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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Allez, place à Emmanuel Ducrot du journal "L'Opinion".
00:03 Emmanuel, c'est le salon de l'agriculture cette semaine,
00:05 vous allez y passer quelques heures en septembre dernier.
00:08 - Quelques heures ? Mais vous n'imaginez pas Dimitri !
00:11 - Non, en fait vous vivez là-bas pendant une semaine.
00:12 - Quasiment, j'ai un petit lit de camp dans un coin.
00:14 - Un petit lit de paille vous attend tout près d'Ovalie.
00:18 En septembre dernier, un rapport sénatorial,
00:21 on s'en souvient Emmanuel, on en avait parlé sur Europe 1,
00:23 un rapport sénatorial tirait la sonnette d'alarme
00:25 sur le déclin de nos productions agricoles.
00:28 Et ce rapport s'intéressait de près à la volaille.
00:31 Et alors il se trouve qu'un poulet sur deux consommé en France
00:34 est désormais importé, il vient d'étrangers.
00:36 - Ça fait déjà un moment que notre pays n'est plus autosuffisant en poulet.
00:40 Ça vient en partie du fait que la consommation progresse fort
00:43 pour les viandes blanches et la production stagne
00:46 ou même en baisse avec la grippe aviaire.
00:47 Alors tout le problème est dans la provenance de la viande importée.
00:51 Officiellement, quatre pays européens fournissent 85% du poulet importé en France,
00:56 essentiellement les Pays-Bas et la Pologne.
00:58 Sauf qu'en fait, c'est souvent une nationalité de baptême
01:02 pour des volailles qui viennent de beaucoup plus loin,
01:04 de Thaïlande, du Brésil et plus récemment d'Ukraine.
01:06 - Qu'est-ce que c'est une nationalité de baptême Emmanuel ?
01:10 - Hier j'ai eu une longue conversation avec le président de l'interprofession de la volaille
01:14 qui s'appelle L'Envol.
01:16 Il m'a raconté le cas édifiant des poulets ukrainiens.
01:19 Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté,
01:21 l'Union Européenne, en guise de soutien économique,
01:23 a ouvert son marché aux poulets ukrainiens,
01:25 pensant aider les agriculteurs locaux.
01:27 Une solidarité que personne ne conteste sur le fond,
01:30 mais il aurait sans doute fallu avoir un petit peu plus de discernement
01:33 sur ce sujet précis des poulets.
01:35 Ces poulets arrivent donc en Europe sans aucun droit de douane,
01:38 mais il suffit qu'on les découpe ou qu'on les reconditionne sur le sol européen
01:42 pour qu'ils deviennent européens.
01:44 Et c'est pour ça que les importations de poulets polonais
01:46 augmentent de façon très importante ces derniers mois en France.
01:50 C'est en fait du poulet ukrainien naturalisé.
01:53 - Mais c'est pas interdit cette pratique, non ?
01:55 - Eh bien non, c'est révoltant,
01:57 mais c'est permis par la législation européenne.
01:59 C'est incompréhensible, parce que les coûts de production,
02:01 les conditions sanitaires d'élevage,
02:03 les usages d'antibiotiques, par exemple, très stricts en Europe,
02:07 ne sont pas du tout réglementés de la même façon en Ukraine.
02:09 Soit dit en passant, c'est exactement la même chose avec le poulet du Brésil,
02:13 souvent rebaptisé néerlandais, avant d'atterrir dans nos assiettes.
02:16 Mais il y a un scandale dans le scandale.
02:19 Le producteur ukrainien essentiel est une multinationale du poulet,
02:23 appartenant à un oligarque.
02:24 Le groupe s'appelle MHP, il est coté à Londres.
02:27 Ses élevages produisent en moyenne 1,8 million de poulet à l'année chacun.
02:31 Un élevage moyen en France, c'est 40 000 animaux par an.
02:34 Vous voyez quand même la différence.
02:35 Cette mesure n'a donc jamais aidé les agriculteurs ukrainiens.
02:39 Et l'Angresse, l'agriculture dont nous ne voulons pas chez nous,
02:42 allez comprendre.
02:42 - Et on va s'étonner que vous soyez contre la loi du marché, Emmanuel.
02:46 - Non, mais le marché suppose que les règles soient les mêmes pour tous.
02:50 La concurrence est totalement déloyale.
02:53 Nos producteurs de volailles ne peuvent pas lutter,
02:55 car les méthodes de leurs concurrents leur sont tout simplement interdites.
02:58 Et c'est tant mieux pour nous les consommateurs.
03:00 Mais en fait, on se pose quand même la question de savoir
03:03 pourquoi l'Europe, si sourcilleuse sur ses productions,
03:06 si soucieuse de les réduire pour les rendre meilleurs,
03:08 accepte n'importe quoi de ses fournisseurs.
03:10 C'est un double discours absolument navrant.
03:13 Et puis le marché, ça suppose aussi une information correcte
03:16 des consommateurs.
03:17 Or cette viande, elle n'est pas vendue par la grande distribution,
03:19 qui joue bien le jeu, les producteurs français le soulignent.
03:22 Elle va là où on n'a pas le choix.
03:24 Elle va dans notre restauration collective,
03:26 dans nos cantines, dans nos restaurants.
03:28 Et comme il n'y a aucune obligation d'affichage de la provenance des volailles,
03:31 nous n'avons aucun moyen de décider si nous voulons la manger ou pas.
03:35 - Voilà, totalement édifiant.
03:36 Dès qu'on gratte un petit peu, on en fait des découvertes.
03:39 Merci beaucoup, Emmanuel Ducroix.
03:40 A demain et bon courage dans le salon de l'agriculture.
03:44 On va en parler dans un instant sur Europe 1.