Le vice-président LR de la région Île-de-France était l'invité du "8h30 franceinfo", vendredi 30 juin 2023.
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00:00 Bonjour Frédéric Pechnard.
00:01 Bonjour.
00:02 Nouvelle nuit de violence un peu partout en France, notamment en banlieue parisienne.
00:06 Même le cœur de la capitale a été touché, ça veut dire, vous qui êtes en charge de
00:09 la sécurité à la région Île-de-France, que la contagion se poursuit.
00:14 Oui incontestablement, on a une troisième nuit d'émeute.
00:18 On a l'impression d'ailleurs que ça monte progressivement, il y a de plus en plus d'endroits
00:22 qui sont touchés.
00:23 Et même dans l'arrondissement, je suis élu moi du 17ème arrondissement, même dans le
00:27 17ème arrondissement qui est plutôt un quartier calme, cette nuit on a eu un certain nombre
00:30 d'exactions, de voitures brûlées et d'attaques de policiers avec des mortiers d'artifice.
00:34 Il y a eu notamment un terminus de bus qui a été incendié à Aubertvilliers avec plus
00:38 de 10, 12 je crois précisément, bus qui ont été incendiés.
00:42 Ça aura des conséquences, il y a eu le tramway aussi à Clamart qui a brûlé la nuit précédente.
00:46 Tout ça, ça va avoir des conséquences sur les transports en Île-de-France ?
00:48 Mais bien sûr, la nuit d'avant il y a 9 bus qui ont été brûlés et un tramway.
00:52 C'est d'ailleurs pour ça que Valérie Pécresse avait demandé que les bus et les tramways
00:56 s'arrêtent à 21h.
00:57 Mais à partir du moment où vous brûlez des bus, un bus, un tramway, c'est des choses
01:01 qui coûtent cher, qui ne sont pas remplaçables très rapidement.
01:05 Donc un premier impact c'est qu'il y aura moins de bus et moins de tramways sur les
01:08 lignes évidemment.
01:09 Et puis un deuxième impact financier qui n'est pas neutre.
01:12 Tout ça c'est fait avec de l'argent public, il ne faut pas s'en souvenir.
01:17 Et finalement quand des émeutiers brûlent des bus, ils s'empêchent eux-mêmes de pouvoir
01:23 le prendre plus tard et puis ça a un coût pour la collectivité qui est très important.
01:27 Donc tramway et bus qui s'arrêtent à 21h dans toute l'Île-de-France ce soir encore ?
01:30 Oui, alors probablement ce soir, en tout cas c'était le cas hier et aujourd'hui Valérie
01:34 Pécresse prendra cette décision.
01:36 Mais selon toute vraisemblance, oui on sera amené à arrêter les bus et les tramways
01:40 à partir de 21h pour éviter qu'ils soient attaqués.
01:42 Il faut à la fois protéger le matériel et protéger aussi les machinistes et protéger
01:46 les usagers.
01:47 Agathe Lambret.
01:48 Frédéric Pechnard, hier soir la BRI, la Brigade de Recherche et d'Intervention, connue notamment
01:52 pour avoir donné l'assaut du Bataclan en 2015, a été déployée, comme d'autres unités
01:56 d'élite, le RAID, le GIGN, c'est quoi l'étape d'après ?
02:00 Déjà c'est l'étape d'aujourd'hui.
02:03 Moi je ne suis pas très favorable à ce que la BRI ou le RAID ou le GIGN fassent du maintien
02:08 de l'ordre.
02:09 Ce n'est pas la vocation première de ces unités d'élite.
02:10 Bien sûr, mais je crois que ce n'était pas le cas.
02:12 Il n'est pas inintéressant de pré-positionner des services d'intervention pour qu'ils
02:17 puissent, le cas échéant, intervenir.
02:19 Je vais vous donner un exemple.
02:21 À Villers-le-Bel en 2010, nous avions eu plusieurs nuits d'émeutes et lors de la
02:25 première nuit, plus de 60 policiers avaient été blessés, notamment par des tirs d'armes
02:29 à feu.
02:30 Et là, on change de registre, si vous voulez, on n'est plus dans le maintien de l'ordre
02:34 classique, on n'est plus dans les meutes, on est sur des gens qui prennent des armes
02:37 à feu pour tirer sur des policiers.
02:38 J'avais fait à l'époque intervenir le RAID pour neutraliser les gens qui avaient
02:44 des armes à feu.
02:45 Vous étiez directeur général de la Police nationale.
02:46 J'étais à l'époque directeur général de la Police nationale.
02:47 Et ça avait d'ailleurs été efficace.
02:49 Donc là, moi je trouve que c'est plutôt une bonne idée de pré-positionner l'ABRI.
02:53 S'il se passe quelque chose d'important, il peut y avoir une prise d'otage, il peut
02:57 y avoir des gens à aller sauver.
02:59 Et puis, ça n'a pas été le cas jusqu'à présent et c'est tant mieux, mais on peut
03:03 imaginer qu'il y ait des gens qui puissent sortir avec des armes à feu.
03:06 Ces gens-là, là on n'est plus du tout ni dans les meutes d'une maintien de l'ordre
03:09 devant être neutralisés, notamment par les services spécialisés que sont le RAID et
03:13 l'ABRI.
03:14 Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, avait promis de ramener le calme à ce qu'il
03:17 est en train d'échouer dans cette...
03:20 Je ne pense pas qu'il faille parler d'échec ou de réussite.
03:24 Il ne s'est pas un peu avancé en disant "je promets de ramener le calme" ? Dès ce soir
03:28 avait-il dit hier ?
03:29 On est objectivement dans un moment avec une grande, grande tension.
03:33 Et vous savez, c'est extrêmement difficile parce que d'un côté, naturellement, la
03:38 priorité, et le ministre de l'Intérieur a raison, c'est de ramener le calme.
03:41 Et ramener le calme le plus vite possible pour éviter la contagion, pour éviter les
03:45 scènes qu'on voit, pour éviter la destruction.
03:47 Moi je suis très frappé de voir que des bibliothèques ont été incendiées, des
03:51 écoles ont été attaquées, etc.
03:53 C'est quand même quelque chose qui est extrêmement choquant.
03:55 Et d'un autre côté, c'est toute la difficulté du travail de police, naturellement, il faut
03:59 éviter ce qu'on appelle le sur-accident, c'est-à-dire d'autres drames, comme celui
04:03 qu'on a connu, parce que ça ne ferait que renforcer.
04:06 Donc il faut à la fois être très présent, être très efficace, et en même temps ne
04:11 prendre aucun risque pour blesser d'autres personnes, créer d'autres difficultés, d'autres
04:16 drames.
04:17 Et évidemment, ce n'est pas facile.
04:18 Je crois aujourd'hui que dans ce contexte-là, le positionnement des hommes politiques, de
04:24 quelques bords que ce soit, c'est d'appeler au calme et de soutenir l'action de la police
04:28 et donc du gouvernement.
04:29 La France Insoumise a une responsabilité quand elle refuse d'appeler au calme ?
04:32 Oui, sans aucun doute.
04:35 Vous pensez que ça peut influencer des actes ?
04:38 Bien sûr.
04:39 Moi je suis assez choqué par la position d'un certain nombre de personnes qui sont
04:43 des responsables politiques importants, qui sont pour certains aussi des députés, des
04:48 élus de la nation, et qui finalement, dans une espèce d'amalgame, soufflent sur les
04:52 braises, jouent le rôle de pompiers pyromanes, remettent en cause l'institution police
04:58 d'une façon générale, en ne comprenant pas qu'il peut y avoir une faute d'un individu,
05:03 sans remettre évidemment en cause la totalité de la police.
05:07 Il y a eu des phrases sur la police ou la gendarmerie qui sont à propre moment scandaleuses.
05:11 La police elle est républicaine, les policiers sont des fonctionnaires, les policiers sont
05:16 des fonctionnaires qui sont syndiqués, ils votent à droite, à gauche, bref, la police
05:22 est un corps qui est indispensable, qui mérite d'être défendu, et certainement pas caricaturé,
05:28 comme elle l'est aujourd'hui, par un certain nombre de responsables politiques, et notamment
05:31 de l'FI.
05:32 La moitié des personnes interpellées, entre 14 et 18 ans, ça a vraiment un impact ce
05:35 que disent les politiques, y compris ceux de la France Insoumise ?
05:37 Mais bien sûr, bien sûr que ça a un impact.
05:39 Ça a un impact, peut-être pas sur tous les jeunes interpellés, mais d'abord il n'y
05:43 a pas que des jeunes, et puis il y a les parents.
05:45 Quand vous êtes un parent et que vous avez un fils de 14 ans, il y en a qui sont plus
05:49 difficiles que d'autres, mais vous avez un impact sur eux.
05:52 Donc vous écoutez ce qui se passe à la télévision, vous vous dites "mais non, il ne faut pas
05:55 y aller".
05:56 Ça peut être d'ailleurs tout l'intérêt d'un couvre-feu.
05:59 J'ai vu que mon ami Jean-Didier Berger, le maire de Clamart, qui est premier vice-président
06:04 de la région, il avait fait un couvre-feu.
06:06 Il en est dans plusieurs communes d'Ile-de-France, Neuilly-sur-Marne, Paris Saint-Principe.
06:10 Mais ça a commencé, enfin moi j'ai vu ça à Clamart.
06:12 L'idée c'est de dire aux parents "ne laissez pas sortir vos enfants".
06:16 Moins il y a de monde dans la rue, mieux c'est.
06:19 Et puis comme toujours dans ce genre d'affaires, il y a un certain nombre de gens qui sont
06:23 extrêmement déterminés, soit à brûler, soit à piller, soit à attaquer les forces
06:27 de l'ordre.
06:28 On a vu des scènes de pillage où là on n'a pas affaire à des gens qui sont des voleurs,
06:35 ni plus ni moins, et puis autour de cette petite nébuleuse, vous avez notamment des
06:40 jeunes qui descendent dans la rue pour voir, pour voir ce qui se passe, comment ça se
06:43 passe, etc.
06:44 Et ils peuvent être aussi entraînés, ils peuvent…
06:47 Donc tout ça pour dire que tout ce qui peut faire en sorte dans les jours à venir que
06:52 le maximum de personnes restent chez eux et ne soient pas dans la rue, facilitera le travail
06:57 de la police et facilitera ce que nous souhaitons tous, c'est le retour au calme.
07:00 – Il faut l'état d'urgence, c'est ce que réclame par exemple Éric Ciotti,
07:03 le patron de votre parti républicain.
07:05 – C'est une possibilité, l'état d'urgence fait partie des outils qu'a le ministre
07:10 de l'Intérieur et le président de la République pour rétablir l'ordre.
07:12 – Ça c'est l'outil ultime en quelque sorte.
07:13 – Ça avait été le cas en 2005, lors des émeutes de 2005, moi j'étais sous-directeur
07:17 de la police judiciaire à l'époque, donc c'est une période que j'ai bien connue.
07:21 Bon, il y a un moment où effectivement, une fois qu'on est débordé…
07:24 – Mais est-ce que c'est nécessaire, parce que là il y a déjà des couvre-feux,
07:28 par exemple il y a des transports limités, il y a des lieux qui ont été fermés, et
07:31 pourtant on n'est pas sous état d'urgence.
07:32 Donc est-ce qu'instaurer l'état d'urgence, ça ne jetterait pas de l'huile sur le feu ?
07:36 En 2005 il y avait eu un débat entre Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur,
07:39 et Dominique de Villepin, Premier ministre.
07:41 Dominique de Villepin voulait l'état d'urgence, Nicolas Sarkozy avait des réticences,
07:44 notamment parce qu'il craignait que ça attise la colère.
07:48 – Oui, moi je pense qu'on a toujours intérêt à faire les choses le plus vite possible
07:53 et à ne pas les laisser dégénérer.
07:55 Je pense que la priorité absolue aujourd'hui, c'est de ramener le calme rapidement.
07:59 En 2005, les émeutes avaient duré pendant trois semaines,
08:02 rappelons que c'est tout de même très long, il y a quelques années maintenant,
08:07 mais moi je suis encore marqué par les images.
08:10 Plus il y a de nuits d'émeutes, plus on prend de risques,
08:13 plus on prend de risques d'un dérapage, d'un drame nouveau, etc.
08:17 Et puis ça montre tout de même une impuissance de l'État et de la République
08:23 qui est quand même assez inquiétant.
08:25 Donc oui, moi je suis plutôt favorable à ce qu'on instaure rapidement l'état d'urgence,
08:32 mais une fois de plus, le sujet numéro un, c'est de ramener le calme
08:36 et c'est aux décideurs politiques aujourd'hui qui sont en charge du gouvernement
08:40 de savoir quelle est la meilleure solution pour ramener le calme dans les délais les plus brefs.
08:44 – Vous nous dites dans un tout petit instant ce que ça changerait,
08:46 l'état d'urgence concrètement, vous qui, comme vous le disiez,
08:49 avez vécu de l'intérieur, si j'ose dire, les émeutes de 2005,
08:53 quand il a été instauré pour ramener le calme.
08:55 8h42 d'abord, c'est le Fil info avec Maureen Suignard
08:57 et on retrouve Frédéric Pechnard juste après.
08:59 [Générique]
09:00 – Une contagion des violences, 3ème nuit d'émeute en France
09:03 après la mort à Nanterre de Naël, tuée par un policier.
09:06 Des violences qui ont duré une bonne partie de la nuit à Nanterre,
09:09 le terminus de bus d'Aubervilliers a été incendié, une dizaine de véhicules détruits,
09:14 des dégradations à Limoges, La Rochelle, Tour, Brest, Lille, Marseille.
09:18 À Nantes, le trafic des bus et des trams reprend
09:20 après avoir été complètement à l'arrêt ce matin.
09:23 667 interpellations dans toute la France,
09:25 une cellule de crise interministérielle sera présidée par Emmanuel Macron
09:30 à 13h à son retour d'un sommet à Bruxelles.
09:33 Et dès ce matin, Olivier Klein, le ministre délégué à la ville et au logement,
09:36 estime que la nuit a probablement été pire que la précédente.
09:40 Il en appelle aux parents des mineurs ayant pris part aux violences
09:43 pour qu'il n'y ait aucun jeune dans la rue ce soir.
09:46 C'est une enquête de la cellule, Investigation de Radio France,
09:49 l'ANSES, l'agence de sécurité sanitaire, à tester dans notre eau potable
09:53 la présence de résidus de pesticides, d'explosifs et d'insolvants industriels,
09:58 des polluants jamais testés auparavant.
10:01 La carte est à retrouver sur franceinfo.fr.
10:03 Toujours avec Frédéric Pechnard, ancien directeur de la police nationale,
10:16 on parlait à l'instant de l'état d'urgence que pour l'instant,
10:18 l'exécutif refuse de mettre en place.
10:20 Concrètement, qu'est-ce que ça changerait, cet état d'urgence ?
10:22 L'état d'urgence donne plus de possibilités à la police et la gendarmerie de rétablir l'ordre.
10:27 Par exemple, notamment le fait d'interdire aux gens de manifester dans la rue.
10:35 Hier soir, par exemple, quand vous étiez à Nanterre,
10:37 la police ne peut interpeller que des gens qui ont commis une infraction.
10:41 Et donc, quand la police arrive, les émeutiers ne bougent pas
10:46 et donc ne peuvent pas être interpellés à ce moment-là.
10:48 Si il y a un état d'urgence et qu'à un moment donné, on dit,
10:50 par exemple dans le centre-ville de Nanterre,
10:52 on n'a pas le droit de se déplacer la nuit,
10:54 ça veut dire que dès qu'il y a quelqu'un, la police peut intervenir préventivement,
10:58 interpeller et mettre en dehors de la rue, pour la nuit,
11:03 un certain nombre de personnes qui pourraient causer des problèmes.
11:05 – C'est différent du couvre-feu.
11:07 – Ça permet donc plus rapidement d'éviter qu'il y ait des propagations,
11:12 des incendies, des émeutes, etc.
11:13 Voilà, c'est donc un moyen qui est efficace,
11:15 on doit l'employer d'ailleurs avec Parcy-Benny et Benet-Sion,
11:19 parce que c'est évidemment quelque chose qui pèse sur les libertés publiques,
11:23 mais bon, on a eu trois nuits quand même très compliquées.
11:26 – Et pourquoi c'est différent du couvre-feu ?
11:27 – J'aimerais bien que ça ne dure pas.
11:28 Alors le couvre-feu qui peut être instauré par un maire,
11:31 le fait de ne pas adhérer au couvre-feu, c'est une contravention.
11:35 – D'accord.
11:35 – Alors qu'il n'y a pas de coercition possible.
11:39 – Vous qui avez bien connu les émeutes de 2005,
11:41 est-ce que vous trouvez que la comparaison
11:43 avec ce qu'il s'est passé à l'époque aujourd'hui est pertinente ?
11:45 – Oui bien sûr, elle est tout à fait pertinente.
11:47 On a un drame au départ, avec une émotion qu'on peut comprendre,
11:54 et puis en fait très rapidement ce drame passe au second plan,
11:58 et puis il y a une espèce de contagion.
12:00 Alors la grande différence entre 2005 et aujourd'hui, ce sont les réseaux sociaux.
12:05 – Alors qu'est-ce que ça change justement les réseaux sociaux ?
12:07 Est-ce que ça crée une émulation, une volonté de mimétisme ?
12:09 Est-ce que ça permet de mieux s'organiser aussi ?
12:11 – Oui bien sûr, alors d'abord c'est un outil d'organisation qui est incontestable,
12:14 comme les téléphones portables, les messages récryptés, etc.
12:18 Et puis c'est un outil de désinformation aussi,
12:20 c'est-à-dire qu'on voit sur les réseaux sociaux
12:22 qu'ils passent en boucle un certain nombre de vidéos sorties de leur contexte,
12:28 des choses comme ça, qui ne font dans la journée
12:30 qu'attiser l'envie de s'en prendre aux forces de l'ordre le soir, etc.
12:36 Donc oui, c'est plus compliqué sans aucun doute
12:39 de gérer les choses aujourd'hui avec les réseaux sociaux
12:41 qu'en 2005, mais en 2005, bien qu'il n'y avait pas de réseaux sociaux,
12:44 il y a eu quand même un embrasement assez généralisé dans les banlieues
12:48 parce que les gens suivent le simple fait d'en parler,
12:51 le simple fait d'être ici pour en parler,
12:54 il y a des gens qui écoutent, qui disent "bon qu'est-ce que c'est, je vais aller voir", etc.
12:56 Bon, il y a toujours un risque, mais les réseaux sociaux
12:58 sont incontestablement un facteur d'efficacité pour les émeutiers.
13:02 – Et ça change le profil des émeutiers aujourd'hui, quel est le profil ?
13:05 On a parlé à la fois de personnes extrêmement organisées,
13:07 extrêmement structurées, et en même temps de jeunes de 12, 14 ans dans les rues.
13:12 – Oui, alors l'un n'empêche pas l'autre, vous avez des jeunes dans des cités
13:16 qui ont une appartenance à la cité et qui font partie de bandes,
13:20 de gangs qui sont déjà très organisées, y compris des très jeunes.
13:23 Alors, il y a des très jeunes, il y a des moins jeunes,
13:26 il y a un peu de tout dans les gens qui sont dehors,
13:27 il y a aussi des gens qui viennent voir, qui peuvent être parfois entraînés,
13:31 mais il y a des gens qui viennent voir, donc c'est aussi toute la difficulté
13:34 d'ailleurs du travail des forces de l'ordre,
13:36 j'ose dire c'est de séparer le bon grain de l'ivraie,
13:38 il faut toujours faire attention.
13:39 L'ordre, on est dans une émeute, c'est clair,
13:42 mais ça ne signifie pas qu'en face de vous,
13:45 il n'y ait que des délinquants ou que des voleurs
13:48 ou que des gens qui viennent agresser la police.
13:50 C'est là où il faut faire aussi très attention
13:52 pour éviter justement toute ce renchère.
13:54 Alors on n'est jamais à l'abri d'un barrage.
13:56 Vous savez, il y a plusieurs centaines de milliers d'interventions
14:00 de la police et de la gendarmerie chaque année en France,
14:04 il y en a 99,9% qui se passent parfaitement bien
14:07 et évidemment la terreur de tous les responsables policiers,
14:10 la terreur de tous les policiers, c'est celle qui se passe mal.
14:13 – Est-ce que la loi de 2017 a changé réellement le rapport qu'ont les policiers
14:19 avec les personnes qui commettent des délits routiers,
14:22 notamment des refus d'obtempérer ?
14:24 La loi de 2017, je le précise, c'est celle qui a allégé,
14:28 disons assoupli l'usage de l'arme pour les policiers dans ces cas précis.
14:31 – Alors en fait, rappelons que cette loi a été faite dans un contexte particulier
14:35 qui était le contexte des événements extrêmement graves
14:38 que nous avons subis, des événements de terrorisme
14:40 avec des choses qu'on n'avait encore jamais vues,
14:42 enfin, ce n'est pas la peine de revenir dessus,
14:44 tout le monde s'en souvient de Charlie Hebdo au Bataclan.
14:46 – Et cette loi, elle a été passée en février 2017.
14:48 – Voilà, donc à l'époque, on s'était demandé si ce n'était pas une bonne idée
14:52 de permettre aux policiers d'ouvrir le feu dans certaines conditions
14:57 puisque jusque-là, les policiers ne pouvaient ouvrir le feu
15:00 qu'en état de légitime défense de soi-même ou d'autrui.
15:03 La vérité, c'est que petit à petit et même assez rapidement,
15:06 la jurisprudence est revenue là-dessus et finalement,
15:10 cette loi, elle ne sert pas à grand-chose aujourd'hui
15:13 puisqu'on s'aperçoit que ce soit des policiers ou des gendarmes,
15:16 les gendarmes ont des conditions d'ouverture de feu
15:18 qui sont un peu différentes, comme ils sont militaires,
15:20 mais à l'arrivée, quand un policier ou un gendarme tire,
15:23 l'enquête va toujours essayer de savoir si le policier ou le gendarme
15:28 était ou non en état de légitime défense de soi-même ou d'autrui.
15:31 – Oui, c'est ce qu'a ajouté cette loi, elle a apporté de la confusion selon vous ?
15:36 – Elle n'a pas apporté de confusion, elle a essayé de répondre à une question,
15:40 il y a légitime qui était la protection de la population,
15:45 la protection des policiers et des gendarmes,
15:48 mais en fait, ça n'a pas changé grand-chose dans la mesure où on s'aperçoit
15:51 qu'à chaque fois, la justice recherche systématiquement la légitime défense
15:56 et s'il n'y a pas légitime défense de soi-même ou d'autrui,
15:59 la justice estime que le tir n'était pas justifié.
16:03 – C'est tout l'enjeu de l'enquête qui commence seulement,
16:05 je précise que le policier, il est en ce moment en détention provisoire,
16:09 juste ça d'ailleurs, c'est hautement symbolique,
16:11 le fait que ce policier ait été placé en détention provisoire, c'est assez rare.
16:14 – Ecoutez, moi dans cette affaire, je constate que,
16:17 et c'est intéressant d'ailleurs de le souligner parce que j'ai entendu beaucoup,
16:21 au début, justice, justice, très bien, la justice elle est passée,
16:24 la justice elle a fait son boulot,
16:25 l'inspection générale de la police nationale a fait parfaitement son travail,
16:28 donc le policier mis en cause a été placé en garde à vue,
16:33 il a fait 48 heures de garde à vue,
16:34 ce qui est la règle dans les affaires compliquées ou graves,
16:38 il a été ensuite déféré, le procureur a fait, que j'ai écouté d'ailleurs,
16:42 j'imagine vous aussi, a fait une conférence de presse extrêmement précise et complète.
16:46 – Et dit qu'à ce stade, il estime que l'usage de l'arme s'est fait hors du cadre de la guerre.
16:50 – Voilà, donc il a ouvert une information judiciaire
16:52 qui a été confiée à deux juges d'instruction,
16:53 les juges d'instruction ont mis le policier en examen pour homicide volontaire,
16:57 c'est difficile de trouver une qualification plus grave,
16:59 et puis il est passé devant un juge de la liberté de la détention
17:02 qui a estimé qu'il fallait le mettre dans détention provisoire.
17:06 – Et c'est assez rare comme mesure déplore l'avocat de ce policier justement.
17:10 – Oui, c'est assez rare parce que la vérité,
17:12 c'est qu'il est extrêmement rare qu'un policier soit amené à tirer,
17:16 c'est des choses qui sont rarissimes,
17:18 moi j'ai été policier pendant 30 ans, 31 ans,
17:21 j'ai été dans des services opérationnels
17:23 notamment comme la brigade de recherche et d'intervention,
17:26 moi je n'ai jamais tiré un coup de feu et je m'en réjouis,
17:28 mais c'est le cas de la quasi-totalité des policiers.
17:30 – Très d'excellente, 13 personnes sont décédées l'année dernière
17:32 après avoir tenté de se soustraire aux forces de l'ordre, 13 personnes,
17:35 est-ce qu'il ne faut pas changer de méthode ?
17:37 Par exemple certains à gauche disent qu'il faudrait instaurer une règle,
17:40 on tire seulement en direction des roues, des voitures,
17:43 enfin est-ce qu'on peut changer de méthode
17:44 ou est-ce qu'il ne faut pas tout simplement laisser les gens s'enfuir ?
17:47 C'est ce que propose notamment l'insoumis Hugo Bernalicis,
17:49 il dit plutôt que d'avoir un drame, eh bien laissons les gens partir.
17:52 – Alors il est clair que si vous savez ce qui va se passer après,
17:56 c'est plus simple et que tous les policiers du monde
17:58 et tous les gendarmes du monde, en tout cas en France,
18:01 vous dirait que si on doit avoir un drame, il vaut mieux le laisser partir.
18:05 La question qui se pose c'est, est-ce que c'est normal qu'on laisse faire ?
18:09 Est-ce que ce n'est pas un signal très fort d'impuissance de l'État ?
18:13 Je pense par exemple aux rodeos urbains qui vont pourrir la vie des gens qui habitent
18:18 et finalement on voit des gens qui sont en moto qui prennent des risques
18:21 très importants pour eux-mêmes et pour autrui.
18:23 On a d'ailleurs dans les rodeos urbains des gens qui sont écrasés
18:26 et finalement qu'est-ce qu'on pense à ce moment-là ?
18:28 On se dit, que fait la police ? Pourquoi la police n'intervient pas ?
18:31 Donc c'est toujours très difficile de se dire, on intervient ou on n'intervient pas,
18:35 notamment dans ce genre de cas.
18:37 – Et tirer dans les roues, ça peut aussi entraîner en fait
18:40 une perte de contrôleur du véhicule et donc être plus dangereux.
18:43 – Alors tirer dans les rues c'est une possibilité,
18:45 on a aussi des stop sticks, c'est-à-dire des choses que vous jetez devant les roues
18:48 et qui vont crever les roues, c'est pas si facile que ça à mettre en œuvre.
18:53 Tirer dans les roues, on voit ça, j'allais dire dans les westerns,
18:57 non parce qu'il n'y a pas de voiture dans les westerns.
18:58 – On a l'image forcément du film américain.
19:00 – Le tir avec une arme à feu, c'est pas quelque chose qui est simple,
19:03 c'est pas quelque chose qui est naturel, ça demande de l'entraînement
19:05 et tirer dans un pneu, vous pouvez avoir aussi une balle qui ricoche,
19:08 il y a aussi un risque à prendre.
19:09 Donc le policier, ce qu'il faut bien comprendre,
19:11 c'est que le policier il est toujours pris entre la nécessité de faire son travail
19:16 qui consiste à arrêter quelqu'un qui va zigzaguer, brûler des feux rouges,
19:19 renverser des piétons et puis évidemment ne pas sur-réagir.
19:24 Évidemment il n'y a pas un policier qui vous dirait que c'est normal
19:27 de tuer quelqu'un qui a juste brûlé un feu rouge, c'est une évidence.
19:31 – Vous restez avec nous, 8h52, le Fil info, Maureen Suynard.
19:33 [Musique]
19:34 – Malgré la mise en examen pour homicide volontaire du policier
19:38 qui a tiré sur Naël à Nanterre mardi, la tension ne retombe pas.
19:42 De nouveau, la nuit a été très agitée dans de nombreuses villes françaises,
19:46 des écoles, des mairies visées, des bus, des bâtiments incendiés.
19:50 Le ministère de l'Intérieur indique que 667 personnes ont été interpellées
19:54 et que 249 policiers et gendarmes ont été blessés la nuit dernière.
19:58 Des violences qui poussent l'exécutif à organiser
20:00 une nouvelle cellule interministériale de crise à 13h à Paris.
20:04 Elle sera présidée par Emmanuel Macron.
20:06 L'inflation ralentit de nouveau en juin.
20:08 L'INSEE indique ce matin qu'elle s'établit à 4,5% sur un an.
20:13 La dette publique dépasse les 3000 milliards d'euros au premier trimestre
20:17 et représente 112,5% du PIB, ce qui est en hausse
20:22 par rapport à la fin de l'année dernière.
20:24 Les vacances scolaires n'ont pas encore débuté,
20:26 mais il y a déjà du monde sur les routes.
20:27 La journée est classée rouge en Ile-de-France,
20:30 dans le sens des départs par Bison Futé,
20:32 c'est orange dans le reste de la France.
20:34 [Musique]
20:37 France Info
20:38 Le 8.30, France Info.
20:41 Agathe Lambret, Laurence Enechal.
20:43 Toujours avec Frédéric Pechnard, ancien directeur de la PONIS nationale.
20:46 Vous avez bien connu, on le disait, les émeutes de 2005.
20:48 À l'époque, il avait fallu 10 jours à Jacques Chirac
20:51 pour réagir dix nuits d'émeute.
20:53 Aujourd'hui, l'exécutif a réagi très, très vite,
20:55 entre apaisement et fermeté.
20:58 Est-ce qu'il a trouvé le bon ton ?
21:00 C'est difficile de savoir maintenant.
21:03 Visiblement, pour l'instant, les paroles n'ont pas suffi.
21:08 Mais je pense qu'il est nécessaire que les responsables gouvernementaux
21:12 prennent la parole, notamment dans un souci d'apaisement
21:16 et d'appeler au calme.
21:17 C'est très important.
21:20 La parole publique est très importante.
21:21 Elle doit être entendue, elle doit être écoutée
21:23 et elle doit appeler au calme.
21:24 Justement, le président, très vite, a qualifié l'acte du policier
21:28 "inexplicable et inexcusable".
21:30 Est-ce qu'il est allé trop loin, le syndicat Alliance,
21:32 où Marine Le Pen notamment lui reproche d'avoir bafoué
21:36 la présomption d'innocence ?
21:37 C'est-à-dire que, sans aucun doute,
21:41 il vaut mieux attendre les résultats de l'enquête
21:43 pour pouvoir savoir si les faits sont inexcusables ou pas.
21:48 Justement, Naël, on a quelques éléments sur le profil de ce jeune homme.
21:53 Il avait déjà été interpellé pour des refus d'obtempérer.
21:57 Il devait, notamment tout récemment, pas plus tard que dimanche dernier,
22:01 il était présenté devant le parquet et il devait comparaître en septembre.
22:05 Qu'est-ce que ça signifie ?
22:07 Ça veut dire qu'il y a un sentiment qu'on peut recommencer,
22:10 un sentiment d'impunité,
22:12 ou c'est une autorité de l'État qui est mise à mal aussi ?
22:16 Si vous voulez me lancer sur l'exécution des peines,
22:18 c'est un sujet qui me passionne,
22:20 mais il faudra me réinviter parce que c'est un peu long.
22:23 Mais vous savez, pendant 30 ans, j'ai entendu dire
22:26 "ah, les policiers, vous n'avez pas marre, vous arrêtez, les magistrats relâchent".
22:28 Ce n'est pas vrai.
22:29 Les policiers arrêtent, les magistrats condamnent.
22:32 Il y a d'ailleurs, je crois aujourd'hui, pas loin de 100 000 peines de prison
22:35 qui ont été prononcées et qui ne sont pas exécutées.
22:37 La grande difficulté qu'on a en France, c'est l'exécution des peines.
22:40 Les peines sont peu ou mal exécutées.
22:42 La moitié des amendes seulement sont récupérées.
22:45 20% des gens qui sont condamnés à des TIG ne le font jamais.
22:49 Les gens qui, aujourd'hui, sont condamnés à moins d'un an de prison ferme,
22:52 c'est obligatoirement, systématiquement aménagé,
22:54 ça veut dire qu'ils n'y vont pas.
22:56 Donc on a un vrai sujet d'exécution de la peine.
22:59 Césare Beccaria, le philosophe italien, disait
23:02 "L'important dans la sanction, ce n'est pas sa sévérité, c'est sa certitude".
23:06 Eh bien aujourd'hui, il n'y a pas de certitude de la peine
23:08 et tout ça, évidemment, renforce le sentiment d'impunité
23:12 qu'il y a chez un certain nombre de délinquants
23:14 et qui peut provoquer un certain nombre de drames.
23:17 - Vous parliez de l'importance de la parole publique.
23:19 Est-ce que la parole de la maman de Naël vous a aussi touché ?
23:22 Elle a dit hier soir sur l'émission "C'est à vous"
23:24 qu'elle n'en voulait pas à la police, mais à un seul homme,
23:27 en l'occurrence ce policier qui a retiré la vie de son enfant.
23:30 - Alors oui, ça m'a particulièrement touché.
23:32 D'abord parce que c'est un moment, évidemment, d'une dignité.
23:35 Vous savez, moi je suis père, donc je sais ce que ça veut dire.
23:39 L'éventualité de perdre son enfant, c'est un drame absolument épouvantable, insupportable.
23:44 Je crois que c'est un drame dont on ne se remet d'ailleurs jamais.
23:47 Mais c'est exactement ce que je pense.
23:50 C'est-à-dire que la mise en cause de la totalité de l'institution policière
23:54 est une bêtise.
23:56 Là on a affaire à un fait isolé d'un homme qui a choisi de tirer.
24:02 C'est plus facile de dire qu'on n'aurait pas dû le faire quand on est ici tranquillement avec vous.
24:06 Quand vous êtes sur le terrain et que vous avez un quart de seconde pour réfléchir,
24:09 bon ben il a pris la mauvaise solution.
24:11 Apparemment il a pris la mauvaise solution.
24:13 Mais ça ne remet évidemment pas en cause la totalité de ce que peut faire la police nationale.
24:18 - Ça pose la question de la formation des policiers à l'usage notamment de l'arme à feu.
24:21 Hier sur ce plateau, Yannick Jadot, l'écologiste, réclamait une formation plus longue de deux ans par exemple.
24:27 Est-ce que vous trouvez aussi qu'on met parfois des jeunes très rapidement dans la rue avec une arme ?
24:32 - Je pense que la formation d'Appel à l'Élise française, elle est assez longue.
24:36 Le gardien de la paix a un an de formation en école et après un an comme stagiaire.
24:41 Ce qui pêche quand même beaucoup, c'est la formation continue.
24:44 On n'a souvent pas le temps de faire la formation continue.
24:46 On n'a pas forcément l'argent pour le faire.
24:48 Et notamment pour l'usage de l'arme, une chose est d'apprendre à tirer, à bien tirer, c'est une chose.
24:53 Et une chose est d'apprendre à tirer en réaction immédiate et sous stress.
24:58 - Et là-dessus, on a du travail à faire.
25:00 - Oui, bien sûr. Les services spécialisés font ça et font ça très bien.
25:03 Mais même au stand de tir, vous savez, quand vous êtes dans la rue
25:07 et que vous êtes confronté à une situation, quand vous êtes policier, où vous êtes amené à sortir votre arme,
25:11 eh bien vous êtes extrêmement stressé.
25:13 Voilà, inutile de vous le cacher, personne ne fait ça par plaisir.
25:16 Ça veut dire que vous avez le cœur qui bat, ça veut dire que votre champ visuel est rétréci,
25:19 vous avez de l'adrénaline et il faut pouvoir s'entraîner dans des conditions d'adrénaline
25:25 pour savoir comment on réagit.
25:26 Parce que finalement, comme on a une seconde, un quart de seconde pour réagir,
25:30 eh bien il faut prendre la bonne décision.
25:32 Et cette bonne décision, elle est instinctive et elle est quand même largement facilitée
25:36 si l'entraînement préalable a été fait correctement.
25:39 - Frédéric Pêcheler, merci beaucoup.
25:40 Vice-président de la région Île-de-France en charge de la sécurité,
25:43 ancien patron de la police nationale, invité du 8.30 ce matin.
25:46 Bonne journée à vous.