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Jeudi 25 mai 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Frédéric Restagno (Président comité scientifique, Concours CGénial)

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00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à toutes et à tous, ravie de vous retrouver dans Smart Education,
00:12 votre magazine quotidien consacré à la formation, aux nouveaux métiers, aux nouvelles pédagogies.
00:17 Le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération.
00:21 Aujourd'hui, un concours scientifique pour les collégiens et lycéens.
00:25 C'est génial, c'est tout simplement le fruit d'un partenariat entre la fondation C'est Génial
00:29 et le dispositif du gouvernement Science à l'école.
00:32 Alors que les études récentes montrent plutôt que la confiance des jeunes dans la science s'effondre,
00:36 le concours a justement pour ambition de revaloriser et promouvoir l'enseignement des sciences
00:42 et le faire grâce à un projet bien concret jugé ensuite par un jury composé d'industriels,
00:47 de chercheurs et de membres de l'éducation nationale.
00:50 Nous en parlons aujourd'hui avec Frédéric Restagno, président du comité scientifique du concours C'est Génial.
00:56 Il est notre invité, bonjour.
00:57 Bonjour.
00:58 Bienvenue dans Smart Education, merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui.
01:01 Vous êtes physicien, Frédéric Restagno, directeur de recherche au CNRS
01:04 et donc nouveau président du comité scientifique du concours C'est Génial.
01:08 Comment ça s'est passé cette nomination ? Comment vous vous êtes retrouvé là ?
01:11 Ça c'est les gens à la fois de la fondation C'est Génial et de Science à l'école
01:15 qui ont dit "il faut un nouveau physicien".
01:18 Alors je ne suis pas sûr qu'ils aient dit "un physicien"
01:20 mais il se trouve que mon prédécesseur, Gabriel Chardin, était physicien aussi.
01:24 Et voilà, qui a envie de s'investir, de passer du temps dans la transmission des savoirs envers les plus jeunes.
01:31 De quel constat est né ce concours ? Je parlais en effet, en préambule de cette émission,
01:35 d'une confiance des jeunes envers la science qui n'est pas au beau fixe.
01:40 Est-ce que c'est ça peut-être aussi qui a contribué au fait de lancer ce projet ?
01:45 Il y a la question de la confiance effectivement des jeunes vis-à-vis de la science
01:49 mais je crois qu'à l'origine c'était plutôt une espèce de désaffection des jeunes pour la science
01:53 ou d'une désaffection de la société pour la science qui a motivé ça.
01:57 Une espèce de sentiment qu'il y a un hiatus entre les besoins de la société qui sont très forts en science
02:06 et puis de moins en moins de jeunes qui ont envie de se tourner vers les études scientifiques.
02:10 Alors pourquoi ce concours, un concours comme celui-ci, peut-il selon vous développer l'appétence des jeunes pour les sciences ?
02:17 Ce concours c'est un concours où on travaille sur un projet en classe entière ou en petit nombre
02:23 qu'on définit avec son professeur ou avec ses camarades de classe
02:26 et on le mène sur une année voire sur plusieurs années dans certains cas.
02:30 Et donc ce travail en projet qui est très différent du mode de travail classique des sciences,
02:36 je dirais c'est très motivant puisque finalement on a une espèce de démarche
02:41 qui n'est pas celle où le professeur connaît la solution, ne sait pas exactement ce qu'on va devoir trouver
02:46 et on essaye, on cherche, on tâtonne, on va chercher des compétences ailleurs et ça c'est très motivant pour les jeunes.
02:52 Comment ça marche ? C'est sur la base du volontariat ? Ce sont vous qui allez chercher les enseignants ?
02:57 Est-ce que ce sont eux qui viennent à vous ? Comment ça se passe ?
03:00 Alors ce sont les professeurs qui sont mis au courant que ce concours existe
03:04 et puis soit ils ont un projet qu'ils veulent valoriser, qui est déjà bien avancé,
03:10 soit il y a beaucoup de clubs scientifiques dans les établissements scolaires
03:14 et les professeurs sur les projets qui avancent le mieux, avec les élèves qui sont le plus motivés pour aller jusqu'au bout de cette démarche-là,
03:20 disent "Ah ben nous on veut bien s'inscrire au concours et on y va".
03:23 Et donc vous disiez qu'ils s'intègrent pleinement finalement au cursus scolaire de l'élève
03:27 puisque cet élève est amené à travailler toute l'année, des fois même plusieurs années sur un projet avec son enseignant, son professeur ?
03:34 Oui c'est ça, ce projet ne fait pas partie des choses qui sont évaluées directement par l'école
03:39 mais c'est vraiment dans le cursus, ça se fait dans les établissements scolaires, encadré par les professeurs
03:44 et donc c'est vraiment au cœur des apprentissages à l'école.
03:47 Quel est selon vous, là je parle plutôt de votre expérience, de votre ressenti,
03:50 quel est selon vous le potentiel des jeunes générations sur ces sujets scientifiques, dans le domaine de l'innovation scientifique ?
03:57 Ben ils ont envie. Je crois que ce qui est le plus marquant, on entend souvent un discours un peu défaitiste sur la jeunesse
04:05 et quand on les voit présenter leurs projets, on se dit qu'ils sont vraiment formidables et ils ont envie de s'attaquer à toutes les questions.
04:15 Là, ce qui est assez marquant, c'est qu'il y a presque la moitié des projets qui tournent autour des questions d'environnement, réchauffement climatique, énergie
04:22 et on voit bien que cette jeune génération, elle a compris que les problèmes qui sont devant eux, dont certains viennent de la science,
04:30 mais les solutions viendront aussi de la science et ils ont vraiment envie de s'emparer de la science pour régler ces problèmes-là.
04:35 Est-ce que vous avez quelques exemples de projets, justement, à nous donner, peut-être sans spoiler, ou des précédents projets,
04:41 mais voilà, qu'on se rende un peu compte, voilà, ce sur quoi ces jeunes travaillent, ces jeunes collégiens et ces jeunes lycéens ?
04:46 Par exemple, un projet d'un groupe de la Réunion de cette année-là, qui va concourir, donc je ne peux pas dire ce qu'il va se passer,
04:54 mais l'idée, c'est de travailler sur le jacques, qui est un fruit qu'on cultive à la Réunion et dont on mange essentiellement le centre.
05:02 Et là, l'idée, c'est d'essayer de valoriser la peau et l'enveloppe extérieure pour l'industrie cosmétique, par exemple.
05:08 Donc, ils essayent, avec leur professeur de physique-chimie, d'extraire les huiles essentielles de la peau pour en faire potentiellement quelque chose d'utilisable dans le domaine des cosmétiques.
05:17 Ce sont des projets collectifs, à chaque fois ?
05:19 C'est toujours un projet, soit d'une classe, soit de trois élèves, typiquement.
05:23 Quelles sont les différentes étapes ? Comment ça marche ? Donc là, vous nous dites qu'on est sur des projets de long terme.
05:28 Est-ce qu'il y a différentes étapes ? De quelle manière le concours C'est Génial accompagne les enseignants ?
05:33 Parce que les professeurs, en effet, ils sont seuls dans leur classe. Peut-être que vous, vous leur donnez quand même quelques tips ?
05:38 Alors, l'idée, c'est qu'en début d'année, les professeurs ont identifié des groupes avec lesquels ils pensent pouvoir mener un projet au bout.
05:48 Ils s'inscrivent au concours. Il y a une phase avant Noël où on peut leur donner de l'argent, éventuellement, une petite subvention pour qu'ils développent leurs expériences,
05:58 parce que ça coûte de l'argent de faire des expériences. Ils peuvent s'inscrire jusqu'au mois de février, à peu près.
06:02 Et puis après, il y a des sélections nationales pour le concours des lycéens ou académiques pour le concours des collégiens, parce qu'ils sont plus nombreux.
06:11 Et ils sont sélectionnés. Et ceux qui sont sélectionnés ont la chance de venir à la finale.
06:15 Pourquoi c'est important de commencer dès le plus jeune âge ? C'est vrai que vous parlez des lycéens, ça paraît plus logique. Les collégiens sont très jeunes.
06:20 Les collégiens, si vous êtes dégoûté des sciences dès le collège, c'est peu probable que la chose vous apparaisse comme naturelle au lycée.
06:28 Donc, il vaut mieux commencer le plus tôt possible ?
06:30 Oui, il faut commencer idéalement dès l'école primaire, continuer au collège et pousser le plus loin possible.
06:35 D'autres exemples, peut-être, de projets, Frédéric Ressagnon ?
06:38 Oui, un projet de l'année dernière. J'ai un biais sur ce projet-là, puisque ça ressemble à ce que je fais en recherche, qui était un projet sur la congélation des bulles de savon.
06:47 Donc là, il ne s'agit pas du tout d'un projet lié à une application, mais qui est vraiment un projet de curiosité lié à la beauté de la science.
06:54 Et donc, on trouve sur Internet des vidéos d'une bulle de savon en train de geler.
07:00 Et quand la bulle de savon est en train de geler, il apparaît plein de petits cristaux qui viennent progressivement envahir la surface de la bulle.
07:06 Et ça, ça peut répondre à quoi ?
07:09 Ça ne peut pas répondre à grand-chose. Ça peut juste répondre à la curiosité.
07:14 D'accord.
07:15 Et ça, je pense que c'est vraiment important aussi de répondre à la curiosité, parce qu'au fond, dans cette démarche où on répond à une question uniquement poussée par la curiosité,
07:24 on apprend tout de la manière qu'il y aura, pardon, tout de ce qu'il est nécessaire de savoir faire pour pouvoir après s'intéresser à un problème plus appliqué éventuellement dans l'industrie.
07:35 Je disais que le jury était composé notamment d'industriels. Quel est le lien avec les entreprises ? Quel rôle joue-t-elle ?
07:43 Puisque je crois qu'elle joue un rôle, elle aussi, dans ce concours. C'est génial.
07:46 Alors, les entreprises, elles jouent plusieurs rôles, au fond. D'abord, il y a un rôle d'expertise scientifique, c'est-à-dire qu'une des choses qui est très importante et spécifique au concours, c'est le fait qu'on souhaite que les élèves aient des interactions à l'extérieur de leur établissement scolaire.
08:02 Donc, dans ce cadre, ils peuvent solliciter des laboratoires de recherche d'industrie ou même des industriels pour leur fournir des échantillons s'ils en ont besoin.
08:12 Et là, par exemple, il y a un groupe de lycéens qui travaille sur les mécanismes d'amortissement des chaussures de sport.
08:20 Ils travaillent avec un grand équipementier sportif qui leur fournit des pistes d'essai, des différents matériaux qu'ils utilisent, etc.
08:27 Et donc, cette collaboration peut naître dès la fabrication du sujet. Et puis, elle intervient aussi après le concours puisque les lauréats du concours ont droit d'aller visiter des laboratoires de recherche ou des centres de R&D industriel ou des centres de production industrielle.
08:42 Et ça, c'est vraiment une chance pour eux d'avoir accès à ces endroits-là parce que visiter un centre de R&D industriel, on ne pousse pas la porte comme ça.
08:50 Comment ces entreprises-là et ce rôle qu'elles jouent peuvent aider à rebooster, là encore, la confiance et donc l'envie peut-être de s'intéresser à ces sujets-là ?
09:01 Est-ce qu'elles apportent le côté concret, vous diriez ? Voilà, c'est-à-dire qu'un projet scientifique, ça peut se concrétiser in fine et ça peut devenir un métier tout simplement aussi.
09:12 Oui, effectivement.
09:14 Elles sont là pour amener la preuve que c'est concret ?
09:18 Malheureusement, après des années d'études de physique, de chimie ou de SVT, etc., il y a encore des élèves qui disent que tout ça est très abstrait.
09:25 Donc, c'est quand même dommage de faire toutes ces années d'études pour en arriver à la conclusion que la science est abstraite.
09:30 Donc, aller visiter les entreprises, ça leur permet de comprendre que la science est concrète et puis de comprendre que la démarche scientifique, celle qu'ils apprennent dans leur établissement scolaire, c'est exactement la même que celle qui est utilisée dans l'industrie.
09:45 Et ça, c'est aussi important. Il n'y a pas que l'aspect de ce qu'on cherche, il y a l'aspect de la manière avec laquelle on travaille qui est très important en science.
09:53 Le profil aussi des membres du jury, donc des industriels mais pas que ?
09:57 Il y a des professeurs évidemment, il y a des chercheurs, des laboratoires publics, privés et puis il y a des industriels, en général des centres de R&D mais pas que. Il y a des gens des RH par exemple qui viennent voir, c'est peut-être encore un peu tôt, mais les futurs talents qui pourront recruter, en tout cas qui veulent voir évoluer cette nouvelle génération.
10:20 Mais comment vous sentez qu'ils s'intéressent à certains projets peut-être de certains finalistes ?
10:25 C'est l'enthousiasme qui est la meilleure mesure de l'intérêt. C'est quand on voit lors de la discussion des prix à la fin un industriel qui dit "ah mais ce groupe-là, je voudrais vraiment qu'il vienne chez nous".
10:41 Donc là on sent qu'il y a un projet qui les a plus intéressés qu'un autre et c'est un peu normal. Suivant quels sont les produits que vous fabriquez, vous n'avez pas forcément la même appétence pour tel ou tel groupe.
10:52 A quelle récompense alors les gagnants ont-ils droit ? Vous disiez qu'ils gagnent des passe-droits pour aller voir certaines entreprises. Comment ça se passe ?
11:00 Alors ils gagnent des livres, des abonnements à des magazines scientifiques, ils gagnent des visites de laboratoire. En général c'est quelque chose qui est très très apprécié.
11:09 Et puis deux groupes gagnent le droit de participer à un autre concours qui est un concours européen de jeunes scientifiques. Et là c'est passé à l'étape d'après.
11:20 Frédéric Cristiagno, si on devait résumer, vous qu'est-ce que vous avez envie de voir avec ce concours ? Est-ce que vous avez envie de voir la flamme, je ne sais pas, cette petite pépite dans l'œil d'un jeune
11:31 où vous voyez que lui peut-être va se lancer dans les sciences plus tard ? Est-ce que vous avez envie de créer véritablement des vocations ou juste peut-être ne serait-ce qu'humblement réconcilier un tout petit peu légèrement les jeunes avec la science ?
11:45 Voilà, je ne sais pas si vous deviez résumer votre objectif.
11:47 Alors oui, j'ai envie de voir mes futurs collègues, effectivement. Mais pas uniquement parce que ça, ça serait dommage. Finalement, j'ai envie de voir des gens qui sont réconciliés avec la science,
11:58 qui ont envie de comprendre que face aux enjeux qui sont ceux de la génération qui arrive, de réchauffement climatique, de transition énergétique, la science est vraiment un des moyens de régler ces problèmes-là.
12:11 Et donc je veux qu'ils en soient convaincus.
12:12 On va terminer sur ces mots. Merci beaucoup Frédéric Ressagneau d'être venu nous parler de ce concours. C'est génial, je rappelle, vous êtes le président du comité scientifique du concours.
12:20 Merci beaucoup d'être venu sur notre plateau aujourd'hui.
12:22 Je vous remercie.
12:23 Merci à vous de nous avoir suivis. On se retrouve évidemment très vite pour un nouveau numéro de Smart Education. À très vite.
12:30 [Musique]