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00:00 Et on va continuer à vous en parler justement tout de suite avec notre invité du jour.
00:04 C'est vous James Cohen, bonjour. Vous êtes professeur d'études américaines à Paris, à l'université Sorbonne Nouvelle.
00:13 Merci d'être avec nous. Un mot peut-être pour commencer sur cette clause, le Title 42, titre 42.
00:20 En quoi ça consiste exactement et pourquoi avoir décidé de le lever aujourd'hui ?
00:26 Alors c'est un titre, c'est-à-dire une clause d'une vieille loi qui date de 1944 je crois,
00:33 et qui autorise l'État fédéral à expulser ou à ne pas admettre surtout sur le territoire national
00:40 des personnes qui viendraient du pays affectées par des maladies, des pandémies, etc.
00:44 C'est une mesure de santé publique conçue comme telle à l'époque et cette clause 42, titre 42,
00:51 a été invoquée de manière très draconienne par l'administration Trump.
00:54 Et ensuite, à l'étonnement de tous, continuée sous Biden jusqu'à aujourd'hui.
01:00 Maintenant il n'y a plus de possibilité légale de continuer avec cette mesure, donc elle est suspendue.
01:06 Mais d'autres mesures prennent la relève, comme on va voir.
01:10 Alors justement, les mesures, on l'entendrait, le fameux titre 8,
01:15 décidément il y a différentes options pour contraindre les migrants ou en tout cas les décourager de se presser à la frontière.
01:22 Mais avant d'y revenir, j'aimerais qu'on commande peut-être ces images qui sont impressionnantes,
01:28 dont on parle beaucoup évidemment ici.
01:30 Ce n'est pas nouveau, il y a toujours du monde à cette frontière, le long de ce mur.
01:34 Là ici on voit une équipe de migrants qui sont en train de traverser une rivière,
01:38 qui se rapprochent de la frontière avec ce bébé qui voyage dans cette valise.
01:44 C'est évidemment le genre d'image qui choque aujourd'hui.
01:47 Tous ceux qui sont sur place dans cette frontière nous décrivent une situation qui se tend de jour en jour.
01:54 Est-ce que vous, l'appel d'air, vous le redoutez aussi ?
01:58 Écoutez, je pense qu'il est prévisible que dans les jours et les quelques semaines à suivre, il y aura une poussée.
02:06 Mais on est déjà de toute façon depuis plusieurs mois à des niveaux records d'arrivée à la frontière.
02:10 Si on mesure d'après le nombre de rencontres entre des agents de la patrouille frontalière et des migrants depuis deux ans,
02:19 on est dans des niveaux autour de 150 000 à 200 000 par mois.
02:22 Il y aura peut-être une poussée au-delà de ça pendant quelques temps.
02:25 Prévisible, puisque cette mesure de toute façon devait partir.
02:29 Mais si j'entends bien ce que dit l'administration Biden, à travers le secrétaire d'État Blinken
02:36 et le secrétaire à la Sécurité intérieure Mayorkas,
02:40 apparemment on est en train de prévoir toutes sortes de manières de canaliser ces demandes d'asile,
02:46 ces réfugiés potentiels vers d'autres pays où ils font mieux leurs demandes.
02:52 Le Mexique a accepté, encore une fois, comme sous Trump, d'assumer une grande partie de ce fardeau.
02:58 Forcément l'inquiétude est partagée par les deux camps.
03:00 À mon avis, il faudrait dédramatiser la situation.
03:01 L'inquiétude est partagée, on le comprend très bien, par les deux camps, par les Mexicains et par les Américains.
03:05 Mais en même temps, on a le sentiment quand même qu'ils tombent un peu des nues et qu'ils se sont réveillés un peu tard.
03:09 On entendait ce membre d'une ONG dire que l'administration Biden a eu plus d'un an pour se préparer.
03:14 En l'occurrence, rien n'a été fait.
03:16 Je pense qu'il y a des choses qui sont faites.
03:19 Je ne suis pas là pour défendre sur toute la ligne à 100% les choix de l'administration Biden en la matière.
03:25 En mon nom personnel, je ne peux pas.
03:27 Mais je pense que si on prend des mesures de cet ordre,
03:31 si on reste assez draconien mais avec plus de politesse que sous Trump,
03:35 avec les pays voisins notamment,
03:37 et bien c'est parce qu'on craint un possible effet électoral.
03:43 Si on a l'air d'être trop "mou" sur la défense de la frontière.
03:49 Bref, c'est un vrai dilemme.
03:52 Ce sont des raisons politiques qui motivent l'administration Biden, c'est ça que vous êtes en train de dire.
03:55 Il y a eu les midterms qui ont été plutôt favorables aux Républicains.
03:58 Il y a la présidentielle qui va arriver très vite.
04:00 Et donc il est dans un entre-deux Biden, c'est ça ?
04:03 Je pense que, laissons de côté les midterms où les démocrates se sont beaucoup mieux défendus que prévu.
04:10 Mais pour l'élection présidentielle qui vient, on voit déjà, et ce n'est pas si nouveau,
04:17 les Républicains partout et surtout dans les États frontaliers,
04:20 les gouverneurs du Texas, le gouverneur de la Floride et d'autres États républicains
04:28 tonnent et font des tirs de barrage sur le thème de la frontière
04:31 en disant que les démocrates au pouvoir laissent la frontière ouverte.
04:36 Ce n'est évidemment pas le cas.
04:38 La preuve c'est que les défenseurs des droits des immigrés protestent pour des raisons inverses.
04:45 Donc je pense que l'administration Biden est confrontée à un dilemme
04:50 et on a choisi une voie qui n'est pas très facile
04:54 parce que les mesures qui sont en train d'être prises par l'administration Biden
04:58 sont des mesures dont on ne verra pas, et ils le disent eux-mêmes,
05:01 dont on ne verra pas la portée tout de suite.
05:03 On négocie avec la Colombie, avec plusieurs pays voisins situés au sud
05:09 pour qu'il y ait une prise en charge des personnes qui viendraient jusqu'à la frontière
05:15 s'il n'y avait pas ces autres canaux possibles.
05:18 Et ça, ça vous paraît être une bonne option aujourd'hui ?
05:24 Je ne peux pas vous le garantir.
05:26 En tout cas à court terme, parce que les élections se jouent à relativement court terme,
05:31 on est à quelques mois en réalité des élections de 2024 et on est déjà en campagne à vrai dire,
05:37 je ne peux pas garantir le succès à ce niveau.
05:41 Les démocrates sur ce thème sont un peu exposés.
05:45 C'est un thème sensible, personne ne peut dire le contraire.
05:49 Je pense qu'il n'y a pas de bonnes options.
05:52 Je pense qu'on peut au moins dire qu'avec le pays voisin du Mexique
05:58 qui assume un grand parti de ce fardeau, encore une fois, comme sous Trump,
06:01 au moins les rapports sont un peu plus cordiaux aujourd'hui
06:04 et tout cela est négocié et vu avec des autorités dans des conditions matérielles
06:09 quand même très très difficiles dans les villes frontalières du nord du Mexique.
06:12 Mais au moins on fait un effort pour maintenir des rapports à peu près civilisés avec les pays voisins,
06:17 ce qui n'était pas du tout le cas sous Trump.
06:19 Les républicains s'y reviennent au pouvoir vont nous réserver aussi sans doute des relations très très spéciales
06:30 et même conflictuelles possiblement avec les pays voisins.
06:33 Un mot peut-être de cet eldorado américain qui continue autant d'attirer les populations,
06:39 peut-être à tort quand on voit les conditions de vie de certains d'entre eux,
06:44 certains qui même décident de retourner en arrière quelques années après.
06:48 Il y a des latino-américains évidemment,
06:50 beaucoup d'haïtiens en ce moment en raison de la crise traversée là-bas,
06:54 mais il y a aussi des afghans, des russes.
06:57 Expliquez-nous cet attrait qui persiste malgré une réalité de plus en plus complexe, difficile.
07:05 Vous avez évoqué une série de cas de personnes qui sont ballotées de par le monde
07:10 et qui échouent à la frontière parce que ça leur paraît une des voies possibles.
07:16 Oui, ce ne sont pas des cas marginaux, mais ce sont des cas qui restent minoritaires
07:23 parce que le gros des troupes si vous voulez viennent des pays situés au sud du Mexique
07:27 où on a là affaire à un vrai problème systémique.
07:31 Les démocrates le disent, les républicains ne le disent jamais,
07:34 mais on reconnaît au moins qu'il y a quelque chose d'ordre structurel et systémique
07:38 qui font que ces flux, on ne peut pas les arrêter à moins de réinventer le développement dans les pays d'origine.
07:46 Chose qui peut prendre dans le meilleur des cas quelques années.
07:51 Il faudrait au moins commencer à y songer.
07:54 Bref, politiquement le thème est difficile
08:00 pour n'importe quel parti qui essaierait de gouverner dans une telle situation.
08:05 Je ne sais pas si les républicains, s'ils étaient au pouvoir à la place de Biden,
08:10 auraient maintenu cette mesure parce qu'il commence à ne plus y avoir de raison
08:16 ou de prétexte légaux pour la maintenir.
08:18 L'administration Biden respectueuse de la loi a prévu qu'à partir de ce soir,
08:25 la mesure sera remplacée par une autre mesure qui en réalité est aussi draconienne potentiellement
08:34 et peut-être même plus parce qu'il y a plus d'expulsions à la clé.
08:39 On invoque un autre titre qu'on appelle le titre 8 qui dépend d'une loi d'immigration de 1952 ou de 1940.
08:50 En tout cas, ce nouveau titre n'est pas, si on regarde de près, moins strict que le titre 42.
09:01 Voilà, ce titre 8 qui a des conséquences d'un point de vue légal
09:04 et une interdiction de 5 ans pour les personnes qui essaient de traverser la frontière de manière illégale.
09:08 Merci beaucoup d'avoir été notre invité du jour, M. Cohen.
09:13 Merci à vous, James Cohen.