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Colère des agriculteurs : écoutez l'interview de François Patriat, président du groupe renaissance/RDPI au Sénat, sénateur de la Côte-d'Or et ancien ministre de l'Agriculture.
Regardez L'invité de RTL du 24 janvier 2024 avec Amandine Bégot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amaudine Bégaud.
00:11 Vous recevez ce matin notre ancien ministre de l'agriculture, François Patria.
00:14 Oui, ancien ministre de l'agriculture, c'était Sothelet Jospin, oui, en 2022.
00:19 Il y a une vingtaine d'années, vous êtes aujourd'hui sénateur de Côte d'Or, je le rappelais,
00:23 et président du groupe Renaissance au Sénat proche d'Emmanuel Macron, l'un de ses soutiens de la première heure.
00:28 Vous l'avez régulièrement au téléphone, vous le voyez souvent, vous allez nous dire d'ailleurs ce qu'il dit de cette crise dans un instant.
00:34 Mais je voulais d'abord avoir votre avis sur cette mobilisation.
00:38 On le voit ce matin, elle gagne très clairement du terrain avec des actions autour de Toulouse, de Bordeaux, d'Agin, Lyon, Orange, Montélimar, en Bretagne également.
00:47 Quand vous voyez tout ça, François Patria, qu'est-ce que vous vous dites ?
00:50 On a échoué pendant toutes ces années, trop longtemps, sous-estimer la colère des agriculteurs ?
00:55 Non, parce que d'habitude, les colères des agriculteurs portent sur des objets précis.
00:59 Crise du porc, crise de la volaille, crise du viticole, réforme de la PAC.
01:05 Ce sont des objets précis sur lesquels on peut apporter des réponses en fonction, soit par des moyens financiers, soit par des réformes, bleu, vert.
01:11 Là, il s'agit d'un empilement d'irritants qui s'ajoute depuis des années, et je le disais hier soir,
01:17 ce n'est pas une revendication spécifique, mais c'est une exaspération.
01:21 C'est une crise profonde.
01:22 C'est une exaspération face, d'abord, aux difficultés financières que rencontre, par rapport aux charges, par rapport aux revenus aujourd'hui, le monde agricole.
01:29 Mais ça, c'est rémanent, depuis toujours.
01:30 Et puis aussi, face, je dois dire, vous avez compris, au durcissement des normes, à la complexification, aux injonctions contradictoires de la société.
01:39 Tout cela, les agriculteurs le ressentent, comme, certes, on les soutient aujourd'hui, mais ils ont le sentiment parfois d'être mal aimés.
01:45 Pour la question, est-ce qu'on a échoué ?
01:46 Je pense que ce gouvernement a, depuis qu'il est en place, pris des mesures pour l'agriculture.
01:51 Mais je ne visais pas spécialement le gouvernement.
01:53 Il y a eu des demandes, par exemple, sur les retraites.
01:56 On y a répondu, minimum.
01:58 Demande sur l'assurance récolte.
01:59 On y a répondu.
02:00 On a répondu sur le revenu avec Egalim 1 et Egalim 2.
02:04 On y a répondu.
02:05 Oui, sauf que Egalim 1 et Egalim 2, aujourd'hui, les agriculteurs nous le disent très clairement.
02:08 On avait le président des jeunes agriculteurs hier, il dit "moi, 1000 litres de lait, ça coûte 490 euros à produire, on me l'achète 400 euros".
02:16 Elle n'est pas respectée, cette loi Egalim.
02:18 Je te rappelle, pour les auditeurs, l'idée, normalement, c'est que les produits ne soient pas achetés en dessous du revient.
02:23 D'abord, ça ne peut pas si mal marcher que ça, parce que les prix de la viande, les prix du lait, ont remonté au cours des 3 dernières années.
02:33 Cette année, à nouveau, il y a une baisse des prix, qui est due, bien entendu, au monde de l'agro-industrie, à côté de la demande.
02:39 Et puis, c'est un joc contradictoire aussi.
02:41 Chacun veut des mesures environnementales dans ce pays.
02:43 Tout le monde veut des mesures.
02:44 Les soutiens, ils sont punitifs souvent.
02:47 Et en même temps, on achète des produits pas chers.
02:50 Alors, on ne peut pas demander aux agriculteurs de s'améliorer tous les jours, de faire des efforts qui sont coûteux.
02:55 La mise aux normes dans les exploitations, sur le territoire, l'absence aujourd'hui de solutions face aux maladies, coûte très cher.
03:02 - Sauf que, pardonnez-moi François Patria, il y a une loi qui dit "on ne doit pas acheter des produits en dessous du prix de revient" et elle n'est pas respectée aujourd'hui.
03:10 - Elle n'est pas toujours respectée.
03:11 - C'est quoi, la grande distribution qui ne joue pas le jeu ?
03:12 - Alors, c'est une des réponses. Là, vous demanderez à M. Leclerc.
03:15 Mais moi, je pense qu'effectivement, aujourd'hui, les grandes distributions continuent à vouloir garder leurs marges, à faire pression sur le monde agricole.
03:21 C'est vrai que les agriculteurs sont pris entre deux étaux, enfin deux manques d'étaux.
03:25 Un, leurs charges qui montent et de l'autre côté, leurs prix qui sont bloqués par les gens qui sont en phase 2.
03:30 Ça, c'est le problème, j'allais dire, original de l'agriculture.
03:34 On a essayé, la loi Egalim part d'un excellent principe et aujourd'hui, on n'a pas le droit de vendre à perte.
03:39 Vous le savez très bien.
03:40 Donc, il y a eu des améliorations dans les réponses que nous a donné le gouvernement aujourd'hui.
03:46 Elle a été déjà un peu donnée.
03:48 Il y a un contrôle aigu de la DGCCRF, c'est-à-dire du ministère qui contrôle aujourd'hui.
03:52 - Sauf que ce sont 100 agents en plus, j'allais vous dire.
03:56 - Si 100 agents en plus vont voir les centrales aujourd'hui, il n'y en a pas tant que ça.
04:00 Pour voir comment ça se passe, ça peut quand même, pour partir, remédier au problème.
04:03 - Alors, ça, c'est une première piste de solution.
04:06 Autre piste avancée, je vais vous en présenter quelques-unes.
04:09 Vous me dites si c'est possible, si ça peut régler le problème ou pas.
04:12 La suppression de la nouvelle taxe sur le GNR, le gazole non rôtier,
04:14 qui est ce carburant qui est utilisé pour les tracteurs,
04:17 un certain nombre d'agriculteurs le réclament.
04:20 Est-ce que ça, c'est possible, François Patria ?
04:23 Et est-ce que surtout, ça peut suffire à calmer la colère ?
04:25 - Il n'y a pas une seule réponse à ça.
04:26 D'abord, est-ce qu'on veut ou pas sortir de l'énergie carbonée ?
04:30 J'ai l'impression que les Français ou le monde dit oui, il faut en sortir.
04:32 Donc, pour en sortir, il faut passer à une autre énergie.
04:35 Le problème, c'est qu'on a peut-être mis un petit peu la charrue devant les bœufs
04:38 pour parler en termes agricoles, et qu'on a peut-être déjà déterminé
04:41 la suppression de la fiscalité avantageuse sur le GNR
04:43 avant d'avoir la solution réelle en matière électrique.
04:46 Voilà, ça c'est une mesure.
04:46 Donc, si on veut vraiment sortir de l'énergie carbonée, je le pense,
04:51 on peut le faire, d'autant plus que les sommes gagnées
04:54 par la suppression de l'avantage GNR sont réinvesties dans l'agriculture
04:58 en moyen, demain, de pouvoir faire les investissements
05:01 nécessaires à la transformation.
05:02 - Mais est-ce qu'on ne peut pas dégaler cette taxe ?
05:05 - Je verrai au bout de compte, mais pour l'instant,
05:07 il y a aussi cette demande.
05:08 - Ça ne peut pas calmer la colère ?
05:09 - Si chaque fois qu'on essaye de rétablir les finances publiques,
05:13 on vous dit "repoussons-les maintenant",
05:14 ça risque de coûter cher un jour à la France, cette solution.
05:17 - Autre piste avancée, il y a un certain nombre de personnes
05:19 qui s'interrogent, les agriculteurs notamment, sur ces produits étrangers
05:22 qu'on voit débarquer sur nos étals et qui n'ont pas les mêmes règles,
05:26 les mêmes contraintes que les produits alimentaires produits ici en France.
05:29 Je pense notamment à la viande en provenance de Nouvelle-Zélande.
05:31 L'Union européenne a décidé d'exempter de taxes ces importations.
05:37 C'est de la concurrence déloyale.
05:38 Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer renoncer à ça, au moins pour un temps ?
05:42 - Là encore, à chaque fois, il y a une injonction contradictoire et j'y reviens.
05:45 Est-ce que l'Union européenne peut s'en fermer ?
05:47 Aujourd'hui, la France est exportatrice, moins qu'avant, c'est vrai.
05:50 Moins qu'avant parce qu'elle produit moins,
05:52 pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure sur la transformation environnementale.
05:56 On ne peut pas aujourd'hui fermer les frontières.
05:57 Vous savez que j'avais vu l'accord avec le Canada,
06:00 mais on exporte beaucoup plus au Canada qu'on importe.
06:01 Et les sommes qu'on apporte, en l'occurrence,
06:04 je pense que la France a une vocation exportatrice.
06:07 On le disait déjà, vous savez, dans les années 80.
06:10 Donc, là aussi, la préférence des consommateurs.
06:15 Moi, je veux bien que les gens demandent tous plus d'environnement, moins de pesticides.
06:20 Et dans le même temps, ils vont acheter au supermarché le produit le moins cher.
06:23 Donc, aujourd'hui, je pense, surtout ce qui est inadmissible,
06:28 c'est qu'on importe dans notre pays,
06:31 il n'y a pas de close-miroir,
06:32 des produits qui ne subissent pas les mêmes contraintes que chez nous.
06:35 Et ça, il faut que le contrôle...
06:36 Et là, le président de la République l'a demandé.
06:38 - Ça, c'est au niveau européen que ça se joue.
06:40 - Je veux des close-miroirs, je veux des close-miroirs aujourd'hui,
06:43 pour faire en sorte qu'on n'importe pas des cerises
06:45 qui ne soient pas traitées comme un produit interdit chez nous.
06:47 - François Patria, je vous écoute depuis un peu plus de cinq minutes.
06:51 On a passé en revue un certain nombre de solutions.
06:53 On le voit, il n'y a pas de solution magique.
06:55 Je pense que tout le monde peut l'entendre.
06:56 - Non, mais il y a des solutions.
06:57 - Il y a des solutions parce que là,
06:58 le Premier ministre dit "solution concrète d'ici à la fin de la semaine".
07:02 Vous croyez vraiment que...
07:04 Qu'est-ce qu'il peut faire pour que les agriculteurs
07:06 rentrent chez eux, reprennent leur travail ?
07:08 - Je crois qu'il n'y a pas une seule réponse.
07:09 Il y a une méthode et des réponses échelonnées
07:12 parce que les réponses aux questions qui sont posées aujourd'hui
07:14 n'auront pas d'effet immédiat.
07:16 Par exemple, sur la paperasserie.
07:18 J'entends bien la complexification aujourd'hui,
07:20 les normes aujourd'hui, les révisions.
07:23 Une révision drastique des normes,
07:24 ça ne peut pas être fait pour vendredi.
07:26 Ce qu'il faut, c'est qu'il y a des mesures aujourd'hui importantes à prendre.
07:28 - Mais pour vendredi, on peut prendre quoi ?
07:29 - Par exemple, je vous prends une idée.
07:31 Dans un territoire où est né le mouvement d'aujourd'hui,
07:33 c'est-à-dire dans le Sud-Est,
07:34 l'AMHE, la maladie hémorragique épidémique.
07:36 Aujourd'hui, il faut débloquer tout de suite les moyens
07:38 pour que les agriculteurs soient anonysés.
07:40 Tout de suite.
07:41 Il faut tout de suite contrôler mieux
07:43 le problème du commerce qu'on a évoqué sur Egaline tout à l'heure.
07:45 Il faut tout de suite, aujourd'hui, débloquer les moyens
07:48 face aux urgences qu'il y a sur certaines maladies,
07:51 par exemple les volailles aujourd'hui.
07:52 Ensuite, ce qu'il faut, c'est bien entendu,
07:56 pendant la période des deux mois qui viennent,
07:58 regarder aujourd'hui comment on peut,
08:00 quelles normes on peut effectivement stopper.
08:02 Parce que c'est important, je vais vous dire.
08:05 Vous avez compris que sur le nucléaire,
08:07 on a pris des décisions pendant des années
08:09 pour dire on va arrêter le nucléaire.
08:10 Parce qu'on demandait d'arrêter le nucléaire.
08:12 L'écologie le demandait.
08:13 On s'est aperçu que ce n'était pas terrible,
08:15 que ça n'allait pas aller.
08:15 On revient au nucléaire aujourd'hui.
08:16 Je pense que sur les normes, il faut faire la même chose aujourd'hui.
08:19 - François Patrillard, vous êtes, je le disais,
08:21 très proche d'Emmanuel Macron.
08:22 Vous l'avez eu ces derniers jours au téléphone.
08:24 Il est inquiet quand il voit ce qui se passe,
08:25 quand il voit des taxis ce matin qui rejoignent le mouvement ?
08:28 - J'ai échangé, je ne l'ai pas eu ce jour-ci,
08:29 mais j'ai échangé avec lui par SMS samedi dans la journée.
08:32 Je lui ai donné mon analyse de la situation.
08:34 Il m'a dit bien entendu, il surveillait la situation.
08:36 Qu'il allait demander aux services, aux préfectures,
08:38 d'entrer immédiatement en contact avec le monde agricole,
08:41 ce qu'il fait sur tout le territoire aujourd'hui.
08:43 D'écouter vraiment, parce que là, vous savez,
08:44 il y a aussi une pression administrative de contrôle.
08:47 On a aujourd'hui maintenant une administration de contrôle
08:49 qui ne fait que des contrôles.
08:50 Des contrôles qui sont souvent trop tâtillons,
08:52 qui sont exacerbés et qui, dans le même temps, exacerbent
08:54 la colère du monde agricole.
08:55 - Et quand vous entendez certains dire
08:56 le riz c'est une gilet jaunisation du mouvement,
08:58 vous n'y croyez pas ça ?
09:00 - Les manifestations agricoles, aujourd'hui,
09:02 ce que je salue, c'est qu'elles restent dans l'ordre,
09:05 qu'il n'y a pas de désordre, pas de déprédation.
09:07 Il y a eu un drame terrible qui s'est passé sur Dernier,
09:10 dramatique, mais tant qu'elles restent dans l'ordre aujourd'hui,
09:12 comme telle aujourd'hui.
09:14 Le monde agricole l'a compris.
09:16 S'il veut que sa colère soit entendue et écoutée
09:19 et qu'elle ait le soutien, il ne faut pas qu'il y ait
09:21 de désordre ni qu'il y ait de drame comme il se passe aujourd'hui.
09:23 Donc, ils vont faire monter la pression.
09:25 Je pense que d'ici vendredi, le Premier ministre,
09:28 qui s'est parfaitement adapté à la situation,
09:30 qui n'était pas à l'origine un grand connaisseur
09:32 des mouvements d'agricole, je l'ai vu hier matin,
09:34 connaît, a parfaitement pris conscience de la situation
09:37 et entend mettre en ordre les séries de réponses,
09:40 les échéanciers pour les mettre en place d'ici vendredi.
09:44 - Merci beaucoup François Patry.
09:45 Merci à vous.
09:46 François Pastriac.
09:47 ID.
09:47 [SILENCE]

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