne fait pas son deuil. Comment peut-on faire son deuil ?
02:49 Ce livre, c'est une réflexion sur le veuvage. Vous dites d'ailleurs que c'est un mode d'emploi pour les veufs et les veuves. Vous leur donnez des conseils.
02:57 Vous parlez du veuvage, presque d'une maladie en fait, quand on perd son compagnon. Vous dites « Je suis amputé. Rien à quoi s'accrocher pour ne pas glisser, pour ne pas tomber en se faisant très mal.
03:07 Résister à la douleur, à l'immense fatigue. Lutter contre le grand silence de l'oubli. Malade et veuve, c'est un état d'abandon et de réflexion.
03:16 D'abandon je vois, mais de réflexion. En quoi c'est un état de réflexion d'avoir perdu quelqu'un ?
03:23 C'est un état de réflexion parce que c'est quelque chose qu'on ne peut absolument pas partager. Et même avec les autres veufs ou veuves, on ne peut pas le partager.
03:31 Parce que chacun a son absent et son absent n'est pas le même que celui de l'autre. Donc forcément, par exemple, Jean-Pierre était évidemment quelqu'un d'extrêmement charismatique.
03:43 C'était une très forte personnalité. Donc il est bien évident que je ne peux pas partager cette personnalité et le manque de cette personnalité avec même une autre veuve ou quelqu'un d'autre.
03:53 Parce qu'elle ne pourra pas comprendre. Effectivement, on est amputé, complètement amputé. Ça ne se voit pas. Mais il vous manque un bras, une jambe, un moitié de cœur, une moitié de tête.
04:04 Vous vivez à moitié. Je vis à moitié. Et l'heure fatidique, dites-vous, l'heure maléfique, horrifique, c'est l'heure du crépuscule. C'est le pire moment de la journée ?
04:13 Oui, c'est le pire moment de la journée parce que tout à coup, d'abord chacun rentre chez soi, chacun rentre et retrouve quelqu'un. Le ciel s'assombrit, bon ça c'est un euphémisme.
04:23 Mais tout à coup, la solitude et le manque de l'autre va être colossal parce qu'on va rentrer chez soi et on va ouvrir la porte et il n'y aura personne.
04:32 Parlez-moi des sardines. Pourquoi les sardines ? C'est très important. La boîte de sardines, c'est très important. C'est un déjeuner sans entrain, mais goûteux et nourrissant quand on n'a pas faim.
04:42 Oui, c'est très bon parce qu'il y a des oméga-3 et la veuve, elle se fripe un peu quand même, il faut bien le dire, parce qu'on ne la regarde plus, on ne l'aime plus tellement, elle n'est plus dans l'œil de l'être aimé.
04:51 Donc elle se fripe un peu. Alors l'oméga-3 de la sardine est très très important. Et puis c'est facile, on ouvre une boîte de sardines, on ne la mange pas dans la boîte quand même.
04:59 On la met dans l'assiette et on la mange correctement. Mais voilà, c'est facile.
05:05 Vous listez les clichés sur la veuve. Oubliez le chagrin de la veuve. Oubliez qu'un temps, elle disait "nous", qu'on disait "eux", les untels et que maintenant on ne sait plus très bien quoi dire.
05:15 La veuve doit être solitaire, paisible. La veuve est courageuse, aimante, attentive. Elle n'a pas d'ego, pas trop de personnalité. Elle a perdu sa personnalité en route entre la maison et le cimetière.
05:26 Vous lisez drôlement bien. C'est vrai qu'on peut perdre sa personnalité si on ne fait pas attention et si on n'est pas très vigilant.
05:38 Parce que tout à coup, on est comme un petit chiffon. On a un petit chiffon qui peut s'écrouler comme ça par terre et personne ne va vraiment voir qu'on s'écroule.
05:46 Donc il faut bien tenir les rênes de la chose.
05:50 C'est vrai que ce que vous dites sur le regard des gens sur la veuve ou la veuf, elle doit être courageuse, elle doit être aimante, elle doit être douce.
05:58 Elle ne doit pas gêner. Parce que quand même, le veuvage c'est un peu tabou. Parler de l'absence c'est tabou. Faire référence à l'absence c'est tabou.
06:07 Donc la veuve doit apprendre à vivre avec son accent, avec son absent, sans trop le mettre en avant.
06:14 Et puis oui, elle ne doit pas gêner la veuve. Elle doit être bien. Elle doit bien se conduire.
06:20 Parce que sinon, on va la mettre de côté peut-être aussi. Ça pourrait arriver.
06:25 Si elle parle trop de son absence, si elle parle trop du manque ou de la solitude, ça saoule.
06:31 Parce qu'il faut être dans la vie, il faut tourner la page.
06:34 Les gens n'ont plus le temps d'avoir de l'empathie, je pense.
06:38 Les gens n'ont plus le temps ou le goût ou l'envie, je ne sais pas, de se pencher longuement sur un chagrin.
06:45 Regardez, quand les gens sont malades, les gens qui ne sont pas votre propre famille évidemment,
06:50 on est compatissant au départ et puis à un moment, on ne va plus tellement voir la personne à l'hôpital, chez elle et tout.
06:57 Parce qu'elle est malade, parce qu'elle peut risquer de se plaindre, parce qu'elle n'est plus dans la vie active qu'on a envie de vivre.
07:04 C'est ce que vous avez vécu quand Jean-Pierre Mariel est vraiment tombé malade de la maladie d'Alzheimer.
07:08 Vous avez vu les gens se détourner, les gens moins venir ?
07:11 Non, c'est moi qui ai mis Jean-Pierre et notre vie complètement entre parenthèses.
07:17 D'abord, au début, je ne l'ai jamais dit d'ailleurs.
07:21 Jean-Pierre était dans le DINI, donc il n'y avait aucune raison que je la somme en lui disant qu'il avait une maladie grave.
07:26 Et cette maladie-là en particulier, surtout pour un comédien.
07:30 Mais nous nous sommes retirés, par mon choix, un peu du monde.
07:36 Et on a vu que des amis très très très très proches.
07:39 Alors justement, je vais revenir à l'Alzheimer, mais les souvenirs, restent les souvenirs qui vous accompagnent, les souvenirs heureux.
07:44 Vous dites le festival de Cannes, l'anniversaire de Jean, on imagine que c'est Jean Rochefort, l'hommage à Jean-Paul Belmondo.
07:50 On imagine au festival Louis Lumière à Lyon, les générales au théâtre Edouard VII et les fêtes qui suivaient les spectacles, les voyages à Rome, en Tanzanie.
07:58 Ce sont les bons souvenirs qui restent le plus ?
08:00 Oui, j'ai tout oublié des mauvais.
08:02 Pourtant il y en a eu des mauvais avec cette maladie.
08:05 Et ça a été très long, et ça a été extrêmement douloureux, et extrêmement difficile à vivre.
08:10 Mais j'ai cette faculté d'avoir tout occulté et de ne garder que les bons souvenirs avec Jean-Pierre.
08:16 En lisant votre livre, on se souvient de ce que fut la bande du conservatoire, ses cancres comme ils se décrivaient eux-mêmes,
08:21 Marielle, Rochefort, Belmondo, Claudrich et les autres.
08:23 Pour le plaisir, je voulais vous faire écouter Paris Jadis. Est-ce que vous vous souvenez de cette chanson ?
08:27 Oui, très bien, j'adore.
08:28 Chantée par Jean-Pierre Marielle et par Jean Rochefort.
08:30 Oui, j'adore.
08:31 C'était la B.A. du film Les Enfants Gâtés, un film dans lequel ils n'ont pas joué, mais ils chantaient la bande originale.
08:40 Vous allez savoir pourquoi ?
08:41 Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce que je peux dire juste une petite anecdote à ce sujet ?
08:46 Un jour, Jean-Pierre tournait Avenue de Breteuil, un film de Noé Milovski, un très joli film.
08:51 Et tout à coup, il y a quelqu'un qui a ouvert sa fenêtre et qui a mis cette chanson.
08:56 Et toute la rue a profité de cette chanson de Jean-Pierre et de Jean.
09:00 On l'écoute.
09:01 Dans le Paris des républiques, l'accordéon nostalgique a semé bien des musiques dont il reste des échos.
09:09 Dans nos coeurs, il y a des rengaines dont les rimes incertaines se prenaient pour du berlaine, du brouant ou du carpeau.
09:18 Le chanteur dit "Rue qui brame, à votre bon cœur, messieurs, dames, Paris sera toujours Paname et tout ça ne vaut pas l'amour".
09:27 Lorsque les télés s'allument, pauvre fantôme des brumes s'en revient succès posthume, nous hanter au fond des cours.
09:35 Et allez donc, en voilà la rétournelle de la chanson gna gna et chaud vide et lieu jeu.
09:44 Paris Jadis, Jean Rochefort, Jean-Pierre Mariel.
09:47 Toute la question c'est de savoir, de reconnaître quand c'est Rochefort qui chante et quand c'est Mariel.
09:51 Moi je me suis planqué personnellement.
09:52 Moi ça a été.
09:53 Vous j'espère que ça a été.
09:55 Jean-Pierre Mariel, dont j'avais envie d'entendre aussi la voix ce matin qui disait de lui "je suis un misanthrope mondain, un solitaire bavard".
10:02 Chez Pivot, dans Bouillon de Culture, en 94, il dit qu'il est un traînard, une certaine idée très anachronique de la nonchalance.
10:10 Écoutez.
10:11 Si vous deviez vous ramasser d'un seul mot, vous définir d'un seul mot, quel est le mot que vous choisiriez ?
10:16 Moi, j'ai l'impression que je suis un traînard, un peu.
10:23 Un traînard.
10:24 Oui, un mec qui traîne.
10:25 Qui se balade, qui traîne, qui regarde comme ça.
10:29 C'est ce que j'aime le plus dans la vie, traîner.
10:31 Parce que le traînard dans l'armée napoléonienne, ou le traînard aujourd'hui dans la compétition économique, il est foutu.
10:38 Il est mort.
10:39 Vous, vous êtes resplendissant.
10:41 Oui, alors ça veut dire qu'on peut être un traînard.
10:45 Moi j'aime bien quand les gens sur qui on ne s'y attend pas, tout d'un coup, se débrouillent un peu dans la vie.
10:50 Moi j'aime bien ça.
10:51 Moi j'ai toujours adoré les cancres.
10:53 Vous étiez un cancre ?
10:54 Ah oui.
10:55 Et je le revendique.
10:56 J'ai le sentiment d'être toujours un peu un cancre.
10:59 Vous vous êtes rencontrée en 1999 avec Jean-Pierre Mariel sur la pièce Le Nouveau Testament de Sacha Guitry.
11:06 Vous vous mariez en 2003 en Italie, puis une grosse fête au Théâtre Edouard VII.
11:10 Le Théâtre Edouard VII est très présent dans votre livre.
11:12 On a l'impression que c'est un lieu de votre amour.
11:14 Oui, c'est un lieu qui a beaucoup beaucoup compté.
11:17 Mais dès le début de votre relation, Agathe Nathanson, vous sentez qu'il y a parfois un problème.
11:21 Qu'il y a parfois des absences, qu'il y a parfois des pertes de mémoire.
11:24 Oui. Ma mère avait eu la maladie d'Eiselmer très très jeune, à 50 ans.
11:29 Donc j'ai vécu avec cette maladie longtemps, beaucoup.
11:33 Donc j'ai bien observé, j'ai bien vu.
11:35 Et à l'époque on n'en parlait pas.
11:36 C'était il y a longtemps et c'était une maladie dont on ne prononçait pas le nom.
11:40 Et vous avez senti chez lui au début ?
11:42 Au début j'ai senti.
11:43 Alors j'ai mis ça au début beaucoup sur le fait qu'il était un peu tombé amoureux de moi.
11:50 Et qu'il y avait longtemps que ça ne lui était pas arrivé.
11:52 Il avait quand même déjà 65 ans.
11:54 Et que tout à coup il y avait peut-être une émotion.
11:56 C'était quand même un excessif Jean-Pierre et quelqu'un d'extraordinaire.
12:00 Donc j'ai mis ça sur le compte d'une émotion, d'une joie, de quelque chose d'extraordinaire qui arrivait.
12:06 Et puis petit à petit quand même j'ai trouvé qu'il y avait des répétitions surtout.
12:11 Qui venaient beaucoup, beaucoup, beaucoup.
12:13 Et que je ne m'expliquais pas trop.
12:15 Ce qui m'inquiétait un peu.
12:16 Ce qui vous inquiétait, vous parlez du déni.
12:18 Il n'a jamais voulu parler de sa maladie d'Elsemer ?
12:20 Jamais. Jamais.
12:22 On n'a jamais dit le non.
12:24 On n'a jamais dit qu'il n'allait pas bien.
12:26 On n'a jamais dit qu'il avait des troubles de mémoire.
12:28 Et que de temps en temps, s'il avait eu une absence de mémoire, ce n'était pas grave.
12:33 Pourquoi ? Parce qu'il y a la honte.
12:35 Vous dites que c'est une maladie qui faisait honte.
12:37 Moi je l'ai vécue comme une honte.
12:39 Vous dites "moi au début j'avais honte".
12:40 Ah oui, moi au début je l'ai vécue comme une honte.
12:42 Comme je l'avais vécue avec ma mère, comme une honte.
12:44 Je ne sais pas pourquoi.
12:45 Je pense que la maladie, la connaissance de cette maladie a vraiment beaucoup évolué ces 15 dernières années.
12:52 Mais avant c'était proche de la folie.
12:56 Et pourtant il a continué son métier.
12:58 Il a continué à tourner au cinéma, au théâtre, grâce à l'oreillette.
13:01 Et vous étiez sa souffleuse.
13:03 Oui, j'étais sa souffleuse et c'était merveilleux.
13:05 Parce que moi j'ai arrêté de travailler, je l'ai suivi partout, partout, partout.
13:08 Et il était très heureux de ça parce qu'il disait, et ce que je comprends tout à fait,
13:13 moi je connaissais parfaitement le rythme de jeu de Jean-Pierre.
13:17 Donc je savais comment lui souffler.
13:19 Et éventuellement il m'engueulait si ça n'allait pas.
13:21 Mais on était vraiment très très proches.
13:23 Je voulais qu'on écoute les mots bouleversants d'Annie Gérardot,
13:25 qui l'avait rencontrée au conservatoire aussi.
13:27 Elle aussi souffrait d'Alzheimer.
13:29 Et elle raconte, je ne sais pas si vous avez vu ce documentaire bouleversant,
13:32 sa maladie, les absences, les pertes de mémoire au début.
13:37 Comment ça, ça arrive Alzheimer ?
13:39 Par contre, face caméra, c'est dans ce documentaire "Ainsi va la vie" de Nicolas Beaulieu.
13:43 Écoutez-la.
13:45 Au début c'est un titre de film par exemple.
13:47 Qu'est-ce que je fasse ?
13:51 Au début elle me demande une ville.
13:55 Je suis allemand et je crois que c'est Berlin.
13:59 Puis un jour, un homme arrive, avec une boute blanche.
14:05 Il a l'air grave.
14:07 Et il me dit, "Madame, vous êtes malade.
14:15 Vous perdez la mémoire.
14:19 Elle ne reviendra jamais."
14:22 J'ai eu un moment de bonheur.
14:24 Vous savez, c'est le cœur que ça concerne.
14:30 C'est pas le cerveau.
14:35 Les films que j'ai tournés, les hommes que j'ai aimés,
14:41 c'est la belle histoire de ma vie.
14:44 Sauf que maintenant, vous la connaissez mieux que moi.
14:49 Terrible.
14:52 Je ne sais pas pourquoi on a dit à cette femme qu'elle avait la maladie d'Alzheimer.
14:57 Je pense qu'il y a des gens qui peuvent l'entendre et des gens qui ne peuvent pas l'entendre.
15:00 Jean-Pierre ne pouvait pas l'entendre.
15:02 On ne pouvait pas parler de la mort, par exemple.
15:04 C'était un sujet totalement tabou.
15:06 Donc Jean-Pierre n'aurait pas pu l'entendre.
15:08 À la fin, il ne vous reconnaissait plus ?
15:10 Non, il me disait "Bonjour Monsieur".
15:12 Mais ce n'était pas ça le pire.
15:14 Je vais vous dire, ce n'était pas ça le pire.
15:16 Il disait "Bonjour Monsieur" avec beaucoup de tendresse.
15:18 Donc c'était ça l'important.
15:20 Le pire, c'est de voir l'être qu'on a aimé se défaire, se quitter.
15:23 Il part de lui-même.
15:25 La loi sur la fin de vie, vous en pensez quoi ?
15:28 Moi, je pense que c'est très très bien.
15:30 Je crois que le président Macron, pour l'instant, ne veut pas l'étendre justement aux malades d'Alzheimer.
15:35 Et là, je pense que je vais lui écrire une lettre.
15:38 Parce que je pense qu'il faut absolument l'étendre aux malades d'Alzheimer.
15:41 Il dit que l'important c'est le consentement.
15:43 Et que les malades d'Alzheimer, par définition, n'ont plus le consentement.
15:46 Oui, mais on peut très bien, par exemple, si on a éventuellement des premiers signes
15:51 et qu'éventuellement on est diagnostiqué,
15:53 on peut très bien dire à partir du moment où je ferai ci ou je ne serai plus capable de faire ça,
15:57 je veux que ça s'arrête.
15:59 Les impromptus, pour finir, vous répondez rapidement, sans trop réfléchir.
16:03 France Inter ou France Musique ?
16:05 France Inter.
16:06 Vous écoutez tous les matins. Vous en parlez dans le livre.
16:09 Oui, j'en parle dans le livre parce que France Inter, d'une certaine façon,
16:12 fait totalement partie de ma vie parce qu'on se lève.
16:14 Alors, là, le réveil est dur quand même parce qu'on sait qu'on est tout seul dans la maison.
16:18 On ne sait pas trop ce qu'on va faire de sa journée encore certaines journées.
16:21 Et tout à coup, on allume la radio, on fait couler son café et puis on vous écoute.
16:25 Et on est bien. Mieux.
16:27 On ne s'éloigne plus tout seul.
16:29 Ça nous touche.
16:31 Molière ou Marivaux ?
16:32 Marivaux.
16:33 Belmondo ou Delon ?
16:34 Belmondo.
16:36 Noiré ou Rochefort ?
16:38 Rochefort.
16:39 Il était comment, Louis de Funès ?
16:41 Écoutez, avec moi, il était tout à fait charmant parce que j'étais d'abord toute jeune comédienne.
16:46 C'était sa femme qui m'avait choisi et Louis de Funès écoutait beaucoup, beaucoup sa femme.
16:50 Donc, c'est sa femme qui m'avait vu en couverture d'un magazine et qui avait dit « c'est elle qu'il faut prendre ».
16:55 Il a été charmant, il m'a même emmené en vacances avec lui à Saint-Tropez.
16:58 Donc, il a été adorable.
17:00 Barbara ou François Zardy ?
17:02 Barbara.
17:03 Isabelle Huppert ou Isabelle Adjani ?
17:05 C'est dur celle-là.
17:07 C'est compliqué. Allez, Adjani.
17:10 Rome ou Florence ?
17:11 Florence.
17:12 La dernière fois que vous avez pleuré ?
17:14 Il y a trois jours.
17:16 La dernière fois que vous avez ri ?
17:18 Hier.
17:19 Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:22 Fraternité.
17:24 Il y a un Dieu dans tout ça, Agathe Matenson ?
17:26 Il m'a lâchée.
17:28 Le livre s'appelle donc votre livre bouleversant, s'appelle, pardonnez-moi, parce que je l'ai oublié à côté de mon lit,
17:38 « Chantons sous les larmes », lettres à Jean-Pierre Mariel, c'est aux éditions du Seuil, c'est un très beau livre.
17:44 Et je vais citer pour terminer, Boris Vian que vous citez au début.
17:48 « Je voudrais que tu sois là, que tu frappes à la porte et tu me dirais c'est moi, devine ce que je t'apporte et tu m'apporterais toi ».
17:56 Oui, ça serait le rêve.
17:58 Merci et belle journée à vous.
17:59 Merci beaucoup de m'avoir reçu, tous les deux.