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Libération du journaliste franco-afghan détenu en Afghanistan, Mortaza Behboudi : Christophe Deloire directeur général de Reporters Sans Frontières est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-19-octobre-2023-5113912

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00:00 Il a passé 284 jours, près de 10 mois donc, dans une prison de Kaboul.
00:04 Le journaliste franco-afghan Mortaza Beboudi vient d'être libéré.
00:08 Il a travaillé pour de nombreux médias français, dont Radio France.
00:11 Il a collaboré avec nous comme fixeur et interprète.
00:13 Bonjour Christophe Deloyer.
00:15 Bonjour.
00:16 Vous êtes le directeur général de Reporters sans frontières, RSF, qui s'est battu pour
00:19 obtenir sa libération.
00:20 D'abord, comment va-t-il ?
00:21 Mortaza Beboudi, après une épreuve douloureuse, longue, inquiétante, il est évidemment fatigué
00:29 et la première chose qu'il a faite quand il est sorti de prison, c'était de se reposer.
00:32 Quelles ont été ses conditions de détention ? Il a été bien traité, si j'ose dire,
00:37 en prison.
00:38 Est-ce que c'est possible d'être bien traité dans une prison de Kaboul ?
00:39 Lui-même le dira quand il reviendra sur le territoire national, en France.
00:44 Mais ses conditions, elles ont évidemment été difficiles.
00:46 Elles étaient d'autant plus difficiles qu'à plusieurs moments, on a eu le sentiment qu'une
00:50 libération était possible et même qu'elle était imminente.
00:53 On a eu des phases d'optimisme.
00:55 Et ces phases d'optimisme, à plusieurs reprises, elles se sont révélées malheureusement
00:59 inexactes.
01:00 Ça a fini par fonctionner.
01:02 Mais évidemment, pour un journaliste qui est en détention, qui est accusé de diverses
01:09 infractions, y compris espionnage, assistance à étrangers, facilitation de franchissement
01:14 de frontières vers l'étranger, il y a une épée de Damoclès qui pesait au-dessus de
01:19 sa tête et qui était inquiétante parce qu'on ne sait jamais comment ça va tourner.
01:22 Donc aux difficultés, aux conditions de détention éprouvantes, ça ajoute une inquiétude,
01:29 une angoisse permanente.
01:30 Et là, il est où en ce moment ?
01:31 Il est aujourd'hui entre des mains sûres, si je puis dire.
01:34 Toujours en Afghanistan ?
01:35 Toujours.
01:36 Il lui reste à aller à l'aéroport et franchir la frontière et revenir en France
01:41 dans les prochains jours, vraisemblablement d'ici la fin de la semaine.
01:44 Alors, il a été arrêté, on va refaire le film de l'histoire, il a été arrêté
01:47 le 7 janvier alors qu'il s'apprêtait à récupérer son accréditation de presse
01:50 pour partir en reportage.
01:51 Pourquoi a-t-il été arrêté ? Quelle était la raison officielle ? Vous nous avez dit
01:55 espionnage, c'est ça ?
01:56 Ça a été très difficile à déterminer au début, d'autant que le régime des talibans
02:00 pendant longtemps a démenti le détenir.
02:03 Et aucune infraction n'était officiellement invoquée, d'autant plus qu'il y avait
02:10 une forme de secret sur sa détention.
02:11 Nous-mêmes, on avait fait le choix pendant un mois de ne pas en parler publiquement pour
02:16 laisser la place à des discussions rapides et à une libération.
02:20 C'est parfois plus facile d'obtenir des libérations quand les cas ne sont pas publics.
02:23 Et puis au bout d'un mois, les choses durent, il nous a semblé important de porter le cas
02:29 sur la place publique et de changer de stratégie.
02:31 Et la vraie raison c'est quoi ?
02:32 Mais pourquoi avait-il été arrêté ? C'est difficile à dire.
02:37 Nous, ce que nous avons fait valoir, c'est que Mortaz Abeboudi était en Afghanistan
02:42 comme journaliste, qu'il n'a fait qu'y travailler comme journaliste et qu'à ce
02:46 titre il ne devait évidemment pas se trouver en prison.
02:48 Et comment se fait-il qu'il ait été libéré ? C'est le résultat de négociations ? C'est
02:51 le résultat d'un procès ? C'est les deux ?
02:53 D'abord, il a été acquitté de toutes les charges dont il était incriminé.
03:00 C'est quelque chose de fort qu'il ait été acquitté après neuf mois.
03:04 Donc ça veut dire que les talibans reconnaissent qu'ils se sont trompés ?
03:07 Un magistrat dans la salle d'audience de la cour criminelle de Kaboul a même dit que
03:11 neuf mois ça suffisait.
03:12 Il y a peut-être là effectivement une forme de reconnaissance.
03:16 En tout cas, c'est pour Mortaza à la fois la reconnaissance que ces neuf mois il n'aurait
03:23 pas dû les passer en prison et puis c'était le fait que sa liberté était ordonnée et
03:27 qu'après être repassé par la prison hier matin pour des démarches administratives,
03:32 il a pu retrouver la liberté.
03:33 Et quel rôle on joue quand on est patron de RSF comme vous pendant ces neuf mois ? Pendant
03:37 neuf mois vous avez négocié avec des talibans vraiment directement ? Comment ça s'est
03:42 passé ? Comment on fait ?
03:43 L'équipe de Reporters sans frontières qui était largement mobilisée, elle a beaucoup
03:46 fait.
03:47 Elle a fait ce que chacun peut voir des actions publiques avec un comité de soutien qui est
03:52 avec des centaines de personnes dans ce comité de soutien.
03:55 Parce que Mortaza Beboudi a bénéficié d'un soutien public très fort et même des villes
03:58 qui ont été engagées pour lui à Douarnenez en Bretagne qui est sa ville de cœur.
04:02 Il y a eu beaucoup d'actions publiques et qui étaient importantes parce que nous le
04:05 savions, les talibans écoutaient les messages venus de Paris et martelaient le message par
04:12 des actions publiques.
04:13 Mortaza Beboudi est un journaliste.
04:14 C'était très utile pour d'autres types de démarches, elles plus discrètes.
04:20 Reporters sans frontières a à la fois déposé des recours auprès des rapporteurs internationaux
04:26 de l'ONU, a mandaté des avocats sur place et a discuté sur une base quasi hebdomadaire
04:34 avec différentes personnes au sein du régime des talibans.
04:37 Il est libre, il va revenir en France dans quelques jours.
04:42 Il a déjà fait pas mal d'aller-retour entre ces deux pays, puisque maintenant il
04:47 est français, naturalisé français depuis trois ans.
04:49 Et ce qui est dingue c'est qu'à chaque fois il y retourne en Afghanistan.
04:51 Il y est retourné plusieurs fois alors qu'il a été menacé plusieurs fois dans son pays.
04:55 C'est une histoire tragique et belle en même temps que celle de Mortaza Beboudi.
05:00 Il avait deux ans lorsque les talibans ont pris le pouvoir pour la première fois.
05:04 Ses parents étaient partis en exil en Iran.
05:06 C'est en documentant les manifestations et ce qui se passe au moment de l'élection
05:12 du président iranien Ahmadinejad qu'est née sa vocation de journaliste.
05:18 Il est reparti en Afghanistan, il a utilisé son appareil photo, est devenu photo-reporteur,
05:23 est parti en exil à 15 ans en France.
05:24 Et là, beaucoup séduit par ses qualités professionnelles l'ensemble des rédactions
05:31 dans lesquelles il a travaillé.
05:33 C'était très impressionnant de voir à quel point il fait l'objet d'une estime,
05:37 d'une admiration dans la profession en France.
05:39 D'ailleurs il a été récompensé de plusieurs prix, prix Varennes, prix Bailleux des correspondants
05:43 de guerre.
05:44 Dernière question très rapidement, Christophe Deloire, il y a combien de journalistes encore
05:47 détenus aujourd'hui en Afghanistan ?
05:48 Il y a cinq journalistes en détention en Afghanistan.
05:51 Trois journalistes ont été tués dans le pays depuis le début de l'année.
05:53 Le pays est 156ème sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse.
05:58 Merci Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières.

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