• il y a 11 mois
ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : bit.ly/radioE1
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Thomas Isle reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "Le portrait sonore de l’invité" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video

Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV

Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Avec Thomas Hill et votre invité Thomas, ce matin vous recevez le philosophe Charles Pépin pour son livre "Vivre avec son passé".
00:06 - Oui, Charles Pépin, vous êtes je crois l'un des meilleurs vulgarisateurs de philosophie avec peut-être André Comtesbourgville aujourd'hui qu'on pourrait citer aujourd'hui
00:14 en truffant vos livres de référence à la culture populaire, ça je trouve ça très agréable et notamment beaucoup de références musicales comme par exemple cette chanson.
00:22 - Il faut oublier tout, peut s'oublier, qui s'enfuit déjà. - Jacques Brel ne me quitte pas, il faut oublier tout peut s'oublier, chantait-il.
00:35 Il chante le rêve d'une touche reset en fait qui n'existe pas, c'est ce que vous nous expliquez, on ne peut pas oublier.
00:41 - D'ailleurs, au fond pourquoi la chanson est belle ? Parce qu'on voit qu'il n'y croit pas, en fait on voit qu'il n'est pas convaincu, il dit "allez viens, on va repartir de zéro, on va effacer toutes mes conneries, mais l'acheter".
00:51 Mais en fait il n'y croit pas et c'est pour ça que la chanson est touchante. Et d'ailleurs il y a beaucoup de films ou de romans qui partent de cette idée qu'on pourrait effacer les mauvais souvenirs.
00:59 Par exemple le film de Michel Gondry, "Eternal Sunshine of the Spotless Mind", mais ce qu'on sait aujourd'hui c'est que ça n'est pas possible et ça ne sera jamais possible.
01:07 - Il n'y a pas de pilule. - Parce qu'on ne sait pas exactement où sont les souvenirs au fond.
01:10 Et d'ailleurs si vous voulez quand on se souvient de quelque chose, il faut imaginer qu'on s'en souvient parce qu'il y a plein de dimensions qui croisent le même événement de différentes façons.
01:19 Par exemple vous vous souvenez des émotions ressenties ce jour-là, vous vous souvenez de la date dans le calendrier, vous vous souvenez de avec qui c'était.
01:25 Et en fait il y a plein d'études qui montrent que si on élimine chacun de ces faisceaux, en fait le souvenir reste.
01:31 Donc en fait qu'est-ce que c'est qu'un souvenir ? C'est ça la question qui est au cœur de mon livre.
01:34 Et ma réponse c'est qu'un souvenir c'est la manière dont la vie nous a traversés, c'est la manière dont la vie nous a impactés.
01:40 Donc même si on arrivait par miracle, on n'y arrivera pas de façon à écraser le souvenir comme un fichier, on reste transformé par ce qu'on a vécu.
01:47 Donc on ne peut pas effacer le passé, il va falloir faire avec.
01:50 Mais je milite pour qu'on entende l'expression faire avec son passé ou même faire avec d'une nouvelle manière.
01:57 Parce que souvent on dit "ouais je vais faire avec, c'est résigné, c'est fataliste, c'est un peu aigri".
02:01 Moi je propose pas faire avec, faire avec ! Vous voyez la différence ?
02:05 On construit avec, on fait à partir d'eux, on invente avec.
02:09 Et il y a beaucoup de méthodes pour ça.
02:11 - C'est ça, vous explorez différentes solutions pour essayer d'oublier. Certains tentent de noyer leur souvenir dans l'alcool par exemple.
02:17 Ça, ça ne marche pas, vous l'expliquez.
02:19 - Attention, c'est toutes les stratégies d'évitement, elles ne marchent pas à long terme.
02:24 Et le piège c'est qu'elles marchent à court terme.
02:26 C'est vrai que si vous vous jetez dans l'addiction au travail, à l'alcool ou au sexe pour oublier un passé douloureux, ça marche au début.
02:32 Et c'est ça le piège, car le piège de l'évitement est qu'il commence par fonctionner.
02:36 Et le drame, c'est que ça va après revenir, on appelle ça l'effet rebond ou l'effet retour,
02:41 et on va être encore plus démuni par rapport au retour du passé douloureux.
02:44 D'où l'idée, et je développe dans le livre différentes méthodes, soit dans la vie, soit en thérapie,
02:50 d'apprendre à le regarder, à faire avec, à l'analyser, à l'entendre, et au fond aussi parfois un peu à le réécrire.
02:57 Parce qu'il y a beaucoup de choses nouvelles.
02:59 Je suis parti de découvertes très récentes en neurosciences qui ont une dizaine d'années,
03:03 qui ont créé des nouvelles méthodes en psychothérapie, on ne peut pas entrer dans le détail ici,
03:06 mais j'explique dans le livre.
03:08 Et ces méthodes, c'est des méthodes de réécriture du passé.
03:11 C'est-à-dire qu'on parle de "rescripting".
03:13 - Des méthodes qui ont été utilisées par exemple lors des attentats du Batatlan.
03:16 - Voilà, et les deux tiers des participants l'ont très bien vécu,
03:20 et expliquent qu'ils se sont maintenant habitués à ces images traumatiques qui les empêchaient de vivre.
03:25 - Donc on sollicite de nouveau ces souvenirs, on les refait plusieurs fois.
03:29 - On les visualise, et on va travailler dans deux directions.
03:33 La première direction c'est d'atténuer l'émotion douloureuse qui est associée au souvenir,
03:38 mais tout en gardant le souvenir.
03:40 Donc il ne s'agit surtout pas d'oublier, pas de "reset".
03:42 Et ça c'est possible parce que le souvenir dans le cerveau, il est plutôt au niveau de la mémoire épisodique,
03:47 et l'émotion au niveau de l'amidale, c'est-à-dire que ce n'est pas la même fonction cérébrale.
03:51 Donc on peut un peu séparer les deux.
03:53 Et puis parfois on va beaucoup plus loin que de simplement s'habituer à l'émotion négative en apprenant à la gérer.
03:59 Parfois on réécrit un peu le souvenir lui-même,
04:02 notamment une méthode qu'on appelle le reparentage en thérapie d'échéma,
04:05 où on re-raconte le souvenir douloureux,
04:07 et on fait intervenir, comme une pièce de théâtre un peu sous hypnose,
04:10 quelqu'un du présent qui va rectifier le tir,
04:13 et par exemple prendra parti, je ne sais pas, votre père qui vous a manqué de respect,
04:17 ou votre mère qui vous a oublié.
04:18 Et ce qui s'appelle réparer l'enfant intérieur par une sorte de voyage dans le passé.
04:23 Et quand on revient de ce voyage, là en l'occurrence c'est une séance de thérapie,
04:26 mais après on a comme un autre souvenir en fait, et on vit mieux avec.
04:30 Alors évidemment le philosophe que je suis au début avait la plus grande méfiance par rapport à ça,
04:34 mais en fait je me suis plongé, j'ai fait une vraie enquête,
04:36 en plus c'est aussi le métier de ma compagne,
04:38 donc j'étais bien placé pour parler,
04:40 je suis allé voir les spécialistes, et en fait c'est très intéressant,
04:43 parce que ça veut dire que le passé n'est pas simplement ce qu'il faut accepter,
04:46 il est aussi en partie ce qu'on peut réécrire.
04:49 - Et puis une autre technique c'est de diluer ses souvenirs,
04:52 de faire de nouveaux souvenirs sans fabriquer de nouveaux,
04:54 ce qui suppose de vivre intensément, ce qui suppose d'aller de l'avant justement.
04:57 - Alors ça c'est l'idée que je préfère au fond,
04:59 c'est que comme on ne peut pas effacer les mauvais souvenirs,
05:02 la tentation ce serait de se dire "j'évite d'y penser".
05:05 Il y a une autre voie que vous évoquez Thomas, merci,
05:08 qui est de dire "non en fait je vais vivre avec,
05:10 mais je vais emmagasiner de nouveaux souvenirs heureux,
05:12 en gros je vais aller de l'avant, aller voir les gens, faire des belles choses quoi,
05:16 et c'est pas pour éviter les mauvais souvenirs,
05:18 mais c'est pour les diluer.
05:20 Ils vont prendre moins de place, ils vont moins me hanter,
05:22 ils vont être en arrière-fond de la conscience,
05:24 et au fond je vais aller mieux.
05:26 Mais ce ne sera pas de l'évitement par rapport au passé douloureux,
05:29 ce sera vivre avec.
05:31 - C'est comme quand on veut sortir une chanson de la tête,
05:33 vous l'expliquez, on en met une autre, c'est un peu la même technique.
05:36 - C'est un très bon exemple, si vous dites "je ne veux plus y penser",
05:39 et bien vous y pensez.
05:41 C'est comme Dostoevsky qui disait
05:43 "allez on va faire un exercice à quelqu'un qui n'a rien demandé,
05:46 tu vas t'endormir ce soir sans penser à un ours blanc".
05:49 Du coup on y pense.
05:51 Là c'est un peu pareil, plus je veux éviter un passé douloureux,
05:54 plus j'insiste dessus, et plus je le fais surgir à ma conscience.
05:57 - Comme quand je me dis "je veux absolument dormir ce soir"
06:00 et ça ne va pas marcher.
06:02 - Ou alors "je veux l'oublier cette..."
06:04 ça ne marche jamais.
06:06 - Dans un instant on va retrouver Nicolas Caron,
06:08 on va continuer à parler de livres.
06:10 Qu'est-ce que vous avez sous le bras aujourd'hui Nicolas ?
06:12 - J'ai un thriller psychologico-domestique,
06:14 et puis un roman philosophique.
06:16 - Ah, c'est exprès pour Charles Pépin.
06:18 - Merci ! Merci ! - Merci !

Recommandations