Portrait d'agriculteur, Étienne Bricet, producteur porcin à Acigné (Ille-et-Vilaine)
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00:00 Je suis Etienne Brisset, je suis installé depuis 33 ans en production porcine.
00:04 Au début j'étais en grec avec mes parents, on était parti de 110 truies à 200 truies
00:11 et aujourd'hui j'en ai plus que 90 truies.
00:12 Je suis tout seul, naisseur en graisseur et 60 hectares de culture.
00:16 Pourquoi cette baisse ? Je me suis dit que mes bâtiments étaient payés et puis surcharge
00:23 de travail, salariés difficiles à gérer, à trouver et du coup je me suis dit que la
00:28 solution c'est peut-être de revenir comme il y a 30 ans avec 90 centrues et puis une
00:35 structure plus réfléchie sur le temps de travail, sur tout ça.
00:38 On vieillit et puis les problèmes de dos, d'épaule, le stress aussi et puis j'ai une
00:44 femme qui travaille à l'extérieur donc j'ai envie de prendre quelques journées de bon
00:48 temps, partir à l'école, se promener, pas forcément des semaines mais au moins me libérer
00:52 des après-midi.
00:53 C'est ça aujourd'hui dans ma tête, c'est plus faire du chiffre, produire, produire.
00:57 En fait depuis 30 ans je n'ai jamais produit aussi peu de cochons et je n'ai jamais été
01:01 aussi heureux parce que j'ai plus de temps et dans ma tête c'est mieux.
01:05 Et j'arrive à m'en sortir parce que j'ai 55 ans et puis ma maison est payée, j'ai
01:10 beaucoup moins de charges, mes enfants sont partis donc j'ai besoin de moins d'argent
01:14 si vous voulez pour vivre.
01:15 Et donc avec ça je m'en sors quand même.
01:18 J'ai failli laisser la santé en 2019, j'ai fait un AIT et c'est suite à ça surtout
01:23 qui a déclenché le fait de diminuer ma production et surtout le stress.
01:27 On est tout le temps en train de courir à droite et à gauche, les paperas, la pression,
01:32 les cours du port qui diminuent, des choses comme ça.
01:35 Il faut aussi savoir gérer ça et si j'ai un conseil à donner aux jeunes qui s'installent
01:39 c'est le temps de travail et surtout ça, l'équilibre, trouver un bon équilibre.
01:43 Dans toutes les exploitations aujourd'hui on est obligé de tout déclarer, ce qui est
01:48 normal parce que par rapport à l'environnement il faut qu'on déclare toutes nos sorties
01:53 d'azote, les produits qu'on utilise pour les maladies du blé, les traitements des
01:58 mauvaises herbes, les mouvements d'animaux, les interventions sur les animaux, tout doit
02:03 être déclaré.
02:04 C'est beaucoup de temps, ça permet aussi de mieux gérer, d'éviter de faire des débordements,
02:10 il faut tout bien classer et puis en fait quand tout est bien classé dans notre tête
02:14 on est bien aussi.
02:15 Il faut savoir gérer son temps, c'est ça.
02:17 Ce qui est inquiétant c'est la pression qu'on a sur notre tête parce que nous dans
02:21 nos fermes on est tout seul et on a la pression de l'environnement, du bien-être animal,
02:27 on a le social, on a l'économie, surtout ça parce qu'on a des industriels aujourd'hui
02:33 qui ne veulent plus payer nos produits au prix de nos coûts de production.
02:38 D'un autre côté on a nos responsables gouvernementaux ou européens qui nous disent il faut produire
02:45 de telle sorte, de telle qualité et puis de l'autre côté nos produits qui sont achetés
02:50 par les industriels qui ont en face d'eux la grande distribution qui leur met la pression.
02:56 Donc nous on est au milieu et puis on subit tout ça, on est le maillon faible du système
03:00 donc il faut qu'on se batte, il faut qu'on continue à manifester pour se faire entendre.
03:05 C'est tout le temps, ça fait des années que c'est comme ça et on s'aperçoit que
03:09 nos politiciens ils nous écoutent, ils disent oui oui on est d'accord avec vous mais il
03:12 y a une pression tellement importante de tous les côtés que nous au milieu on a du mal
03:19 à dormir des fois, souvent même.
03:21 Ouais je pense que ça va changer parce que on nous écoute déjà mais bon il a fallu
03:26 batailler, vous avez vu ce qu'il a fallu faire en France, tout ce qu'il a fallu bloquer
03:29 plus d'un mois quand on est sur la route.
03:31 Est-ce que ça va bouger ? Je pense qu'ils vont dire oui, ils vont nous écouter mais
03:36 après il y a l'Europe, est-ce que l'Europe va être d'accord ? Nous on est quand même
03:40 sur un marché européen donc il y a des normes européennes, moi j'y crois pas trop.
03:44 Donc s'il faut encore manifester, on sortira, on verra.
03:49 Mais c'est gênant parce qu'en face les gens qui travaillent, s'il faut bloquer
03:53 les routes, c'est embêtant, j'aime pas ça, bloquer les routes pour empêcher les
03:56 gens d'aller travailler, c'est pas trop dans ma tête.
03:59 Je sais pas quel modèle il faut ou où on doit aller parce qu'on nous dit il faut
04:04 faire de l'agriculture biologique mais les gens avec le pouvoir d'achat ils ont pas
04:08 les moyens d'acheter nos produits, les aides, on en a marre des aides, tout le temps en
04:14 train de nous dire on va vous aider mais nous ce qu'on veut c'est un prix, on a des
04:18 produits qui arrivent de l'étranger qui ont pas les mêmes normes que nous donc nous
04:22 avec ça il faut qu'on soit compétitif alors que eux ils produisent et c'est des
04:26 fermes industrielles alors que nous encore en France, il faut le dire, on a encore des
04:29 fermes familiales, énormément.
04:32 Je vois mes cochons, ça va vous faire rire mais les cochons en France ils sont végétariens
04:37 depuis la crise de Vachefol on met plus de farine animale donc nous en France on produit
04:42 des cochons végétariens alors que vous prenez l'Espagne, eux ils ont continué à mettre
04:45 des farines animales, ils ont pas le même cahier des charges que nous donc nous on a
04:48 des coûts de production beaucoup plus élevés c'est ça que je veux dire.
04:51 Il faut qu'on soit plus blanc que blanc en France, c'est incroyable.