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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:05 Oui, Marguerite Caton, la vie c'est une folie.
00:08 Bonjour Marguerite.
00:10 Bonjour Guillaume et bonjour à tous.
00:12 Aujourd'hui on va parler de l'adoption internationale.
00:14 Oui, car mercredi dernier, avec près d'un an de retard, l'État a enfin rendu publiques
00:18 les conclusions de la mission interministérielle d'enquête sur les pratiques illicites dans
00:22 l'adoption internationale.
00:24 Pour des milliers de Français adoptés à l'étranger qui ont découvert en recherchant
00:28 leurs origines des dossiers irréguliers, des documents truqués, des consentements
00:32 manquants, c'est un voile qui se lève sur les dérives d'un système.
00:35 Mais c'est aussi une somme de nouvelles questions.
00:38 Comment accompagner ces personnes et ces familles flouées ? Quelles réparations sommes-nous
00:43 aujourd'hui à l'abri de ces pratiques criminelles qui ont prospéré à la croisée
00:46 du désir d'enfant et des inégalités de développement ? Autant de questions que nous
00:51 allons poser à Fabio Macedo.
00:53 Bonjour.
00:54 Bonjour.
00:55 Fabio Macedo, chercheur postdoctorant à l'université d'Angers, co-auteur avec Yves Denechère
00:59 de l'étude historique sur les pratiques illicites dans l'adoption internationale
01:02 en France.
01:03 C'est une étude qui a précédé le rapport public.
01:05 Ce que montre le texte publié par le gouvernement, c'est que l'adoption internationale s'est
01:10 doublée d'un trafic lucratif d'enfants durant des décennies.
01:13 Oui, tout à fait.
01:15 Disons que l'épreuve des pratiques illicites dans l'adoption internationale accompagne
01:20 l'existence même depuis les départs, l'adoption internationale elle-même.
01:24 C'est-à-dire qu'à côté des pratiques tout à fait vertueuses et tout à fait illégales,
01:28 il y a toujours eu une zone grise, une zone qui a difficilement été encadrée par l'État,
01:34 par les différents États.
01:35 Vous dites depuis le début, c'est dans les années 60 l'origine d'un mouvement de plus
01:40 en plus important d'adoption internationale ?
01:42 Disons que l'adoption internationale telle qu'elle est encore aujourd'hui, elle est
01:45 suite à la fin de la seconde guerre mondiale, mais elle va prendre effectivement de l'importance
01:51 avec le développement de la Corée du Sud à partir des années 50, à la fin des années
01:57 50 en tant que pays d'origine de ces enfants-là.
02:00 En France, ça va paraître d'une façon beaucoup plus importante à partir des années
02:07 70 et notamment à partir des années 80 quand ça explose effectivement.
02:11 Et quand on parle de pratiques illicites, ce qu'on vise le plus en fait ce sont des
02:16 faux consentements de la part des parents biologiques.
02:19 Je crois qu'on est même allé jusqu'à produire des enfants à destination de l'adoption.
02:23 On parle de fermes d'enfants.
02:24 Dans les cas les plus extrêmes, on est arrivé jusqu'à là, jusqu'à ce qu'on appelait
02:30 en anglais les "baby farms", les fermes à bébés.
02:33 Mais ce qu'on a retrouvé dans notre étude qui a été publiée l'an dernier, ce qu'on
02:40 a retrouvé de façon la plus récurrente en termes de pratiques illicites, c'était
02:44 effectivement le manque de consentement de la famille et notamment de la mère biologique
02:47 qui se retrouvait notamment dans une précarité sociale et aussi la falsification des documents
02:53 d'état civil pour pouvoir justement détourner l'attention sur cet enfant qui était en
02:58 train d'être adopté et faciliter qu'il puisse avoir un visa, qu'il puisse avoir
03:04 l'accord des autorités de départ.
03:07 Est-ce qu'on a l'assurance que ces pratiques qui ont été qualifiées de systémiques
03:11 dans le rapport sont bien derrière nous Fabio Macedo ? Le nombre d'enfants adoptés
03:15 à l'étranger a considérablement baissé en France, on est à 232 en 2022 contre 5000
03:20 environ au début des années 2000.
03:22 Est-ce qu'aujourd'hui on peut être certain que toutes les adoptions internationales
03:26 sont régulières et honnêtes ?
03:27 Ce qu'on peut être certain, bon effectivement il y a une baisse très importante du nombre
03:32 d'adoptions internationales depuis une vingtaine d'années.
03:34 Donc il est beaucoup plus simple aujourd'hui en quelque sorte, parce que le volume a baissé,
03:38 de encadrer et de contrôler les adoptions qui arrivent en France par exemple.
03:43 Mais le travail doit toujours être mené, je pense que là la mission de l'adoption
03:49 internationale auprès du ministère des affaires étrangères fait un très bon travail là-dessus
03:53 et est très attentive.
03:55 Et aujourd'hui beaucoup plus que par le passé, sur les moyens de contrôle qui peuvent être
04:02 mis à disposition des citoyens et des citoyennes français qui se dirigent à l'étranger
04:07 pour chercher un enfant.
04:08 Donc aujourd'hui il y a beaucoup plus de garanties.
04:10 Il y a les contrôles nationaux, mais il y a aussi les traités internationaux qui ont
04:15 joué un rôle très important dans la régulation de ces adoptions internationales.
04:19 La convention de la haie qui a été signée en 93, que la France ratifie en 1998, a vraiment
04:24 joué un rôle majeur et elle institue la subsidiarité.
04:27 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce principe ?
04:28 Le principe de subsidiarité prévu dans la convention de la haie de 1993, il signifie
04:39 que les pays de départ des enfants doivent donner la priorité à l'adoption de leurs
04:45 enfants qui se trouvent sur leur territoire à leurs nationaux, à leur communauté, avant
04:50 de s'étourner vers l'étranger.
04:51 Et du coup l'adoption internationale c'est quoi ? C'est le dernier recours ?
04:54 Pour les pays de départ des enfants, oui.
04:58 Et c'est pour ça d'ailleurs qu'il y a de moins en moins d'enfants adoptables ?
05:01 C'est une des raisons.
05:04 Le rapport signale des manquements collectifs sans s'attarder sur la responsabilité de
05:09 l'Etat.
05:10 Pour l'instant il n'est pas question d'excuses publiques comme c'est le cas dans d'autres
05:13 pays européens.
05:14 Est-ce que l'Etat français, et non pas des manquements collectifs, va regarder le
05:20 fait qu'il n'a pas agi en temps et en heure, qu'il y avait eu des signalements
05:23 qui n'ont pas donné lieu à des actions ?
05:25 En tout cas c'est ce qu'ils attendent les associations, c'est qu'elles attendent
05:30 que les personnes qui sont en demande de cette reconnaissance de la part de l'Etat français,
05:34 que l'Etat français puisse faire comme d'autres Etats européens l'ont déjà
05:38 fait, c'est-à-dire qu'ils puissent dire qu'il y a eu des manquements collectifs
05:42 certes, mais il y a eu surtout des manquements de la part de l'Etat dans le contrôle,
05:47 dans tous les processus de vérification, si c'était légal ou pas, et qu'ils puissent
05:52 présenter des excuses publiques et faire des réparations nécessaires pour ces personnes-là.
06:00 L'une des préconisations du rapport, c'est l'accompagnement des enfants adoptés dans
06:04 la recherche de leurs origines une fois adultes.
06:06 Ils signalent qu'il y a là aussi actuellement le développement de pratiques illicites,
06:10 d'un business lucratif.
06:12 Quel est l'état de ce dispositif actuellement Fabio Macedo ?
06:15 L'état, le constat est qu'il est totalement défaillant alors qu'il y a une demande
06:20 de plus en plus importante.
06:22 Une demande de plus en plus importante, de plus en plus importante, les personnes adoptées
06:26 se retrouvent dans une situation totalement difficile, dans un sens où ils veulent se
06:32 retourner aller trouver leur famille d'origine.
06:35 Parfois, ils réalisent déjà en regardant leur dossier qu'il y a des zones d'ombre,
06:41 donc qu'il y a des informations qui ne sont pas claires sur ces enfants-là, sur leurs
06:49 propres origines, et donc ils veulent se tourner vers leur famille d'origine dans leur pays
06:53 de naissance.
06:54 Le problème, ils n'ont pas d'interlocuteur fiable de la part des états, par exemple,
07:01 de la part de la justice, que ce soit pour le cas de la France en France, mais aussi
07:05 dans leur pays respectif, ils finissent par se tourner vers des intermédiaires qui sont
07:11 là pour l'argent.
07:14 Il faudrait que le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles accompagne ces personnes.
07:19 Un dernier mot Fabio Macedo, le rapport souligne qu'aujourd'hui les pratiques illicites
07:23 se sont déplacées en périphérie de l'adoption proprement dite, notamment vers la GPA, la
07:28 gestation pour autrui.
07:29 Qu'est-ce qu'on observe de ce côté-ci ?
07:30 Je pense que le problème de la GPA, c'est qu'on va retrouver des similitudes avec les
07:35 cas d'adoption internationale par le passé.
07:38 Il y a 40, 50 ans, il y a 30 ans, quand l'adoption internationale n'était pas assez encadrée.
07:44 Ce que se passe aujourd'hui actuellement aussi, il manque par exemple ce qui a pu permettre
07:50 à l'adoption internationale de se développer dans des conditions plus saines, donc depuis
07:56 1993 et la Convention de l'AE, il manque un dispositif international, un traité international
08:01 qui puisse encadrer par exemple les GPA et que ensuite les Etats puissent mettre les
08:06 moyens et les dispositifs nécessaires pour mieux accompagner les personnes qui veulent
08:11 faire usage.
08:12 Merci beaucoup Fabio Macedo.
08:13 Je rappelle que vous êtes historien, chercheur à l'Université d'Angers.
08:16 Merci.

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