Dans ce live Instagram Christelle Tissot reçoit Marie Robert, philosophe et créatrice du compte @philosophyissexy, et Mariette Darrigrand, sémiologue et fondatrice de l'Observatoire des Mots, pour nous parler de l'importance des mots.
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ÉducationTranscription
00:00 Bonjour, bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue sur Musae pour un nouveau live aujourd'hui
00:09 sur le thème de la santé mentale avec deux invités d'exception.
00:15 Mariette Darigrand qui est sémiologue et Marie Robert, philosophe et fondatrice du
00:23 podcast "Philosophie sexy" et du compte Instagram du même nom qui démocratise et qui rend accessible
00:32 la philo. Bonjour, salut les girls pop, salut Lucie, j'espère que vous allez bien, bienvenue.
00:38 Bonjour Mariette. Je vais du coup inviter Mariette.
00:47 Mariette, l'invitation est partie, ça prend toujours un petit peu de temps et également Marie Robert du compte
00:54 Instagram "Philosophie is sexy" et qui a également un podcast du même nom.
01:00 Est-ce que c'est bon ? Oui, bonjour Mariette, ça va bien ?
01:04 Ça va très bien.
01:06 La caméra bouge un tout petit peu.
01:09 Bonjour à toutes, bonjour à tous, bienvenue sur Musae.
01:18 Aujourd'hui on va parler de santé mentale, mon sujet favori, avec notamment Mariette Darigrand
01:25 qui est sémiologue et fondatrice de l'Observatoire des mots, qui a un blog et qui a également
01:32 effectivement un cabinet qui parle des mots d'étymologie et de sémiologie.
01:40 On va également accueillir Marie Robert de "Philosophie is sexy" qui a un podcast qui démocratise la philo,
01:50 qui la rend accessible et qui a également un compte Instagram où elle publie un billet
01:56 tous les matins pour explorer une notion, une émotion, un ressenti avec le regard croisé
02:05 de philosophes et puis le regard aussi de Marie qui rend accessible des notions qui
02:11 peuvent parfois nous paraître un peu imbitables.
02:14 Bonjour, bonjour à toutes.
02:17 J'accueille au fur et à mesure parce que vous êtes nombreuses et nombreux aujourd'hui
02:22 à vous connecter et ça fait plaisir.
02:25 Tant que Marie s'est connectée, on est un petit peu en avance.
02:27 On a effectivement deux ou trois minutes d'avance.
02:32 Aujourd'hui, ce live s'inscrit dans une thématique, la santé mentale avec un format
02:41 qui s'appelle Buzzword.
02:44 Buzzword c'est un format que vous usez pour aller définir et comprendre des mots qui
02:52 sont devenus des mots valides qu'on entend de plus en plus dans notre quotidien.
02:57 J'ai commencé ce cycle avec la santé mentale d'une part parce que c'était un sujet
03:02 qui n'était pas forcément beaucoup exploré en France, soit de manière très taboue ou
03:09 très hygiéniste.
03:10 On en parlera un peu plus tard avec Marie.
03:12 Et puis aussi, à force de marteler ces mots, on ne sait pas vraiment d'où ils viennent,
03:19 qu'ils sont, qu'est-ce qu'on veut raconter derrière.
03:23 L'idée avec ces lives, c'est de rendre accessible une définition avec plusieurs
03:28 points de vue, des points de vue multidisciplinaires.
03:31 J'ai eu l'occasion d'accueillir Marion Hartig, qui est une grande sportive, qui
03:36 nous a parlé de l'angle de la santé mentale, de la performance et pas que.
03:40 Et également Laurie-Elisabeth, avec qui on fait des lives aussi régulièrement pour
03:52 démocratiser des notions sur la santé mentale et puis des associations et puis bientôt
03:59 effectivement des artistes.
04:00 Salut Marie, tu vas bien ? Super, très contente d'être avec vous.
04:05 Moi aussi, je suis super contente.
04:07 Je suis ravie de vous avoir.
04:10 […]
04:20 Christelle est revenue.
04:21 Ah, Christelle est revenue, voilà.
04:23 J'étais partie ?
04:25 Oui voilà, tu étais partie, nous étions inquiètes.
04:28 […]
04:31 Je suis là.
04:32 Et oui, du coup, j'expliquais effectivement que j'organise ces lives depuis quelques
04:36 mois maintenant.
04:37 C'est un live pour un anti-TB qui s'appelle "Buzzword santé mentale" en fait.
04:43 Buzzword pour "mauvalisant" finalement en français, parce qu'en fait il y a de
04:47 plus en plus de termes, de mots qu'on entend, qu'on martèle, qu'on lit, qu'on voit
04:52 en scrollant sur nos réseaux sociaux, on peut en parler sur les plateaux TV, mais
04:59 en fait, ce n'est pas vraiment ce qu'on peut y mettre derrière, qu'il y a d'autres
05:03 sens, comment on peut s'approprier aussi.
05:05 Et aujourd'hui, je suis ravie en fait du coup d'avoir deux regards, un regard philosophique
05:11 avec toi, Marie, créatrice du podcast et du compte Instagram "philosophie sexy",
05:17 entre autres, parce que tu as plusieurs activités.
05:20 Mais effectivement, sexy, les plus pertinentes.
05:24 Et également avec toi, Marie-Etienne, qui est sémiologue.
05:29 Alors je pense qu'on va peut-être faire une rapide définition, parce que c'est
05:34 quoi en fait la sémiologie ? Déjà effectivement, on parle de mauvalisme,
05:37 commençons déjà par définir qui fait quoi.
05:40 Marie-Etienne, c'est quoi la sémiologie pour les non-avertis ?
05:45 Dans la sémiologie, on entend "signes" en fait.
05:48 Je ne dirais pas une science, je ne me définirais vraiment pas comme scientifique,
05:54 mais c'est une méthode de lecture pour moi de la société dans laquelle nous vivons
05:58 à travers son langage, donc ses mots, ses images, ses représentations.
06:02 Donc ça peut être académique, moi je donne quelques cours comme ça à la fac,
06:07 aux étudiants qui vont se lancer dans le métier de l'édition, parce que le livre
06:10 est un objet génial.
06:12 Mais je suis consultante, donc je travaille sur des discours de marque,
06:18 ou des discours parfois plus sociopolitiques.
06:21 Et à partir de ça, je fais des articles, des bouquins, je participe à des groupes
06:27 de travail.
06:28 Et c'est passionnant aujourd'hui, parce que comme tu le disais, on vit dans une société
06:31 très bavarde et qui crée beaucoup de langage.
06:34 Et on ne sait pas trop ce que ça a, au bout d'un moment, ça prolifère,
06:38 et puis on ne sait plus ce que ça veut dire.
06:40 Donc il faut bien retourner un peu dans la valeur des mots,
06:43 c'est ce que j'essaie de défendre.
06:45 - Ok, de retourner à la racine des mots.
06:48 Et moi je trouvais ça aussi intéressant d'avoir ton regard, Marie.
06:51 Est-ce que tu peux nous dire, c'est quoi ton approche de la philosophie,
06:56 notamment avec tout ce que tu fais sur la philosophie sexiste ?
06:58 - Alors oui, effectivement, il y a mon approche de la philo,
07:01 mais juste pour rebondir sur ce que disait Mariette, ce qui est intéressant,
07:04 c'est justement de compléter nos deux disciplines, parce que la philo a déjà
07:07 besoin de s'accorder sur le langage pour ensuite analyser, définir,
07:11 conceptualiser et créer des systèmes.
07:14 Et en fait, justement, moi j'ai beaucoup travaillé en philosophie du langage,
07:18 notamment sur le cercle vienne, enfin sur différents courants,
07:21 qui ont eu à cœur déjà de poser cette question simple,
07:25 de simple mais infiniment complexe, de quoi parlons-nous ?
07:29 Si j'emploie le mot "amour", sans doute que là nous sommes 100 actuellement
07:34 en train de regarder ce live, sans doute que nous aurons tous
07:37 une définition différente. Et du coup, je peux élaborer des systèmes,
07:40 réfléchir, analyser, faire des disserts ou conceptualiser,
07:44 si je ne sais même pas de quoi je parle, et c'est vraiment ça l'enjeu,
07:48 et c'est pour ça que la sémiologie et la philosophie, pour moi,
07:51 ont besoin de travailler main dans la main pour ne pas construire
07:55 des discours complètement creux. Ça ne veut pas dire ne pas parler,
07:58 ça ne veut pas dire se censurer, ça veut juste dire mettons-nous d'accord.
08:02 Et un de mes philosophes favoris, qui s'appelle Ludwig Wittgenstein,
08:06 qui a beaucoup travaillé en philosophie du langage, et notamment à la définition
08:10 du sens et du non-sens, a cette phrase toujours intéressante,
08:14 "ce dont on ne peut parler, il faut le taire".
08:17 Alors ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas le penser, ça ne veut pas dire
08:19 qu'on ne peut pas le ressentir, mais ça veut dire que pour construire
08:22 du collectif et pour mettre en commun, il faut déjà savoir
08:25 quels sont les mots, quelles définitions nous donnons aux mots
08:28 que nous utilisons. Et en fait, c'est un problème éminemment complexe,
08:31 on le voit dans la société actuelle, c'est juste que parfois,
08:34 on a des conflits, des désaccords, ou alors au contraire du vide,
08:37 simplement parce qu'on ne sait pas trop ce qu'on raconte.
08:42 Donc ça, voilà, c'est déjà indispensable.
08:45 Quant à mon approche de la philo, j'ai la conviction juste
08:48 qu'elle est nécessaire dans le quotidien. Évidemment, ça ne veut pas dire
08:52 que nous allons tous devenir chercheurs en philosophie, ça ne veut pas dire
08:55 que nous allons devenir experts ni universitaires.
08:58 En revanche, je crois que de tout temps, mais depuis évidemment des siècles,
09:03 mais encore plus aujourd'hui parce que nous sommes face à des couches
09:06 et des couches de complexité, eh bien il est indispensable
09:09 que même sans prétendre être philosophe, nous prenions ce mouvement
09:13 de recul pour dire qu'est-ce que je raconte, qu'est-ce que je suis
09:16 en train de faire, pourquoi je le fais et où je vais.
09:19 Donc de revenir vraiment à, on entend beaucoup le mot "ancrage"
09:24 qui paraît un peu galvaudé, mais de revenir à juste une analyse
09:28 de nos actions et de ce que nous projetons.
09:33 Donc effectivement, j'avais à cœur de remettre de la philosophie
09:36 dans le quotidien.
09:38 C'est un peu le fameux pas de côté dont tu parles en intro de ton podcast.
09:44 C'est prendre le temps, effectivement, de savoir de quoi on parle.
09:47 De déplier, de décortiquer, tout à fait.
09:49 Et c'est un peu ce qu'on a fait aussi ensemble, Mariette,
09:51 à l'Institut des Futurs Souhaitables.
09:53 C'est pour ça qu'on s'est rencontrés avec Mariette.
09:56 Où pareil, l'idée, c'est de faire un pas de côté et de prendre le temps
10:00 de s'interroger sur le monde qui nous entoure, sur les gens qui nous entourent
10:04 et sur la façon dont on s'adresse, en fait, effectivement à eux.
10:08 Et c'est vrai que la santé mentale, c'est un sujet pour le coup
10:12 dont on commence vraiment à beaucoup entendre parler,
10:14 notamment avec le Covid.
10:16 Oui, moi je dis le Covid.
10:17 Je sais que je le dis à chaque live, mais je dis le Covid.
10:20 C'est bien dans ce cas-là.
10:22 L'adresse, on reste en neutre.
10:25 OK.
10:26 Mais c'est vrai que le Covid a mis un coup de projecteur,
10:32 finalement, sur la santé mentale.
10:34 Mais ce n'est pas pour autant qu'on sait de quoi il en retourne.
10:38 Et en fait, moi j'avais à cœur aussi d'abord des sujets,
10:41 parce que pour le coup, je m'informe sur différents types de médias,
10:44 autant en France qu'à l'étranger.
10:47 J'avais l'impression que notamment dans les pays anglo-saxons,
10:51 ils étaient beaucoup plus à l'aise, en fait, avec ce terme,
10:55 avec différentes approches, etc.
10:57 Et en fouillant un peu, en préparant ce live,
11:00 c'est vrai qu'en fait, depuis après la Seconde Guerre mondiale,
11:03 finalement, dans le milieu anglo-saxon,
11:07 finalement, la santé mentale est devenue holistique.
11:09 C'est-à-dire qu'on a fait une discipline avec,
11:12 on en parle d'un point de vue des institutions,
11:14 d'un point de vue médical.
11:16 On en parle aussi dans les assos, on en parle dans les médias.
11:19 Et donc, du coup, ça fait que, du coup, c'est un ancrage culturel,
11:22 pour revenir sur le terme "ancrage" dont tu parlais Marie.
11:24 Alors qu'en France, on a une approche,
11:26 on a eu pendant très longtemps, j'ai ce sentiment,
11:29 une approche très hygiéniste.
11:31 C'est-à-dire que la santé mentale, en fait,
11:33 se définissait par opposition à bien, pas bien, fonctionnement,
11:39 dysfonctionnement, trouble du comportement ou pas.
11:43 Mais on n'avait pas, en fait, une vision un peu plus globale.
11:46 Et du coup, moi, j'aimerais bien qu'on revienne avec vous
11:48 sur l'étymologie, en fait, du terme santé mentale,
11:52 d'où ça vient et comment ça se fait, effectivement,
11:56 qu'on a plusieurs approches par rapport à ce terme-là.
12:00 - Là-dessus, je commence, Marie.
12:03 - Oui, bien sûr.
12:06 - Alors, avant d'aller à l'étymologie,
12:08 il faut bien regarder qu'en effet, c'est un concept américain.
12:12 C'est un concept culture qui est à la fois extrêmement positiviste
12:17 et positive, et donc il y a toute cette dynamique
12:20 du progrès, de l'amélioration, "bettering the world", etc.,
12:24 américains qui sont remarquables et qui sont très intéressants
12:28 pour nous, et en même temps, quelque chose qui est naïf,
12:33 d'une certaine façon, voire un peu autoritaire.
12:36 C'est-à-dire que quand on parle de santé mentale,
12:38 c'est l'équivalent de "mental health".
12:41 Cette "health", dans laquelle nous sommes,
12:45 met la santé comme valeur première de la vie.
12:50 Il s'agit d'être sain.
12:53 Le jeu de mots a été souvent fait en français,
12:57 "sain", "s-a-i-n-t",
12:59 c'est le souverain bien de notre société,
13:01 la très bonne santé.
13:03 Bon, ok.
13:04 Alors, cette énoncée "santé mentale",
13:07 cette expression, pour moi, relève exactement de cet esprit
13:11 à la fois très positif, c'est intéressant,
13:14 mais qui, de manière autoritaire,
13:16 en quelque sorte, nous oblige à être en parfaite santé
13:19 selon les critères du moment,
13:21 selon les critères de qui, venus de qui ?
13:23 Bah, du monde médical, hein.
13:25 On y est, dans le monde médical, depuis un an et demi, là.
13:27 On voit bien l'autorité de la parole médicale.
13:30 Il y a des vérités tout le temps.
13:32 En matière de langage et de sciences humaines,
13:34 en tout cas, pour ce qui concerne la sémiologie,
13:36 il y a cette phrase de Barthes qui est, pour moi, géniale,
13:38 qui est "là où il y a du langage, il n'y a pas de vérité".
13:42 Ça veut pas dire que ça change.
13:44 Ça veut dire des images, des imaginaires,
13:47 notre créativité, notre réactivité au message.
13:51 Quand tu me dis, Christelle, "santé mentale",
13:55 je me sens construite, hein,
13:59 en termes de le discours,
14:01 fais de moi quelqu'un qui peut être,
14:04 et malade, sur le plan mental.
14:07 C'est ça que ça fait, d'abord.
14:09 Donc, les Américains, ils ont tout en stock pour nous guérir,
14:12 mais d'abord, ils nous considèrent, hein,
14:15 je fais allusion au DSM, au fameux dictionnaire de la santé mentale,
14:20 de la psychiatrie américaine, qui nous influence énormément,
14:23 mais, en quelque sorte, ils ont tout en stock,
14:25 en termes de symptômes.
14:27 Est-ce que tu es anxieuse ?
14:29 Est-ce que tu es hypersensible ?
14:31 Est-ce que tu serais pas un peu autistique Asperger, là,
14:34 avec ton intelligence alternative, etc. ?
14:37 Je dirais "why not", hein, pourquoi pas, après tout ?
14:40 Et puis, surtout qu'ils sont en problem solving,
14:42 donc il y a la solution à tous symptômes.
14:44 Mais la question, là, c'est une question philosophique,
14:48 est-ce que l'être humain est réductible à, en quelque sorte,
14:52 un stock de choses à soigner,
14:56 de problèmes à résoudre,
14:58 et là, pour moi, l'image, la métaphore,
15:00 c'est le linéaire du supermarché, en quelque sorte.
15:02 Il y a tout, j'y vais.
15:04 Donc, obligatoirement, je vais trouver mon symptôme.
15:07 C'est ce qui m'inquiète un peu, surtout quand santé mentale
15:09 est aujourd'hui diffusée dans les médias,
15:11 et est liée à la problématique des jeunes en particulier,
15:16 comment ne pas se sentir un peu entamée dans sa santé mentale,
15:20 lorsque cette parole autoritaire,
15:24 "ah, les jeunes ont des problèmes de santé mentale", nous atteint.
15:27 J'aurais des choses à rajouter sur l'étymologie,
15:30 mais peut-être après, ou je continue comme obligée.
15:32 (rires)
15:34 - Je t'en prie, Christelle, vas-y.
15:37 - Non, mais je veux dire, justement, pour répondre là-dessus, Marie-Charlotte...
15:40 - Avant que tu poursuives, Marie-Ève, sur l'étymologie,
15:43 le problème, je dirais, philosophique, est exactement là.
15:46 C'est le problème du diagnostic.
15:48 Et le problème, il est à la fois éthique,
15:50 mais il est aussi épistémologique.
15:52 Comment la relation entre la maladie mentale et le diagnostic ?
15:55 Le problème du dysfonctionnement mental,
15:57 et en particulier, tu l'as évoqué dans le système DSM,
16:00 c'est qu'il est identifié par la présence ou l'absence
16:03 d'un ensemble de symptômes qui provient d'une liste de contrôle.
16:07 Donc, effectivement, la difficulté, c'est que la critique, en fait,
16:11 de l'utilisation de tous les symptômes comportementaux pour diagnostiquer,
16:16 c'est juste montrer que les symptômes sont, en fait,
16:19 d'une compréhension théorique.
16:21 Et comme le dit Mariette, comme on a la liste,
16:23 effectivement, on a plutôt envie de se dire,
16:26 ah bah oui, sans doute que ce que je ressens,
16:28 ce que je vis, ce que je traverse, doit correspondre à cette liste-là.
16:32 Mais finalement, ça repose sur pas grand-chose.
16:35 Non seulement épistémologiquement, ça repose sur pas grand-chose,
16:39 donc est-ce que c'est vérifié ou non, de quelle façon,
16:42 parce que c'est juste identifié,
16:44 mais en plus, ça pose la question aussi éthiquement
16:48 de est-ce que ça ne force pas, finalement, à identifier un bien et un mal,
16:54 une pathologie d'une normalité,
16:57 et en fait, à toujours se situer dans cette frontière.
16:59 Donc, en plus, éthiquement, c'est très fragilisant pour l'individu
17:02 parce qu'effectivement, on se retrouve confronté à se dire,
17:06 sans doute que j'ai une pathologie,
17:08 parce que sans doute que j'ai des points de correspondance
17:11 avec cette fameuse liste.
17:12 Donc, on a un problème, vraiment, et effectivement,
17:16 ce problème, comme toujours dans la santé mentale,
17:18 il est multidisciplinaire,
17:20 parce qu'en fait, il y a plein de disciplines qui sont en jeu,
17:22 il y a les neurosciences qui s'en mêlent,
17:24 il y a la philosophie, il y a l'éthique, il y a la sociologie,
17:26 qui évidemment, vient rajouter,
17:28 parce que certains vont se sentir aussi en fonction du milieu
17:31 auquel ils appartiennent,
17:33 de l'environnement plus ou moins proche, justement,
17:37 de cette liste de pathologies.
17:40 Donc, attention, parce que le premier point qu'on peut soulever,
17:43 et Mariette le dit très bien,
17:45 et je suis complète avec cette idée d'épistémologie,
17:47 c'est attention à ce qu'on dit quand on parle de diagnostic,
17:50 et attention à ce qu'on dit quand on parle de santé mentale
17:54 et de sa possible défaillance.
17:56 - Oui, parce que moi, je me posais la question,
17:59 mais même en travaillant effectivement sur ce sujet,
18:02 et à force creusé,
18:03 et moi, j'avais un peu effectivement ce syndrome-là,
18:06 du coup, je dis, il y a toute cette panoplie,
18:08 effectivement, d'étiquettes qu'on peut mettre,
18:11 du coup, laquelle je vais choisir,
18:13 c'est-à-dire, mais ça se trouve, en fait,
18:15 j'ai pas envie de mettre d'étiquettes,
18:17 parce qu'en fait, il y a une espèce de prophétie autoréalisatrice,
18:22 où finalement, tu te dis, attends, on en parle tout le temps,
18:24 du coup, il faut absolument que je m'en parle du sujet.
18:26 - Non, mais en fait, je complète juste sur ça,
18:29 mais en fait, très trivialement et de manière anecdotique,
18:32 c'est la jurisprudence d'Octissimo.
18:34 Si je tape dans Google "mal de gorge, éruption cutanée",
18:41 je vais bien trouver quelque chose qui me dit que je suis malade.
18:44 Donc, évidemment, je veux dire, mais la question, plus sérieusement,
18:49 au-delà de cette confirmation, et comme tu le dis,
18:51 de cette prophétie autoréalisatrice,
18:53 c'est en fait, la question philosophique,
18:55 elle est, est-ce que le concept de maladie mentale est-il fiable ?
18:58 Parce que c'est ça, l'enjeu,
19:01 en fait, est-ce que c'est fiable conceptuellement ?
19:03 Est-ce que finalement, les définitions des troubles qu'elles contiennent
19:08 reposent sur quelque chose ?
19:10 - Oui.
19:12 - Et de quoi on parle, effectivement.
19:15 Et c'est ça, en fait, c'est maladie mentale, santé mentale.
19:20 Et Mariette, quand on préparait ce live,
19:23 tu sais qu'il y avait en fait plusieurs couches, plusieurs lectures,
19:26 entre le mens, la psyché.
19:29 Est-ce que tu peux nous éclairer là-dessus ?
19:32 - Exactement. Je pense qu'il y a quelques années,
19:34 on aurait parlé plutôt de santé psychique.
19:37 C'était la grande carte de la psychanalyse.
19:40 Et là, à ce moment-là, la question des troubles,
19:45 des troubles, je reviens là sur ce mot qui est très joli,
19:48 très poétique, que j'aime beaucoup, trouble.
19:50 Quelqu'un est troublé par la présence d'une personne,
19:52 l'amour commence.
19:54 Mais voilà, on voyait l'être humain à un moment donné,
19:58 quand la psychanalyse, la psychologie,
20:00 qui n'était pas encore comportementaliste aux États-Unis,
20:04 voyait l'être humain comme ce qu'il est,
20:07 c'est-à-dire un fort intérieur, une identité, une vie intérieure.
20:13 Et pour tout dire, alors les noms ont été donnés,
20:16 il y a plein de noms, mais l'âme, c'est un nom,
20:18 "psouke" en grec ou "anima" en latin.
20:21 On ne sait pas trop ce que c'est.
20:23 On peut imaginer qu'elle a des petites ailes,
20:25 peut-être que Marie rappellera Platon.
20:28 En tout cas, elle est parfois une petite jeune fille,
20:31 toute fraîche, un peu bébête, très curieuse,
20:34 dans certains contes antiques, etc.
20:36 Mais "psouke", cette âme psychique que nous avons tous,
20:41 qui n'a rien à voir avec notre niveau culturel,
20:44 notre intelligence, notre sens de la raison,
20:48 eh bien, elle a des bugs, elle a des ombres,
20:51 elle a des moments où elle n'est pas en pleine forme,
20:54 et elle a, je dirais même, c'est sans, par moment,
20:57 qu'elle soit un peu entamée, cette vie psychique.
21:00 Nous avons vécu un contexte mondial de menaces sur la vie,
21:06 donc évidemment que, je dirais, les pensées morbides étaient partout.
21:11 Il fallait être fou pour ne pas avoir peur.
21:14 Donc, effectivement, qu'est-ce que c'est que l'anxiété ?
21:18 C'est juste la gorge qui se noue, justement.
21:21 L'anxiété, c'est ça se resserre un peu trop.
21:24 L'angoisse et l'anxiété, c'est ça.
21:26 La colère, en anglais, c'est ça aussi.
21:28 "Angry", c'est pareil, c'est la même éthique.
21:31 Donc, parfois, avec la même cause, selon les individus,
21:35 selon les moments de notre vie, nous faisons des choses différentes.
21:38 Un petit peu d'angoisse, c'est normal.
21:40 Un peu d'anxiété, banale, parce qu'on vit une épidémie,
21:44 c'est tout à fait normal.
21:46 Une crise d'angoisse qui fait passer à l'acte quelqu'un,
21:49 comme on a vu récemment dans des divers cas,
21:54 ça, à ce moment-là, on a des problèmes.
21:57 Mais il faut partir de l'âme humaine, à mon avis, de l'intériorité.
22:02 Alors, après, pour finir là-dessus, cette étymologie,
22:06 on a un concept absolument génial, en effet mental,
22:09 ça vient étymologiquement d'un mot latin "mens", M-E-N-S.
22:15 On a dans la fameuse phrase "mens sana incorpore sano",
22:20 c'est-à-dire, vous voyez que c'est féminin,
22:23 "mens sana incorpore sano".
22:24 Ça ne veut pas dire que l'âme est nécessairement féminine,
22:26 mais dans les représentations, on a toujours pensé
22:28 que c'était du féminin, c'est-à-dire quelque chose
22:31 d'un peu volatile, un peu variable et pas très solide,
22:34 versus du corps ou de l'animus, qui serait la raison.
22:40 Représentation binaire, évidemment, totalement stéréotypée,
22:43 mais c'est pour expliquer qu'elle a toujours fait peur, cette chose.
22:47 Alors, en français, nous ne l'avons jamais traduite,
22:50 c'est-à-dire que "mens sana incorpore sano",
22:53 on traduit un esprit sain dans un corps sain,
22:57 mais "esprit" c'est "spiritus" en latin, et c'est religieux.
23:01 Et il y a eu des querelles philosophiques, justement,
23:04 à l'origine de tout cela, et à l'origine du christianisme,
23:07 pour dire "ok, l'esprit c'est très très bien,
23:10 parce que c'est très haut, et puis c'est Dieu,
23:12 et puis c'est la partie divine de l'être,
23:14 mais cette chose qui n'a pas de mot en français,
23:17 "mens" ça n'a pas donné quelque chose en français,
23:20 ça a donné "mental", "mentalité", etc.
23:22 Il n'y a pas le substantif.
23:24 Là, je vais finir sur un bon point aux américains,
23:29 ils ont gardé, mais ça c'est parce qu'ils n'ont pas pris,
23:33 très souvent l'anglais va prendre les mots
23:36 de la sensibilité du corps au latin.
23:38 Le langage amoureux, j'ai beaucoup travaillé sur le langage amoureux,
23:41 on a du latin en anglais.
23:44 Mais là, quand il s'agit des choses, je dirais,
23:48 de vie-mort, très très "wow",
23:51 ils vont prendre l'anglo-saxon,
23:53 "body" par exemple, c'est étymologiquement lié à l'arbre
23:57 dans lequel ils faisaient leur bateau,
23:59 donc on est sur du dur.
24:01 Et bien, avec le "mens", c'est pareil.
24:05 Pour eux, ils sont allés jusqu'à dire,
24:08 étymologiquement, est-ce vrai ou pas,
24:10 que le "man", M-A-N, vient de cette notion,
24:14 qu'elles sont couplées, et que du coup,
24:16 l'humanité, c'est celle qui a un truc, quelque part, dans son être,
24:20 qui est divagant par moments,
24:23 mais qui est quand même, ce qu'il a défini fondamentalement.
24:26 L'humain a ça, par rapport, par exemple, au minéral.
24:30 Alors que nous, l'humain, nous l'avons plutôt défini,
24:33 c'est intéressant, parce que les étymologies racontent des histoires,
24:36 elles ne sont pas la vérité, mais ça raconte l'esprit.
24:40 Et bien, nous, "humanus", nous le couplons avec "humus",
24:44 avec le sol, l'humus,
24:48 tandis que le "deus", il est tout en haut.
24:51 Donc, c'est ça qui est important, la force de l'humain mental,
24:57 les anglo-saxons sont très bons pour la dire,
25:00 et nous, héritiers du monde latin, plus poétique, etc.,
25:06 on fait la disjonction entre le haut et le bas,
25:08 donc les fous ont longtemps été pris pour des idiots,
25:11 ce qui n'est absolument pas le cas,
25:14 et nous, quand on a quelque chose qui ressemble un peu
25:17 à la crise mentale d'angoisse, ou au contraire,
25:20 qu'on ressasse quelque chose, etc.,
25:23 on se culpabilise un peu, on se dit "merde, je ne suis pas cet être élevé,
25:27 fort comme un dieu, héros,
25:32 donc je défendrai la sensibilité qui, parfois, nous fait tomber sur le sol,
25:36 mais sur le sol, il y a des racines qui font monter,
25:39 il y a des petites fleurs, et il y a de la poésie."
25:42 C'est intéressant, c'est fou ce que ça raconte,
25:45 comment on s'intéresse aux mots, ce que ça raconte comme histoire,
25:48 avec un grand H, et comment ça nous définit.
25:52 Excuse-moi, je t'en prie.
25:55 Tu parlais de Platon, Mariette,
25:58 et du coup, tu as un point de vue philosophique, Marie ?
26:01 Oui, déjà, tout ce que cite Mariette montre déjà la complexité,
26:06 en fait, il faut quand même imaginer que même si, aujourd'hui,
26:10 on est d'accord pour s'entendre en Occident,
26:13 que oui, nous avons un psychisme qui détermine notre volonté,
26:16 on a quand même mis un certain nombre de temps pour y parvenir.
26:19 Donc, c'est toujours intéressant de se rappeler que nous sommes issus
26:22 d'une histoire et d'une histoire complexe,
26:25 et avec, où le langage nous rappelle à quel point nous avons du mal
26:28 à le définir entre l'âme, entre l'esprit, entre l'intelligence,
26:32 entre le cerveau, c'est extrêmement…
26:35 Qu'est-ce qu'on dit, qu'est-ce qu'on désigne,
26:36 qu'est-ce que ça suppose et quels sont les enjeux ?
26:38 Moi, je voulais revenir d'abord dans le monde contemporain
26:40 avant de retourner en arrière.
26:42 Tout à l'heure, nous parlions du concept de maladie mentale.
26:45 En fait, d'un point de vue philosophique,
26:47 Michel Foucault a été évidemment un des premiers à critiquer
26:51 le concept de maladie, à critiquer, en fait, la manière
26:54 dont on avait établi les maladies mentales et les établissements de santé,
26:57 puisque, selon lui, oui, les asiles psychiatriques ont émergé
27:01 historiquement par l'application d'un modèle de rationalité.
27:04 Il y aurait un modèle de rationalité qui privilégierait
27:09 les individus au pouvoir et auxquels il faudrait coller.
27:12 Et encore une fois, dire « attention à ce concept »
27:16 et « attention à ce qu'on identifie », ça ne veut pas dire,
27:18 et Mariette l'a évoqué, que la maladie mentale n'existe pas,
27:22 pas du tout.
27:23 Bien sûr qu'il y a des symptômes, bien sûr qu'il y a des symptômes
27:27 à considérer, mais attention à l'émergence d'un modèle
27:30 qui, en fait, a servi surtout à exclure plein de membres de la société,
27:35 à mettre à l'écart et à stigmatiser plein de types,
27:40 d'être traversés par certaines choses, par certaines émotions,
27:43 par certaines douleurs, par être traversés, tout simplement.
27:49 Donc attention, parce qu'il y a aussi un rapport, effectivement,
27:52 politique et un rapport au pouvoir.
27:54 Et pour revenir un tout petit peu en arrière,
27:56 donc Michel Foucault désigne effectivement qu'il y a une réflexion politique
28:02 à avoir sur la manière dont on définit ce concept.
28:04 Mais si on remonte à quand même l'un des tout premiers à s'être posé,
28:08 alors ce n'est pas le tout premier à avoir parlé de l'âme,
28:11 mais en tout cas, Descartes a quand même été une figure majeure
28:16 dans l'histoire de la philosophie, sur la question de,
28:19 « bah oui, tout peut être mécanique, mais qu'est-ce qui résiste
28:22 à cette vision scientifique ? »
28:23 C'est l'âme, parce que l'âme n'a pas détendu,
28:26 donc l'âme, on ne peut pas la décortiquer dans un sens,
28:29 la décortiquer dans un autre, elle n'a pas détendu,
28:31 donc bon, déjà il la considère, mais surtout,
28:33 là où Descartes va être intéressant, c'est sur la place qu'il donne aux passions.
28:39 Il écrit ce fameux « Traité des passions »,
28:42 et alors les passions, chez Descartes, c'est aussi un terme un peu étrange,
28:46 un peu insolite, puisque à la fois lié à la souffrance,
28:50 à la fois lié au mouvement, mais les passions, c'est le lieu
28:54 où se passe l'union de l'âme et du corps.
28:57 Et là où Descartes est intéressant, c'est que c'est le tout premier,
29:00 finalement, à ne pas condamner la passion,
29:03 à dire, « bah, elles se présentent, ces passions,
29:06 elles lient le corps, elles se présentent à l'esprit
29:09 comme des idées confuses, mais elles sont naturelles. »
29:12 Alors il en liste six, on pourrait en parler,
29:15 l'admiration, la haine, l'amour, la tristesse, la joie,
29:19 il les liste et il dit, « mais finalement, c'est naturel de les ressentir. »
29:24 Et je crois que parfois, ce qu'on appelle, et là je reviens,
29:27 et je rejoins totalement Mariette, notamment chez les adolescents,
29:32 où parfois on est peut-être un peu plus submergés, justement,
29:36 par ces passions, où on a l'impression qu'on n'est pas normal,
29:40 parce qu'on les ressent, quelque part, Descartes montre bien
29:44 que ressentir de la tristesse et avoir même l'esprit,
29:48 alors il ne le montrerait pas tout à fait là,
29:51 mais avoir l'âme envahie par cette tristesse, ce n'est pas anormal.
29:56 Alors les termes pareils sont anachroniques,
29:59 mais il n'y a pas, c'est naturel que de les ressentir.
30:02 Le rôle, ensuite, c'est d'arriver à regarder ces passions,
30:05 effectivement, comme un spectateur, comme une représentation théâtrale,
30:09 pour prendre du recul et les mettre un peu plus de distance.
30:12 Mais les avoir n'a rien d'anormal, absolument pas.
30:16 Donc c'est là où il faut être vigilant dans ce que nous racontons,
30:20 c'est que, et il y a des très belles pages de Descartes sur cette question-là,
30:26 à partir du moment où nous sommes humains, nous ressentons des passions.
30:31 Et ce n'est pas grave, ça va bien.
30:34 - Et au contraire.
30:36 - Et au contraire, c'est plutôt une bonne nouvelle,
30:38 puisque quand même, le jour où on ne ressent plus rien,
30:40 c'est qu'on n'est sans doute pas tout à fait à la juste place.
30:43 - Oui, c'est clair, c'est ce qui nous rend vivants.
30:45 - Exactement.
30:47 - C'est ce qui fait que la vie a sa saveur.
30:51 Mais c'est intéressant, par rapport à ce que tu dis sur le fait
30:55 qu'on les ressent, il faut les accueillir, il faut accepter, effectivement.
30:58 Ça me fait aussi beaucoup penser à la méditation,
31:02 à ce genre d'approche, où l'idée, effectivement,
31:04 c'est d'apprendre à observer ces pensées.
31:07 Et là, c'est un peu la même chose, finalement, de ce que tu nous racontes, Marie.
31:10 Ce que Descartes voulait nous raconter.
31:12 - Oui, quand on parle de représentation théâtrale,
31:17 parce que finalement, l'idée de Descartes, c'est de dire,
31:19 quand on regarde une pièce de théâtre,
31:21 et qu'on assiste à une scène triste, ou une scène violente,
31:25 ou quoi que ce soit, bien, on peut le ressentir,
31:28 mais on a la distance pour se dire, c'est une pièce de théâtre.
31:31 Et effectivement, tout l'enjeu, c'est d'être capable, nous-mêmes,
31:34 pour ne pas se laisser dévorer, parce qu'il y a un danger à ces passions,
31:37 c'est-à-dire qu'elles nous prennent tellement, qu'elles nous dévorent,
31:40 et qu'on ne puisse plus établir cette juste distance,
31:44 c'est d'arriver, non pas à les condamner, non pas à les stigmatiser,
31:47 mais juste à mettre cette distance de la représentation,
31:51 à se les représenter, pour ensuite orienter, justement, l'âme.
31:55 Donc, bien entendu, c'est des approches qu'on peut retrouver dans la méditation.
31:59 Mais ce qui est intéressant, c'est la non-condamnation.
32:02 Ce qui était intéressant avec Foucault, c'est de dire,
32:04 le concept de maladie mentale, il est en fait politique,
32:07 et attention, parce qu'on est en train d'éviter quelque chose
32:10 qui vraiment est un enjeu sociétal.
32:14 Et chez Descartes, il est intéressant,
32:16 parce qu'on n'est pas dans la condamnation de ces passions.
32:19 Et il y a quelqu'un qui dit en commentaire, à l'instant,
32:22 toute la difficulté des hypersensibles.
32:24 Alors bon, pareil, le mot hypersensible, on le met beaucoup.
32:30 Il y a encore une fois, il y a un vrai diagnostic de l'hypersensibilité.
32:36 Et il y a aussi avoir de la sensibilité.
32:39 Et selon notre culture, notre éducation,
32:42 selon aussi toute une somme de facteurs, d'ailleurs,
32:46 mais qui vont aussi bien de facteurs physiologiques,
32:48 comme la thyroïde, à des facteurs éducatifs.
32:52 Bon, on va l'avoir.
32:54 Et effectivement, de ne pas se sentir à l'écart
32:56 parce qu'on ressent la sensibilité.
32:58 - Oui, et c'est effectivement...
33:01 Alors drôle, je ne sais pas si c'est le bon terme,
33:04 mais Michel Foucault est français, on est bien d'accord.
33:06 - Oui.
33:07 - Mais Michel Foucault est français,
33:09 et il a quand même été beaucoup plus entendu au début en Angleterre,
33:15 dans les milieux anglo-saxons, qu'en France,
33:18 où on était quand même, j'ai ce sentiment,
33:20 dans ce désir d'enfermer.
33:23 Il parle beaucoup de l'enfermement aussi, Michel Foucault.
33:26 L'enfermer, et donc du coup, de mettre dans des cases
33:28 et de stigmatiser, effectivement, ce qu'on appelle la folie.
33:32 Et comme tu le disais, Mariette, du coup,
33:34 les gens fous ne sont pas des gens "sains", entre guillemets.
33:37 C'est un peu ça.
33:39 - Oui, oui, mais oui, oui.
33:41 C'est sûr que le...
33:43 Enfin, pour Foucault, Foucault est quand même très français.
33:45 Il est très dans...
33:46 - Ah, d'accord.
33:47 - Oui, parce qu'il est quand même dans une tradition aussi artiste.
33:50 C'est un modèle artiste,
33:52 qu'il a toujours défendu, justement,
33:54 qu'il n'était pas dans la norme, quels qu'ils soient.
33:56 Donc, nous avons en France cette tradition,
33:59 je crois qu'il ne faut pas la perdre.
34:00 Elle est intéressante de remettre en cause
34:03 précisément ce qu'on disait au début,
34:05 un positivisme, bon, plus anglo-saxon aujourd'hui.
34:10 Et voilà, il faut faire une bonne balance entre les deux.
34:14 On a la chance de vivre à un moment donné,
34:16 où justement, on n'est pas dans l'errance,
34:20 une certaine errance romantique de la psychanalyse des années 70.
34:23 Les neurosciences nous apprennent des choses.
34:25 On sait aussi effectivement, la chimie compte beaucoup, etc.
34:28 Mais on a quand même un héritage intellectuel formidable.
34:33 Donc, il faut raison garder aussi par rapport à nos maîtres,
34:37 nos grands maîtres, qui sont très représendus.
34:39 Foucault est repris, ce n'est pas par hasard.
34:40 Deleuze est repris.
34:41 Ils ont toujours été repris.
34:43 Alors, nous n'allons peut-être pas jusqu'à dire
34:45 que le schizophrène connaît mieux la vie que l'homme normal,
34:49 parce qu'il a des expériences extraordinaires.
34:51 C'est ces années-là qui ont été très loin.
34:54 Mais aujourd'hui, ce qu'on peut dire,
34:56 c'est que ce que disait Marie à l'instant,
34:59 me faisait penser à une chose très importante,
35:01 qui est quand même la différence entre une nomenclature
35:04 dans laquelle on est obligé d'être,
35:06 l'identité aujourd'hui, il faut vraiment
35:08 se lâcher toutes nos cases, y compris d'un plan sexuel.
35:12 On est un individu mosaïque.
35:15 Or, ce n'est pas comme ça que ça marche en être humain.
35:17 Mais en revanche, la typologie archétypale est intéressante.
35:23 Je m'explique.
35:26 Hypersensible.
35:28 Beaucoup de gens sont hypersensibles.
35:31 Ou anxieux.
35:34 Je suis quelqu'un d'assez anxieux.
35:36 C'est pas bien pour ça qu'on fait des études
35:37 et qu'on lit des livres, à mon avis.
35:39 C'est aussi pour calmer quelque chose
35:41 qui relève d'une forme d'angoisse devant la vie,
35:43 surtout quand on a 12 ans, 13 ans, 14 ans.
35:45 C'est comme ça qu'on devient lecteur.
35:47 Je fais une digression par rapport à la morale de la lecture.
35:51 Je travaille souvent avec des éditeurs
35:54 où les parents veulent toujours faire lire leurs enfants.
35:56 Bon, d'accord, mais un enfant qui lit beaucoup,
35:58 ce que j'ai été, n'est pas forcément un enfant
36:00 qui va très très très bien.
36:02 Enfin, il peut aller bien, mais il est aussi
36:04 un peu anxieux, la dose normale.
36:06 Quand on est sensible, on arrive dans la vie,
36:08 on comprend qu'un jour on va mourir,
36:10 que les gens qu'on aime...
36:12 Donc ça, c'est ce que disait Descartes,
36:15 c'est la passion normale de l'humanité.
36:19 Dans "passion", il y a "pathos",
36:22 il y a "maladie" au sens de "souffrance".
36:24 C'est la souffrance normale.
36:26 Et cette souffrance normale,
36:28 elle nous relie à d'autres gens,
36:30 parce qu'elle est universelle.
36:32 Donc on n'est plus dans la nomenclature,
36:34 mais on est dans la possibilité de se repérer
36:36 par des êtres, des archétypes antiques,
36:39 je ne sais pas, Athéna, qui on veut,
36:42 des écrivains.
36:44 Aujourd'hui, Marcel Proust est beaucoup lu,
36:46 parce qu'il a été toute sa vie,
36:49 d'une certaine façon, c'est un hyper hyper hyper sensible,
36:52 il avait du mal à sortir de sa chambre.
36:55 Eh bien, il a vécu la vie humaine
36:57 de manière absolument fondamentale.
36:59 Et on pourrait dire qu'au regard des catégories
37:02 du DSM, il avait pas mal de sac à dos,
37:06 quand même, il avait pas mal de choses.
37:08 Mais il a fait une œuvre de génie,
37:10 qui aussi a sa gaieté, qui aussi a sa vitalité.
37:13 Donc ce que je voulais dire là, c'est que,
37:15 par rapport à santé,
37:17 l'ancien mot, en ancien français,
37:20 on parlait de convalescence.
37:22 Aujourd'hui, la convalescence, c'est juste la phase
37:24 quand on se relève d'une maladie.
37:26 Mais en fait, c'est le vrai mot pour dire santé.
37:29 Et son étymologie est passionnante,
37:31 parce que c'est valérer, c'est-à-dire en latin,
37:34 être bien, être valeureux,
37:36 et avoir de la valeur.
37:38 Valérer, c'est énorme.
37:41 Cum, c'est-à-dire pas tout seul.
37:44 C'est un tout autre.
37:46 Et pas tout seul devant le monde,
37:48 parce que quand on est tout seul devant le monde,
37:50 comment ne pas être effrayé,
37:52 comment ne pas être angoissé,
37:53 comment ne pas devenir fou.
37:54 On est avec d'autres.
37:56 Ils ont vécu la chose,
37:58 ils ont pensé la chose,
38:00 les grands philosophes, les écrivains, les artistes,
38:02 ou ils le font avec nous aujourd'hui.
38:04 Donc, le Covid a aussi poussé les gens à s'exprimer.
38:08 Il y a eu beaucoup de prises de parole et d'écrits très intéressants.
38:11 Et chacun de nous a eu envie d'écrire.
38:14 Chacun de nous a eu envie de faire cette alchimie
38:17 de transformation d'une souffrance naturelle normale,
38:20 une passion humaine,
38:21 en quelque chose qui ressemble à,
38:24 sinon une œuvre,
38:26 en tout cas une forme de sublimation, une forme.
38:29 Donc, avec les autres.
38:32 "Koum", ça veut dire "avec les autres".
38:34 Et ça veut dire que, c'est marrant,
38:36 parce que l'image, c'est tous les organes en collaboration.
38:39 Le collaboratif est inventé dans le corps humain.
38:42 Avant qu'il soit du co-working ou du collaboratif,
38:45 c'est tous nos organes se mettent à l'unisson,
38:47 et à l'unisson du cosmos.
38:50 Et à ce moment-là, ça va bien.
38:52 On a un moment où on est super aligné avec les planètes.
38:55 Et donc, la méditation peut le faire,
38:58 une balade dans la nature peut le faire,
39:00 et on peut faire autre chose, un repas, un amour,
39:02 tout ce qu'on veut.
39:03 Et une conversation aussi.
39:05 Voilà.
39:06 Oui, et je rebondis sur ça.
39:08 C'est passionnant, ce que raconte Mariette.
39:11 C'est qu'autant on a beaucoup décortiqué
39:15 le concept de maladie mentale,
39:17 en mettant beaucoup de réserve, effectivement,
39:19 sur son diagnostic,
39:20 mais sur le soin aussi.
39:23 C'est-à-dire que le problème,
39:26 c'est qu'on a une tendance aujourd'hui,
39:28 et là, ça me fait penser, Mariette,
39:30 ce que Mariette vient de dire à l'instant,
39:32 c'est qu'il faudrait méditer tous les jours pour aller bien.
39:36 Il faudrait en passer par là.
39:38 Je caricature un tout petit peu,
39:40 mais il y a une injonction à en passer par là.
39:43 Et si on ne le fait pas avec la crainte,
39:45 et aujourd'hui, il y a des articles assez intéressants,
39:47 et là, pour le coup,
39:48 il y a des études américaines assez intéressantes
39:50 sur... il y a des gens qui développent de l'anxiété
39:52 de ne pas avoir fait leur méditation quotidienne.
39:55 S'il te plaît.
39:57 On commence à être dans quelque chose d'assez complexe quand même.
40:01 Donc, avec des systèmes complètement viciés de rappels,
40:06 de notifications, de "tu n'as pas fait ta méditation".
40:12 Donc, attention aussi à, effectivement,
40:15 la manière dont on prend en charge,
40:17 alors ce qui n'est pas...
40:19 ce qu'on ne va peut-être pas appeler la santé mentale,
40:21 mais dont on prend en charge nos états,
40:24 il n'y a pas une seule et unique, en fait, possibilité
40:28 pour justement mettre de la distance ou l'apaiser.
40:31 La méditation en est une,
40:32 mais, effectivement, il y en a plein d'autres.
40:35 Et finalement, si l'idée, c'est d'être en résonance avec soi,
40:39 à se sentir apaisé,
40:41 à se sentir en lien avec les éléments,
40:43 en lien avec les gens qui nous entourent,
40:45 ben, effectivement,
40:46 aller dîner avec des gens qu'on aime,
40:48 c'est quand même aussi une possibilité formidable.
40:53 C'est quand même hyper cool, c'est clair.
40:55 Et ça nous a quand même manqué.
40:57 - Je vois passer l'expression "il faut lâcher prise".
41:01 - Exactement, le fameux.
41:03 - C'est aussi quelque chose, un des éléments,
41:06 une désinjonction actuelle.
41:07 C'est très marrant parce que,
41:09 quand on regarde les...
41:10 très souvent, c'est en gros "concentrez-vous pour vous déconcentrer".
41:14 C'est une injonction tellement paradoxale.
41:16 Il ne faut pas lâcher prise sur le lâcher prise.
41:18 Je fais juste une petite digression
41:21 parce que le lâcher prise, c'est une...
41:23 Je m'étais interrogée parce que,
41:25 dans les conseils sexologiques,
41:27 c'est souvent dit aux femmes.
41:29 C'est-à-dire, il faut lâcher prise.
41:31 Vous avez tout maîtrisé dans la journée,
41:33 mais, quand on se voit dans votre lit,
41:35 vous, il faut lâcher prise.
41:36 "Ce n'est pas possible", disent-elles.
41:38 Et donc, juste un truc,
41:40 c'est que le lâcher prise,
41:41 c'est une image de la chasse à courre.
41:44 On lâche les oiseaux de proie.
41:47 Ça n'a rien de terriblement intime
41:49 ni terriblement amoureux.
41:52 Alors que le terme très ancien,
41:58 et ça a un rapport avec notre sujet,
42:00 c'est "s'abandonner".
42:03 S'abandonner dans les bras de quelqu'un.
42:06 Avoir assez de confiance pour s'abandonner.
42:09 C'est pareil.
42:10 L'émotion aussi, on peut s'abandonner.
42:12 Je vais disjoncter pendant quelques heures,
42:14 mais je m'abandonne à l'émotion.
42:16 Peut-être que je vais vivre
42:17 une surprise de moi-même formidable.
42:19 Et ça n'est pas complètement anachronique.
42:22 Parce que l'abandon, le banc d'abandon,
42:25 c'est la loi.
42:26 Là aussi en français, du Nord.
42:30 Et c'est ce qu'on a quand on se marie.
42:32 On peut payer les bancs.
42:34 Ça, on est à quelque chose
42:37 avec des filets, je dirais.
42:40 Encore une fois,
42:42 c'est pas faire l'apologie de la folie.
42:44 C'est fini, c'est derrière nous.
42:46 Heureusement, ça a donné des œuvres intéressantes.
42:48 Mais aujourd'hui, on peut faire
42:50 quelque chose d'intéressant
42:52 qui est ouvrir aux émotions,
42:54 aux pathos normaux de la vie.
42:57 Mais avec quand même quelques guidelines.
43:01 On sait à peu près, un peu.
43:03 Et on peut s'interroger.
43:04 Peut-être que je suis un peu trop déprimée.
43:08 Je peux aller voir.
43:10 Et là, la chimie est intéressante.
43:12 On ne va pas non plus faire tout...
43:15 penser que notre esprit va nous soigner
43:17 si on se concentre.
43:19 Non, parfois, on a besoin de béquilles.
43:21 On a besoin d'aide.
43:22 On a besoin d'autres.
43:23 On a besoin de recettes diverses et variées.
43:27 À condition de ne pas mettre notre santé physique
43:29 trop en danger.
43:31 Mais à mon avis,
43:33 là, je porte un jugement moral,
43:34 mais je pense que,
43:36 comme dirait l'autre, c'est un métier.
43:38 Le dur métier de vivre,
43:39 c'est quand même un métier.
43:41 Ça dure longtemps maintenant.
43:43 Donc, nous avons droit à quelques petites béquilles
43:48 sur le chemin de la santé mentale.
43:50 Et cette idée d'abandon,
43:53 qui est magnifique,
43:54 parce qu'effectivement, pareil,
43:55 la chéprise et l'expression
43:57 étant tellement connotées et tellement employées.
43:59 Alors moi, j'y préfère le laisser venir,
44:02 comme dit Paul Ricoeur,
44:03 qui se trouve en plus avec la même idée d'abandon.
44:06 Mais du coup, cette idée en plus,
44:09 incite à réfléchir plus à
44:12 quel est le cadre qui nous sécurise.
44:14 Et le cadre qui nous sécurise,
44:16 c'est aussi justement le cadre de nos besoins.
44:18 Et plus intéressant que forcer ce lâcher-prise,
44:21 qui en plus,
44:22 non seulement l'expression n'est pas évidente,
44:24 mais en plus, à quoi ça correspond,
44:26 qu'est-ce qu'on fait.
44:27 Et puis généralement,
44:28 les personnes à qui on le dit,
44:29 ne peuvent pas du tout l'être,
44:30 parce que précisément,
44:32 c'est bien ça qui fait tension.
44:33 C'est plutôt décentrer et sécuriser le cadre.
44:35 Et là, ça me fait penser à quelque chose
44:37 qu'on travaille beaucoup dans l'éducation,
44:38 et notamment d'ailleurs dans l'éducation Montessori,
44:41 où on dit beaucoup,
44:42 c'est la liberté dans un cadre.
44:44 C'est-à-dire avoir construit un environnement
44:46 pour l'enfant suffisamment sécurisé,
44:48 suffisamment préparé,
44:50 avec les choses,
44:51 alors là, on est dans du matériel,
44:53 mais avec des étagères à sa hauteur,
44:55 avec des rituels,
44:56 avec des règles,
44:59 quelque chose qui lui permet justement,
45:01 dans ce cadre sécurisé et identifié,
45:04 de pouvoir être libre,
45:06 de s'abandonner à la rêverie,
45:08 à la réflexion, à l'apprentissage, au savoir,
45:10 à un petit coup de fatigue s'il y a coup de fatigue,
45:13 à un éclat de rire s'il y a éclat de rire,
45:16 mais parce que cet environnement le permet.
45:19 Si on ne pense pas à l'environnement,
45:21 si on ne pense pas à des besoins,
45:22 si on ne pense pas à le reste,
45:23 comment forcer le lâcher-prise ?
45:27 C'est tout à fait contre-intuitif en plus.
45:29 Donc, on est encore plus,
45:32 et on génère encore plus de culpabilité,
45:34 de manière d'exprimer, etc.
45:36 Oui, en fait, effectivement,
45:38 on interagit dans un écosystème,
45:41 on interagit effectivement avec nous-mêmes,
45:44 qui est déjà un écosystème,
45:46 et ensuite effectivement avec l'extérieur,
45:49 d'où, moi j'aime bien l'approche holistique,
45:52 même si c'est devenu aussi un mot galvaudé,
45:54 un holistique, j'en ai bien confiance,
45:56 mais voilà, c'est de replacer effectivement le sujet,
46:00 peu importe lequel,
46:01 dans son environnement.
46:04 Et il y a souvent aussi quelque chose,
46:07 là j'ai lu récemment,
46:10 enfin plusieurs ouvrages, etc,
46:12 sur quand on s'intéresse à sa santé mentale,
46:15 à son bien-être mental,
46:16 parce qu'on peut aussi le définir plus
46:18 d'un point de vue du bien-être,
46:20 ça peut être parfois taxé d'individualisme.
46:25 Et alors que, moi j'ai le sentiment que,
46:29 vu qu'on parle d'écosystème,
46:31 et qu'on interagit dans un monde
46:33 avec différents types d'individualité,
46:35 à partir du moment où tu es bien avec toi-même,
46:37 c'est ce qui te permet en fait d'être bien
46:39 avec la communauté.
46:40 Et c'est d'ailleurs la définition en fait de l'OMS
46:43 sur la santé mentale,
46:44 qui elle, la définit comme étant un état de bien-être
46:47 qui nous permet de travailler,
46:49 de se réaliser,
46:50 et également d'interagir avec la communauté
46:54 pour le collectif.
46:55 Et c'est vrai que ça fait partie des objectifs
46:57 développement durable,
46:59 la santé mentale des 17 ODD que l'ONU a fixé,
47:03 et c'est vrai qu'on a souvent tendance
47:05 à le voir d'un point de vue un peu individualiste,
47:07 alors qu'à mon sens, c'est pas que ça.
47:09 Je sais pas ce que vous en pensez
47:10 d'un point de vue sémiologique et philosophique,
47:13 mais pour moi, la santé mentale
47:14 et le bien-être mental peut être collectif,
47:16 et nécessaire pour le collectif.
47:18 Moi je dirais un truc,
47:21 c'est qu'il faut,
47:22 je m'inscris vraiment en faux
47:24 contre une vision mécaniste.
47:26 C'est-à-dire on commence par s'aimer soi,
47:29 puis un jour on aimera les autres.
47:31 Alors c'est pas comme ça que ça se fait.
47:34 Les expériences qui ont été faites
47:36 sur les nourrissons par exemple,
47:38 pourquoi un nourrisson, c'est intéressant,
47:40 il accepte de téter le sein de sa mère
47:42 ou le biberon,
47:43 c'est un effort qu'on lui demande.
47:45 Il arrive au monde,
47:47 et bien on lui demande déjà
47:49 pour commencer un travail.
47:50 C'est bien montré par le sociologue Richard Sedet,
47:53 il prend ça comme exemple
47:55 justement de besoins humains,
47:57 de collaboration.
47:58 Pour lui c'est la métaphore même
48:00 de ce que nous faisons.
48:02 Et donc tout de suite pour l'être humain
48:04 il y a de l'autre,
48:05 tout de suite, tout de suite.
48:07 Et donc si sa mère ou son père,
48:10 ceux qui sont là pour l'accueillir,
48:13 ne lui prodiguent pas de l'amour,
48:16 de facto, depuis le début,
48:18 comment pourra-t-il s'aimer ?
48:20 Les enfants qui ne vont pas bien,
48:22 c'est ça qu'ils disent.
48:24 Donc il faut dire aux gens,
48:25 vous allez commencer par vous trouver,
48:27 vous pensez que vous êtes
48:29 quelqu'un de sans intérêt,
48:30 sans valeur, machin, machin,
48:31 mais si, regardez-vous,
48:32 vous avez un gros potentiel.
48:34 Ce genre de discours,
48:36 à mon avis très artificiel,
48:38 emprunté au management,
48:40 au code de l'entreprise,
48:42 fait de vous quelqu'un
48:43 qui parle en termes de CV.
48:45 Vous n'avez plus quelqu'un de...
48:47 Vous n'avez plus en face de vous
48:48 quelqu'un qui dit,
48:49 c'est quand même pas toujours facile la vie,
48:52 mais il y a des surprises magnifiques.
48:54 Vous avez quelqu'un
48:55 qui vous fait la vente.
48:56 Et moi, j'ai remarqué de manière empirique
48:58 que les très jeunes,
48:59 parce que quand ils font
49:00 des écoles de commerce ou autre,
49:01 on leur en bourre le mou avec ça,
49:03 ils sont des narcisses
49:04 aux pieds d'argile.
49:05 À la moindre épreuve,
49:08 c'est terrible,
49:09 ils sont en pleurs.
49:11 Donc non, l'être humain
49:12 ne peut pas se fortifier
49:15 si d'abord il n'a pas eu
49:16 son quantum d'amour.
49:17 Il faut qu'il y ait ça quand même,
49:18 il n'y a pas à tortiller.
49:20 Et ensuite, éventuellement,
49:21 on s'aime soi-même.
49:23 Ça ne commence pas par soi,
49:25 très franchement.
49:26 Je ne pense pas que ça commence par soi.
49:29 Et c'est cité Paul Ricoeur,
49:30 il y a quand même des pages extraordinaires
49:32 sur cette question-là,
49:33 chez Ricoeur.
49:34 Et donc, c'est à reprendre ce type de pensée.
49:37 Oui, et en plus, pareil,
49:42 il y a toujours l'idée d'une méthode.
49:45 C'est-à-dire, encore une fois,
49:47 exactement comme pour le lâcher prise,
49:49 il y aurait l'idée de si j'arrive
49:51 à me faire X compliments,
49:52 ou si j'arrive à me regarder dans la glace
49:56 et me faire des compliments,
49:57 alors ça va se mettre en place.
49:59 Et encore une fois,
50:00 c'est non seulement nier la complexité
50:03 aussi de nos rapports,
50:04 de ce qu'on porte,
50:06 et en plus, c'est à nouveau,
50:10 parce que c'est toujours le chemin inverse,
50:12 toutes ces méthodes qui veulent nous libérer
50:15 ou en tout cas nous permettre d'aller mieux,
50:17 finalement se retrouvent très culpabilisantes.
50:20 Je parlais de la méditation,
50:21 nous parlons du lâcher prise,
50:23 nous parlons de s'aimer soi-même.
50:25 Alors en plus, qu'est-ce que ça veut dire soi-même ?
50:27 À quel moment ?
50:28 À quoi ça correspond ?
50:29 Qu'est-ce que c'est qu'être soi-même ?
50:31 Est-ce qu'il y aurait une couche,
50:33 un moment où, ah, bah oui, là, c'est vraiment moi.
50:35 C'est pas de moi,
50:36 bon, ça, je ne sais pas trop, trop, quand même.
50:39 Donc, évidemment,
50:40 et c'est encore plus culpabilisant
50:42 parce qu'au bout d'un moment,
50:43 de tout de même, on n'y arrive pas,
50:44 et donc, on se sent encore moins bien.
50:46 Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas,
50:48 effectivement, s'exercer à ce que nous disions,
50:51 et considérer nos besoins,
50:53 faire en sorte d'aménager des espaces
50:57 dans lesquels on se sent bien.
50:58 Ça ne veut pas du tout dire
50:59 que tout est à déconstruire
51:00 et que c'est foutu
51:01 parce qu'on n'a pas été aimé,
51:02 qu'on a eu des parents qui n'étaient pas terribles.
51:04 Bien sûr que non.
51:05 Mais, évidemment,
51:06 que toutes ces méthodes un peu figées
51:09 sont encore plus complexes à vivre.
51:12 Oui, alors quelqu'un nous dit,
51:14 voilà, c'est pour ça que je dis
51:16 "ça ne veut pas dire",
51:17 parce que quelqu'un nous dit, finalement,
51:19 "il n'y a rien à faire pour aller mieux".
51:21 Alors non, justement,
51:24 je ne voulais pas en arriver là.
51:27 Non, mais justement,
51:28 c'est là où la parole de l'autre,
51:30 parce qu'en général,
51:31 quand on voit quand même
51:32 qu'il y a une parole de l'autre
51:33 qui a été blessante,
51:34 qui a été dure,
51:35 qui a pris du temps,
51:36 donc c'est là où il faut prendre la distance
51:38 dont on parlait au début
51:39 et décrypter.
51:40 Donc, s'interroger,
51:43 j'ai cru à ce qu'on m'a dit.
51:46 C'est une déconstruction
51:47 de ce qui a été posé sur nous
51:50 qui fait ce "moi" parfois insupportable,
51:53 un gros fardeau
51:55 qu'il faut faire,
51:56 même si on ne se lance pas
51:57 dans une psychanalyse de 20 ans.
51:59 Un petit travail de décryptage
52:01 de parmi d'autres
52:02 est toujours très intéressant.
52:04 Après, peut-être une remarque sur l'estime,
52:07 parce que parmi les mots
52:09 qui circulent,
52:10 il y a cette histoire d'estime de soi.
52:12 Et là, j'avoue que je sauverais la formule,
52:15 peut-être justement
52:16 parce que c'est moins complexe
52:18 et plus concret que l'amour.
52:20 L'amour, c'est un mystère.
52:21 Et l'estime,
52:22 estimer un métrage,
52:25 c'est compter,
52:26 c'est le terme de méthode
52:27 qu'a employé Marie
52:28 qui m'y a fait penser.
52:29 On peut faire ses petits pas
52:31 vers plus d'estime.
52:33 On s'estime, on se mesure.
52:35 Aujourd'hui, par exemple,
52:37 je n'ai pas réussi à faire 100 mètres à la piscine,
52:45 je m'arrête à 90.
52:46 Je ne sais pas, n'importe quoi.
52:47 Et ça, évidemment, par métaphore
52:49 sur tout ce qu'on n'arrive pas à faire encore
52:50 dans notre vie
52:51 et qui rend l'avenir intéressant.
52:53 S'estimer au double sens
52:57 de se prendre la mesure de soi
52:59 avec pas mal de lucidité,
53:00 mais s'ouvrir des espaces de progrès,
53:02 ça, je trouve ça intéressant.
53:04 Et dernier petit détail sur ce mot,
53:06 en catalan, au lieu de dire "je t'aime",
53:10 on dit, en espagnol c'est "te quiero",
53:13 je te veux.
53:14 Et en catalan, c'est "estime",
53:17 je t'estime.
53:19 Et je trouve ça très beau
53:20 parce que ça instaure aussi la relation
53:22 sur d'autres choses que la passion, justement,
53:25 dont on parlait plus haut.
53:26 C'est d'autres critères qu'on voit arriver
53:28 et qui sont peut-être plus aidants aussi,
53:30 parfois, dans un rapport amoureux.
53:33 Et ça introduit aussi, à travers "je t'estime",
53:36 l'idée d'une reconnaissance.
53:38 Oui, absolument.
53:39 Qui a aussi un concept passionnant
53:42 que traite d'ailleurs très bien Axel Honnête
53:44 sur une des choses les plus nécessaires pour nous,
53:46 c'est la reconnaissance.
53:47 La reconnaissance juridique,
53:48 la reconnaissance affective, la reconnaissance.
53:51 Et ça, c'est effectivement un des premiers
53:53 à mettre en place.
53:56 Mais je crois, pour peut-être,
53:58 en fait, c'est affronter la complexité.
54:01 C'est pas qu'il n'y a rien à faire.
54:03 C'est pas qu'on doit juste rester là
54:05 à subir quelque soit.
54:07 C'est juste avoir...
54:09 Et peut-être que pour boucler la boucle,
54:12 au fond, c'est notre santé tout court,
54:15 sans la diagnostiquer, sans la pathologiser.
54:18 C'est toujours préserver,
54:20 affronter la complexité de notre corps,
54:22 de nos organes,
54:23 de tous les flux qui nous traversent.
54:24 Et pareil pour notre esprit.
54:26 C'est avoir toujours suffisamment d'analyse
54:29 et de recul pour se dire,
54:31 "Attention, qu'est-ce qui se passe ?
54:32 Et qu'est-ce que j'en fais ?"
54:34 C'est vraiment ça.
54:35 Ne jamais céder, finalement, à cette simplification,
54:38 qu'elle soit pour se dire,
54:39 "Non, non, je vais très bien",
54:40 alors que pas du tout.
54:41 Ou qu'elle soit, "Je vais très mal, je suis malade",
54:43 alors que pas plus.
54:45 Donc, c'est toujours avoir cette mise
54:47 et utiliser nos capacités de raisonnement
54:49 et nos capacités de déconstruction.
54:51 Et ça, c'est peut-être quelque chose, effectivement,
54:53 qui s'apprend au quotidien, en fait,
54:56 à déconstruire.
54:57 Là, pour le coup, il y a quelque chose.
54:59 Alors, sans que ce soit une méthode toute faite,
55:01 mais tous les jours, à chaque moment de notre vie,
55:03 on se dit, "Attends, pourquoi ?
55:05 Pourquoi on m'a dit ça ?
55:06 Qu'est-ce que je fais ?
55:07 À quel moment ?"
55:08 Donc, toujours ce travail de questionnement.
55:11 - Exactement.
55:12 Et c'est quelque chose, effectivement,
55:15 qui s'apprend aussi beaucoup à l'école,
55:17 effectivement, avec notamment la philo.
55:19 - C'est le département.
55:20 - Bien sûr.
55:21 - Bien sûr, évidemment.
55:23 - Avec la philo, avec la littérature,
55:26 avec l'art, avec la musique, etc.
55:30 Et c'est vrai qu'on revient finalement à ce pas de côté
55:33 dont on parlait aussi en introduction,
55:36 que vous nous invitez à faire
55:38 avec la sémiologie et la philosophie.
55:42 C'est effectivement prendre le temps,
55:44 déguiser son esprit,
55:46 déguiser son esprit critique,
55:50 mais critique, pas au sens négatif du terme,
55:54 effectivement, pour s'interroger.
55:56 Et moi, c'est aussi la démarche avec Musée,
55:59 effectivement, je trouve que les débats
56:02 sont de plus en plus polarisés,
56:04 et notamment ici, j'en parle ici sur Instagram,
56:06 c'est un peu une blague,
56:07 parce que les réseaux sociaux polarisent aussi
56:09 beaucoup le débat.
56:11 Et l'idée, effectivement, c'est d'avoir
56:13 des points de vue très multidisciplinaires,
56:16 mais toujours avec une tonalité positive.
56:18 Ça, c'est peut-être mon influence anglo-saxonne,
56:20 Mariette, je crois.
56:22 - Les influences anglo-saxonne positives.
56:24 - Mais oui, ce côté un peu pop,
56:27 on parlait la semaine dernière dans un live
56:30 sur la sexualité et la santé mentale,
56:32 un vaste sujet d'ailleurs.
56:33 D'ailleurs, on ne l'a pas du tout abordé
56:35 de manière exhaustive, ce n'était pas l'objet,
56:37 mais on parlait aussi de tout l'apport
56:39 de la pop culture, des séries,
56:41 des musiques, des artistes, etc.,
56:45 qui dédramatisent et démocratisent aussi
56:47 ces notions avec d'autres éclairages.
56:51 Je voulais effectivement apporter
56:54 ce point de vue un peu positif
56:57 et prendre le temps de faire ce pas de côté avec vous.
57:00 On arrive quasiment au bout de ce live.
57:03 En tout cas, merci beaucoup, Mariette.
57:05 - Merci, Mariette, c'était passionnant.
57:08 Merci, Christelle, de nous avoir réunis.
57:10 - Merci, Marie, merci d'avoir apporté
57:13 cet éclairage philosophique.
57:14 Je suis hyper contente d'avoir pu discuter avec vous.
57:17 J'espère que ça vous aura été utile,
57:19 parce que c'est aussi l'objectif
57:22 des contenus Musae.
57:24 Pour rebondir aux deux ou trois points
57:27 dans le live, le live sera en IGTV
57:31 sur Musae Tomorrow dès la fin de ce live.
57:37 On va le reposter dans tous les cas,
57:39 en story, chacune sur nos comptes.
57:42 J'ai également une newsletter
57:44 où j'aime bien retranscrire quelques points clés
57:47 qu'on aborde.
57:49 J'ai noté plusieurs choses.
57:50 Le "laisser venir", je trouve ça hyper intéressant.
57:54 La liberté dans un cadre.
57:57 Autant de termes que je vais aborder
58:00 dans la newsletter.
58:02 Je vous donne rendez-vous dans deux semaines
58:04 pour un nouveau live.
58:05 Je n'ai pas encore le sujet, pour être honnête,
58:07 mais je vous tiendrai au courant.
58:10 Il y a plusieurs profils et plusieurs sujets
58:13 dans les bacs.
58:15 Merci.
58:16 Merci beaucoup.
58:17 Très bonne journée.
58:18 Merci à toi.
58:19 Merci.
58:20 A vous aussi.
58:21 Merci Christophe, merci Marie-Ève.
58:22 Au revoir.
58:23 A bientôt.