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00:00 - On s'arrête sur cette situation inédite en Afrique de l'Ouest.
00:04 Bonjour à vous, Jérôme Pigné.
00:06 Vous êtes cofondateur du réseau de réflexion stratégique
00:09 sur la sécurité au Sahel.
00:12 On observe minute après minute la situation au Niger,
00:15 qui retient son souffle.
00:17 Pour l'heure, c'est le statu quo, semble-t-il.
00:20 Qu'est-ce qui est en train de se jouer ce dimanche, finalement ?
00:23 Ce sont deux crédibilités, en quelque sorte.
00:26 Celle de la junte face à celle de la CDAO ?
00:29 - Oui, ça dépasse très largement la question du Niger, malheureusement.
00:33 Aujourd'hui, c'est dans un contexte particulièrement volatile
00:36 qu'on connaît dans toute la sous-région.
00:39 Potentiellement, un coup d'Etat de plus,
00:41 car le coup, on le voit depuis maintenant 10 jours,
00:44 n'est pas encore consommé.
00:46 La junte n'a pas une véritable assise,
00:48 ni dans la capitale, ni dans les régions.
00:50 Il y a des négociations.
00:52 Il y a celles qu'on a vues, entendues.
00:54 Le président sortant, Mahamadou Issoufou,
00:57 le président du Tchad, d'autres émissaires,
01:00 par le Nigeria, qui a récupéré la présidence tournante de la CDAO.
01:04 Aujourd'hui, ce qu'on peut dire factuellement,
01:07 c'est que jusqu'ici, les négociations officielles,
01:10 encore une fois, celles qu'on a vues, n'ont pas donné grand-chose.
01:13 En sous-main, il y a des choses que vous et moi ne voyons pas
01:17 et où on discute probablement de la sortie des poutchistes.
01:23 On a vu, ces derniers jours,
01:25 des gens qui ont commencé à discuter de mettre en sécurité leur famille.
01:29 On a vu des avions partir de Niamey.
01:31 S'ils veulent sécuriser leur famille, ils se sentent menacés
01:35 et vont devoir se sécuriser eux-mêmes.
01:37 Il y a toutes ces négociations.
01:39 Ca créera, quoi qu'il arrive, un précédent,
01:42 parce qu'on est probablement dans une situation
01:44 où ce coup d'Etat ou cette tentative est le coup d'Etat de trop,
01:48 parce qu'on est dans une prolifération de la menace,
01:51 une situation croissante de la volatilité du contexte
01:55 dans tout l'espace sahélo-saharien et ouest-africain.
01:58 Si ce pays tombe, c'est toute la région qui est fragilisée.
02:01 -C'est le 7e coup d'Etat en 3 ans.
02:03 Il y a donc malgré tout des freins de toutes parts
02:06 à une éventuelle intervention militaire dans la région,
02:09 d'abord au sein même du Sénat nigérian,
02:12 qui appelle à poursuivre sur la voie diplomatique
02:15 et surtout du côté de l'Algérie.
02:17 C'est la nouveauté aujourd'hui, par la voix du président Teboun,
02:20 qu'une intervention au Niger serait une menace directe,
02:23 je cite pour son pays, on l'écoute.
02:26 -On n'a manifestement pas eu la traduction,
02:47 mais il expliquait qu'une intervention de l'ACDAO
02:50 sur le Niger représenterait une menace pour son pays.
02:53 Je rappelle que l'Algérie partage presque 1 000 km de frontières
02:57 avec le Niger.
02:58 En quoi, justement, la crise à Niamé
03:01 engage-t-elle le reste de la région ?
03:03 -La posture de l'Algérie, elle n'est pas nouvelle.
03:06 Elle est connue.
03:07 La question de l'intervention militaire
03:10 au-delà des frontières, c'est inscrit dans sa constitution
03:13 et c'est son fer de lance.
03:15 L'Algérie aussi, qui est une puissance régionale,
03:17 qu'on a appelée depuis une dizaine d'années
03:20 le pivot sous-régional, n'a pas du tout envie
03:22 de voir l'ACDAO reprendre le pas,
03:24 parce qu'elle-même, elle a joué, ces dernières années,
03:28 ces 15-20 dernières années, un jeu trouble
03:30 avec un certain nombre de groupes armés
03:32 ou groupes armés terroristes au nord du Mali.
03:35 Progressivement, avec la situation au Mali,
03:37 on a vu qu'elle reprenait pied
03:39 dans les discussions, les négociations.
03:42 Elle n'a aucun intérêt à ce qu'il y ait une intervention.
03:45 Elle est dans une posture logique.
03:47 Vous mentionniez la question du Sénat au Nigeria.
03:50 Cela n'aura aucun impact à très court terme.
03:52 C'est de la posture politique.
03:54 C'est normal que le président sollicite,
03:56 mais il n'a pas demandé l'approbation,
03:59 car il a des mesures à travers lesquelles,
04:01 dans sa constitution, il peut intervenir
04:03 au nom du bloc régional.
04:05 Là, on est sur deux phases de posture politique
04:07 qui n'auront aucun impact sur la volonté, si elle est effective,
04:11 de l'ACDAO à intervenir dans les heures à venir,
04:14 sur le territoire nigérien.
04:16 -Qui prendra la décision ? Le président du Nigéria ?
04:19 -Les chefs d'Etat.
04:20 Les chefs d'Etat-major se sont réunis
04:22 pendant plusieurs jours, de mercredi à vendredi dernier.
04:25 Ils ont préparé un concept opérationnel.
04:28 Derrière, la décision finale revient aux politiques.
04:31 Les chefs d'Etat décideront si, oui ou non,
04:34 il y aura une intervention.
04:35 -Ils jouent leur crédibilité, quand même, aujourd'hui.
04:39 -Clairement. L'ACDAO, qui a eu beaucoup de mal
04:41 sur le plan politique
04:43 depuis ses 10 ou 15 dernières années,
04:45 a, quelque part,
04:47 été présente au Mali, au Sahel.
04:50 Aujourd'hui, elle ne peut plus se dédier.
04:52 Elle a montré les muscles, les crocs.
04:54 Si elle se dédie et qu'elle n'intervient pas,
04:57 c'est probablement, à très court terme,
04:59 la fin du bloc sur le régional.
05:01 -Donc, on va observer ce qui se passe
05:03 dans les prochaines heures.
05:05 On a vu qu'en ce moment, à Niamey,
05:07 il y a quelques rassemblements pro-poutchistes.
05:10 On a aussi vu, dans le sujet précédemment,
05:13 qu'il y a des groupes de surveillance
05:15 qui se sont un peu mis en place à Niamey,
05:17 justement, pour surveiller
05:19 une éventuelle activité militaire
05:22 dans la capitale.
05:24 Quelle importance donner à ces groupes de surveillance,
05:27 à ces manifestations pro-poutchistes,
05:29 aujourd'hui, à Niamey ?
05:30 La capitale n'est pas forcément représentative
05:33 de l'état de l'opinion nigériane.
05:35 -Elle n'est pas représentative.
05:37 On commence, depuis quelques heures,
05:40 à découvrir les réseaux sociaux.
05:41 Une sorte de discours un peu alarmiste.
05:44 On parle déjà de milices,
05:45 alors qu'on sait que le président
05:47 et ses plus proches conseillers
05:49 ont toujours été assez fermes
05:51 sur la question de la mise en place de milices,
05:54 contrairement à ce qu'on a pu voir dans d'autres pays.
05:57 Il ne faut pas surinterpréter.
05:59 Aujourd'hui, les poutchistes,
06:01 comme je le disais en avant-propos,
06:03 ne tiennent pas la capitale
06:04 en termes de représentation,
06:06 en termes de soutien
06:08 dans les différents corps habillés.
06:10 La garde présidentielle, la garde nationale,
06:13 l'armée-terre, les différentes composantes de l'armée.
06:16 Ils sont obligés d'avoir recours.
06:18 J'allais dire le mot "supplétif",
06:20 mais on n'y est pas encore.
06:22 C'est une manipulation de l'opinion publique
06:24 avec probablement de l'argent mis sur la table.
06:27 Vous payez les gens l'équivalent de 5, 10, 15 euros,
06:30 les gens vont venir manifester,
06:32 sans savoir les conséquences de ce qu'ils font.
06:35 Mais on n'est pas dans une forme de radicalisation
06:38 comme on peut le voir sur les réseaux sociaux.
06:40 La junte est en position de faiblesse
06:42 et a besoin d'avoir recours à des badauds
06:45 pour sécuriser des ronds-points dans la ville de Niamey.
06:48 Ca en dit beaucoup sur l'avenir de cette junte au pouvoir.
06:51 -Ce sont les djihadistes qui pourraient profiter de la situation.
06:54 Il y a une problématique sécuritaire très importante au Niger,
06:58 mais aussi dans l'ensemble du Sahel.
07:00 -Les grands gagnants du moment, c'est les djihadistes.
07:03 Pourquoi ? Parce que pendant que les militaires
07:06 se battent pour le pouvoir,
07:08 il y a une empreinte territoriale de plus en plus importante
07:11 dans l'espace des trois frontières entre le Manil, le Niger et le Burkina Faso.
07:16 -Les djihadistes, grands gagnants de cette crise au Niger.
07:19 Merci beaucoup à vous.
07:20 Jérôme Pigné, cofondateur du réseau de réflexion stratégique
07:24 sur la sécurité au Sahel.