PARTIE 2 - Pour notre série « Tu n’es pas seul·e » du mois de la santé mentale, @abigaeldebit, médecin urgentiste, témoigne de la place de la santé mentale à travers son métier.
Elle exerce dans ce domaine depuis près de 15 ans à Paris. Elle a pratiqué à Bichat, en tant que chef de clinique - assistante des universités et praticienne hospitalière et travaille actuellement à l’hôpital Saint Camille.Elle tient depuis quelques mois une chronique sur Instagram intitulée [Mal traiter] où elle relate son quotidien de soignante, témoigne des dysfonctionnements du système de santé, raconte ses souvenirs d’études de médecine, d’internat et de gardes aux urgences. En parallèle, elle mène une carrière de musicienne : chanteuse, autrice-compositrice, elle a collaboré à de nombreux projets, accompagné des artistes sur scène et en studio et sorti un album en 2012 (Sheli et Abi).Elle a également intégré récemment le groupe Les Soignantes, avec un album, un film et une tournée en préparation. Elle est aussi et surtout maman d’un fils de 11 ans à qui elle fait l’école à la maison.
Direction : @musaetomorrow
Journaliste : @christelle_tissot
Production et montage vidéo : @musaetomorrow @pauline.lcmt
DA by : @musaetomorrow @_siobhankeane_
Motion design : @adrienlopes
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#santementale #santémentale #medecin #urgentiste #semainedelasantémentale
Elle exerce dans ce domaine depuis près de 15 ans à Paris. Elle a pratiqué à Bichat, en tant que chef de clinique - assistante des universités et praticienne hospitalière et travaille actuellement à l’hôpital Saint Camille.Elle tient depuis quelques mois une chronique sur Instagram intitulée [Mal traiter] où elle relate son quotidien de soignante, témoigne des dysfonctionnements du système de santé, raconte ses souvenirs d’études de médecine, d’internat et de gardes aux urgences. En parallèle, elle mène une carrière de musicienne : chanteuse, autrice-compositrice, elle a collaboré à de nombreux projets, accompagné des artistes sur scène et en studio et sorti un album en 2012 (Sheli et Abi).Elle a également intégré récemment le groupe Les Soignantes, avec un album, un film et une tournée en préparation. Elle est aussi et surtout maman d’un fils de 11 ans à qui elle fait l’école à la maison.
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ÉducationTranscription
00:00 Ce que je vois, c'est qu'il y a un besoin d'en parler,
00:03 que les patients souffrent, que les soignants souffrent,
00:05 et que je pense que la solution, si elle existe,
00:09 elle sera dans un mouvement global,
00:10 mais c'est un mouvement global finalement de citoyens.
00:13 Les études de médecine, ça reste plein de codes,
00:22 où il faut être le plus fort possible,
00:24 il faut travailler le plus d'heures possible pour être le meilleur,
00:29 donc il ne faut pas prendre soin de soi,
00:31 c'est vachement bien vu de faire des heures à rallonge, etc.
00:35 Donc forcément, avec un rythme de vie pareil,
00:39 comment aller bien ? Ce n'est pas possible.
00:41 Et pareil, moi j'ai toujours été un petit peu à part
00:44 parce que j'ai toujours eu plein de patients à l'extérieur,
00:47 donc je me suis dit que la médecine c'est une de mes passions,
00:50 mais ce n'est pas la seule, et je n'ai pas envie que ce soit un sacerdoce.
00:52 Donc il y avait la musique qui prenait beaucoup de place dans ma vie,
00:54 mais plein d'autres choses.
00:56 La glande aussi, en fait.
00:57 Moi j'aime glander aussi, je n'aime rien faire.
00:59 Je n'ai pas envie de travailler 100 heures par semaine,
01:01 je n'ai pas envie d'être une esclave,
01:02 je ne vois pas en quoi ça ferait de moi un meilleur médecin.
01:04 Mais j'ai eu une activité professionnelle dans la musique
01:07 en même temps que je finissais mes études de médecine,
01:09 pendant l'internat, etc.
01:11 Et ça, c'est très très mal vu, en fait.
01:12 Ça veut dire qu'on est...
01:14 Si on fait plusieurs choses à la fois, c'est qu'on ne fait pas bien les choses.
01:17 Et donc ça, en médecine, c'est quelque chose qui ne m'a beaucoup pas pénalisée,
01:21 mais en tout cas, c'est une chose pour laquelle j'ai été mal considérée.
01:25 Et pareil, le fait de prendre soin de sa vie à l'extérieur,
01:28 ça c'est un truc aussi qui...
01:32 Voilà, en fait, c'est pas si on dit qu'on a envie de voir ses gosses grandir
01:35 et qu'on n'a pas envie de travailler tous les week-ends,
01:37 c'est pareil, ça veut dire que t'es faible, t'es pas assez...
01:41 C'est en train de changer, je suis en train de...
01:42 Je grossis un peu le trait.
01:44 Les internes d'aujourd'hui n'ont pas du tout envie de vivre comme nous on vivait
01:47 et comme même encore les générations d'avant vivaient,
01:49 mais il faut se rappeler que des choses comme le repos de garde,
01:53 c'est-à-dire le fait de ne pas aller travailler une fois qu'on a fait,
01:55 qu'on a bossé toute la nuit,
01:56 c'est des choses très récentes.
01:57 Même moi, qui suis pas très très vieille,
01:59 j'ai quand même des fois travaillé trente et quelques heures d'affilée sans dormir.
02:04 Et ça date pas de Matuzalem non plus, quoi.
02:06 Donc dans ces conditions, comment aller bien, encore une fois, c'est pas possible.
02:10 Et après, une fois qu'on est engagée dans son exercice,
02:14 non, on ne parle jamais de notre santé mentale.
02:16 Jamais.
02:17 En fait, on ne prend pas soin des soignants.
02:19 C'est pas du tout, du tout, du tout.
02:21 Jamais.
02:22 Voilà.
02:22 Il faut y aller comme...
02:24 D'ailleurs, c'est un peu ça,
02:26 cette espèce de paradoxe de dire "vous êtes des héros".
02:28 En fait, on n'a pas envie d'être des héros.
02:30 Si on travaille dans des conditions normales,
02:32 c'est-à-dire pendant le Covid, dire de nous qu'on était des héros, bien sûr.
02:35 Si on s'emballe dans des sacs poubelle pour travailler
02:37 parce qu'on n'a pas de blouse pour se protéger d'une maladie potentiellement mortelle,
02:41 oui, forcément, on est des héros.
02:43 Mais en fait, non, on n'a pas envie d'être des héros.
02:44 On a envie de faire notre travail correctement,
02:47 dans des conditions normales.
02:49 Et dans ce cas-là, ça deviendra une profession pas tout à fait comme les autres,
02:52 mais une profession qu'on peut exercer tranquillement.
02:56 Le fait de nous accoler cette étiquette,
02:58 voilà, c'est une charge, en fait.
03:00 C'est un peu une façon de se dédouaner en disant
03:03 "voilà, vous avez choisi de faire ce métier, vous allez en chier".
03:06 Et puis c'est tout.
03:08 On ne vous doit rien, en fait.
03:09 Vous allez vous débrouiller.
03:10 C'est exactement ce que disait Welbeck,
03:16 c'est-à-dire le monde d'après, c'est le monde d'avant un peu pire.
03:19 C'est exactement ça.
03:20 C'est-à-dire que nous, après le Covid,
03:22 80% du personnel paramédical dans notre service d'urgence,
03:25 par exemple, a démissionné.
03:27 La plupart des gens ne veulent plus rester.
03:29 Il n'y a quasiment que des intérimaires.
03:31 Il y a des gens qui se reconvertissent,
03:33 il y a des gens qui abandonnent complètement la profession,
03:36 ce qui est quelque chose de fou,
03:38 parce que ce n'est pas une profession qu'on choisit par hasard.
03:39 Donc en général, c'est quand même rare que les gens prennent un virage total
03:44 et abandonnent complètement la pratique médicale ou paramédicale.
03:49 Donc non, non, c'est pire.
03:50 C'est pire parce qu'en fait, les mécanismes de destruction qui sont à l'œuvre,
03:54 c'était déjà là avant le Covid, les problèmes étaient déjà là.
03:57 On les a mis en lumière et ensuite, on les a oubliés.
03:59 C'est vraiment complètement ça.
04:01 Et tous les problèmes d'accessibilité aux soins,
04:04 de vieillissement de la population,
04:06 du fait qu'il n'y a plus de médecins généralistes,
04:09 qu'on a fermé presque 100 000 lits en quelques décennies, etc.
04:14 qu'il n'y a pas assez de lits de réanimation,
04:16 tout ça, c'était déjà là en fait.
04:18 Et on criait déjà dans le vide.
04:20 Pendant le Covid, on s'est dit "ben voilà, c'est le moment".
04:23 Et en fait, pas du tout.
04:24 Les problèmes sont encore là et c'est pire en fait.
04:27 Donc je comprends totalement qu'une réaction naturelle,
04:31 ça va être de quitter le navire.
04:33 C'est quelque chose de totalement normal.
04:35 Je ne m'interdis pas de le faire dans quelques années si rien ne change.
04:40 Ben oui, c'est forcé en fait.
04:42 Je veux dire, je ne peux pas supporter d'être maltraitante en permanence.
04:46 Je ne peux pas supporter d'être dans un pays qui a une grande puissance mondiale
04:48 et de me dire qu'aux urgences, parfois, on n'a pas assez de brancards,
04:52 de chaises, de couvertures, de bouteilles d'eau,
04:55 d'antalgiques, d'antibiotiques, de base.
04:58 C'est quoi ? C'est de la médecine de brousse en fait.
05:01 C'est honteux.
05:02 Et de retrouver des patients morts sur les brancards
05:04 et de laisser des gens attendre des heures et des heures et des heures
05:07 et des gens de 90 ans assis pendant des nuits entières,
05:11 ce n'est pas possible en fait.
05:12 Parce que moi, je suis l'incarnation de ça, même si je n'en suis pas responsable.
05:16 Donc, il faut quand même une certaine force pour se tenir devant les gens.
05:19 Et puis, voilà, dire j'ai honte en fait.
05:23 J'ai honte et je ne peux rien faire.
05:24 C'est quand même pas très sympathique de travailler dans ces conditions pareilles.
05:31 Et en même temps, je me dis, moi, j'y crois.
05:33 Parce qu'en fait, ce qui est horrible, c'est de se dire, humainement, financièrement,
05:37 franchement, toutes les ressources sont là.
05:39 C'est juste une question de volonté politique.
05:42 Enfin, juste.
05:43 C'est une question de volonté politique.
05:45 Et Dieu sait que c'est ça, en fait, le cœur du problème.
05:47 Et de réorganisation, pas forcément d'argent en fait.
05:50 C'est juste une question d'organisation.
05:52 Avant, par exemple, j'ai travaillé à l'hôpital Bichat,
05:54 qui est quand même un hôpital dans un quartier très, très difficile.
05:57 Et quand j'ai commencé, quand il y avait un problème,
06:00 on appelait des agents de sécurité, qui étaient des agents de sécurité de l'hôpital.
06:03 Mais après, on est obligés d'avoir des vigiles 24/7,
06:06 parce que les agressions sont quotidiennes.
06:07 Et quand je parle d'agression, ce n'est pas que des agressions verbales.
06:09 On s'est tous fait frapper.
06:11 Moi, je me suis fait plaquer au sol, arracher des coups de cheveux.
06:15 Vraiment, on a des menaces de mort.
06:19 Il y a quand même des gens qui entrent dans certains services d'urgence avec des armes,
06:22 des armes à feu.
06:23 Il y a des médecins et des infirmiers, des aides-soignants,
06:28 qui sont parfois très blessés.
06:31 Oui, c'est très, très dur.
06:34 Et l'agressivité verbale, j'imagine que c'est un peu la même chose.
06:37 En fait, les urgences, c'est un peu l'épicentre de tout ce qui dysfonctionne dans la société.
06:41 Donc nous, on va incarner ça.
06:42 Mais j'imagine que c'est la même chose si on va à Pôle emploi, si on va à la CAF.
06:47 C'est la même chose.
06:48 Je vois que c'est des questions qui agitent la société,
06:55 parce qu'en fait, c'est tellement flagrant.
06:57 Il suffit de faire un séjour aux urgences,
07:00 de venir consulter, même pour le motif le plus banal,
07:02 pour constater que c'est l'horreur.
07:04 Donc personne ne peut ignorer ça.
07:06 Je veux dire, donc, ce que je vois, c'est qu'il y a un besoin d'en parler,
07:13 que les patients souffrent, que les soignants souffrent.
07:15 Et que, en fait, je pense que la solution, si elle existe,
07:19 elle sera dans un mouvement global.
07:21 Mais c'est un mouvement global, finalement, de citoyens.
07:24 Ce n'est pas forcément un syndicat de médecins ou une association de patients.
07:30 C'est tout le monde qui doit se lever pour dire que c'est honteux.
07:33 C'est honteux de traiter les vieux comme ça, les gens malades.
07:35 En fait, si on traite les gens les plus faibles comme ça,
07:38 c'est qu'on est une société malade.
07:40 Donc c'est quelque chose qui dépasse largement le cadre de la santé.
07:44 Puisque finalement, on voit que toutes les personnes les plus vulnérables
07:47 sont mal traitées, en fait.
07:50 Les malades psychiatriques,
07:51 on peut parler aussi de l'état de la psychiatrie en France,
07:54 ça aussi, c'est quand même un désastre.
07:56 Donc en fait, les EHPAD, voilà.
07:58 Donc on voit qu'on est une société qui est en train de laisser crever
08:01 les gens les plus vulnérables et qu'on n'en prend pas soin.
08:04 Donc forcément, moi, à ma toute petite échelle,
08:07 je dis juste que c'est complètement anormal.
08:11 C'est scandaleux.
08:12 C'est la honte.
08:13 Il n'y a pas d'autre mot, c'est la honte.
08:16 Je pense aussi que la prévalence des pathologies psychiatriques
08:19 est en train d'exploser en post-COVID.
08:22 Que le taux de dépression, de syndrome anxio-dépressif,
08:25 d'entrée aussi dans des pathologies, dans des psychoses aussi.
08:28 Tout ça est en train...
08:30 Les dépressions même de l'enfant, de l'adolescent,
08:32 les troubles du comportement alimentaire,
08:34 tout ça, c'est des choses qui sont en train d'exploser totalement.
08:37 Et la psychiatrie, oui, c'est un secteur
08:40 qui est complètement laissé à l'abandon.
08:43 Et puis aussi, c'est une zone où le droit commun n'a plus cours.
08:48 Et en fait, la façon dont on va pallier, on va dire,
08:52 les déficiences du système de soins pour les patients psychiatriques,
08:56 ça va être par la maltraitance.
08:57 Ça veut dire, si un patient attend trois jours une place
09:00 pour aller en psychiatrie et qu'il attend aux urgences,
09:03 qu'est-ce qu'on va faire en attendant ?
09:04 On va l'attacher.
09:05 On va l'attacher trois jours, voilà, dans une pièce sans fenêtre.
09:09 On va le sédater lourdement.
09:11 Mais c'est pas pour son bien.
09:12 C'est vraiment purement parce que le système dysfonctionne.
09:15 Donc du coup, c'est encore plus violent,
09:19 je trouve, pour les malades psychiatriques,
09:20 qui sont des gens vulnérables, qui perdent en fait leurs droits,
09:22 puisqu'on peut les hospitaliser contre leur gré,
09:24 on peut les enfermer pour des durées indéterminées contre leur gré.
09:27 Et ça, c'est la violence puissance 1000, je dirais, de la médecine.
09:33 C'est ça.
09:34 On perd ses droits.
09:35 Et comme en plus l'institution est maltraitante,
09:39 on est maltraité plusieurs fois.
09:41 Et puis pareil, je dirais que pour la population générale,
09:44 comme on va tous plus ou moins mal,
09:47 accéder rien qu'à un psychiatre, ça devient compliqué.
09:50 Il y a des CMP qui ont 12 à 18 mois d'attente pour une première consultation
09:53 et tout le monde ne peut pas se permettre
09:55 d'aller faire une psychanalyse dans le 16e en fait.
09:58 C'est l'art qui me donne encore un peu de foi en l'espèce humaine.
10:05 Parce que si vraiment j'étais co-contact,
10:09 disons, de la société et des êtres humains via le prisme des urgences,
10:14 je serais totalement déprimée.
10:16 Mais quand je vois qu'on est capable de créer des œuvres magnifiques,
10:18 eh bien j'ai encore un peu foi en l'espèce humaine.
10:21 Et moi, après mon exutoire, c'est clair que c'est la musique,
10:24 c'est l'écriture, etc.
10:26 Et puis juste, la créativité, ce n'est pas juste produire des œuvres,
10:31 c'est aussi avoir une vie créative.
10:32 Et donc moi, je me suis rendue compte qu'une des grandes activités de ma vie,
10:36 ce n'est pas d'essayer parce que ce serait une posture,
10:39 mais de me dire que tout est à inventer.
10:43 Il n'y a rien qui est...
10:44 Donc par exemple, le fait d'avoir un enfant,
10:47 de lui faire l'école à la maison, c'est un choix qui décale beaucoup
10:49 parce que c'est vraiment 0,001% des gens qui font ça.
10:53 Et de me dire, rien n'est figé en fait.
10:55 On a le droit de tracer un peu son propre chemin.
10:58 Et ça, c'est une expérience assez passionnante pour ne pas voir le temps passer.
11:03 Et puis ça donne une force, ça donne un équilibre,
11:07 le fait de se questionner tout le temps,
11:09 de se dire que oui, on peut se réinventer tout le temps,
11:14 on peut prendre des chemins de traverse,
11:15 tout ça, c'est ça qui m'aide à tenir au quotidien,
11:19 qu'on n'est pas obligé de faire métro-boulot-dodo.
11:23 Je pense que je suis aussi quelqu'un qui est un peu beaucoup dans mon monde,
11:26 un peu dans mes pensées, tout ça.
11:27 Donc j'ai une capacité aussi à me dissocier
11:30 et à prendre du recul par la rêverie.
11:34 Je ne sais pas comment expliquer ça autrement.
11:35 C'est ça en fait, c'est la rêverie.
11:37 C'est juste l'imagination, les pensées, la divagation.
11:41 Et ça, je pense qu'on vit dans un monde où tout ça n'est plus autorisé
11:48 et où même rêver devient un privilège.
11:51 Et je me dis que même ça, je le considère comme un luxe.
11:55 C'est-à-dire cette possibilité d'avoir du temps pour moi pour rien faire,
12:00 c'est un privilège.
12:01 Qui aujourd'hui est difficile d'accès pour plein de gens,
12:06 parce qu'il y a plein de gens qui vivent dans une précarité extrême
12:10 et donc qui sont en mode survie.
12:12 Et moi, j'essaye de ne pas être en mode survie dans ma vie.
12:14 C'est vraiment...
12:17 Ouais, c'est ça.
12:18 Ouais, juste en mode rêverie.
12:20 Voilà.
12:22 Qu'est-ce qu'on veut comme société ?
12:28 Est-ce qu'on veut une société où l'accès à des soins fondamentaux,
12:32 à l'éducation, à la justice ?
12:35 Est-ce qu'on veut que tout ça soit réservé aux plus aisés ?
12:40 C'est une vraie question, parce qu'on a l'impression que c'est vers ça qu'on se dirige.
12:43 Donc du coup, moi je ne vois pas d'autre option qu'un soulèvement général.
12:47 C'est très gauchiste ce que je vais dire, mais là, on en est à ce stade.
12:51 C'est ça, en fait.
12:53 Ce n'est plus des petites réformes ou des bouts de ficelle.
12:56 On le voit bien avec la réforme des retraites.
12:57 On voit que là, on est dans un changement de paradigme, en fait.
13:00 On est dans une société où les valeurs cardinales ne sont plus du tout...
13:05 Si tant est que ça n'a jamais été ça, mais peut-être un peu plus avant.
13:07 Mais la solidarité, une certaine forme d'égalité,
13:12 tout ça, ça n'a plus cours du tout.
13:14 Pour faire la révolution, il faut à la fois aller mal et aller bien, je pense.
13:18 La première chose à dire, c'est que c'est normal d'aller mal, en fait.
13:21 Aujourd'hui, c'est normal d'aller mal.
13:22 Je ne vois pas les choses autrement.
13:26 Et après, il faut juste transformer cette souffrance en une force de vie, en fait.
13:30 Et pas en quelque chose de nihiliste, destructeur, etc.
13:34 Moi, j'ai l'impression d'être tout le temps un peu en souffrance,
13:36 mais j'ai l'impression que c'est une sorte de moteur pour avancer.
13:40 Et ça ne m'empêche même pas de trouver la vie belle.
13:43 J'ai l'impression d'être toujours en révolte intérieure,
13:48 en lutte contre mes propres démons aussi, d'être pleine de paradoxes.
13:52 J'ai plein de choses, plein de mouvements un peu contradictoires qui m'habitent.
13:57 C'est un gros syndrome de l'imposteur.
13:59 Plein de choses, comme tout le monde, en fait.
14:01 Mais ce que j'essaye, c'est de me dire,
14:04 ma souffrance, il faut qu'elle se transforme en quelque chose de créatif.
14:09 Pour les autres, pour moi-même.
14:12 Donc la révolution, c'est ça.
14:14 C'est aller mal et après dire tous collectivement qu'on va faire quelque chose de ça.
14:19 Je crois.
14:20 - Génial.
14:21 - Je sais pas, c'était génial.
14:24 (rires)
14:26 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org