Vendredi 24 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Michel Ruimy (Économiste, SPAK)
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00:00 Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque dernier vendredi du mois, c'est l'occasion
00:13 de retrouver Michel Rumi, économiste associé chez SPAC pour un décryptage économique,
00:19 le décryptage d'un concept économique et d'un concept de marché.
00:23 Bonsoir Michel.
00:24 Bonsoir.
00:25 Merci d'être avec nous.
00:26 Ce qui vous a intéressé dans l'actualité, on pourra peut-être en dire un mot à l'occasion
00:28 de cette chronique, c'est à l'occasion de l'élection en Argentine, rappeler effectivement
00:34 un des grandes volontés de Ravier Milei de dollariser l'économie argentine face à
00:41 un PSO argentin qui ne vaut plus rien.
00:45 On a, je crois, 100, 150% d'inflation en Argentine.
00:48 Ça fait des années que ça dure.
00:50 Je crois qu'ils ont fait défaut au moins une demi-douzaine de fois ces dernières années.
00:55 Bref, on connaît la répétition malheureuse de l'histoire argentine et c'était l'occasion
01:01 pour vous de nous expliquer ce qu'est un taux de change.
01:05 Oui, parce que c'est aussi simple que ça peut paraître, c'est aussi un peu compliqué.
01:09 Et donc, ce qu'il faut bien voir, c'est qu'un taux de change doit refléter la vigueur
01:14 d'une économie par rapport à une autre économie.
01:17 Et son niveau, en fait, est déterminé en continu par les marchés d'échange.
01:23 Et donc, naturellement, on dit que le taux de change, c'est l'expression d'une monnaie
01:27 par rapport à une autre.
01:28 Et en fait, ce qui veut dire que lorsqu'on a un PSO argentin qui est égal à un dollar,
01:35 cela signifie que l'économie argentine est aussi forte que l'économie américaine.
01:39 Donc, on voit bien déjà la problématique qui peut être soulevée.
01:42 Mais en fait, les écarts par rapport à cette parité, sont dans une certaine mesure, expliquent
01:50 les écarts de dynamisme d'une économie par rapport à une autre.
01:53 Et donc, c'est estimé rapidement par les opérateurs de marché qui, d'une part, vont
01:59 s'appuyer sur les informations qu'ils souhaitent et puis également aussi sur les anticipations
02:04 à court, moyen et long terme qu'ils font sur l'économie, par exemple, de l'Argentine,
02:08 etc.
02:09 A quoi ça sert le taux de change ? Pourquoi c'est important ? Une fois que le marché
02:13 a donné le prix, la parité, effectivement, entre deux économies, une fois qu'on a cette
02:18 information, à quoi sert le taux de change ?
02:20 En fait, aujourd'hui, dans une économie mondialisée, on fait des importations et des exportations.
02:25 Et ce qui va se passer, c'est que le taux de change est, on va dire, une donnée importante
02:30 pour le commerce extérieur.
02:31 Et si on a un taux de change élevé, ce qu'on appelle une monnaie forte, ça va favoriser
02:38 les importations, mais en même temps, ça va défavoriser les exportations et vice versa.
02:45 Et c'est ça qui est très important, c'est que, comme ça fluctue, par exemple, si on
02:50 prend le dollar par rapport aux périodes de pétrole, ça peut avoir certaines conséquences.
02:54 Et c'est ça qui va jouer.
02:55 Vous disiez "le marché fixe le taux de change".
02:58 Tous les taux de change ne sont pas fixés, en tout cas pleinement, par le marché, Michel.
03:02 Comment est-ce qu'on fixe un taux de change ? Quels sont les différents régimes, d'ailleurs,
03:07 de fixation des taux de change ?
03:08 Ça a commencé en 1944 avec les accords de Bolton-Woods, mais aujourd'hui, en fait,
03:13 c'est la survivance, tout d'abord, des accords de la Jamaïque en 1976, où les pays développés,
03:19 après les déboires de l'inconvertibilité du dollar en or, se sont mis en régime de
03:26 change flottant.
03:27 Ça veut dire notamment les États-Unis, la zone euro, le Japon et tout.
03:30 Ce qui veut dire quoi ? Ça veut dire que le taux de change n'est pas administré et
03:34 qu'il dépend de l'offre et de la demande sur un marché.
03:37 Et par exemple, aujourd'hui, on a à peu près un euro qui égale à 0,9 dollar.
03:41 Au 1er janvier, il valait 1,13.
03:43 Donc, on voit que ça fluctue.
03:45 La deuxième possibilité, c'est notamment d'avoir un régime de change intermédiaire,
03:50 comme la Chine.
03:51 C'est-à-dire que l'yuen est indexé sur un panier de monnaie qui est composé notamment
03:57 du dollar, de l'euro, du yen, du won coréen, etc.
04:00 Et le taux du yuen fluctue, mais de façon limitée par rapport à la valeur du panier.
04:06 Et donc, par exemple, aujourd'hui, on a un dollar qui vaut à peu près 7,15 yuans, mais
04:11 un euro égale 7,80.
04:12 C'était pour la note.
04:14 Et le taux de change est géré par les autorités chinoises qui achètent et vendent le yuan
04:19 en fonction de leur volonté, on va dire.
04:21 Pilotage, un contrôle très précis.
04:24 Et puis, il y a le troisième régime.
04:29 C'est un régime de change fixe.
04:30 C'est ce qu'on trouve généralement dans les pays de la zone franc, où la monnaie
04:36 est arrimée à l'euro.
04:38 Et par exemple, on a un euro égal 655 francs CFA.
04:41 Dans ce cas-là, le taux de change est totalement administré.
04:45 C'est-à-dire que les autorités des banques centrales s'engagent à fournir les devises
04:50 étrangères contre la monnaie nationale.
04:52 C'est une obligation.
04:54 Mais dans cette configuration de change fixe, parfois, les pays ont la possibilité de dévaluer
05:00 ou de réévaluer leur monnaie en fonction d'eux.
05:02 Qu'est-ce qu'on voit ? Sur les 190 pays du FMI, il y a à peu près 55%, ça fait un
05:08 peu plus d'une centaine de pays, qui ont un régime de change intermédiaire.
05:12 Il y a à peu près 35%, c'est-à-dire à peu près 65 pays qui sont en régime flottant.
05:17 Et puis à peu près 10% qui sont en régime de change fixe, ça veut dire à peu près
05:21 20 pays.
05:22 Et donc, on voit bien que lorsqu'on parle d'un taux de change, ça donne la littérature.
05:26 Et c'est ça qui change.
05:28 Il y a deux tiers du monde pour qui il est important de contrôler plus ou moins son
05:32 taux de change.
05:33 Exactement.
05:34 Et c'est ça qui est important.
05:35 Est-ce que, justement, ça pose la question de l'intervention.
05:39 Est-ce que toutes les banques centrales peuvent intervenir sur le marché des changes, y compris
05:43 quand on est en régime de change flottant ? Est-ce que ça fait partie de leurs compétences
05:47 et de leurs missions ? Comment est-ce qu'elles interviennent de manière globale, générale,
05:50 sur ces marchés de change ?
05:52 Alors, ce qu'il faut bien voir, c'est que j'ai donné deux statistiques sur le marché
05:56 des changes, qui est, on va dire, le marché très spéculatif.
05:59 C'est un marché sur lequel le soleil ne dort jamais.
06:02 C'est le Forex.
06:03 On appelle ça le Forex, Foreign Exchange.
06:05 Voilà.
06:06 Chaque jour, à peu près, c'est près de 7500 milliards de dollars qui sont échangés.
06:10 Rien que pour info, le PIB de la France, il est d'à peu près de 2500 milliards.
06:15 Donc, vous voyez que c'est énorme.
06:17 Et sur ce marché, il y a à peu près 7 grandes monnaies qui sont échangées.
06:22 Il y a le dollar, il y a l'euro.
06:23 Il y a le dollar canadien, le dollar australien.
06:26 On va dire toutes les grandes monnaies des pays développés.
06:28 Voilà.
06:29 Exactement.
06:30 Et donc, ce qu'il faut voir, c'est qu'aux Etats-Unis, comme dans les pays développés,
06:35 généralement, la Banque centrale n'a pas de politique de change.
06:39 C'est de la responsabilité du gouvernement.
06:41 Et donc, par exemple, dans l'eurosystème, en fait, lui non plus n'a pas un objectif
06:45 de taux de change.
06:46 Il a une politique de change, mais il n'a pas un objectif.
06:48 Donc, concrètement, les banques centrales n'interviennent pas, on va dire, pour maintenir
06:52 un taux de change.
06:53 Donc, les banques centrales interviennent sur le marché des changes dans le but, naturellement,
06:58 d'influer sur leur taux de change, le taux de change de leur monnaie.
07:01 Et c'est notamment les régimes de change intermédiaire ou change fixe.
07:04 Et ce qu'il faut savoir, c'est qu'en fonction, si on veut apprécier, eh bien, on va vendre
07:10 certains avoirs et on va acheter sa monnaie sur le marché, ou vice versa, on va, et c'est
07:15 ça qui est très important pour déprécier, acheter, on va dire, comment ça s'appelle,
07:22 des devises étrangères avec sa monnaie.
07:23 Donc, on va créer de la monnaie.
07:25 Et donc, du coup, on voit bien le lien qui est entre politique monétaire et politique
07:29 de change.
07:30 Et c'est ça qui est très important.
07:31 La baissure, sans avoir d'objectif de taux de change, en achetant des actifs et des obligations
07:37 souveraines, a permis, effectivement, cette création temporaire de monnaie qui a eu pour
07:45 conséquence de faire baisser l'euro jusqu'à un certain point et à un certain stade.
07:49 Et c'est ça qui est très important.
07:50 Et donc, par exemple, on parlait des réserves de change.
07:54 Eh bien, en France, par exemple, la Banque de France a à peu près 60 milliards d'euros,
07:58 mais l'eurosystème a 300 milliards d'euros pour éventuellement faire face, on va dire,
08:02 aux problématiques qui peuvent arriver.
08:04 C'est ça, c'est pour ça qu'on regarde les réserves de change des grandes banques centrales,
08:07 parce qu'on sait que c'est la poudre sèche, que c'est des réserves, effectivement, en
08:13 cas de besoin d'intervention, etc.
08:15 Et que quand on voit des réserves de change s'effondrer, je me souviens de la Banque
08:18 d'Angleterre, etc., ça peut amener des espèces de phénomènes de spirale.
08:24 Et surtout, on va spéculer, on va pas prier privé.
08:27 Eh bien évidemment, sans revenir à la Banque d'Angleterre.
08:30 Mais si, c'est ça.
08:32 Tout à fait.
08:33 Et quand on spécule, il ne faut pas oublier que George Soros avait gagné un milliard
08:38 de dollars.
08:39 En faisant sauter la Banque d'Angleterre.
08:42 Qui décide de la valeur d'une monnaie ?
08:44 En fait, c'est les déterminants.
08:48 On va toujours distinguer accro et moyen.
08:51 Vous disiez, le point fondamental, c'est le reflet de la force d'une économie par
08:56 rapport à une autre.
08:57 Tout à fait.
08:58 Après, il y a quand même des déterminants, plus ou moins court terme, qui peuvent influencer.
09:02 Tout à fait.
09:03 Bien sûr, en gros, lorsqu'on veut étudier la santé économique d'un pays, c'est comme
09:09 si on va voir chez le médecin, on lui dit "c'est quoi ? Faites-moi une prise de sang".
09:12 Et donc, il va vous donner certains paramètres médicaux.
09:15 Nous, ce qu'on va regarder, on va regarder d'une part le taux d'inflation, le taux de
09:19 chômage, le solde d'avance commercial, la croissance économique.
09:22 Puis il y a également aussi, bien sûr, puisque pour ces grandes monnaies, on va avoir l'offre
09:27 et la demande comme tout marché.
09:28 Puis également aussi, la différence de conduite de politique monétaire et donc de taux d'intérêt.
09:33 Ça, c'est, on va dire, les éléments plus classiques.
09:35 Et puis, en même temps, il y a d'autres éléments.
09:38 C'est aujourd'hui, devant l'endettement des pays.
09:41 On va regarder le niveau et la composition des dettes publiques.
09:44 On va regarder aussi la politique de change, notamment s'il y a une existence d'un contrôle
09:49 de change.
09:50 Et puis bien sûr, la spéculation.
09:51 Tout ça, ça va être, on va dire, sur le court terme.
09:53 Et puis à long terme, en fait, le taux de change doit refléter le pouvoir d'achat.
09:59 Le pouvoir d'achat, et c'est ce qu'il faut bien voir.
10:02 Mais là, je vous en ai donné quelques-uns.
10:04 Ce qu'il faut bien voir, c'est que par exemple, pour la BCE, lorsqu'elle mène sa politique
10:07 monétaire, elle travaille sur 160 indicateurs.
10:09 Donc, vous imaginez la machinerie qu'il y a derrière.
10:12 Et c'est ça qui fait que c'est compliqué.
10:15 Mais donc, on essaye d'avoir une visibilité le plus simple.
10:17 Cette question de la parité de pouvoir d'achat, c'est l'idée de la fair value, de la parité
10:23 d'une devise, d'une paire de devises.
10:26 Et ça a été le génie, alors j'ai deuxième économiste, c'est ça, le génie d'incarner
10:35 ce concept de parité de pouvoir d'achat à travers l'indice Big Mac.
10:42 Oui, tout à fait.
10:43 En fait, c'est né en 86, alors que l'époque libérale commençait à bien s'épanouir.
10:51 Et qu'est-ce qu'elle a fait ? Elle a relevé le prix des Big Mac dans une cinquantaine
10:57 de pays.
10:58 L'idée en quoi était-elle ingénieuse, c'est dans le sens où le Big Mac, par des
11:04 process de production, c'est toujours la même chose dans n'importe quel pays.
11:09 On doit répondre à…
11:10 Standardisation parfaite.
11:11 Tout à fait.
11:12 Et ce qui fait, du coup, on a dit, on va pouvoir comparer ce qui se passe dans les pays.
11:18 Et en comparant le prix des Big Mac, on va avoir un coefficient qu'on va comparer avec
11:23 le taux de change établi sur les marchés.
11:24 Donc on va avoir une surévaluation.
11:26 Et par exemple, si je prends l'exemple, on prend le prix du Big Mac TTC, parce que
11:32 parfois on peut se poser la question si c'est hors-taxe.
11:33 Parce qu'il y a aussi un biais.
11:35 Oui.
11:36 Un virgoigné.
11:37 Donc on dit, on prend TTC et par exemple, le Big Mac est à 5,60 dollars aux Etats-Unis.
11:43 Si on prend le Big Mac traditionnel en Chine, il est de 25 yuan.
11:48 Et donc, quand on fait le rapport 25 que divise 5,60, on arrive à quelque chose arrondi à
11:54 4,50 dollars.
11:55 Donc le yuan est sous-évalué.
11:58 Et donc du coup, ça peut imaginer pas mal de stratégies là-dessus.
12:03 C'est ce qui est fait.
12:06 Il est très simple.
12:07 Mais il y a des critiques.
12:08 Parce qu'il est trop simple.
12:10 Ça va pas.
12:11 On a besoin de...
12:12 Et c'est ça qui est important de saisir.
12:13 Mais on n'a pas trouvé mieux quand même pour incarner cette idée de la parité de
12:16 vente d'achats pour le grand public.
12:18 Je trouve que c'est quand même un outil génial.
12:20 Tout à fait.
12:21 Mais il y a eu une petite...
12:22 Ça manque de finesse.
12:23 Voilà.
12:24 Mais on a mené un tout petit peu le prolongement en prenant en compte notamment le niveau de
12:28 vie.
12:29 Et c'est un économiste, c'est rien que pour le citer pour lui faire plaisir en même temps.
12:32 Il s'appelle Ashen Felter.
12:34 Qui notamment a pris en compte, il a rapporté le salaire net d'un employé de l'entreprise
12:42 McDonald par rapport au Big Mac.
12:45 Et donc il avait trouvé en 2012, justement, cette statistique qu'il fallait 1h15 de travail
12:51 à Manille pour se payer un Big Mac.
12:54 Et donc c'est ça.
12:56 Merci beaucoup Michel.
12:57 Merci pour ce décryptage de ce concept.
13:00 C'est plus qu'un concept.
13:01 C'est en réalité le taux de change.
13:02 C'est au quotidien sur les marchés, vous l'avez dit.
13:05 Et c'est un marché, le marché des changes, qui ne dort jamais.
13:08 Merci Michel Rumi.
13:09 Avec nous chaque dernier vendredi du mois, économiste associé de SPAC dans SmartBourse.
13:14 Merci.
13:15 Merci.
13:16 Merci.
13:17 Merci.
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