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Mardi 12 mars 2024, SMART IMPACT reçoit Sophie Thoyer (directrice de recherche, Inrae) , Jacques Portalier (chef de projet automobile, The Shift Project) , Jean-Michel Pinto (associé automobile, Deloitte) et Nicolas Drique (fondateur, La Clayette)

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00:00 [Générique]
00:08 Bonjour, bonjour à toutes et à tous. C'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:14 Et voici le sommaire du jour.
00:17 Pourquoi les agriculteurs européens sont-ils opposés au Green Deal ?
00:20 Que contient ce pacte vert ? Le virage écologique est-il trop brutal ?
00:24 Je poserai ces questions dans une minute à Sophie Toyer, directrice de recherche à l'INRA.
00:30 Et dans notre débat, on va détailler le bilan carbone de la fabrication des véhicules électriques.
00:35 Une étude du cabinet Deloitte rappelle que la phase de production est plus polluante que pour les voitures thermiques.
00:41 On verra quelles sont les pistes pour améliorer ce bilan des usines auto.
00:46 Et puis dans notre rubrique Start-up, vous découvrirez la clé qui veut démocratiser la consommation de produits frais.
00:53 En circuit court, voilà les titres. On a 30 minutes pour les développer. C'est parti.
00:58 [Générique]
01:04 Les élections européennes ont lieu dans 3 mois, le 9 juin régulièrement dans Smart Impact.
01:10 Je vous propose un zoom sur ce que fait concrètement l'Union européenne après le spatial le mois dernier.
01:17 Un thème en pleine actualité aujourd'hui. L'agriculture avec nous en duplex en visioconférence Sophie Toyer,
01:23 qui est directrice de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
01:29 Bonjour et bienvenue. Peut-être une question assez générale sur ce mouvement social,
01:37 pas seulement syndical d'ailleurs, qui touche toute l'Europe. Pourquoi les agriculteurs européens sont en colère ?
01:45 Comment en est arrivé un tel ressentiment, notamment vis-à-vis des règles européennes ?
01:50 D'abord une chose, que les agriculteurs soient en colère et qu'ils s'expriment dans la rue parfois de façon un petit peu forte,
01:58 voire violente, ce n'est pas nouveau.
02:01 Oui, mais dans autant de pays en même temps quand même.
02:04 Un peu plus, vous avez raison. Je pense que la dimension européenne de l'expression de ce mécontentement-là est nouvelle.
02:11 En tout cas, on l'avait entendu en 1992 au moment de la réforme de la PAC, donc ça existait quand même déjà avant.
02:18 Alors, je pense que le feu couvait depuis longtemps. Les agriculteurs, dans leur grande majorité, sont très gênés
02:25 à la fois par le sentiment que leur revenu est très faible au regard des capitaux qu'ils immobilisent et puis du travail qu'ils fournissent.
02:36 Et c'est vrai, par unité de travail ou par unité d'euros immobilisés sur une exploitation, en moyenne en France, c'est 1 million d'euros.
02:44 Donc c'est beaucoup d'argent immobilisé. Et bien, il génère finalement peu de revenus, puis un revenu très variable
02:49 du fait de la variation des prix sur les marchés mondiaux, du fait des accidents climatiques.
02:55 Et puis ce qui a mis le feu aux poudres, en tout cas en France, mais aussi dans d'autres pays comme l'Allemagne,
03:00 ça a été la décision européenne de réduire la réforme fiscale qui était donnée sur le gazolement routier,
03:06 qui est celui qu'ils utilisent dans leurs tracteurs, en fait.
03:09 Donc ça, c'est vraiment l'élément déclencheur. On va détailler ensuite d'autres questions liées au Green Deal, au pacte vert,
03:18 qui ne concerne pas que l'agriculture, évidemment, mais qui est perçu par les agriculteurs parfois comme un peu punitif.
03:23 Un chiffre qui est important dans le cadre de la politique agricole commune, les agriculteurs français reçoivent chaque année
03:28 plus de 9 milliards d'euros de subventions européennes. Rapidement, Sophie Toillet, c'est la France qui touche le plus. Ce qui est logique.
03:38 Oui, tout à fait. C'est logique parce que finalement, c'est le plus gros pays agricole européen.
03:43 Et comme en gros, les budgets sont calculés sur la surface agricole utile de chaque pays, eh bien c'est nous qui touchons le plus, effectivement.
03:52 Mais nous donnons aussi beaucoup à l'Europe.
03:54 Oui, il faut le rappeler. On donne effectivement, on contribue beaucoup au budget de la politique agricole commune.
03:59 Parlons de ce pacte vert européen et de ce qui doit arriver s'il est mis en œuvre pour nos agriculteurs.
04:09 Quels sont peut-être les changements les plus problématiques pour eux ?
04:13 Alors d'abord, vous avez raison de le dire, on a beaucoup stigmatisé le pacte vert. Le pacte vert, c'est une feuille de route.
04:21 C'est un projet, mais qui pour l'instant ne s'est pas traduit véritablement fortement dans les contraintes auxquelles font face les agriculteurs.
04:31 C'est toute une série de réglementations ou des directives qui doivent être mises en place dans les années à venir.
04:38 Donc en fait, ce qui aujourd'hui, entre autres, préoccupe les agriculteurs, c'est la petite traduction des ambitions du pacte vert
04:48 qui en ont été faites dans la PAC de 2023 qu'on vit actuellement, et notamment un certain nombre d'exigences environnementales un petit peu renforcées,
05:01 mais pas tant que ça, par rapport à ce qu'il y avait dans la PAC précédente, celle qui s'est arrêtée fin 2022.
05:09 Donc ça veut dire, je vous entends bien, et c'est peut-être aussi pour ça qu'ils sont si fortement mobilisés,
05:14 il y a une amorce d'application du pacte vert et ils commencent déjà à dire c'est trop pour empêcher la suite de se mettre en œuvre ?
05:23 C'est ce qu'on peut comprendre ?
05:25 On peut le dire comme ça. Je pense qu'il y a une inquiétude sur le futur, mais il y a aussi le fait que la PAC, par exemple, n'a pas attendu le pacte vert pour se verdir.
05:34 Voilà. En 2014, il y a eu ce qu'on a appelé le verdissement de la PAC.
05:38 Le pacte vert n'existait pas à l'époque, où on a pris un tournant environnemental assez fort en proposant qu'une partie des aides que touchent les agriculteurs
05:47 soient conditionnées à la mise en œuvre de pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement.
05:53 Donc pour eux, ce n'est pas nouveau.
05:56 Peut-être ce qui aujourd'hui crispe beaucoup, c'est le fait qu'il y a une multiplication de ces demandes environnementales qui se traduisent dans beaucoup de dispositifs de la PAC différentes,
06:10 et qui fait que pour un agriculteur qui reçoit tout ça, c'est un amoncellement d'exigences à droite à gauche qui lui faut respecter et sur lesquelles parfois même il a du mal à s'y retrouver.
06:22 Je dirais même que les conseillers agricoles qui les accompagnent eux-mêmes sont un petit peu perdus.
06:26 Oui, avec des normes supplémentaires. Est-ce qu'il y a aussi des injonctions contradictoires ? En tout cas, c'est ce que nous disent certains agriculteurs.
06:38 En fait, la question centrale, elle vaut pour l'agriculture, mais pas seulement. Et ça vaut pour d'autres secteurs dans lesquels l'Union européenne a un pouvoir et un point important.
06:48 C'est la rapidité de la transformation environnementale. On est face à une urgence climatique et en matière de biodiversité.
06:55 On aurait peut-être dû prendre ces décisions à 10 ans, mais bref, c'est aujourd'hui qu'il faut les prendre. Sauf que ça craque.
07:01 C'est cette impression que nous donne ce conflit des agriculteurs. Est-ce qu'il y a une norme ou une accélération de normes qui vous semble un peu emblématique ?
07:13 Je ne suis pas sûre. En fait, c'est intéressant de regarder par exemple le cas français. Il se trouve que dans la nouvelle PAC 2023,
07:22 les États membres ont beaucoup plus de marge de manœuvre pour appliquer la feuille de route ou le règlement européen.
07:30 C'est ce qu'on appelle le nouveau modèle de mise en œuvre. Et par exemple, la France, comme tous les autres États membres,
07:39 a établi le plan stratégique national dans lequel elle établit les exigences environnementales, entre autres, qu'elle demande aux agriculteurs,
07:50 dans le cadre d'un dispositif qui s'appelle les écorégimes. Ces écorégimes en France sont très peu exigeants.
07:56 D'ailleurs, vous avez très peu entendu les agriculteurs dénoncer les écorégimes. Je ne suis même pas sûre que vous ayez entendu le mot très souvent dans les manifestations.
08:05 Effectivement, ce n'est pas un mot qu'on a beaucoup entendu.
08:07 Ce qui les a crispés, c'est la conditionnalité, c'est-à-dire le renforcement des conditions exigibles pour pouvoir obtenir les aides.
08:16 Notamment, ça s'est beaucoup cristallisé autour, comme vous l'avez entendu, des jachères obligatoires sur les terres arables,
08:24 les fameux 4 % de terres arables qui doivent être dédiées à des surfaces improductives, des haies, des bosquets ou à une mise en jachère.
08:34 En fait, on ne produit pas des éléments qui peuvent être vendus sur le marché.
08:40 – Oui, il y avait une autre thématique qui était liée aux produits phytosanitaires, aux pesticides notamment,
08:46 avec cette question de surtransposition des normes européennes. Est-ce le cas et qu'est-ce qui est en train de changer ?
08:56 – Alors, la surtransposition, normalement, ça veut dire que quand on traduit le droit européen en droit national,
09:03 on irait au-delà des exigences demandées par l'Union européenne.
09:11 Donc, dans le cas des pesticides, c'est variable.
09:15 En France, on autorise la mise en marché d'un certain nombre de produits pesticides.
09:24 Et on peut, dans certains cas, la France, l'Annecès, en fait, peut décider d'appliquer des restrictions sur la mise en marché de ces pesticides
09:33 ou sur leur usage aussi, même quand ils sont autorisés, plus strictes que dans d'autres États membres.
09:40 Et c'est ça que les agriculteurs traduisent comme étant de la surtransposition, qui n'en est pas tout à fait,
09:46 et dont ils estiment qu'elles peuvent créer pour eux une distorsion de concurrence avec leurs voisins européens.
09:53 Là, on ne parle pas forcément de la distorsion de concurrence avec le reste du commerce international hors Union européenne.
10:00 Mais sur les pesticides, peut-être par rapport à l'Espagne, on est plus strict,
10:08 mais par rapport à l'Allemagne, pas forcément beaucoup plus, en fait.
10:12 – Un dernier mot, il nous reste une minute, c'est passé trop vite.
10:14 Peut-être sur le bio, je vais donner un chiffre, 14% des exploitations françaises qui sont engagées dans le bio.
10:21 Alors il y a eu un vrai coup de frein en matière de consommation, mais je voudrais qu'on parle de rémunération.
10:27 Est-ce que les agriculteurs qui sont passés au bio, pour certains, font marche arrière parce qu'ils se sentent mal rémunérés ?
10:36 – Oui, je pense qu'il y a eu une partie de ça.
10:39 C'est dommage, c'est lié en grande partie à la crise du pouvoir d'achat, l'inflation,
10:45 qui a fait qu'un certain nombre de consommateurs se sont détournés des produits bio,
10:51 parce que finalement l'alimentation, bizarrement, c'est la variable d'ajustement
10:56 lorsque le pouvoir d'achat se restreint un peu chez les consommateurs,
11:00 beaucoup plus que d'autres choses comme l'électronique ou les vacances.
11:07 Et donc, la rémunération du bio, il y a deux choses, il y a le prix de vente,
11:14 qui est normalement plus élevé que pour un produit conventionnel,
11:17 vous le constatez vous-même en général, pas toujours le cas,
11:20 et puis les aides que la PAC donne, et là aussi, les aides de la PAC ont été réduites par rapport à ce qu'elles étaient avant.
11:27 – Merci. – C'est ça aussi qui les dérange.
11:29 – Oui, évidemment. Merci beaucoup Sophie Thoyer et à bientôt sur BISmart.
11:34 On passe à notre débat "Comment améliorer le bilan carbone des usines automobiles ?"
11:38 Passé à l'électrique.
11:41 [Générique]
11:47 La décarbonation des usines automobiles au programme de notre débat avec Jean-Michel Pintot, bonjour.
11:52 – Bonjour. – Bienvenue, vous êtes associé automobile au cabinet de l'Ouattes,
11:54 et Jacques Portallier, bonjour. – Bonjour.
11:56 – Bienvenue à vous aussi, chef de projet automobile au Shift Project,
12:00 le cabinet de l'Ouattes qui a publié une étude sur le bilan carbone des usines de fabrication
12:05 des véhicules électriques, puisqu'elles sont de plus en plus nombreuses à y passer.
12:09 Alors, on expliquera ensuite quel est le bilan sur la totalité d'usage du produit,
12:13 mais déjà, simplement sur la production.
12:15 C'est plus polluant de produire une voiture électrique qu'une voiture thermique ?
12:18 C'est le premier constat.
12:20 – Alors oui, c'est une étude qu'on a réalisée, je tiens à le préciser,
12:24 pour les industriels de l'automobile, qui sont rassemblés au sein de la PFA,
12:28 qui rassemble la filière automobile.
12:29 Et cette étude, elle se concentre effectivement sur les émissions de fabrication,
12:33 les émissions de CO2, donc je dirais c'est plus émetteur,
12:36 voilà, en termes d'émissions, uniquement sur la phase de fabrication,
12:39 on reviendra plus tard, les émissions globales baissent significativement du fait de l'usage.
12:44 – Les émissions justement, dans ce processus de fabrication,
12:49 qu'est-ce qui charge le bilan en quelque sorte ?
12:53 Les batteries, l'aluminium, de quoi on parle ?
12:55 – C'est ça, exactement.
12:56 Donc dans les véhicules électriques, il y a des batteries,
13:00 qui ne sont pas présentes sur les véhicules thermiques,
13:02 et puis il y a plus d'aluminium, car c'est un matériau plus léger,
13:06 et aussi parce que c'est un matériau aujourd'hui plus premium,
13:09 qui est utilisé pour certaines pièces importantes du véhicule, notamment les roues.
13:14 – Le décalage, le différentiel, pardon,
13:18 d'émissions entre une voiture thermique et une voiture électrique à la production,
13:21 je le rappelle, à la production, c'est quoi ?
13:24 – Alors ça varie en fonction des véhicules,
13:26 c'est toujours difficile d'avoir un chiffre complet,
13:29 mais ça peut augmenter de 50 à 80 %.
13:32 – Donc c'est un différentiel important.
13:34 Évidemment, Jacques Portelier, ce handicap initial,
13:37 il est compensé au fur et à mesure des années d'usage de la voiture électrique.
13:41 Est-ce que, je sais que ça a été modélisé, il faut combien d'années ?
13:45 Alors ça doit dépendre effectivement des modèles, du poids des modèles,
13:49 mais il faut combien d'années en moyenne pour le compenser ?
13:51 – On va dire pour un rouleur moyen en France,
13:53 il faut compter dans les 3 ans de roulage, 3-4 ans de roulage,
13:57 pour compenser les émissions de CO2 supplémentaires
14:00 qui sont liées à la fabrication du véhicule.
14:02 – Donc c'est assez rapide.
14:03 – Donc c'est assez rapide.
14:04 Je pense que si on resitue le débat sur la question de la décarbonation de nos mobilités,
14:09 et la mobilité des personnes en termes de CO2, c'est en gros la voiture,
14:14 il n'y a pas de sujet sur le fait que la voiture électrique
14:16 permet de décarboner la mobilité.
14:18 Aujourd'hui, les émissions de CO2 liées à l'usage des voitures,
14:24 c'est en gros dans les 80 millions de tonnes de CO2 émises par an.
14:28 Si on passe tout le parc automobile à la voiture électrique,
14:31 on va redescendre à quelques millions de tonnes, 3-4 millions de tonnes,
14:34 parce qu'en France on a aussi une électricité qui est très bas carbone,
14:37 donc c'est une baisse drastique, on divise par 20.
14:40 Si on regarde ce que ça coûterait en termes d'émissions supplémentaires
14:44 d'électrifier le parc automobile avec des voitures
14:46 qui ressemblent à celles qu'on vend aujourd'hui,
14:48 potentiellement on rajouterait une grosse dizaine de tonnes de CO2
14:52 pour la fabrication des véhicules.
14:53 Donc vous faites -75 d'un côté, +10 de l'autre, il n'y a pas de débat.
14:57 Maintenant, il est clair que la voiture électrique,
15:01 ce n'est pas non plus une solution magique,
15:03 même si c'est la fée électricité, il n'y a pas de repas gratuit.
15:07 Donc il y a un sujet sur l'augmentation des coûts carbone de fabrication des véhicules
15:12 et effectivement c'est un sujet dont on doit s'occuper pour limiter les impacts.
15:15 Oui, ce débat qu'on est en train d'avoir, ce n'est pas attention,
15:19 il faut changer de pied, il faut arrêter de produire des voitures électriques,
15:21 mais en revanche ce qui est intéressant,
15:23 et d'ailleurs c'est l'industrie automobile qui vous commande cette étude,
15:25 c'est comment continuer de produire des voitures électriques
15:28 mais avec un bilan carbone qui s'améliore.
15:30 Donc il y a un travail qui est fait là-dessus.
15:32 Les leviers d'amélioration, quels sont-ils ?
15:36 Oui, tout à fait. L'idée c'est de continuer le passage à l'électrique,
15:40 il n'y a pas de question là-dessus,
15:42 et en parallèle de décarboner les processus de production.
15:46 Pour faire simple, nous on identifie quatre grands leviers qu'on appelle les 4 R.
15:51 C'est réduire la masse de matériaux,
15:56 moins il y a de matériaux moins il y a d'émissions,
15:58 c'est remplacer les matériaux les plus émetteurs,
16:02 par exemple l'aluminium peut être remplacé dans certains cas par l'acier,
16:05 c'est recycler, le matériau recyclé dans un certain nombre de cas
16:10 est beaucoup moins émetteur, c'est le cas de l'aluminium,
16:13 et puis c'est le renouvelable et l'énergie décarbonée
16:18 dans les processus de production,
16:20 c'est notamment utile pour l'acier.
16:22 Si on prend l'exemple, Jacques Portalier, par exemple des projets de Gigafactory,
16:27 est-ce qu'on est dans cette démarche ?
16:29 Et si oui, pourquoi ça change la donne ?
16:32 Alors, ça dépend où est placée la Gigafactory,
16:36 mais on va dire que si, en gros,
16:39 on parlait tout à l'heure du supplément d'émissions de CO2
16:42 associé à un véhicule électrique,
16:45 si on le dit de manière ultra simple, c'est la batterie,
16:47 en gros, qui fait l'essentiel de l'émission complémentaire.
16:50 Et ces émissions, elles sont en bonne partie liées à l'énergie
16:53 qu'on utilise pour fabriquer la batterie.
16:54 Donc, si vous êtes dans un pays où l'énergie est très carbonée,
16:57 vous allez avoir pour un véhicule type 208, Zoé,
17:01 en gros, 6 tonnes d'émissions de CO2 en plus.
17:03 Donc, vous doublez quasiment les émissions de fabrication du véhicule.
17:07 Si la batterie, elle est faite en France, dans une Gigafactory en France,
17:10 vous allez faire 3 tonnes de plus au lieu de 6.
17:13 Donc, vous divisez l'impact par 2. Donc, ce n'est pas marginal.
17:15 Donc, clairement... - Parce que transport et parce que source d'énergie,
17:18 c'est bien ça. - C'est beaucoup...
17:20 - C'est plus la source d'énergie. - Ce n'est pas tant le transport,
17:22 c'est vraiment la fabrication, ce que vous faites dans les différentes étapes.
17:25 Parce qu'on parle de...
17:27 Vous avez parlé de l'usine de fabrication automobile.
17:29 Il faut avoir en tête que quand on parle coût carbone de fabrication,
17:34 c'est toute la filière. C'est depuis la mine où vous extrayez les minerais,
17:37 vous les raffinez, vous les activez,
17:39 vous faites vos cellules et vous faites vos batteries.
17:41 C'est toute cette chaîne-là qu'on prend en compte.
17:43 Donc, toutes les opérations ne sont pas forcément au même endroit.
17:45 Mais à la fin, c'est vraiment les opérations industrielles,
17:48 la fabrication qui fait les émissions de ces composants.
17:49 - Est-ce que les pouvoirs publics, que ce soit français ou européen,
17:52 accompagnent ça, notamment, je pense, au Gigafactory, toujours ?
17:55 C'est-à-dire qu'il y a des subventions, il y a des aides qui sont bien fléchées, d'après vous ?
17:58 - Il y a des aides pour l'industrialisation qui sont fléchées.
18:01 Il y a des aides aussi pour essayer d'orienter le marché ou soutenir,
18:05 quelque part, ces produits plus vertueux que d'autres,
18:09 avec notamment une réglementation en cours de discussion,
18:12 une finalisation au niveau européen sur la réglementation batterie,
18:16 qui vise à intégrer l'empreinte carbone de fabrication
18:20 dans des processus réglementaires pour faciliter la pénétration
18:24 sur le marché de ces batteries plus vertueuses.
18:27 Il y a aussi des sujets comme l'écoconditionnalité des bonus,
18:30 en France, qui intègrent des enjeux d'empreinte carbone des véhicules
18:33 et qui va avoir un effet vertueux, quelque part,
18:35 en soutenant les productions de ces Gigafactory
18:38 ou de ces véhicules fabriqués en France.
18:40 - Si je peux compléter, effectivement,
18:43 on aide l'installation de Gigafactory en Europe et c'est très bien,
18:48 mais on l'a mentionné, ça marche que si on utilise
18:51 de l'énergie décarbonée pour ces Gigafactory
18:54 et cette énergie décarbonée, il faut qu'elle soit un coût compétitif
18:56 parce que sinon, on fait des batteries qu'on ne peut pas mettre
18:59 dans des voitures parce qu'elles coûtent trop cher.
19:01 Donc ça, c'est un point très important et qui est un peu sous-jacent,
19:04 c'est la disponibilité en électricité renouvelable et décarbonée,
19:09 en France et en Europe, qui va être un élément différenciant
19:13 pour l'installation de ces Gigafactory.
19:15 Il n'y a pas seulement le fait de donner des aides quand on les installe,
19:18 il faut aussi assurer le prix compétitif sur le long terme
19:22 pour l'énergie qui est fournie.
19:23 - Je reste avec vous sur la question de l'aluminium.
19:25 Vous nous avez cité les 4 R.
19:29 Le secteur commence à travailler sur la capacité à faire,
19:33 finalement, baisser le bilan carbone de son utilisation d'aluminium ?
19:37 - Oui, tout à fait.
19:38 Ce qu'il faut savoir, c'est que l'aluminium français,
19:41 qui est produit en France, est un aluminium très décarboné
19:44 parce qu'on utilise de l'énergie décarbonée pour le produire.
19:49 Mais l'autre élément pour le reste de la production d'aluminium,
19:52 c'est le recyclage.
19:55 Et c'est le recyclage en boucle courte, c'est très important.
19:57 C'est-à-dire qu'on minimise, on réutilise l'aluminium des roues,
20:02 par exemple, qui est un aluminium de fonderie,
20:04 à nouveau pour faire des roues.
20:05 Et à ce moment-là, on réduit très significativement les émissions,
20:11 de l'ordre de 80%.
20:12 Donc ça, c'est quelque chose qui est important.
20:15 Et aujourd'hui, oui, il y a des initiatives.
20:16 Ce qu'on voit, c'est un certain nombre d'usines spécialisées
20:19 dans le recyclage de l'aluminium qui se développent sur le territoire français.
20:23 Il en faudra probablement plus et plus grandes,
20:25 mais c'est quelque chose que les industriels de l'aluminium ont bien compris.
20:28 - Comment vous évaluez, vous, justement, cette filière, on va dire,
20:32 du recyclage de l'aluminium aujourd'hui en France ?
20:35 Elle est balbutiante ? Elle commence à passer à l'échelle ?
20:38 - Globalement, les filières de recyclage aujourd'hui ont toutes besoin
20:42 de monter à l'échelle pour produire de l'effet,
20:47 maximiser les potentiels, faire s'exprimer le potentiel de ces filières-là.
20:52 Il ne faut pas, par contre, que le recyclage masque une question
20:56 qui, pour nous, est clé au Shift Project,
20:58 qui est la question de l'évolution de la taille des véhicules.
21:00 Parce qu'une manière de réduire l'empreinte,
21:02 c'est certes d'utiliser des matériaux qui, par kilo, ont moins d'empreintes carbone,
21:07 mais utiliser moins de kilos, c'est pas mal aussi.
21:09 Donc nous, on est très favorables, notre vision,
21:13 c'est qu'il faut très fortement alléger et rendre plus efficients
21:17 les véhicules qui vont être mis sur le marché.
21:19 Ça aura plusieurs vertus.
21:20 Réduire l'empreinte carbone de fabrication des véhicules,
21:23 réduire aussi le besoin en énergie pour faire rouler ces véhicules.
21:26 Et qu'est-ce que ça veut dire, ça ?
21:27 Ça veut dire potentiellement besoin de moins de batteries en termes de quantité,
21:30 donc empreinte carbone, mais aussi prix,
21:31 parce que la batterie coûte quand même cher dans le véhicule.
21:34 Et par ailleurs, c'est aussi moins de besoins au niveau des infrastructures électriques
21:39 et de consommation globale d'électricité.
21:40 On a connu ces dernières années des sujets de sobriété pour économiser l'énergie.
21:47 Quelque part, c'est contradictoire, ou en tout cas, la dynamique du marché automobile
21:50 va dans le sens plutôt d'avoir des véhicules qui sont de plus en plus volumiques,
21:54 globalement plus lourds, moins efficients.
21:57 Il faudrait que...
21:57 Ça pose la question de nos usages de consommateurs, de notre capacité à avancer.
22:01 Au SUV...
22:03 Oui, mais c'est aussi... Il y a des effets d'offres.
22:04 C'est aussi la réglementation, typiquement à l'échelle européenne,
22:08 pourrait inciter les constructeurs et rendre aussi plus efficaces économiquement
22:13 des véhicules plus légers, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
22:15 D'un point de vue marge par véhicule,
22:18 c'est plus intéressant de vendre des gros véhicules très équipés
22:20 que des véhicules en trait de gamme peu équipés.
22:22 Ça, c'est une révolution culturelle que le secteur automobile a un peu de mal à intégrer ?
22:28 Je pense qu'il faut adapter les véhicules en fonction des usages.
22:31 Il y a certains usages pour lesquels les petits véhicules sont tout à fait adaptés,
22:35 en ville, pour des déplacements du quotidien.
22:37 Et puis, si vous avez une famille de trois enfants,
22:40 vous avez quand même besoin d'un véhicule plus grand.
22:42 C'est peut-être ça où il y a une réflexion à avoir aujourd'hui.
22:47 On vend finalement le même véhicule un peu à tout le monde.
22:50 Est-ce qu'il n'y a pas une adaptation en fonction des usages urbains, périurbains,
22:55 famille versus personne seule ?
22:59 Je pense que c'est cette adaptation qui est probablement la solution la plus adaptée.
23:03 Merci beaucoup. Merci à tous les deux et à bientôt sur eBiSmart.
23:07 On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.
23:10 Smart Ideas, une Start-up éco responsable chaque jour.
23:20 En fin d'émission dans ce Smart Ideas, je vous présente Nicolas Drick.
23:22 Bonjour.
23:23 Bonjour.
23:24 Vous êtes agriculteur, fondateur de la cléillette que vous avez créée au début de l'année 2021.
23:29 L'idée de départ, c'était quoi ?
23:31 En fait, nous, ce qu'on souhaite faire, c'est vraiment démocratiser la consommation locale
23:36 en la rendant très facile.
23:37 Le but, c'est qu'en moins de cinq minutes, les gens puissent récupérer leur panier de produits
23:41 en circuit court, sans commande, etc.
23:43 Et en fait, on a pris exemple sur un concept qui existe déjà un petit peu à la campagne.
23:47 C'est les distributeurs automatiques.
23:50 Donc nous, on permet, en fait, sans commande, les gens viennent,
23:52 choisissent leur produit sur un petit écran tactile,
23:54 payent sans contact et ils récupèrent leur panier.
23:56 C'est ouvert tous les jours de 6h à 22h30 et ça marche très bien.
23:58 Directement chez l'agriculteur ou alors avec des réseaux d'agriculteurs qui proposent ça ?
24:03 C'est ça, tout à fait.
24:03 Alors, ce qui existe à la campagne, c'est des distributeurs qui sont souvent mis
24:07 juste à côté des exploitations.
24:09 Nous, ici, on est vraiment...
24:10 En fait, on réutilise les kiosques haussmanniens, les kiosques à journaux,
24:14 ou alors des fois, on repose des nouveaux kiosques
24:16 dans lesquels on vient mettre justement ces petits casiers automatiques.
24:20 Et on voit justement des images de ce que vous proposez, la clé.
24:24 Alors, comment ça marche ?
24:25 Vous avez un réseau d'agriculteurs qui travaille avec vous.
24:28 C'est ça.
24:28 Et puis, on parle de circuit court.
24:29 Donc, ça veut dire que vous vous limitez à quelques dizaines de kilomètres
24:33 autour du point de distribution.
24:34 C'est ça. Alors, la notion très importante dans le circuit court,
24:37 c'est maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur.
24:41 Donc, ça n'inclut pas de notion de distance.
24:43 D'accord.
24:44 Donc, nous, la notion de distance, on fait tous les produits possibles
24:47 dans un rayon de 200 kilomètres à peu près.
24:50 Et puis, après, on va chercher des produits un petit peu plus loin,
24:51 tout en restant français.
24:53 C'est-à-dire que les produits les plus loin qu'on va chercher,
24:55 c'est les clémentines de Corse et les pommes losses de Corse
24:58 dont on vient de commencer la saison, là, lundi.
24:59 Ah oui, ça donne envie de les goûter.
25:02 Et alors, c'est quoi ? C'est un défi de logistique ?
25:05 Quels sont les défis que vous avez dû relever ?
25:06 Alors, déjà, le premier défi, c'est quand même les implantations
25:11 parce qu'on est sur le domaine public.
25:13 Donc, on doit avoir des occupations temporaires de domaine public,
25:16 ce qu'on appelle ça.
25:17 Donc, partenariat avec les communes.
25:18 Voilà, c'est ça.
25:19 Donc, il y a première, trouver les emplacements qui sont adaptés, etc.
25:22 Et puis, le deuxième défi, c'est vraiment la logistique.
25:25 C'est-à-dire que faire du circuit court,
25:27 ce n'est pas une logistique qui est gros volume comme les grandes surfaces ont.
25:31 Et donc, moi, c'est aussi une volonté que j'ai pour la cléette,
25:35 c'est aussi d'avoir une empreinte carbone qui soit assez faible
25:37 pour la partie transport.
25:39 Donc, c'est comment réussir avec 25 fournisseurs
25:44 rassemblés sur un seul et même point de vente ?
25:47 Comment faire pour que justement la logistique soit efficiente
25:50 d'un point de vue économique ?
25:51 Et puis aussi, du coup, d'un point de vue...
25:53 - Donc, vous avez dû trouver quoi ?
25:54 Des partenaires logistiques qui soient adaptés à l'offre spécifique de la clé ?
25:58 - Alors déjà, on a pensé le système pour que ce soit nous
26:04 qui justement rachalandons les points de vente.
26:07 Comme ça, on récupère justement les produits directement
26:11 sur des petits marchés de producteurs dans des régions.
26:13 Comme ça, on a un seul et même point de collecte.
26:16 Et puis après, ensuite, c'est nous qui préparons les petits paniers
26:18 et qui les mettons en distributeur.
26:20 - Est-ce qu'il y a du gâchis ?
26:21 - Alors, on a très peu de gâchis parce que justement,
26:23 on fait des statistiques pour savoir ce qu'on va mettre
26:25 dans nos petits casiers fermiers.
26:28 On a 2-3% de pertes que l'on donne à des associations.
26:32 Donc, il n'y a pas de gâchis.
26:35 Il y a des pertes pour nous, mais il n'y a pas de gâchis.
26:37 - Bien compris.
26:39 La cléette, vous êtes présent dans combien de villes aujourd'hui ?
26:41 - Alors aujourd'hui, on est présent dans 6 villes.
26:43 Donc à Meudon, Issy-les-Moulineaux, Chaville, Putot, Massy
26:46 et dans Ferroche-Ros, le dernier kiosque posé au mois de janvier.
26:50 Et puis voilà, notre objectif, c'est d'avoir une quinzaine de kiosques
26:52 pour fin 2025.
26:53 - Est-ce qu'à chaque fois, il y a une aide ?
26:56 Alors, on a parlé de l'emplacement, mais est-ce que vous êtes soutenu ?
27:00 Je sais qu'à Issy-les-Moulineaux, il y a eu notamment un plan de relance
27:02 ou un soutien de la ville.
27:03 Est-ce que ça fait partie du modèle économique de la cléette ?
27:06 - Alors, ça ne fait pas partie du modèle économique.
27:08 Ça a été vraiment...
27:09 Le plan de relance, c'est quelque chose qui nous a beaucoup aidé
27:11 pour relancer l'activité.
27:12 En revanche, aujourd'hui, notre volonté, c'est aussi d'être rentable
27:16 pour avoir vraiment...
27:17 Pour assurer la pérennité du système.
27:19 Parce que les agriculteurs, ils n'ont pas envie d'avoir un système
27:23 qui, au bout de cinq ans, s'essouffle parce qu'il n'y a plus de subventions.
27:25 Il faut avoir quelque chose qui clobarde.
27:27 Mais le meilleur soutien qu'on a, c'est tous nos clients
27:29 qui sont enchantés et qui parlent de nous partout.
27:31 - Ça, c'est sûr que c'est le meilleur moyen.
27:33 Dernier mot, justement, sur le revenu des agriculteurs.
27:35 Vous êtes agriculteur.
27:37 C'est l'un des points sur lesquels il y a eu négociations,
27:40 discussions, manifestations.
27:41 Est-ce que votre système permet de mieux les rémunérer ?
27:44 Un intermédiaire, on peut imaginer que oui.
27:46 - Oui. Alors, bien évidemment, le circuit court,
27:50 c'est un gage de fraîcheur parce qu'il n'y a qu'un seul intermédiaire.
27:53 Mais c'est aussi la rémunération qui est en jeu.
27:55 Et en fait, nous, ce qui se passe, c'est qu'on travaille avec des producteurs
27:58 qui ont plusieurs moyens de commercialisation.
28:03 Et c'est ça qui fait l'enjeu.
28:04 En fait, pourquoi il y a des problèmes de rémunération des producteurs ?
28:07 C'est parce qu'en fait, vous avez un seul et même débouché de l'agriculteur.
28:11 Moi, par exemple, je prends ma casquette d'éleveur.
28:14 Je n'ai pas le choix que devant nos quatre abattoirs français, vous voyez ?
28:17 Donc nous, justement, les circuits courts,
28:20 on propose des nouveaux débouchés pour permettre une meilleure rémunération.
28:24 - Diversification des débouchés. Merci beaucoup,
28:26 Nicolas Dric et bon vent à vos cleillettes.
28:28 Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
28:31 À très vite sur Bsmart. Merci.
28:32 [Musique]