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Cours de philosophie diffusé le 05/12/ 2024 sur la plateforme du Projet Europe, Éducation, École :
https://projet-eee.eu/diffusion-en-direct-564/

Dossier pédagogique : https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2025/04/eee.24-25_Le_temps_artiste_G_Deleuze_Pigeard_de_Gurbert_G.pdf

Agora européenne des lycées : programme 2024-2025 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2024-2025-15812/
- https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/11/Agora_europeenne_des_lycees_Programme_2024-2025.pdf

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Catégorie

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Éducation
Transcription
00:00Bonjour à tous, soyez les bienvenus sur la plateforme du projet Europe éducation à l'école
00:18pour une matinée qui nous est proposée par M. Guillaume Pijard de Gurbert, professeur de
00:24philosophie en classe préparatoire au lycée Guélu-Sac à Limoges, autour de l'ouvrage de
00:30Gilles Deleuze intitulé « Différences et répétitions ». Beaucoup, beaucoup de ces
00:36analyses vont porter sur le temps, le temps supposé artiste, mais je ne voudrais surtout
00:43pas que les élèves qui nous écoutent à l'école française de Saint-Pétersbourg ou ailleurs,
00:48s'ils nous suivent sur notre chaîne Twitch, puissent poser des questions dans la partie finale
00:54de chacune de nos deux sections. Donc, dans un premier temps, vers 11h05 à peu près,
01:04vous pourrez poser vos questions puis ensuite, après une brève pause, nous écouterons la
01:10deuxième partie du cours et de nouveau, la leçon reprendra son caractère interactif.
01:15Merci cher Guillaume d'être avec nous. Soyez indulgents pour des problèmes techniques si
01:21nous en avons dans notre régie. Nous sommes très heureux de vous écouter. Au plaisir,
01:26prenez l'antenne. Merci. Merci beaucoup. Donc, merci Céslav Miskalewski pour cette
01:36invitation sur la plateforme. Merci Antoine Châtelet d'assurer le suivi, les questions et
01:41merci à Jean-Luc Gaffard d'en assurer la réalisation. Toute cette petite équipe fait
01:45un travail formidable depuis bien longtemps. Je voulais vous remercier et vous féliciter.
01:50Voilà. Donc, ce que je propose de faire aujourd'hui, c'est une présentation de
01:55« Différences et répétitions de Deleuze » parce que c'est les 25 ans de la… comment dire… c'est
02:02les 100 ans de la naissance de Deleuze puisqu'il est né en 1925. Donc, c'est le centenaire de sa
02:08naissance. Donc, je trouvais bien qu'on marque cet anniversaire. Et puis, il se trouve aussi que
02:13c'est effectivement un livre sur le temps qui est une des grandes notions de philosophie et qui est
02:18bien sûr au programme de terminale. Et il se trouve accessoirement que « Différences et
02:23répétitions » est cette année au programme de l'oral de l'agrégation. Donc, on va essayer de
02:27faire tenir tout ça en une intervention simple, élémentaire, mais pas simpliste. Je me mettrai à
02:34la fin. Donc, j'ai prévu un PowerPoint avec des documents, des phrases clés qui vont permettre
02:39de suivre mon propos. Et j'ai mis à la fin, j'en parlerai rapidement, une bibliographie,
02:46une petite bibliographie, mais bien ciblée pour rentrer dans « Différences et répétitions » ainsi
02:54qu'un recensement des continuités et des ruptures entre ce livre de Deleuze, qui est un de ses
03:00premiers livres, enfin d'avant la période avec Guattari notamment, et puis les ruptures parce
03:06qu'il y a quand même des choses. Et donc, là, je pense notamment aux agrégatifs. Il ne faudrait
03:10pas qu'ils viennent plaquer sur ce livre des choses en fait qui ne s'y trouvent pas ou même
03:12on trouve le contraire de ce qu'il aura l'occasion de dire après et parfois pas longtemps après.
03:17Voilà. Donc, j'ai fait un plan de mon intervention. Donc, on coupera en deux parties de notre
03:26diffusion. Donc, une introduction où je partirai de la conclusion de l'ouvrage puisque c'est Deleuze
03:33qui conseille de commencer par la conclusion. C'est ce qu'il dit dans l'introduction et la
03:38conclusion qui a l'avantage d'être assez claire et concrète et donc de comprendre quel est le
03:42problème de ce livre, quel est le problème concret qu'oppose ce livre. Donc, un drôle de
03:46problème actuel, on verra ça, on commencera par ça. Ensuite, je suivrai en fait le plan du livre,
03:51c'est-à-dire que le premier chapitre est sur la différence et donc on verra qu'il faut différencier
03:55différence et différence. Il y a deux sens de différence dont l'un est un faux sens pour
04:02Deleuze. Ça, ça fait l'objet des chapitres 1 et 5. Ensuite, le chapitre 2 porte sur la
04:12répétition, mais à nouveau, il ne faut pas confondre répétition et répétition, donc il
04:15faut différencier une répétition superficielle et la répétition originale que tente de penser
04:21Deleuze. Ensuite, le chapitre 3 qui porte sur l'image morale de la pensée et comment cette
04:30image de la pensée empêche de penser en fait. Donc, on verra qu'est-ce qui fait obstacle au
04:35vrai sens de différence et au vrai sens de répétition. Et enfin, je proposerai moi une
04:40conclusion en prenant un peu de recul par rapport à ce que dit Deleuze et notamment dans son rapport
04:48à Nietzsche et en particulier à Zarathoustra. Mais avant de commencer, je voudrais faire deux
04:53remarques préliminaires assez importantes qui couvrent l'ensemble du livre. La première remarque,
04:59c'est que ce projet de livre de différence et répétition, donc qui est la thèse de Deleuze
05:04et qui l'a soutenue, qui l'a publiée en 68, en fait se trouve sa première expression dans un
05:12type de projet en 1954, comme vous le voyez là. En fait, son prof de kagne Jean Hippolyte,
05:19traducteur de Hegel, venait de publier en 1952 Logique et Existence, un grand livre sur Hegel
05:24et un grand livre de philosophie dont je vous recommande chaudement la lecture. Et Deleuze
05:30fait un article dans la Revue philosophique de la France et de l'étranger en 1954 et à la fin de
05:35cet article, voilà ce qu'il dit. Après le livre si riche de monsieur Hippolyte, on pourrait se
05:40demander ceci, ne peut-on faire une ontologie de la différence qui n'aurait pas à aller jusqu'à la
05:46contradiction parce que la contradiction serait moins que la différence et non plus ? Et ça,
05:51c'est directement une critique de Hegel, on va le voir, et ça annonce en creux le projet de
05:58différence et répétition, c'est-à-dire une répétition qui ne soit pas prise dans la
06:06représentation et une différence qui ne soit pas réduite à la contradiction, on va voir pourquoi.
06:12Donc ça, c'est la première chose et la deuxième remarque, c'est que vous verrez, Deleuze se situe
06:21par rapport à Platon, à Hegel, à Nietzsche, mais il y a aussi le projet, donc il y a le projet
06:28d'écrire un nouveau Zarathoustra, on va le voir, mais il y a aussi le projet d'écrire une nouvelle
06:32critique, de critique au sens de Kant, de faire un autre Kant, et c'est d'où le titre moi de
06:39mon intervention aujourd'hui du temps artiste, puisqu'il reproche finalement à Kant d'avoir
06:44distingué deux sens de l'esthétique, l'esthétique au sens de la théorie de nos facultés sensibles,
06:53de perception de l'espace et du temps qui seraient réservées à l'expérience scientifique, à
06:57l'expérience possible de la connaissance, et un autre sens d'esthétique, le sens commun que nous
07:02nous avons, c'est-à-dire la théorie du beau, et Deleuze dit que Kant a malheureusement dissocié
07:09ces deux sens d'esthétique, et du coup il veut faire une esthétique qui soit à la fois une
07:15esthétique de l'expérience réelle et une expérience artistique en fait, de fonder les deux en un
07:22en fait, voilà, de ne plus séparer l'esthétique au sens des données de la connaissance et l'esthétique
07:30au sens de l'expérience artistique, mais de fonder tout ça en un, et du coup il annonce ouvrir vers
07:36ce qu'il appelle une réalité plus profonde et plus artistes, donc une réalité plus profonde et
07:41plus artistes, donc le réel et l'artistique sont réconciliés, et pourquoi ce problème est un
07:49problème de temps, puisqu'il s'agit, dit-il, de donner au temps son vrai sens d'actualisation
07:54créatrice, comment le temps n'est pas reproduction de l'identique, mais actualisation créatrice,
08:01c'est-à-dire le fait qu'actualiser, c'est faire surgir du différent, voilà, donc ça c'était les
08:08deux remarques préliminaires, parce qu'elles couvrent en fait tout le projet de ce livre.
08:13Alors j'en viens à l'introduction, qui pose un drôle de problème, et ce drôle de problème qui
08:20est très actuel, alors avant de commencer, de voir ce qu'en dit Deleuze, et comment on peut le
08:25comprendre concrètement, cette phrase de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, qui est quand même
08:30la grande référence, la grande source d'inspiration de Deleuze en général, et dans différents ses
08:36répétitions en particulier, où on a cette phrase dans Ainsi parlait Zarathoustra, « tout est égal
08:41et semblable, rien ne vaut la peine, ainsi gémissait le devin », donc il y a une, comment dire,
08:48une différence entre « ainsi parlait Zarathoustra », qui est une formule qui finit les chapitres, et « ainsi
08:52gémissait le devin », donc le devin c'est celui qui se plaint, c'est celui qui est dans la plainte,
08:57qui est dans la volonté faible, et qui voit de l'égal et du semblable partout, et du coup qui
09:03dévalorise l'existence, puisque l'existence ne vaut rien, puisque tout est identique, tout est
09:07semblable, donc le projet de différence, ses répétitions, on l'a là, dans l'idée de réhabiliter le
09:12différent, et de retrouver du différent sous l'apparence trompeuse que tout est égal et que
09:18rien ne vaut en conséquence. Alors c'est quoi ce monde où tout est semblable et tout équivalent ?
09:24C'est tout simplement le monde qu'a filmé Jacques Tati, notamment dans Playtime, vous voyez,
09:30aussi bien les voitures sont toutes comme ça des reproductions à l'identique, que les conducteurs,
09:37eux-mêmes, il y a vaguement la couleur du chapeau qui change, ou que les travailleurs, puisque là,
09:42on a deux en bas, deux personnes qui cherchent un emploi et qui sont tout à fait, tout à fait
09:47interchangeables, tout à fait irremplaçables. Donc c'est ce monde de l'identité et de la
09:52répétition de l'identité qui est finalement l'objet du problème de Deleuze, donc un problème
09:58très concret, très actuel, donc on voit le monde du travail avec ces bureaux tout à fait
10:02standardisés, tout à fait homogénisés. Ça c'est à nouveau une photo de Playtime. Alors,
10:09ce qui est intéressant, c'est que Playtime, le film de Jacques Tati, est de 1967, donc un an avant
10:15différents, ses répétitions. Ça me permet de dire une chose sur laquelle je reviendrai à la fin,
10:19j'ai dit que j'indiquerai les ruptures et les continuités. Alors, une rupture, c'est que le
10:25cinéma est quasiment absent de différences et répétitions, alors qu'on sait que l'un des
10:31derniers grands livres de Deleuze, ce sera ses deux grands volumes sur le cinéma. Là, il y a
10:35une référence au cinéma, entre parenthèses, au film l'année dernière, à Marie Embad, et c'est tout.
10:40Mais il n'y a pas Jacques Tati, mais il y aurait tout à fait sa place. Alors, pourquoi il y aurait
10:45sa place ? Parce que Tati a justement filmé ce qui nous paraît le couple évident, c'est-à-dire
10:49répétition et identité. Répéter, c'est répéter la même chose. Et Deleuze dit que ça revient à
10:55multiplier les exemplaires sous le même concept. Alors, multiplier les exemplaires sous le même
10:59concept, c'est tout simplement les automobiles qui sortent des chaînes d'usines. Alors là,
11:03on pourrait se focaliser sur les couleurs lune blanche, lune bleue, lune rouge, mais en réalité,
11:08sous ces variations de couleurs tout à fait superficielles, c'est en fait la reproduction
11:14à l'identique du même qui se réalise. Et c'est donc le monde dans lequel nous vivons. Nous vivons
11:19dans ce monde que j'ai mis le devin de Zarathoustra, un monde dans lequel tout est égal,
11:27aussi bien les choses que les personnes. D'où justement ce propos de Deleuze dans la conclusion
11:32de son livre. Je lis donc « il n'y a pas d'autre problème esthétique ». Alors esthétique au sens
11:39justement original ou esthétique, c'est la théorie du réel et la théorie de l'art. C'est la même
11:45chose. On ne peut plus les dissocier comme chez Kant. Donc, il n'y a pas d'autre problème esthétique
11:50que celui de l'insertion de l'art dans la vie quotidienne. Plus notre vie quotidienne apparaît
11:54standardisée, plus l'art doit s'y attacher et lui arracher cette petite différence qui accuse
12:00l'abîme entre reproduction mécanique et répétition créatrice. Donc, c'est à la conquête de cette
12:06répétition créatrice que se lance Deleuze dans ce livre. Alors, du coup, j'en viens au concept de
12:16différence proprement dit. Qu'est-ce que c'est que la véritable différence ? Alors, tout simplement,
12:21c'est le nouveau, le propre du nouveau dit Deleuze, c'est-à-dire la différence. Et donc là,
12:27il faut distinguer, alors ça c'est un travail philosophique élémentaire très important,
12:31entre le particulier et le singulier. Les cas particuliers ne font que décliner une identité.
12:38Par exemple, le triangle rectangle, le triangle isocèle sont des cas particuliers du triangle,
12:43donc de l'identité du triangle se trouve comme ça particularisé selon différents cas. Alors que
12:50ce que cherche à penser, c'est la différence. Il y a quelqu'un qui a son micro allumé. Alors que
13:03ce que cherche Deleuze à penser, ce n'est pas justement des cas particuliers, mais des événements
13:08singuliers. Et le propre du singulier, c'est la différence, c'est-à-dire c'est ce qui ne ressemble
13:12à rien, c'est l'incomparable si vous voulez. Voilà. Du coup, cette différence qu'il faut
13:19différencier de la pseudo différence, c'est celle que l'on ne trouve ni chez Platon, et c'est pour ça
13:26qu'il dit la différence doit sortir de la caverne et cesser d'être un monstre, puisque chez Platon,
13:32en fait, tout le multiple est en fait un cas de l'idée. Il y a une multiplicité de vertus,
13:38mais toutes ces différentes vertus ne sont jamais que des déclinaisons d'une seule et même vertu,
13:42l'idée de vertu. C'est la même chose pour l'idée de science. Il y a des sciences,
13:48la géométrie, l'arpentage, ce que l'on veut, mais toutes ces différentes sciences, en fait,
13:53sont des sciences différentes subordonnées à une identité, l'identité de la science,
13:59que ça ne fait que décliner. Ce n'est pas non plus la différence qu'on trouve chez Aristote,
14:04c'est-à-dire d'abord la différence générique, par exemple le genre canidé, le chien, et à
14:09l'intérieur de cette différence, donc le chien qui est différent du cheval, mais du coup, tous les
14:17chiens n'en forment aucun, ils appartiennent au genre chien, donc là, la différence est absorbée
14:21dans l'identité du genre. Et si on descend dans la différence spécifique, par exemple, il y a des
14:27espèces dans le genre chien, le caniche, le berger allemand, tout d'un coup, on va opposer le chihuahua
14:32et le berger allemand, mais on restera dans ce que Deleuze appelle la contrariété dans le genre,
14:37donc on reste à l'intérieur du genre, c'est-à-dire que les différences spécifiques elles-mêmes
14:41supposent l'identité préalable du genre, donc c'est à chaque fois des différences qui ne font
14:47que décliner une identité, qui reste subordonnée à de l'identique, donc on rate la différence tant
14:51qu'on est dans cette façon de voir, puisque que ce soit l'identité de la forme, c'est-à-dire l'idée
14:57platonicienne du genre ou de l'espèce, les différences ne sont ici pensées que sous
15:05tutelle d'une identité préalable, et c'est ça qu'il s'agit de briser pour Deleuze, de briser ce
15:10primat de l'identité sur la différence. Donc la différence, il y a une autre manière plus
15:18retorse finalement de rater la différence, c'est celle que l'on trouve chez Hegel, d'où le rôle
15:22très important de Hippolyte dont le livre Logique et Existence est cité dans le chapitre 1 de
15:28Différences et répétitions, puisque finalement Hegel se présente comme le philosophe de la
15:35différence, il critique les philosophies préalables qui justement sont restées dans des identités
15:39abstraites, la nuit où tous les chats sont gris, c'est-à-dire où toutes les vaches sont
15:45noires, où il n'y a pas de différence, donc Hegel pense et prétend aller au bout de la différence,
15:52penser la différence, seulement pour Deleuze, et ça il le prend dans la lecture qu'en fait
15:56Hippolyte, finalement la différence est pensée sous le concept de contradiction, donc elle se
16:02contredit elle-même, et qu'est-ce que c'est que la différence ? C'est l'identité de l'idée se
16:06contredisant, donc à nouveau mais de manière plus subtile chez Hegel, au fond on part de l'idée,
16:12il y a un primat de l'idée, l'idée étant l'identité, et l'identité, l'idée sort d'elle-même et sortant
16:18d'elle-même, elle se différencie, mais toutes les différences de la nature, du monde, de ce que
16:22l'on veut, ne sont jamais que des contradictions de l'identité, et donc c'est une manière au fond
16:27de, à nouveau, de reproduire et de reconduire la dépendance de la différence à l'identité,
16:34d'où cette phrase que Deleuze oppose, le travail du négatif que l'on a chez Hegel et le jeu de la
16:43différence que l'on a chez Nietzsche, et il disait dans son livre sur Nietzsche et la philosophie,
16:48ça annonce tout à fait la tension interne à différence et répétition, il n'y a pas de
16:53compromis possible entre Hegel et Nietzsche, c'est vraiment cette impossibilité de réconcilier
16:59Hegel et Nietzsche qui se joue dans différence et répétition, et du coup, plus précisément donc,
17:06il dit c'est la même illusion qui fait penser la différence à partir d'une ressemblance et
17:11d'une identité supposée préalable et qui la fait apparaître comme négative, alors qu'est-ce que ça
17:16veut dire ? c'est que là, on avance dans le concept de différence, c'est-à-dire il s'agit de penser
17:20une différence positivement, c'est-à-dire de manière affirmative, comment la différence est
17:25affirmation et non pas négation, qu'est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que quand on part d'une
17:30identité, que ce soit l'identité de l'idée platonicienne, de l'identité du genre ou de
17:34l'espèce, ou de l'identité logique de l'idée hegelienne, eh bien au fond, ce qui vient après,
17:40c'est-à-dire la différence, c'est ce qui n'est pas l'identité, c'est ce qui se définit comme n'étant
17:46pas l'identité, donc ça c'est une première façon de comprendre comment on rate la différence en
17:53s'en faisant une conception justement négative, comme négation de l'identité, c'est ce qui n'est
17:58pas identique, c'est ce qui est différent de l'identité, et c'est ce qu'on a dans la
18:04fameuse formule de Spinoza que reprend Hegel et que cite Deleuze, dans la lettre 50 de Spinoza,
18:11toute détermination, c'est-à-dire toute différence, est une négation, c'est-à-dire quand je dis ceci est
18:17un caniche, je dis en même temps, ça veut dire et ce n'est pas un berger allemand, ou quand je dis
18:22ceci est un chien, je dis donc et ce n'est pas un cheval, et du coup la différence ici est toujours
18:28pensée négativement sous la forme d'un ne pas, et c'est ça qu'il s'agit de contester pour Deleuze,
18:33d'essayer de penser une différence de façon autonome, indépendante de toute référence à
18:39l'identité, qui en ferait une conception négative en réalité. Voilà, donc qu'est-ce que c'est que
18:47la vraie différence ? Eh bien ça on la trouvera dans le chapitre 5, c'est pour ça que le chapitre 1
18:51sur la différence, il est directement relié au chapitre 5, et la vraie différence, et là c'est
18:57une critique de Bergson, elle est ni quantitative ni qualitative, mais intensive. Alors on va voir
19:03avec, c'est là où on a besoin d'une esthétique des intensités, comme il dit, il s'agit, dit encore
19:09Deleuze, de restaurer la différence dans l'intensité comme être du sensible. Donc on va voir comment
19:14l'art est un jeu sur l'intensité des sensations, et que ce jeu sur l'intensité du sensible,
19:22eh bien c'est ça qui nous donne une différence qui est irrécupérable par aucune identité,
19:26aucune identité ne peut récupérer ces différences intensives. Alors j'en viens maintenant au chapitre
19:372 sur la répétition, puisque le livre est différent ces répétitions, et c'est toute
19:42l'originalité, puisqu'on se dit nous, si on pense répétition, on pense identité. Répétition,
19:47on l'a vu avec l'industrie automobile, avec Jacques Tati, répéter c'est forcément répéter la même
19:51chose. Eh bien non, il s'agit de concevoir une répétition originale, qui soit la répétition non
19:57pas de l'identique, mais la répétition de la différence, comment la différence peut se répéter.
20:04Alors d'abord, comment on le rate ? Eh bien ça on l'a déjà chez Nietzsche dans Ainsi par les
20:08Zaratoustras, et la répétition que va penser Deleuze, en fait il faut la penser à partir du
20:14concept de retour chez Nietzsche dans l'éternel retour. Seulement il y a une manière de rater
20:20l'éternel retour, c'est d'en faire une rengaine. L'éternel retour dit Nietzsche vous en avez fait
20:25une rengaine, et Deleuze actualise le diagnostic de Nietzsche, il dit nous en faisons une rengaine,
20:31il dit ça en différenciant ces répétitions. Donc il ne faut pas confondre retour et rengaine,
20:35et il ne faut pas confondre du coup, ça c'est un concept que Deleuze introduira plus tard dans
20:40dans mille plateaux, ce qu'il appellera la ritournelle. La ritournelle c'est pas la rengaine
20:45justement, la ritournelle c'est le retour de la différence. Mais là justement on n'en fait qu'une
20:50rengaine, et donc la rengaine c'est quoi ? C'est la répétition pensée comme répétition du même,
20:55retour de l'identique. Donc c'est pas ça qu'il s'agit de penser, c'est une autre répétition.
21:03Alors pour le comprendre, pour le concevoir, il faut faire des distinctions. Deleuze va expliquer
21:09que répéter ça n'est pas imiter, que la répétition n'est pas la représentation, et ça on peut le
21:16comprendre en distinguant copie et simulacre. Alors là le texte clé sur lequel s'appuie Deleuze
21:22finalement, c'est la page 236 dans le sophiste de Platon, où Platon fait une différence justement
21:29entre deux façons d'imiter l'art de la copie, et l'art de la copie c'est quoi ? C'est produire
21:36une représentation qui diffère du modèle, mais qui assure la relation entre le modèle et la
21:44copie. Donc on est dans l'imitation qui produit une copie, et la copie assure bien sa différence
21:52avec le modèle, et surtout institue le modèle comme l'identité. C'est-à-dire par exemple,
21:58on peut prendre un exemple, il y a une chaussure et j'en fais une copie, je copie une chaussure,
22:03je fais un dessin d'une chaussure, et voilà cette chaussure qui est une copie, ou un portrait,
22:07je prends, je ne sais pas, Philippe IV, le roi d'Espagne, et Velázquez fait une copie, un portrait,
22:14il copie, mais on voit bien la différence, et cette copie donc dépend du modèle, c'est-à-dire de
22:20l'identité. Alors que justement, ce qu'il s'agit de penser, c'est le simulacre pour Deleuze, et ça
22:26on trouve cette distinction chez Platon dans le sophiste, puisqu'il dit qu'il y a une autre façon
22:30d'imiter, qui est pour Platon une imitation catastrophique, c'est-à-dire c'est l'imitation
22:36qui va si loin dans son ambition mimétique qu'elle ne produit pas une copie, elle ne produit pas un
22:41double, mais elle produit une représentation qui imite si bien la chose que cette représentation
22:47ne se donne plus comme une représentation de la chose, comme une simple copie de la chose,
22:50mais se fait passer pour la chose elle-même, et on n'a plus moyen de distinguer, c'est si vous voulez
22:56tout simplement le trompe-l'œil. Et c'est ça que Nietzsche appelle le simulacre, et que Deleuze
23:02réhabilite. Alors pourquoi le simulacre ? Le simulacre, il ne faut pas du tout l'entendre
23:06comme étant une tromperie par rapport au vrai, au modèle, à l'identité du modèle, non, le simulacre
23:14c'est cette différence, c'est cette répétition qui s'est affranchie du modèle, puisque ce n'est
23:19pas une copie justement, c'est la copie qui est dépendante du modèle, mais le simulacre lui a
23:23coupé tout attache à l'idée du modèle, et c'est cette liberté du simulacre vis-à-vis du modèle
23:29que Deleuze conçoit comme une répétition qui n'est pas la répétition de l'identité, mais répétition
23:37comme acte de la différence. Donc il dit ainsi que la répétition s'oppose à la représentation,
23:44le préfixe « re » dans le mot représentation signifie cette forme conceptuelle de l'identique
23:49qui se subordonne les différences. Donc ça résume très bien ce que je disais, comment la
23:55représentation rate la différence, pourquoi ? Parce qu'elle est la forme conceptuelle de
23:59l'identité, de l'identique, qui fait que toutes les différences ne sont que des représentations
24:05de cette identité, des déclinaisons d'une identité préalable. À nouveau, tant qu'on inscrit la
24:10différence dans le concept en général, on n'a aucune idée singulière de la différence. Alors
24:14notez bien la différence, c'est même l'opposition que Deleuze développe dans « Différences et
24:19répétitions » entre concept et idée. Il a vraiment introduit un concept d'idée tout à
24:24fait original dont je vais parler, et notez surtout la critique du concept, parce que c'est très connu
24:31que dans « Qu'est-ce que la philosophie ? » à la fin de sa vie, il a dit que philosophie c'était
24:35créer des concepts, là on est bien loin de cette idée puisque le concept c'est tout simplement ce
24:39qui fait rater la différence et la répétition, c'est ce qui enferme dans l'identité, le concept
24:43c'est Hegel, c'est le cercle de l'identité qui fait qu'on ne fait pas de philosophie et qu'on ne
24:48pense pas, et il oppose à ça l'idée. Alors, ce qui est très étrange dans « Différences et
24:53répétitions », et ça c'est tout le chapitre 4, c'est cette idée en fait qu'il introduit,
24:57et qui est une sorte de parodie de l'idée Hegelienne, parce que chez Hegel on a l'identité,
25:03l'identité logique préalable, et qui se décline comme je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que
25:07tout ce qui est la différence, la mort, etc. ne fait que contredire l'idée, mais du coup c'est
25:14l'identité se contredisant elle-même, s'extériorisant elle-même, sortant d'elle-même.
25:19Eh bien, Deleuze on peut dire fait une sorte d'anti-Hegelianisme, il inverse, c'est vraiment
25:23un Hegel inversé, seulement au lieu que ce soit l'idée d'une identité préalable qui se
25:30différencie, il postule une idée singulière, c'est-à-dire la différence qui est au départ,
25:34et en fait toute la nature, tout ce qu'on voit dans le vivant, puisqu'il prend des exemples en
25:39biologie, toutes les espèces et tout, ne sont en fait que des différenciations d'une différence
25:44accidentelle, d'une singularité initiale, donc c'est le singulier, c'est le différent qui est
25:50à l'origine en fait, donc il n'y a même plus d'origine en fait, ça fait sauter le concept
25:55même d'origine. Voilà, et du coup qu'est-ce qu'il dit ? La répétition est la différence sans
26:00concept, donc attention à ne pas plaquer des clichés sur le concept chez Deleuze, parce que là
26:06ce serait un gros contresens pour différence et répétition, et à nouveau, le jeu de la différence
26:11et de la répétition a remplacé celui du même et de la représentation, donc on voit très bien
26:16qu'il s'agit de revenir de représentation à répétition, et que répétition c'est répétition
26:23de la différence. Alors c'est quoi cette autre répétition qui s'oppose à la
26:29représentation ? C'est une autre répétition, la Nietzschean, celle de l'éternel retour, et en ce
26:34sens, différence et répétition est vraiment une explication créatrice de l'éternel retour
26:42au sens de Nietzsche, comment le retour ? C'est le retour de la différence. Alors justement,
26:47qu'est-ce qu'on trouve ainsi par les Zarathoustra ? Et notamment dans la dernière partie, on trouve
26:54la ronde de Zarathoustra, comme une danse, et voilà ce qu'il dit, si vous n'avez jamais voulu
27:00une fois, deux fois, si vous n'avez jamais dit tu me fais bonheur, tu me plais bonheur, fuite, instant,
27:08alors vous vouliez tout retrouver, tout de nouveau, tout éternellement, vous aimiez le monde, vous
27:15les éternels, aimez-les éternellement et tout le temps, et à la douleur aussi dites péris mais
27:21revient car toute joie veut l'éternité. Alors je m'arrête une seconde sur ce texte, pour deux
27:28raisons, j'en parlerai dans la conclusion, d'abord parce que dans différence et répétition, Deleuze
27:34fait comme si l'éternel retour dans Zarathoustra n'était présent que dans deux versions inachevées,
27:41incomplètes, dans la troisième partie. Seulement dans la quatrième partie, dans le chant d'ivresse
27:49de Zarathoustra, on a ce texte où il y a vraiment une formulation positive, pleinement positive et
27:54tout à fait satisfaisante de l'éternel retour, or Deleuze prétend que c'est comme si l'éternel
28:02retour dans Zarathoustra s'arrêtait à la troisième partie. Et la deuxième chose sur laquelle je veux
28:07attirer votre attention, parce que c'est très important, c'est tout de nouveau, tout éternellement,
28:12c'est pour ça que je l'ai mis en allemand, c'est pas le traducteur, et le traducteur traduit très
28:17bien, tout de nouveau, tout éternellement, on a l'identification du nouveau et de l'éternel,
28:24ce qui a l'air paradoxal. Nous, on pense l'éternel retour, on a l'impression que ça va être le retour
28:29du même, toujours la même chose, etc. Et non, et d'ailleurs, quand on dit de nouveau en français
28:35comme en allemand, de nouveau ça veut dire que ça revient, mais c'est le nouveau qui revient.
28:41Donc cette expression est absolument magnifique parce qu'elle résume exactement ce que pense
28:45Nietzsche et ce qu'essaie de penser Deleuze dans le mariage de différence et répétition,
28:52c'est-à-dire la répétition, oui c'est de nouveau, ça se répète de nouveau, seulement ce qui se
28:56répète c'est le nouveau, c'est pas l'ancien, c'est pas l'identique, c'est pas le même,
29:03c'est pas le semblable. Alors on l'a dans une illustration très simple chez Andy Warhol,
29:10puisque on va voir Deleuze se réfère à Andy Warhol dans différence et répétition,
29:16et Andy Warhol travaillait au départ dans un magasin de chaussures, et donc là il s'amuse,
29:21vous voyez, à la recherche du chou perdu, à la recherche de la chaussure perdue, et donc on a
29:26la chaussure qui est une marchandise, un peu comme chez Jacques Tati si vous voulez, là c'est 1955,
29:31donc c'est tout à fait le moment où Deleuze médite son livre, puisqu'on a vu que le projet
29:35en était énoncé en 1954, et donc il fait des chaussures comme ça, c'est tout à fait différent,
29:42c'est répétition, ça se répète, mais ce qui se répète c'est le différent, c'est pas la
29:47répétition à l'identique, c'est des formes, des couleurs, des intensités différentes. Alors
29:52justement, qu'est-ce qu'on a dans différence et répétition ? On a la chose suivante, il se
29:57réfère au pop art, le pop art en peinture a su pousser la copie, la copie de la copie, etc.,
30:04jusqu'à ce point extrême où elle se renverse et devient simulacre, donc la copie n'est justement,
30:10ça explique bien ce que je disais à l'instant, c'est pas des copies, c'est des simulacres,
30:15ainsi les admirables séries géniques de Warhol où toutes les répétitions d'habitude de mémoire
30:21et de mort se trouvent conjuguées. Donc par exemple, on a ce diptyque de Marilyn Monroe,
30:27d'Andy Warhol, où il y a répétition de répétition, puisque d'abord à gauche on a
30:34une répétition des portraits sur fond orange et à droite une répétition, plus la répétition de la
30:40gauche et de la droite. Et du coup, qu'est-ce que ça a comme effet ? Ça a comme effet de couper le
30:45rapport à Marilyn Monroe qui serait le modèle, il n'y a plus de modèle en fait, là la copie s'affranchit
30:50du modèle et devient donc en ce sens simulacre. On l'a aussi justement dans les Marilyn Monroe
30:57de 1967 et là c'est intéressant parce que les rouges, les couleurs changent d'intensité et c'est
31:06ça la différence intensive que cherche Deleuze. La répétition est dans la multiplicité des portraits
31:14et la différence est dans l'intensité des couleurs. Et ça, ça illustre très bien
31:26ce que veut dire Deleuze dans « Différences et répétitions » et ça, c'est ce qu'on trouve
31:33dans la conclusion qui est une introduction, une sorte d'abrégé magistral de « Différences et
31:39répétitions ». Voilà, pour la première partie, je m'arrête ici et je reprendrai la deuxième partie.
31:46Merci beaucoup cher Guillaume, merci pour cette présentation « Différences et répétitions » de
32:00Gilles Deleuze. Je me tourne très rapidement vers les élèves de l'École française de Saint-Pétersbourg,
32:05ne serait-ce que pour les saluer, pour les accueillir, pour leur dire que leur présence
32:11nous fait vraiment plaisir. Si vous souhaitiez poser une question à notre invité, vous prenez
32:16la parole. Si ce n'est pas maintenant, c'est dans la deuxième partie. A vous de nous le dire,
32:20votre micro n'est pas activé, vous pouvez l'ouvrir un instant. On vous écoute.
32:26Je suis désolée, on n'a pas eu le temps de voir toute la partie et à mon avis,
32:32on aura plus de questions durant la deuxième partie.
32:36Merci, merci beaucoup. Donc, cher Antoine, je pense qu'il n'y a pas de questions sur Twitch.
32:42Peut-être de ta part, une remarque ?
32:45Il n'y a pas de questions, je reviendrai, j'attends avec impatience la seconde partie,
32:50parce que j'aimerais bien que Guillaume nous donne son sentiment, sentiment qui avait été
32:56partagé par moi et par Deleuze dans les années 90 autour de la musique de Steve Reich et de
33:04Philippe Glasse, musique répétitive qui sont évidemment le retour de la différence et le
33:11retour des intensités via les notes de musique, évidemment.
33:14Merci Antoine.
33:19Tu veux que j'en dise un mot maintenant ?
33:21Très bien.
33:23Je souris parce que c'est ma prochaine diapo.
33:27D'accord, très bien.
33:29Comme disent les Anglais, tu sais les Anglais disent
33:33« celles d'hommes fous diffèrent ».
33:34Nous, on dit qu'ils se ressemblent, s'assemblent, mais ce n'est pas très Deleuze.
33:38Donc, restons sur la différence et rarement les fous diffèrent.
33:43J'aime mieux la coalition des fadas que l'unité des semblables.
33:50Donc, tu anticipes exactement ma prochaine diapo.
33:55Mais juste un mot là-dessus, parce que comme je vais le développer après, on le verra.
33:58Mais juste un mot très important.
34:01La première mention du concept d'événement qui va être tellement
34:05centrale pour Deleuze dans la suite de son œuvre, dans « Différences et répétitions »,
34:10c'est une référence musicale.
34:12L'événement est musical.
34:14Et ça, c'est assez tôt.
34:15Je crois que c'est dans le premier chapitre, si je me souviens bien.
34:17Oui, absolument.
34:19Donc, la musique sérielle, ce sera le début de ma deuxième partie.
34:22Formidable.
34:24Merci, je voudrais signaler juste à ceux qui suivent nos programmes
34:30en différé que cette première partie de la matinée consacrée à Gilles Deleuze
34:36sera disponible en vidéo ainsi qu'en podcast d'ici peut-être une semaine
34:42ou une dizaine de jours.
34:43J'en profite pour dire un grand merci également à Patrice Blondet,
34:47qui se charge de la publication de nos documents en podcast.
34:53A tout à l'heure pour la deuxième partie.
34:55Merci, à très vite.

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