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Sources
Latour Sciences Po https://www.youtube.com/watch?v=Db2zyVnGLsE
Musique : https://www.youtube.com/watch?v=dMNpKaDMq9g

Réponses au quiz de fin :

/!\ Description à ne pas lire avant d'avoir vu la vidéo entièrement
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Quelle est la méthode à utiliser avec un énoncé flottant ?
Le mettre en bulle, lui attribuer un locteur, lui trouver ses interlocuteurs, localiser leur interlocution dans le temps et l'espace, repérer les instruments et documents sur lesquels ils s'appuient, et l'argent qui est dépensé dans les deux sens.

Quelle est la différence entre la climatologie et la physique ?
La climatologie est une science de puzzle, et pas une science de démonstration.

Qui sont les frères koch?
Grands Industriels américains dans le charbon, investissent massivement dans les délégations pour le climat.

#brunolatour #écologie #sciencespo #nature #science #GIEC #IPCC #média #corruption #koch #latour #conférence #extrait #ethiqueettac
Transcription
00:00 (Musique)
00:08 Pourquoi, qu'est-ce qu'on fait quand on est une génération
00:13 affrontée à la question que vous comprenez pourquoi
00:17 quand on parle de questions écologiques ça n'a aucun sens,
00:20 c'est plus des questions écologiques.
00:22 Quand on parle d'environnement, ça n'est pas des questions d'environnement,
00:25 c'est des questions de survie, c'est des questions existentielles,
00:27 c'est des questions de civilisation.
00:29 Donc, je ne parle pas d'environnement, je pense que le mot écologie même,
00:32 à part d'écologie scientifique, n'a pas vraiment de raison d'utiliser.
00:36 On est dans une situation de problème colossal dont j'ai parlé,
00:42 mais aussi, évidemment, de désaccord.
00:47 Et c'est la question qui vous est présentée,
00:49 c'est pour ça qu'on vous introduit à SANSPOT
00:51 par l'exercice de cartographie de controverse,
00:55 c'est-à-dire comment on va se débrouiller,
00:57 nous les petits jeunes qui arrivons,
00:59 dans une situation qui est non pas une situation qui serait au fond simple,
01:05 les scientifiques nous disent qu'on doit se mettre au boulot,
01:08 allons-y les gars.
01:09 Si c'était ça la situation,
01:11 on serait à peu près dans la même situation que vos prédécesseurs,
01:15 disons, à la fin de la guerre de 40,
01:18 c'est-à-dire dans une situation de reconstruction.
01:20 Ça serait la situation simple.
01:22 Grand moment de progrès, etc.,
01:24 et aussi d'ailleurs le grand moment de l'accélération dont je parlais tout à l'heure.
01:29 Pourquoi ? Eh bien, j'ai fait un petit montage assez simple.
01:33 Il ne s'agit pas du tout de la fin du monde ou de l'apocalypse,
01:36 il s'agit d'un déclin graduel de la société,
01:40 alors plus ou moins rapide, ça s'est discuté dans le livre,
01:43 mais on ne va pas tous mourir, pardon, j'ai couvé trop de toit.
01:47 C'est une bonne nouvelle quand même.
01:50 Le problème c'est que soit on affronte ce diagnostic rude,
01:55 on essaye de le poser comme un problème politique
01:58 dont on doit parler collectivement et dont on doit délibérer,
02:01 dans ce cas-là il faut se confronter un peu à ce diagnostic aussi rude soit-il,
02:04 soit effectivement on le met sous la table, on n'en parle pas,
02:07 on en reste à des discours relativement rassurants,
02:10 de développement durable et que tout ira bien.
02:13 Le parti du principe d'innovation plus que du principe de précaution,
02:17 le parti du gaz de schiste, le parti des OGM,
02:21 le parti des biotech, j'ai cette intime conviction.
02:26 Alors mes chers amis, je crois que c'est parce que nous aurons fait le bon constat
02:32 du monde dans lequel nous vivons que nous pourrons apporter les bonnes solutions.
02:39 Ce que nous faisons ou ne faisons pas en ce moment
02:42 va affecter ma vie entière et la vie de mes enfants et de mes grands-enfants.
02:47 L'écologie ou la nature, ça n'unifie pas.
02:50 C'est devenu l'organisateur, le répartiteur,
02:54 la pierre de touche de toutes les positions politiques.
02:57 Il n'y a pas un parti écologique, vous le savez bien, il y a aussi un parti écologiste,
03:01 mais assez petit comme vous le savez.
03:04 Là je parle de la question de la révolution de la Terre sous nos pieds
03:10 organise la totalité des positions politiques,
03:13 même de ceux qui disent "nous on ne s'intéresse pas du tout à l'écologie"
03:16 et comme vous l'avez entendu, cette phrase est assez belle,
03:19 ça dépend du diagnostic qu'on fait sur le monde dans lequel on est.
03:21 Le problème c'est qu'on n'est pas du tout d'accord sur le diagnostic
03:23 et on n'est pas d'accord sur le monde dans lequel on est.
03:26 Il y a un désaccord planétaire, il y a un désaccord sur la définition de la planète.
03:30 C'est pour ça que j'ai montré l'image tout à fait intéressante et significative
03:34 de l'absence de Trump dans la chaise vide à Biarritz.
03:38 Qu'est-ce que font les médias, les journalistes, les scientifiques ?
03:42 Eh bien on a un exemple absolument bouleversant ici
03:45 qui est la première du monde il y a quelques années,
03:48 je l'utilise pour beaucoup de monde, j'ai aucune action dans le monde,
03:51 je l'achète depuis que j'ai 17 ans mais c'est tout.
03:54 Il sera bientôt trop tard, je n'ai pas exagéré la taille des polices,
03:57 j'ai vérifié auprès des journalistes du monde,
04:00 c'est la police qu'on utilise en cas de guerre mondiale.
04:03 C'est-à-dire si vous avez une bombe qui tombe sur New York
04:06 ou bien si la France déclare une guerre à la Chine ou je ne sais quoi,
04:09 on a ce genre de titres.
04:11 Sauf que le lendemain, on parlait de Trump,
04:15 on parlait de M. Macron, etc.
04:20 C'est-à-dire que dès le lendemain, cet énorme titre qui est supposé,
04:23 "Demain, il sera trop tard, blablabla, qu'est-ce que je fais ?"
04:26 était suivi d'un silence mais paisible,
04:30 comme les vacances charmantes que vous avez dû passer,
04:33 surtout après avoir appris que vous étiez pris à Sanspo.
04:36 Donc le problème qu'il va falloir affronter,
04:39 et ça c'est vraiment un problème complètement typique de votre génération,
04:42 c'est simultanément de lire dans le journal des titres de cette taille,
04:46 j'en ai un autre aussi qui est plus dans votre sujet,
04:49 quelques jours après,
04:51 on est bombardé de ce genre de titres.
04:54 "Une hausse de plus de 1,5% va dévaster la biodiversité."
04:57 Donc vous encaissez toutes ces nouvelles,
05:00 et vous vous dites "Donc on est dans une situation de guerre mondiale,
05:03 donc on est vraiment dans une situation
05:05 dans laquelle tout le monde va se mettre à bouger."
05:08 Mais non, pas du tout.
05:11 On est très tranquille.
05:13 Et la situation est simultanément une situation de guerre
05:16 dont on nous dit qu'elle est totale,
05:18 et que demain il ne sera trop tard avec des énormes polices.
05:21 "Police" est un terme pour définir la taille des caractères.
05:26 Vous vous dites "Donc on est en situation d'action maximale",
05:29 et en fait, non, on est dans une situation qui ressemble,
05:32 vous allez évidemment refaire toute l'histoire de France,
05:34 donc je peux me permettre de vous parler de quelque chose
05:36 qui est infiniment éloigné de vous, c'est-à-dire la guerre de 40,
05:39 ce qu'on appelait "drôle de guerre",
05:41 c'est-à-dire avant mai 40,
05:43 ce moment très étonnant
05:46 dans lequel la France était supposée être en guerre
05:49 contre l'Allemagne.
05:50 Oui, je rappelle la guerre de 40, l'Allemagne, la France,
05:52 tout ça, vous connaissez.
05:54 Et ce moment de suspens,
05:56 vous voyez, il joue aux cartes,
05:58 c'est exactement la situation dans laquelle on vous dit
06:00 simultanément des nouvelles qui reviennent constamment
06:03 "C'est une guerre totale, demain il sera trop tard",
06:06 "La question de la civilisation, on ne va peut-être pas tous mourir",
06:08 mais comme vous le savez, vous avez dû lire peut-être
06:10 le livre de Séverine sur ce qu'on appelle maintenant la collapsologie.
06:14 Et simultanément,
06:16 finalement, c'est une situation plutôt,
06:18 en tout cas dans les pays développés,
06:20 riches et développés, plutôt pacifique,
06:23 avec des gens qui disent au fond,
06:25 comme Pinker, on est dans une situation extrêmement pacifique.
06:29 Comment fait-on pour absorber cette situation aussi contradictoire ?
06:34 Encore une fois, c'est un problème qui ne se posait pas avant.
06:38 Alors il y a deux,
06:39 évidemment je pourrais développer beaucoup,
06:41 pour finir mon introduction à la discussion,
06:44 deux sujets qui sont centraux dans cette école
06:47 qui s'appelle, je le rappelle, sciences politiques.
06:49 Le premier, comment arriver à comprendre la complexité
06:55 sans en avoir peur,
06:57 des travaux des scientifiques,
07:00 puisque cette révolution,
07:01 comme la première révolution a été introduite
07:03 par Galilée et ses collègues,
07:05 la deuxième révolution s'est évidemment introduite
07:07 par les scientifiques.
07:08 Personne sans l'establishment scientifique,
07:11 sans les institutions scientifiques,
07:13 sans les climatologues, etc.,
07:14 ne se serait aperçu de la question
07:18 qu'on résume sous le nom de "climate change".
07:23 On aurait dit, il fait chaud, en 2019 il fait chaud,
07:25 et c'est bizarre, il faisait chaud aussi en 2018,
07:27 mais on n'aurait aucun moyen de constater,
07:30 de construire des faits assurés sur cette affaire.
07:33 Il faut nécessairement se fier aux institutions scientifiques.
07:37 Or, il se trouve que ces sciences du climat
07:40 sont des sciences extrêmement complexes,
07:42 comme toutes les sciences,
07:43 mais en plus que les autres sciences,
07:45 parce que ce sont des sciences de puzzle.
07:47 Ce ne sont pas les sciences auxquelles on était habitués,
07:50 que vous avez appris en physique ou en mathématiques.
07:53 Ce ne sont pas des sciences de démonstration.
07:55 Elles utilisent massivement la physique et les mathématiques,
07:58 mais ce sont des sciences
08:00 où des milliers d'observations différentes
08:03 venant de toutes...
08:04 J'ai essayé de résumer là, dans ce petit schéma,
08:07 des satellites, des bouées dérivantes, des bateaux,
08:11 des cernes d'arbres, etc.,
08:14 accumulées, transformées, modélisées, etc.,
08:17 permettent de construire de bloc en bloc,
08:19 pour des dizaines de milliers de chercheurs,
08:21 finalement, des résultats robustes et assurés.
08:24 Probablement, d'ailleurs, c'est assez amusant,
08:26 qu'en histoire des sciences,
08:28 il y a peu de faits plus robustes et plus assurés
08:31 que la question du lien entre le réchauffement climatique
08:33 et la quantité de CO2.
08:35 Il y a encore des gens, je suppose, dans cette salle,
08:38 qui disent "Oui, mais non, on n'est pas trop sûrs."
08:40 Alors qu'en fait, évidemment,
08:41 ce n'est pas des sciences de démonstration,
08:43 ce n'est pas le type de démonstration
08:45 que Galilée aurait facilement compris,
08:48 mais ce sont des sciences de pose.
08:50 Pose, c'est tout à fait solide,
08:52 il peut manquer deux ou trois pièces,
08:54 n'empêche que c'est solide.
08:55 Mais ce n'est pas le même esprit scientifique.
08:57 Il y a des milliers de sciences différentes,
08:59 et chacune a son régime, en quelque sorte, de preuves,
09:02 et sa capacité différente à assurer la conviction.
09:06 Le problème, c'est que ces sciences,
09:09 qui sont des sciences, disons, naturelles,
09:12 elles ne sont pas des sciences...
09:13 Elles sont appuyées sur la physique et la chimie,
09:15 mais ce sont des sciences naturelles,
09:16 ce qu'on appelait l'histoire naturelle au XIXe siècle,
09:20 apportent des résultats,
09:23 construisent cette machine tout à fait extraordinaire,
09:26 à la fois administrative et scientifique,
09:28 cette hybride étonnante qui est le GIEC,
09:30 dont vous avez dû, évidemment, entendre parler,
09:33 et est soumise, dans l'espace public,
09:36 à une entreprise tout à fait passionnante pour vous,
09:40 et en particulier pour le sujet des controverses
09:42 que vous avez à traiter,
09:44 qui est la corruption, finalement, de l'espace public.
09:48 Alors, c'est un sujet sur lequel je pourrais
09:50 disserter pendant longtemps.
09:51 C'est un très important sujet
09:53 qu'on appelle, disons, la question du climato-scepticisme.
09:56 Mais une étude, et je ne peux pas ne pas citer
09:59 que c'est une étude du Médialab de Sciences Po,
10:02 Médialab que j'ai créée il y a quelques années,
10:05 me paraît tout à fait intéressante.
10:06 Il faut qu'on la regarde un peu en détail.
10:09 Le résultat tout à fait stupéfiant,
10:11 c'est que si vous publiez...
10:13 C'est un... Je ne vois pas comment on fait.
10:16 Si, là, vous avez en bleu, à gauche, en haut,
10:19 les gens qui publient sur ces questions.
10:21 Et vous avez en rouge, disons,
10:24 qui publient sur ces questions,
10:25 et qui sont eux-mêmes cités.
10:27 La citation se trouve à droite, là-haut.
10:29 Donc, disons, les chercheurs spécialistes de la question.
10:33 Et puis, vous avez des dissidents,
10:37 qui s'appellent sceptiques,
10:38 même si le mot "sceptique" est disputé,
10:41 qui, eux aussi, disent
10:43 "Mais nous, on a publié dans des revues,
10:46 "et on pense que cette affaire
10:48 "de réchauffement climatique est une illusion."
10:51 Exactement le genre de sujet
10:53 sur lequel vous allez avoir à vous pencher
10:55 dès qu'on prend la question des abeilles,
10:57 dès qu'on prend la question
10:58 d'affaires de biodiversité, etc.
11:00 Mais le résultat...
11:02 Donc, l'étude est très passionnante.
11:03 C'est-à-dire qu'ils ont pris un nombre égal
11:05 de scientifiques.
11:07 "Scientifiques", ça veut dire des gens
11:09 qui publient dans des revues
11:10 et dont les articles sont évalués,
11:12 et ensuite, ces articles sont cités
11:14 par d'autres scientifiques.
11:15 C'est le chemin pour produire
11:17 des faits robustes, certifiés et partagés.
11:21 Et des négateurs de la question du climat,
11:24 des médias, des médias radio,
11:26 publics, comme vous le voyez là en haut,
11:28 un peu, mais qui sont assez peu cités.
11:31 Qu'est-ce qui se passe
11:32 quand vous passez de l'arène scientifique
11:36 à l'arène des médias ?
11:40 Stupéfiant, vraiment stupéfiant,
11:43 parce que quand vous êtes...
11:44 Si vous regardez le schéma en bas à gauche,
11:47 moins vous en savez sur la question du climat,
11:51 plus vous publiez
11:52 que vous êtes cités dans les médias internet.
11:55 Les médias, disons, pas les grands médias.
11:58 Vous allez me dire, heureusement,
11:59 il y a les grands médias,
12:00 comme Le Monde, dont j'ai fait l'éloge plusieurs fois.
12:02 Ne tirez pas de conclusions hâtives,
12:04 parce qu'à droite, en bas,
12:06 au mieux, si ce sont des médias sérieux,
12:09 le New York Times, Le Monde, Le Guardian, etc.,
12:12 vous avez simplement égalité.
12:15 Réfléchissez, chers amis,
12:17 chers enfants, j'allais dire, encore une fois,
12:20 réfléchissez à ce que ça pose
12:22 pour quelqu'un qui entre à Sciences Po.
12:24 Vous êtes obligés de vous rentrer
12:27 dans les faits scientifiques.
12:29 C'est ce que vous allez faire
12:30 si vous travaillez un peu
12:31 sur la question de la biodiversité.
12:33 Et en même temps,
12:34 vous allez devoir affronter la question suivante.
12:38 Si je prends au sérieux les questions scientifiques,
12:43 il est hors de question de laisser la parole
12:46 dans les revues qui sont des revues grand public
12:49 ou dans les médias à des gens
12:50 qui n'ont pas l'autorité scientifique correspondante.
12:54 Mais la situation dans laquelle vous allez vous trouver
12:56 n'est pas celle-là.
12:57 La situation dans laquelle vous allez vous trouver,
12:59 c'est des gens qui vont dire
13:00 "Ah oui, mais à partir du moment
13:02 "que vous dites que le CO2 produit
13:04 "le réchauffement climatique,
13:06 "il faut quand même que j'invite
13:07 "quelqu'un qui dise le contraire."
13:09 Que ce quelqu'un qui dise le contraire
13:10 n'ait aucune compétence dans la question
13:12 ne doit pas jouer pour les médias,
13:13 et même pour les médias grand public,
13:15 puisqu'ils égalisent en quelque sorte les positions.
13:18 Alors que si vous regardez la production scientifique,
13:21 et je rappelle que sur une question comme celle-là,
13:23 il n'y a que les scientifiques
13:24 qui ont des idées précises,
13:25 ni moi, ni vous,
13:27 à moins que vous soyez climatologue,
13:28 vous avez des idées bien précises
13:30 et ne peut soi-même aller tester, disons,
13:33 ou vérifier ou contre-vérifier les énoncés,
13:37 eh bien l'autorité devrait,
13:40 le travail des médias devrait être au contraire
13:42 d'inverser le rapport entre les deux barres
13:46 que vous voyez en bas
13:47 et dire, sur cette question,
13:50 en gros, les faits sont assurés,
13:52 ça n'est plus un sujet de dispute,
13:54 ce qui est à peu près le cas
13:56 dans la communauté scientifique.
13:57 Mais si vous avez compris
13:58 le premier parti de mon exposé,
14:01 vous comprenez bien que sur des sujets
14:04 qui sont des sujets existentiels,
14:06 c'est-à-dire des sujets qui parlent
14:08 de l'ensemble des productions
14:10 et du développement et de la question économique,
14:13 c'est évident que personne ne peut être d'accord.
14:15 Vous ne pouvez pas produire, imaginer,
14:18 que je ne sais pas, pour prendre un exemple,
14:20 les frères Koch,
14:21 qui sont des grands capitalistes américains
14:24 qui ont investi massivement dans le charbon
14:26 et dans la dénégation du climat,
14:28 pas exactement à égalité, mais quasi,
14:31 vous ne pouvez pas imaginer
14:32 que des gens qui possèdent des intérêts immenses
14:36 dans l'industrie du charbon vont dire,
14:37 ah oui, vous avez raison, monsieur Jouzel,
14:39 pour prendre un grand scientifique français,
14:41 et vos données sont forcément exactes.
14:43 Il va faire tout ce qu'il peut, évidemment,
14:45 pour corrompre l'espace public.
14:48 Je ne sais pas quel est le terme qu'il faut utiliser.
14:50 Et pour faire, et ils réussissent apparemment très bien,
14:52 c'est la grande qualité de cette étude,
14:54 je rappelle, cette étude a moins d'un mois,
14:56 elle est publiée depuis moins d'un mois,
14:58 c'est-à-dire essayer de comprendre
14:59 qu'est-ce qui se passe dans l'espace médiatique.
15:01 Et donc, la solution que nous essayons
15:04 d'avancer dans cette maison,
15:08 c'est d'essayer de dire, eh bien,
15:10 on va essayer non pas de nier,
15:12 qu'il y a controverse,
15:14 ça ne sert à rien d'aller dire,
15:15 mais les scientifiques ont raison,
15:16 pourquoi est-ce que vous continuez à discuter ?
15:18 Ce n'est pas le problème,
15:19 les scientifiques ont aussi des intérêts,
15:21 ils sont aussi dans la politique jusqu'au cou, évidemment.
15:24 Mais ça ne veut pas dire que ce qu'ils disent est faux.
15:26 Ça veut dire qu'il faut que nous nous habituions,
15:29 collectivement, en tant que société,
15:32 à aller vérifier les énoncés qui sont prononcés.
15:34 Ce qui peut paraître étonnant,
15:36 ça ne paraît pas très extraordinaire,
15:38 et pourtant, c'est devenu,
15:40 dans l'espace scientifico-médiatique
15:43 que nous connaissons, une extrême difficulté.
15:46 Voilà. C'est très simple, ça s'appelle "mise en bulle".
15:50 Vous êtes tous amateurs de BD.
15:52 Ce qui est interdit, mesdames et messieurs,
15:54 quand vous entrez à Sciences Po,
15:56 c'est de ne pas mettre en bulle les énoncés.
15:59 Si un est... Vous avez le droit de buller, par contre,
16:01 mais vous n'avez pas le droit de ne pas mettre en bulle
16:03 les énoncés.
16:05 Les énoncés, comme cette phrase,
16:07 "le réchauffement global est d'origine humaine",
16:10 elle n'est pas mise en bulle,
16:12 elle n'est pas entre parenthèses.
16:14 C'est-à-dire que ce sont des énoncés,
16:18 ce que j'appelle des énoncés flottants.
16:20 C'est 98% de la production médiatique.
16:23 Twitter, etc., c'est là, les mots...
16:25 Ils flottent.
16:27 Et, évidemment, c'est pas du tout comme ça qu'on voudrait.
16:30 On voudrait que vous les mettiez dans une bulle.
16:32 C'est-à-dire que vous commenciez à faire la distinction,
16:34 ce que vous faites si vous êtes journaliste,
16:36 ce que vous faites si vous êtes scientifique,
16:38 ce que vous faites si vous êtes simplement intéressé par le débat,
16:41 ce que vous êtes obligé de faire si vous êtes à Science Pro,
16:44 c'est de le situer dans une interlocution.
16:47 Quelqu'un dit, c'est quelqu'un qui dit,
16:49 pour des raisons particulières,
16:51 "le réchauffement global est d'origine humaine",
16:53 et qui le dit à quelqu'un
16:55 qui est apparemment un tout petit peu plus assuré
16:58 ou qui connaît un tout petit peu mieux
17:00 la littérature scientifique et a été la regarder,
17:03 des preuves de plus en plus nombreuses
17:05 qui permettent de prendre pour une quasi-certitude
17:07 l'origine humaine.
17:08 Vous voyez déjà qu'il y a une petite tension entre les deux.
17:11 Et une troisième qui sont des gens
17:13 qui accusent les autres de nier,
17:17 s'ils voulaient, qui accusent les climato-sceptiques
17:19 et qui disent, des chercheurs stipendiés
17:22 doutent encore qu'il y ait une origine humaine
17:25 au réchauffement climatique.
17:27 C'est à peu près l'énoncé que je vous ai dit tout à l'heure
17:29 sur les frères, quoi.
17:30 C'est plutôt la position que je prendrais.
17:32 Et d'autres qui disent, des chercheurs intéressés,
17:34 ça peut être négatif ou positif,
17:36 prétendent que le réchauffement est d'origine humaine.
17:38 On tombe immédiatement,
17:40 quel que soit l'énoncé que vous allez prendre,
17:42 en particulier sur le sujet extrêmement complexe
17:44 de la biodiversité,
17:46 sur une situation d'interlocution.
17:48 La nature divise.
17:50 Les questions écologiques divisent.
17:53 Les questions scientifiques divisent.
17:54 D'abord les scientifiques et ensuite les autres.
17:57 Cette situation d'interlocution,
17:59 cette situation de conflit, de controverse,
18:01 elle est positive.
18:03 Elle remplace les énoncés flottants.
18:06 Elle remplace l'affirmation absolutiste,
18:09 disons, de position sans discussion.
18:12 Donc dès que vous avez quelque chose
18:14 comme un énoncé flottant,
18:16 il faut évidemment l'abandonner.
18:17 La question c'est recharger,
18:19 situer, matérialiser
18:22 les énoncés pour qu'on sache d'où ils sortent.
18:24 Alors je ne suis pas très bon en dessin,
18:27 mais j'ai fait le résumé de ce qu'il faut faire
18:29 pendant les cinq ans, disons.
18:30 Vous prenez un énoncé flottant,
18:32 vous le mettez en bulle,
18:33 vous lui attribuez un locuteur,
18:34 vous lui trouvez des interlocuteurs,
18:36 vous localisez leur interlocution
18:37 dans le temps et dans l'espace,
18:39 vous repérez les instruments et documents
18:40 sur lesquels il s'appuie,
18:41 et j'avais plus de place en bas,
18:43 et l'argent qui est dépensé dans les deux sens,
18:45 parce que malheureusement,
18:47 l'espace public est un espace
18:49 hautement conflictuel et très largement corrompu.
18:52 Vous voyez, c'est assez facile
18:53 d'être un science-pouf finalement.
18:55 La seule question, c'est que c'est parfois compliqué
18:57 d'aller chercher qui dit quoi.
18:59 C'est compliqué de chercher qui dit quoi, pourquoi.
19:01 C'est compliqué d'aller chercher
19:03 sur quel instrument quelqu'un se base
19:05 pour affirmer quelque chose.
19:07 C'est compliqué d'aller chercher
19:08 la situation matérielle
19:10 des différents interlocuteurs.
19:12 Et pourtant, il n'y a pas d'échappatoire.
19:14 Si on ne sort pas,
19:15 si on ne rentre pas
19:17 dans cet espace des controverses,
19:18 la question même de l'autorité,
19:20 la question même de l'assurance
19:22 avec laquelle on peut dire quelque chose,
19:24 s'évanouit.
19:26 Mais, vous n'avez plus le droit,
19:28 à partir de maintenant,
19:30 d'avoir des énoncés flottants.
19:33 Parce que ces énoncés, évidemment,
19:35 c'est la guerre.
19:37 C'est Twitter, en gros.
19:40 C'est l'équivalent d'ailleurs, à peu près.
19:42 C'est-à-dire des énoncés flottants
19:44 dont on ne sait pas qui les dit
19:45 et on ne sait pas à qui ils s'adressent
19:47 avec quelle preuve ou quelle contre-preuve,
19:49 circulent et construisent cet espace
19:51 qu'on n'ose plus appeler espace public,
19:53 dans lequel on associe,
19:55 avec justesse, je pense,
19:57 à fake news, même si j'ai une idée différente
19:59 sur l'origine des fake news.
20:01 C'est là.
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