Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Dans le cadre de la thématique 'Qui se souvient du génocide cambodgien ?', ce cours de cinéma donné par Pierre Bayard, universitaire, avec des interventions de Soko Phay et d’Ariane Tillenon, universitaires également, porte sur l'étude et la reconnaissance des meurtres de masse et leur complexité ainsi que leur accès à la mémoire collective.

Chaque vendredi à 18h30, les cours de cinéma du Forum des images, entrée libre.

---
Institution culturelle de la Ville de Paris, le Forum des images est au cœur de la ville.
Rencontres, cours de cinéma et conférences, thématiques, festivals… Le forum de toutes les images.

Toute la programmation : http://www.forumdesimages.fr
#forumdesimages
Transcription
00:00:00Merci à l'ensemble du forum des images et à toute son équipe avec laquelle nous en parlons en état de cause puisque c'est la troisième fois que nous participons à des événements, avec laquelle c'est si agréable de travailler.
00:00:20J'en profite pour signaler qu'il y a des menaces qui pèsent sur ce lieu exceptionnel et qu'il serait opportun que massivement toutes celles et ceux qui sont là signent la pétition et non moins massivement fassent circuler la pétition que vous trouverez sur le site du forum des images, sur le site internet du forum des images.
00:00:46Je commence donc. L'étude des génocides et des meurtres de masse montre que leur reconnaissance est un processus complexe et aléatoire et que certains accèdent mieux ou plus vite que d'autres à la mémoire collective comme le montre cet exemple du génocide cambodgien largement oublié dont ont traité ces manifestations du forum des images.
00:01:08Comme dans la vie individuelle, la mémoire collective retient certains événements au détriment d'autres pour des raisons multiples qui tiennent à l'histoire, à la géographie, à la politique, à la psychologie.
00:01:22Ainsi pourrait-on parler d'une mémoire différentielle pour qualifier la manière dont s'opèrent ces processus collectifs de sélection.
00:01:29Cette mémoire conduit à la constitution de ce qu'on pourrait appeler un canon mémoriel, pensé sur le modèle du canon littéraire et artistique.
00:01:39Ce dernier désigne l'ensemble des oeuvres qui paraissent essentielles pour une certaine culture à un moment donné.
00:01:45De la même manière, le canon mémoriel pourrait désigner l'ensemble des meurtres de masse dont le souvenir est vivant et actif pour une certaine société à un certain moment.
00:01:54Loin d'être figé, cette mémoire et ce canon mémoriel sont doublement mobiles.
00:02:01Ils le sont d'abord dans l'espace puisqu'ils diffèrent sensiblement selon les communautés et leur proximité à l'événement.
00:02:07Pour cette raison, je me référerai ici principalement à la France et à la manière dont certains événements dramatiques sont aujourd'hui inscrits ou non dans notre mémoire collective.
00:02:17Mais cette mémoire est aussi temporelle puisque le passage du temps conduit à remodeler la carte des meurtres de masse
00:02:24digne de figurer dans la mémoire collective d'un pays, soit en en inscrivant d'autres dans cette mémoire, soit en en effaçant certains,
00:02:33cela souvent en fonction du mouvement de l'histoire et de la manière dont celle-ci utilise le passé en rapport avec les enjeux et les valeurs du temps présent.
00:02:41Nous vous proposons donc ici une réflexion à propos de cette mémoire différentielle.
00:02:47Je commencerai par une intervention assez générale avec quatre exemples avant de laisser la place à Ariane
00:02:53qui nous parlera d'un exemple concernant la guerre d'Algérie, puis à Soko qui reviendra sur le cas cambodgien.
00:03:02Mon premier exemple sera emprunté à l'histoire des génocides.
00:03:06L'année 2015 a été marquée par un nombre important de commémorations du génocide des Arméniens.
00:03:10Le premier du XXe siècle, on ne peut que se réjouir qu'il ne soit pas tombé dans l'oubli.
00:03:17Premier génocide du XXe siècle ? Non, justement.
00:03:21Cette expression régulièrement entendue dans les médias français en 2015
00:03:25constitue une erreur historique majeure quand on s'intéresse aux meurtres de masse.
00:03:30Le premier génocide du XXe siècle n'est pas le génocide arménien,
00:03:33c'est celui commis sur les Herero en Namibie par les Allemands autour de 1904.
00:03:39Ce génocide a été perpétré dans le cadre de leur occupation de l'Afrique du Sud-Ouest.
00:03:45Pour répondre à la rébellion de l'un des peuples de la région, les Herero,
00:03:48exaspérés par la confiscation de leurs terres et un massacre commis contre des colons,
00:03:53les Allemands envoient une flotte militaire constituée de 6 vaisseaux de guerre et de 15 000 soldats
00:03:58sous la direction du général Lothar von Trotta.
00:04:01L'anéantissement des Herero se fait en deux temps.
00:04:06Les Allemands commencent par les encercler, les contraignant à s'enfuir dans le désert du Kalahari
00:04:10dont ils ont préalablement empoisonné les puits d'eau,
00:04:14puis envoient les survivants dans une prison à ciel ouvert, l'île du Diable,
00:04:19transformée en camp de concentration, où ils mettent en place un système de meurtres collectifs
00:04:23dont s'inspireront plus tard leurs descendants pendant la Seconde Guerre mondiale.
00:04:27Que les génocides et Herero ne soient pas davantage présents dans notre mémoire collective
00:04:33est d'autant plus surprenant que sa qualification en tant que génocide ne pose aucun problème juridique.
00:04:39Les historiens ont en effet retrouvé, signé de la main de von Trotta,
00:04:42un ordre d'extermination, en allemand vers Nischtungsbefehl,
00:04:46document rare dans l'histoire des génocides,
00:04:48dont les perpétrateurs veillent généralement à ne laisser aucune trace écrite.
00:04:53Le processus de reconnaissance de ce génocide a pourtant été long.
00:04:56Il a fallu attendre la fin de l'apartheid avec la création de l'État de Namibie en 1990
00:05:01et l'ouverture des archives sud-africaines,
00:05:05avec en particulier la découverte du Blue Book,
00:05:08un rapport sur le génocide rédigé par un juge irlandais, Thomas O'Reilly,
00:05:13pour que l'attention se porte enfin sur ce meurtre de masse.
00:05:16Il a fallu véritablement attendre 2004 pour que soit posée en Allemagne
00:05:21la question d'une éventuelle indemnisation de la Namibie,
00:05:25et 2021 pour que les autorités allemandes reconnaissent la nature génocidaire des massacres.
00:05:31Quelles raisons ont conduit à l'effacement de ce génocide,
00:05:34dans la mémoire collective, en tout cas en Europe ?
00:05:36La raison principale relève de la censure politique.
00:05:39On ne pouvait pas attendre des Allemands des années 1920 et 1930
00:05:41qui sanctionnent les responsables de ce meurtre de masse,
00:05:44à une époque où la décolonisation n'était pas engagée
00:05:48et où un nationalisme extrême commençait à submerger le pays.
00:05:52On peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure
00:05:53l'horreur des meurtres de masse commis par les nazis
00:05:56n'a pas contribué à relativiser ce génocide,
00:05:59les 80 000 victimes herreros pouvant sembler après coup
00:06:03n'avoir qu'une importance relative
00:06:04par rapport aux 6 millions de morts de la Shoah.
00:06:09On notera qu'en parlant du génocide des herreros,
00:06:12je commets moi-même une erreur.
00:06:13L'expression juste serait le génocide des herreros et des namas.
00:06:19Ce second peuple ayant fait l'objet lui aussi
00:06:22à la même période d'une extermination par les Allemands
00:06:25et ne méritant donc pas, d'autant que ces deux peuples voisins
00:06:29ne s'entendaient pas particulièrement,
00:06:31de disparaître dans une formulation synthétique.
00:06:38Mon deuxième exemple sera également emprunté
00:06:40à l'histoire du génocide au XXe siècle.
00:06:42Il arrive en effet que cette différence de mémoire
00:06:44ne se produise pas entre deux événements séparés,
00:06:48comme précédemment le génocide des herreros et des namas
00:06:50par rapport à celui des Arméniens,
00:06:52mais à l'intérieur d'un même groupe de meurtres de masse.
00:06:56Personne aujourd'hui, à part quelques négationnistes isolés,
00:06:59ne conteste l'extermination des Juifs.
00:07:00Mais les nazis ne se sont pas limités à un seul génocide.
00:07:04Ils ont de manière aussi systématique
00:07:06procédé dans le même temps à une autre extermination,
00:07:09celle des Tziganes,
00:07:10lors d'un processus pour Réamos
00:07:12ayant conduit à la mort de 300 000 à 500 000 personnes,
00:07:16peut-être beaucoup plus.
00:07:18Une destruction qui, comme pour les Juifs,
00:07:20s'est faite en deux temps,
00:07:21avec des massacres systématiques sur le terrain,
00:07:24puis l'envoie en camp d'extermination,
00:07:26en particulier celui d'Auschwitz.
00:07:28Là encore, le processus de reconnaissance a été long
00:07:32et il est loin d'être terminé.
00:07:33L'Allemagne a reconnu sa responsabilité en 1981
00:07:36et a inauguré en 2012 un mémorial à Berlin.
00:07:40Il existe depuis 2015, le 2 août,
00:07:43une journée européenne de commémoration du génocide des Roms.
00:07:47Mais en France, ce génocide reste largement méconnu
00:07:49et son souvenir est peu présent dans les manuels scolaires,
00:07:53sinon quelquefois en quelques lignes.
00:07:55Comment expliquer cette absence de génocide des Tziganes
00:07:59dans la mémoire occidentale,
00:08:00alors que les Alliés ayant gagné la guerre,
00:08:02aucun facteur politique de dissimulation n'a joué ?
00:08:06Un élément décisif dans cette éclipse est, à mon sens,
00:08:09la carence d'œuvres littéraires et cinématographiques sur ce sujet.
00:08:14Le souvenir de la Shoah a été très tôt pris en charge par les créateurs,
00:08:17en particulier des témoins comme Primault-Lévy,
00:08:19Robert Antelme, Elie Wiesel et bien d'autres.
00:08:22Sans doute leurs œuvres n'ont-elles rencontré au départ
00:08:25guerre de succès et il a fallu du temps
00:08:27et des travaux comme ceux de Hilberg et bien sûr le film de Lanzmann
00:08:31pour individualiser le génocide des Juifs
00:08:33dans l'ensemble des meurtres de masse du nazisme.
00:08:37Il demeure que le grand nombre de ces œuvres
00:08:39a peu à peu installé le génocide des Juifs
00:08:41et sa spécificité dans la mémoire nationale.
00:08:45Il n'en va pas de même pour celui des Tziganes,
00:08:46qui, lorsqu'il n'est pas tout simplement oublié,
00:08:48ne connaît pas du tout la même audience.
00:08:51On pourra en voir pour indice
00:08:52la différence de succès de deux films
00:08:54sortis en 2009,
00:08:57La Rafle et Liberté.
00:09:00Le premier, tourné par Roselyne Bosch,
00:09:02raconte La Rafle du Veldiv
00:09:04en insistant sur la responsabilité de la police française.
00:09:08Le second, dû à Tony Gatliffe,
00:09:11raconte la persécution des Tziganes
00:09:13par cette même police
00:09:14et le début de leur déportation.
00:09:17Or, l'audience de ces œuvres
00:09:18a été très différente
00:09:20en nombre d'entrées du simple au triple.
00:09:23J'ai d'ailleurs beaucoup de mal
00:09:24à me procurer une version du film de Gatliffe
00:09:26qui est introuvable.
00:09:28C'est qu'une œuvre aussi réussie soit-elle
00:09:30ne suffit pas à marquer les esprits.
00:09:32Il faut que ceux-ci y étaient préalablement
00:09:34et peu à peu préparés.
00:09:36Il a été ainsi peu rappelé
00:09:37que La Rafle n'était pas le premier film
00:09:39à raconter le Veldiv
00:09:40et la participation de la police française.
00:09:43Il avait été précédé plus de 30 ans auparavant,
00:09:46en 1974,
00:09:48par un film remarquable de Michel Mitrani,
00:09:51Les Guichets du Louvre,
00:09:52tout aussi explicite sur La Rafle
00:09:54et la participation de la police.
00:09:56Pourquoi le second film
00:09:57connaît-il un succès immense
00:09:59quand celui de Mitrani passe à peu près inaperçu ?
00:10:01Mon hypothèse est que si les œuvres
00:10:04jouent un rôle décisif
00:10:05dans la connaissance des meurtres de masse,
00:10:07elles ne le peuvent que si elles s'inscrivent
00:10:09dans un continuum mémoriel.
00:10:12Pour qu'une œuvre nous émeuve,
00:10:13il faut que nous puissions nous identifier aux victimes.
00:10:16La longue préparation produite
00:10:18par les œuvres sur la Shoah
00:10:19a eu pour effet que les victimes
00:10:20nous semblent familières,
00:10:22ce qui n'est pas le cas des tziganes,
00:10:24une communauté peu connue,
00:10:27souvent représentée à travers des stéréotypes négatifs,
00:10:30et dont le destin, faute que notre imaginaire
00:10:32y ait été peu à peu préparé,
00:10:34nous demeure encore largement abstrait.
00:10:37Je vous propose donc une première séquence
00:10:39extraite du film Liberté.
00:11:00«Sahcester »
00:11:10«Aaah !
00:11:11«
00:42:51Sous-titrage ST' 50
00:57:35représente Chun Ek mais il ne l'a pas vu, il n'était pas témoin oculaire mais il a fait
00:57:44le récit à partir des témoignages notamment des bourreaux. Donc l'autre artiste qui a fait
00:57:54connaître S21 et Chun Ek c'est Ritipan qui a consacré trois films sur S21. Le premier
00:58:04Bopana une tragédie cambodgienne qui sortit en 1995-96, son film événement s'intitule S21 la
00:58:12machine de mort Khmer Rouge sorti en 2002 et enfin Duk le maître des forges de l'enfer. Mais sur
00:58:20ces trois films c'est S21 la machine de mort Khmer Rouge où Ritipan filme la scène à Chun Ek. Donc je
00:58:29ne vais pas pouvoir vous le montrer puisque j'ai pas beaucoup de temps et j'aimerais bien qu'on puisse
00:58:34continuer. Donc en tout cas je voudrais souligner que Van Nath et Ritipan donnent à réfléchir sur le
00:58:41rôle de l'art dans l'élaboration et la compréhension du passé. Et enfin la quatrième raison est l'audience
00:58:49nationale et internationale des procès mis en place au Cambodge par les chambres extraordinaires au sein des
00:58:58tribunaux cambodgiens pour juger les hauts responsables Khmer Rouge dont le cas numéro
00:59:041 c'est pour juger Duk, l'ancien directeur de S21 et pour le dossier numéro 2 pour juger Nuntir et Kyusampan.
00:59:14Nuntir étant, on considère que c'est l'idéologue des Khmer Rouge et Kyusampan étant le président du
00:59:21campotier démocratique. J'aimerais à présent introduire au sein de l'étude sur la mémoire
00:59:30différentielle que nous propose Pierre Bayard un autre concept, celui du rythme mémoriel. En effet,
00:59:37au fil du temps, Chun Ek et S21 ont servi à de multiples récits. Alors pour Régine Robin qui est une
00:59:50universitaire d'origine canadienne, d'origine québécoise, l'historienne et sociologue Régine Robin montre que
00:59:58la mémoire est travaillée selon différents rythmes. Dans son ouvrage Mémoire saturée, elle parle
01:00:06également de polyrythmie, tant le travail mémoriel est complexe, hétérogène et discontinu. On ne peut le
01:00:15saisir, dit-elle, sans ses feuilletés de temps, ses oublis efficaces qui restent tapis, ses hétérogénéités,
01:00:22ses décrochements et disjonctions. Je propose d'analyser la place de Chun Ek à travers quatre périodes historiques
01:00:32qui couvrent de 1979 à aujourd'hui. La première période qu'on pourrait dater au lendemain du 7 janvier 79 jusqu'au début des années 90,
01:00:47on va voir mettre en place une édification d'un méta-récit. L'édification du musée de Touls-Leng en 79 puis du mémoriel de Chun Ek en 1988,
01:01:01qui renvoie donc à cette première période, et cette première décade correspond à la construction d'un récit national post-Khmérouge.
01:01:12La visée étant d'engager un travail d'unification auprès de la population fragilisée meurtrie par les quatre années de violence sous le régime Khmérouge.
01:01:23Afin de démontrer la nature génocidaire du régime de Pol Pot, le gouvernement de la République populaire du Kampoutir,
01:01:35installé au Cambodge par le Vietnam au début de l'année 79, opte rapidement pour une politique mémorielle fondée sur la collecte de preuves
01:01:45et l'exposition des crimes commis par la clique Pol Pot-Yeng Sari à S21.
01:01:52Ce n'est pas moi qui l'emploie, c'est vraiment les termes politiques de l'utiliser à l'époque.
01:01:58S21 fut transformé rapidement en musée afin d'asseoir la légitimité du nouveau pouvoir.
01:02:04Surtout, c'est un dispositif de propagande efficace pour les vainqueurs, composé d'anciens Khmérouge modérés, à l'instar de l'ancien Premier ministre Hun Sen.
01:02:17Il pouvait se présenter comme les bons et vrais communistes et dans le même temps de camper le Vietnam en pays sauveur,
01:02:25alors que ce pays voisin est accusé aux Nations Unies d'avoir envahi et occupé le Cambodge.
01:02:31Comme l'a montré l'universitaire Rachel Huck, qui est rattachée à l'université de Melbourne,
01:02:38elle dit que le discours associé à la réalisation de ces mémoriaux,
01:02:44parce qu'il y a un mémorial au musée de Toulsling, mais également au mémorial de Tchonek,
01:02:51visait plus à dénoncer le génocide commis par le régime de Pol Pot qu'à commémorer les victimes,
01:02:58ce dont témoigne donc l'édification du mémorial de Tchonek.
01:03:04Si dans un premier temps, les pouvoirs publics ont œuvré activement à la réalisation des mémoriaux,
01:03:11ils sont ensuite progressivement désengagés et les édifices se sont vite dégradés.
01:03:18Donc j'en arrive à la deuxième période où on voit voir une sorte de suspension,
01:03:26de refoulement au nom de la réconciliation nationale.
01:03:31Donc la situation politique a en effet changé dès 1989,
01:03:36lorsque l'armée vietnamienne s'est retirée du Cambodge.
01:03:40La signature des accords de Paris de 1991 avec les Khmers Rouges dans les négociations de paix,
01:03:51le terme de génocide a été biffé sous la pression de la Chine et des Khmers Rouges.
01:03:58Et Pierre Bayard et moi-même avons consacré un colloque et une publication
01:04:03qui revient justement sur cette période qui s'intitule « Cambodge, le génocide effacé ».
01:04:08Donc après avoir écarté six rivaux politiques dont le prince Neurodom Ranarit en 1998,
01:04:17le premier ministre Hunsen exhorte ses concitoyens à enterrer le passé et à regarder vers l'avenir.
01:04:25Ces événements politiques qui scandent cette décennie révèlent une politique mémorielle
01:04:30qui privilégie l'oubli au nom de la réconciliation nationale.
01:04:35C'est la fameuse politique win-win, gagnant-gagnant,
01:04:39où les anciens Khmers Rouges vont intégrer les tissus politiques et sociaux du pays.
01:04:45A ce titre, Chun-Ek et Tosleng finissent par sombrer peu à peu.
01:04:50Par exemple, l'état du musée S21 est si dégradé que des plafonds s'écroulent,
01:04:55la pluie pourrit les murs, les photographies se détériorent
01:05:01et les archives ne sont plus conservées dans la fraîcheur d'un climatisateur
01:05:04car le musée n'a plus les moyens de payer les factures d'électricité.
01:05:10Mais paradoxalement, le musée de Tosleng a été sauvé de l'oubli
01:05:14et de la dégradation grâce à trois projets internationaux.
01:05:21Le premier projet est conduit par l'université américaine Cornell
01:05:25qui, entre 1989 et 1993, a assuré le micro-filmage de 400 000 documents
01:05:34qui sont constitués principalement des aveux des détenus.
01:05:38Le second projet est conduit dès 1993 par deux photojournalistes,
01:05:44Christopher Rillet et Douglas Riven,
01:05:46qui ont œuvré à la restauration et au catalogage des négatifs
01:05:51des fameux portraits des prisonniers de S21
01:05:54afin d'assurer leur sauvegarde et de faciliter la recherche des disparus par les familles.
01:06:02Et enfin, le troisième projet est conduit par le programme du génocide cambodgien
01:06:07de l'université Yale qui a permis le financement du centre de documentation du Cambodge
01:06:14plus connu sous le nom de DICICAM dès 1995.
01:06:19Et c'est DICICAM qui va notamment fournir les principaux preuves,
01:06:24les archives au procès pour juger les hauts responsables Khmers Rouge.
01:06:28Pour la troisième période, correspond aux années 2000.
01:06:36Passer sous silence, la mémoire empêchée, pour reprendre Paul Ricoeur,
01:06:41puisque, à la différence de Pierre, moi je suis une grande femme de Paul Ricoeur,
01:06:47et donc j'emploie son concept, la mémoire empêchée,
01:06:52durant justement cette période, dans la société cambodgienne,
01:06:57pour le dire autrement, c'est le retour du refoulé
01:07:00qui se manifeste à travers une polémique violente
01:07:03autour de l'exposition des ossements.
01:07:07En effet, dans son livre, La mémoire, l'histoire et l'oubli,
01:07:11Paul Ricoeur parle d'une mémoire empêchée
01:07:13qui distingue de la simple mémoire manipulée, voire instrumentalisée.
01:07:19La première, donc mémoire empêchée,
01:07:21est de l'ordre du refoulement et du retour du refoulé.
01:07:25La seconde désignerait la mémoire artificielle
01:07:28construite par la propagande des États.
01:07:32La mémoire empêchée se traduit par l'oubli forcé,
01:07:35et quand on pense au Cambodge,
01:07:37pendant longtemps, dans les manuels scolaires,
01:07:40on ne parle pas des Khmers Rouges, on ne parle pas de S21.
01:07:43Et également, l'effacement, ou cet oubli forcé,
01:07:48se traduit par cette politique win-win
01:07:50qui intègre donc les anciens Khmers Rouges
01:07:53dans la vie sociale cambodgienne.
01:07:55Et les plus hauts responsables politiques du Kampoudi démocratique,
01:08:00et je pense notamment à Tamok ou Yeng Sari,
01:08:03ont vécu pendant très longtemps,
01:08:06durant de nombreuses années,
01:08:08sans être inquiétés par la justice.
01:08:11Donc vous avez sous les yeux cette carte
01:08:16qui se trouve à S21,
01:08:20donc au musée du génocide de Toulsling.
01:08:24Cette carte a été composée notamment par Vanath
01:08:29et avec d'autres artistes survivants à S21,
01:08:33donc c'est-à-dire que c'est une carte qui a été créée collectivement
01:08:37à partir des crânes qui ont été récupérées à S21.
01:08:43Et vous voyez en rouge, la grande tâche rouge,
01:08:46c'est pour figurer le grand lac Tône-les-Sabes et les fleuves.
01:08:50Et donc cette carte a cristallisé
01:08:57toute une polémique à savoir
01:09:03comment on peut garder une telle carte à S21.
01:09:09Et cette polémique a été lancée par le roi Norodom Sianouk
01:09:14qui a demandé que cette carte soit enlevée
01:09:17et que les crânes doivent être incinérés
01:09:22dans la tradition bouddhique.
01:09:25Il propose de financer la crémation et des stupas,
01:09:29les stupas étant l'urne qui recueille les cendres des morts.
01:09:36Il propose donc de lancer cette grande cérémonie
01:09:41au nom du respect dû aux morts.
01:09:44Par la même occasion, il a aussi demandé
01:09:47la fermeture du musée de Toulslein,
01:09:51c'est-à-dire de fermer S21.
01:09:54A l'époque, certaines voix ont contesté,
01:09:58et je pense notamment aux survivants Vanath,
01:10:01mais aussi aux signes Ritipan,
01:10:03qui veulent au contraire conserver les ossements
01:10:06comme preuves tangibles.
01:10:09Il y a en effet deux logiques qui s'opposent.
01:10:12D'un côté, ce que j'ai appelé la logique de l'histoire,
01:10:15c'est-à-dire le travail des historiens
01:10:17et aussi le travail des tribunaux
01:10:20pour juger, pour mettre en place une vérité historique.
01:10:28Alors que pour établir cette vérité historique,
01:10:34il faut conserver les ossements comme preuve.
01:10:40Alors que dans la culture populaire,
01:10:42les défunts, donc dans la logique,
01:10:45ce que j'ai appelé la logique spirituelle,
01:10:48les défunts qui n'ont pas été célébrés
01:10:51ne peuvent pas,
01:10:53c'est-à-dire si on ne leur offre pas une sépulture
01:10:56et notamment une crémation,
01:10:58ces âmes errantes ne peuvent se réincarner,
01:11:02ne peuvent quitter le monde des vivants,
01:11:04c'est-à-dire qu'on les condamne
01:11:06à être des âmes errantes.
01:11:09Donc le sujet reste aujourd'hui encore très sensible
01:11:12car cela questionne le respect que l'on doit aux morts
01:11:15et du point de vue philosophique,
01:11:17au poids des morts sur les vivants.
01:11:20En 2002, un compromis provisoire fut trouvé.
01:11:23La carte fut remplacée par une photographie
01:11:27et le premier ministre Hunsen
01:11:29publia une lettre officielle
01:11:31imposant que tous les restes humains
01:11:33retrouvés à travers le pays
01:11:34soient conservés comme preuve
01:11:37des crimes historiques
01:11:38et une base pour le souvenir et l'éducation.
01:11:42Et pour faire taire la polémique,
01:11:43il déclara qu'il organiserait un référendum
01:11:46sur la question
01:11:47après la fin des procès
01:11:49des hauts dirigeants Khmer Rouge.
01:11:51À ce jour, il n'y a pas eu de référendum.
01:11:54Et si vous me demandez
01:11:56quelle est ma position,
01:11:58je dirais que pendant longtemps,
01:11:59avant la mise en place des procès,
01:12:01j'étais pour, comme Rétipane et Vanat,
01:12:04qu'on ne détruise pas ces ossements
01:12:07parce qu'au Cambodge,
01:12:08il y a beaucoup de négationnistes
01:12:10et c'est les seules preuves que nous avons.
01:12:14Aujourd'hui, avec la mise en place des procès,
01:12:17qu'il y a de plus en plus de chercheurs
01:12:18qui s'intéressent au cas du Cambodge,
01:12:21peut-être un jour, peut-être dans 10 ans, 20 ans,
01:12:24on sera prêt pour incinérer ces ossements
01:12:27et libérer les âmes errantes.
01:12:29Pour ma quatrième époque,
01:12:34ça correspond à la période
01:12:36de la mise en place des COTC,
01:12:38c'est-à-dire les chambres extraordinaires
01:12:40au sein des tribunaux cambodgiens,
01:12:43c'est-à-dire de 2006 à aujourd'hui.
01:12:46Cette période récente est marquée
01:12:48par un processus de patrimonialisation
01:12:52émanant non seulement des pouvoirs publics cambodgiens,
01:12:55mais aussi d'acteurs internationaux,
01:12:59notamment grâce au procès de Phnom Penh
01:13:01qui ont permis de mettre en lumière
01:13:04la tragédie qu'a connue le peuple cambodgien
01:13:07en jugeant Douk et en jugeant Kyusampan et Nuntir.
01:13:12Anne-Laure Poré a souligné l'effet boomerang
01:13:15des procès des anciens dirigeants Khmer Rouge
01:13:17dans la société d'aujourd'hui,
01:13:19notamment par le biais des mesures de réparation
01:13:22qui encouragent un travail pédagogique
01:13:25sur cette période.
01:13:27Et ce souci pédagogique se retrouve
01:13:30dans la nouvelle muséographie de S21 et de Tchounheg.
01:13:35Notamment, un accent a été mis
01:13:37sur les panneaux explicatifs
01:13:39des contextes historiques
01:13:41ou sur l'organisation d'un parcours autoguidé.
01:13:46Par ailleurs, le pays s'ouvre
01:13:49au tourisme de masse,
01:13:52à cet égard, S21 et Tchounheg participent
01:13:55au tourisme de la mort,
01:13:57le tanatotourisme,
01:14:00et ces deux conjectures
01:14:01participent d'une certaine manière
01:14:03à une relecture légèrement décalée
01:14:05du méta-récit originaire
01:14:08tel qui a été construit
01:14:09durant la première période.
01:14:11Les photographies que vous avez sous les yeux,
01:14:16ce sont des photographies
01:14:17que j'ai prises tout récemment en février
01:14:21où on voit que la visite massive des touristes
01:14:25fait qu'on finit par mettre du béton
01:14:30pour souligner où étaient ces fameuses fosses.
01:14:34C'est extrêmement scandaleux.
01:14:36Et là, c'est un arbre
01:14:38où les Khmer Rouges
01:14:40assassinaient les 500 enfants
01:14:42qui sont passés à S21
01:14:44en les frappant
01:14:46contre l'arbre.
01:14:48Et aujourd'hui, vous voyez que cet arbre,
01:14:51les touristes viennent accrocher
01:14:52des rubans ou des allumés.
01:15:02Donc, à travers les différentes politiques mémorielles
01:15:05mises en place
01:15:06durant les quatre périodes
01:15:07que je viens d'évoquer,
01:15:09nous avons vu que le travail de mémoire
01:15:11est loin d'être linéaire.
01:15:13Et à ce titre,
01:15:14l'édification de Tchonheg
01:15:16souligne que le travail mémoriel
01:15:18est complexe,
01:15:20hétérogène et discontinu.
01:15:22Malgré tout,
01:15:23les sites mémorieux que sont Tchonheg
01:15:25et le musée de Tosleng
01:15:26sont bien inscrits
01:15:27dans la mémoire collective.
01:15:30Tous deux cristallisent
01:15:31le souvenir douloureux
01:15:32des victimes du régime Khmer Rouge.
01:15:33Ils sont si emblématiques
01:15:35qu'ils finissent par faire écran
01:15:37à d'autres mémoriaux
01:15:39qui ont été construits.
01:15:40Donc, certains sont toujours actifs.
01:15:43En effet,
01:15:44le DCCAM,
01:15:45le centre de documentation du Cambodge,
01:15:48a publié en 2006
01:15:51une liste non exhaustive,
01:15:53mais en tout cas,
01:15:55le DCCAM recensait
01:15:56110 mémoriaux au Cambodge.
01:15:59Et donc,
01:16:00pour cette troisième
01:16:01et dernière partie,
01:16:02j'aimerais vous présenter
01:16:03quelques sites
01:16:04qui ont été éclipsés.
01:16:06Le premier site
01:16:08que vous avez sous les yeux
01:16:10s'appelle
01:16:10Wat Samran Knon.
01:16:13Après Tchonheg,
01:16:14ce mémorial de Wat Samran Knon,
01:16:17qui se trouve
01:16:17pas loin de la ville
01:16:19de Batambang,
01:16:20dans le nord-ouest du Cambodge,
01:16:23est le plus visité.
01:16:24les archives du DCCAM
01:16:27indiquent qu'il y a eu
01:16:28au moins
01:16:2910.008 corps
01:16:31qui ont été découverts
01:16:32dans une centaine de charniers.
01:16:35Et dans ce
01:16:36Wat Samran Knon,
01:16:37un premier mausolée
01:16:38a été édifié
01:16:40en 1979,
01:16:41notamment
01:16:41sous l'impulsion
01:16:43d'un survivant
01:16:44emprisonné
01:16:45pendant plusieurs mois
01:16:47dans cette pagode.
01:16:48Mais c'est véritablement
01:16:49en 2008
01:16:50que vous avez
01:16:52sous les yeux
01:16:52ce nouveau mémorial
01:16:54de Wat Samran Knon
01:16:55qui est le plus connu.
01:16:56Et ce mémorial
01:16:58a été entièrement,
01:17:00disons 90%,
01:17:02financé
01:17:03par des donations
01:17:05des membres
01:17:05de la diaspora
01:17:06cambodgienne,
01:17:08des Etats-Unis,
01:17:09du Canada,
01:17:10de l'Australie,
01:17:11de la Nouvelle-Zélande
01:17:12et de la France.
01:17:14Il a été baptisé
01:17:15le Puy des Ombres
01:17:16et c'est l'une
01:17:17des rares monuments
01:17:18à mentionner
01:17:20le nombre
01:17:20des gardiens
01:17:21et des tueurs
01:17:22du centre.
01:17:22Et là,
01:17:25je n'ai pas pu
01:17:25vous montrer,
01:17:26mais il y a
01:17:27deux textes,
01:17:28un en cambodgien
01:17:28et un autre
01:17:29en anglais.
01:17:30Et même s'il y a
01:17:32une grande partie,
01:17:33la traduction
01:17:34est la même,
01:17:35mais ce qui différencie,
01:17:36c'est la fin,
01:17:37le message final.
01:17:38D'un côté,
01:17:39la traduction
01:17:40en anglais
01:17:40souligne
01:17:41cette volonté
01:17:42de résilience
01:17:43qu'il faut
01:17:44que le peuple
01:17:45cambodgien
01:17:46doit dépasser
01:17:48les souffrances
01:17:49pour construire
01:17:50un avenir radieux
01:17:52pour privilégier
01:17:55en tout cas
01:17:55la solidarité
01:17:56du peuple cambodgien.
01:17:58En revanche,
01:17:59dans la partie finale
01:18:01du texte
01:18:02en cambodgien,
01:18:03au contraire,
01:18:05les cambodgiens
01:18:05du Cambodge
01:18:06marquent
01:18:07les souffrances
01:18:08subies
01:18:09comme s'ils n'étaient
01:18:10pas encore prêts
01:18:11à tourner la page
01:18:12à pardonner
01:18:13les criminels
01:18:15Khmer Rouge.
01:18:18Alors,
01:18:18le deuxième
01:18:20centre d'extermination
01:18:23qui a aussi
01:18:25un mémorial,
01:18:27c'est le mémorial
01:18:28Krang-Takyan
01:18:29qui se trouve
01:18:30à Takeo
01:18:31qui est à une heure
01:18:31et demie
01:18:32de route
01:18:32vers le sud
01:18:33de Plomping.
01:18:35Et l'ampleur
01:18:36des exactions
01:18:37à Krang-Takyan
01:18:38reste largement
01:18:39méconnue
01:18:39même si
01:18:40les enquêteurs
01:18:42des chambres
01:18:43extraordinaires
01:18:43au sein
01:18:44des tribunaux
01:18:44cambodgiens
01:18:45ont bien mené
01:18:46des investigations.
01:18:48Au titre
01:18:49des réparations
01:18:50de justice,
01:18:51l'ONG
01:18:51You4Peace
01:18:52a entrepris
01:18:53un travail
01:18:54de documentation
01:18:55avec des panneaux
01:18:56des visites
01:18:57du site
01:18:57et notamment
01:18:58vous avez
01:18:59un guide
01:18:59de passionné
01:19:00qui a 76 ans
01:19:02et qui nous a fait
01:19:02la visite
01:19:03du site
01:19:04mais nous étions
01:19:05de la journée
01:19:07les deux seuls
01:19:08à venir visiter.
01:19:09c'est-à-dire
01:19:09en dehors
01:19:10de Tchon-Ek
01:19:11même
01:19:12Krang-Takyan
01:19:13il n'y a personne
01:19:14pour venir
01:19:15visiter le lieu.
01:19:19Alors que
01:19:19ce mémorial
01:19:20qui sont
01:19:21tous construits
01:19:22à partir
01:19:23du mémorial
01:19:24de Tchon-Ek
01:19:25ils ont pu
01:19:27eximer
01:19:28plus de
01:19:2810 000
01:19:29crânes
01:19:30et dont
01:19:311904 crânes
01:19:33sont exposés
01:19:34derrière
01:19:35les vitres
01:19:35du mémorial
01:19:36érigé
01:19:37donc
01:19:37dans l'ancien
01:19:38camp d'extermination.
01:19:42Le stupa
01:19:43de Kampong-Tiam
01:19:44et là
01:19:45vous avez
01:19:45aussi
01:19:46des peintures
01:19:48notamment
01:19:49effectuées
01:19:49par
01:19:50des lycéens
01:19:51dans la région.
01:19:52Troisième
01:19:55mémorial
01:19:55qui s'intitule
01:19:56c'est un stupa
01:19:57à Kampong-Tiam
01:19:58Kampong-Tiam
01:19:59se trouve
01:20:00vers
01:20:01l'est
01:20:03du Cambodge
01:20:04dans une région
01:20:05
01:20:06il y a
01:20:06principalement
01:20:07l'ethnie
01:20:08Kham
01:20:08c'est-à-dire
01:20:09des musulmans
01:20:10cambodgiens.
01:20:14Et là
01:20:14on est au milieu
01:20:15d'un champ
01:20:16il n'y a
01:20:17quasiment rien
01:20:18on sait
01:20:18qu'il y a un mémorial
01:20:19grâce
01:20:19à ce panneau
01:20:21sur la route
01:20:21mais en dehors
01:20:23de ça
01:20:23il n'y a
01:20:24aucune information.
01:20:26Et enfin
01:20:26pour aller vite
01:20:27il y a aussi
01:20:29d'autres
01:20:30lieux de massacre
01:20:31mais
01:20:32il n'y a
01:20:32ni
01:20:32d'érection
01:20:33de mémoriaux
01:20:34ni de pancartes
01:20:36notamment
01:20:37le site
01:20:38de
01:20:39de
01:20:41Voix-et-Pnom
01:20:42que vous avez
01:20:43sûrement vu
01:20:44si vous avez
01:20:45la chance
01:20:45de lire
01:20:46l'article
01:20:47du journaliste
01:20:49Arnaud Vollerin
01:20:50sur les traces
01:20:51des Khmers-Rouge
01:20:51parce qu'en fait
01:20:52tous les deux
01:20:52nous avons effectué
01:20:53tous ces principaux sites
01:20:55et donc
01:20:56sur le Voix-et-Pnom
01:20:57il y a
01:20:58à côté
01:20:59l'un des rescapés
01:21:00qui est venu
01:21:03qui nous a
01:21:04accompagnés
01:21:05et moi-même
01:21:06je me suis rendue
01:21:08il y a quelques années
01:21:09j'étais venue
01:21:10visiter
01:21:11un temple
01:21:12en coréen
01:21:12du 11e siècle
01:21:13et j'avais gardé
01:21:14le souvenir
01:21:14que c'était
01:21:15un de mes lieux
01:21:16préférés
01:21:17mais je n'avais
01:21:18pas réalisé
01:21:19avant
01:21:20février
01:21:21de cette année
01:21:21qu'il y a eu
01:21:22un orphelinat
01:21:24où on pense
01:21:25qu'il y a plus
01:21:26de 5000 orphelins
01:21:28qui ont été
01:21:28logés
01:21:30à l'intérieur
01:21:31de cette
01:21:32grande salle
01:21:33où il y a eu
01:21:35énormément
01:21:35de morts
01:21:36on compte
01:21:37entre 5000
01:21:39et 10 000
01:21:39personnes
01:21:40qui ont été
01:21:40massacrées
01:21:41je donne une
01:21:42grande fourchette
01:21:43parce que
01:21:43précisément
01:21:44il y a eu
01:21:45très peu
01:21:45de documents
01:21:46de même
01:21:50le barrage
01:21:51de Camping Poi
01:21:53qui se trouve
01:21:54à une heure
01:21:55de Batambang
01:21:56qui est surnommé
01:21:57le barrage
01:21:58de la mort
01:21:59c'est l'un des plus
01:22:00grands réservoirs
01:22:01d'eau du Cambodge
01:22:02qui a été
01:22:02construit
01:22:04avec l'aide
01:22:04des chinois
01:22:05par les Khmerouches
01:22:06et pour construire
01:22:07ce grand barrage
01:22:09on pense
01:22:10que plus de
01:22:1010 000 personnes
01:22:11ont été
01:22:12massacrées
01:22:13qui sont
01:22:14morts
01:22:14sur place
01:22:15l'aéroport
01:22:19de Camping
01:22:20Nam
01:22:20d'ailleurs
01:22:21c'est grâce
01:22:22au film
01:22:22le dernier film
01:22:23de Ritipan
01:22:24Rendez-vous
01:22:25avec Paul Pot
01:22:26qui a mis en lumière
01:22:27et je rejoins
01:22:28tout à fait
01:22:28Pierre
01:22:29quand il dit
01:22:29que les oeuvres
01:22:30permettent
01:22:31de mettre en lumière
01:22:32de retenir
01:22:33certains lieux
01:22:33et s'il n'y avait
01:22:34pas eu le film
01:22:35de Ritipan
01:22:37Rendez-vous
01:22:37avec Paul Pot
01:22:38et bien nous-mêmes
01:22:39on n'aurait pas
01:22:40eu connaissance
01:22:41de cet aéroport
01:22:42qui a été construit
01:22:43sous les Khmers Rouges
01:22:45avec l'aide
01:22:46des Chinois
01:22:46et on parle
01:22:48plus de 10 000 morts
01:22:49aussi
01:22:49sur ce chantier
01:22:51et cet aéroport
01:22:54de Camping
01:22:54Nam
01:22:55n'a jamais servi
01:22:56par les Khmers Rouges
01:22:57et quand nous nous sommes rendus
01:22:59c'est devenu
01:22:59un lieu
01:23:00inaccessible
01:23:01parce que
01:23:02occupé
01:23:02par l'armée
01:23:04du gouvernement
01:23:06actuel
01:23:06mais on a réussi
01:23:07quand même
01:23:08à faire quelques photos
01:23:09à l'intérieur
01:23:10très rapidement
01:23:11et pour finir
01:23:15et là j'arrive
01:23:16à ma conclusion
01:23:17au Cambodge
01:23:19certains lieux
01:23:20de massacre
01:23:20sont inscrits
01:23:21dans notre mémoire
01:23:22collective
01:23:23comme je l'ai dit
01:23:23tout à l'heure
01:23:24comme Choun Heg
01:23:25et d'autres
01:23:25sont peu connus
01:23:26et encore d'autres
01:23:27comme l'aéroport
01:23:29de Camping
01:23:30Nam
01:23:30sont effacés
01:23:31mais si le mémorial
01:23:32de Choun Heg
01:23:33est le plus visible
01:23:35le plus inscrit
01:23:35dans l'histoire collective
01:23:36il est aussi
01:23:38comme je l'ai rappelé
01:23:39tout à l'heure
01:23:39traversé
01:23:40par différents
01:23:41rythmes mémoriels
01:23:42toutefois
01:23:43la mémoire
01:23:44du passé
01:23:44Khmer Rouge
01:23:45reste fragile
01:23:46et soumise
01:23:47aux volontés politiques
01:23:48et je donnerai
01:23:49deux exemples
01:23:50celui de
01:23:51En Longveigne
01:23:52où Arnaud
01:23:53Vellerin
01:23:53et moi
01:23:53avons visité
01:23:54c'est le dernier
01:23:55bastion
01:23:56des Khmer Rouge
01:23:57et nous avons été
01:23:59un peu choqués
01:23:59si je puis dire
01:24:00par la manière
01:24:01comment ça a été
01:24:02représenté
01:24:03sur cette période
01:24:05sur le régime Khmer Rouge
01:24:06et là vous avez
01:24:07une pancarte
01:24:09où on voit
01:24:09Pol Pot
01:24:11avec sa fille
01:24:12alors qu'il n'y a
01:24:17aucune mention
01:24:18que c'est
01:24:19le chef
01:24:19des Khmer Rouge
01:24:21qui a commis
01:24:22la mort
01:24:23de deux millions
01:24:24de personnes
01:24:24c'est à dire
01:24:25un quart de la population
01:24:26et ici
01:24:29c'est
01:24:30le site
01:24:31qui est conservé
01:24:33où se trouve
01:24:34un sort de
01:24:35mémorial
01:24:36un peu improvisé
01:24:37où il y aurait
01:24:40les cendres
01:24:40de Pol Pot
01:24:41mais à nouveau
01:24:43on a demandé
01:24:44pourquoi il n'y a
01:24:45aucune pancarte
01:24:46pour définir
01:24:47le rôle de Pol Pot
01:24:48sous cette période
01:24:48et le guide
01:24:49nous a dit
01:24:50en grosso modo
01:24:51on n'a pas eu
01:24:54le temps de le mettre
01:24:54on n'a pas eu
01:24:55les moyens de le mettre
01:24:56mais on voit bien
01:24:57que dans cette région
01:24:59la volonté
01:25:00c'est une volonté
01:25:01avant tout
01:25:01de réconciliation
01:25:02quitte à réécriture
01:25:04l'histoire
01:25:05et je trouve
01:25:06que c'est
01:25:07un peu limite
01:25:08par rapport
01:25:09à l'histoire
01:25:10du Cambodge
01:25:11et enfin
01:25:12le deuxième exemple
01:25:14c'est
01:25:15je dirais
01:25:17que autant
01:25:17vous avez compris
01:25:19qu'il y a
01:25:19beaucoup de mémoriaux
01:25:20qui sont peu connus
01:25:21ou qui sont tombés
01:25:22à l'abandon
01:25:23qu'il y a des lieux
01:25:24parce qu'il faut
01:25:25que je rappelle
01:25:25il y a quand même
01:25:2620 000 charniers
01:25:27au Cambodge
01:25:27dans tout le territoire
01:25:28et il n'y a pas
01:25:30d'information
01:25:31en revanche
01:25:32on voit que
01:25:33dans la cartographie
01:25:37du Cambodge
01:25:38s'érigent
01:25:39de plus en plus
01:25:41des mémoriaux
01:25:42win-win
01:25:43gagnant-gagnant
01:25:45voulus
01:25:46par le pouvoir
01:25:48actuel
01:25:49pour marquer
01:25:50la réconciliation
01:25:52nationale
01:25:53pour marquer
01:25:54et je reprends
01:25:55les mots
01:25:56de l'ancien
01:25:57Premier ministre
01:25:57Ronsen
01:25:58sur sa page
01:25:58Facebook
01:25:59qui dit
01:25:59que le mémorial
01:26:01win-win
01:26:02dont vous avez
01:26:02sous les yeux
01:26:03qui a été inauguré
01:26:04en 2018
01:26:05il dit ceci
01:26:07le mémorial
01:26:08est le symbole
01:26:09de la réconciliation
01:26:10nationale
01:26:11de la solidarité
01:26:13de l'intégrité
01:26:14territoriale
01:26:15et de la prospérité
01:26:16du Cambodge
01:26:18et donc
01:26:19l'étude
01:26:20de la mémoire
01:26:22différentielle
01:26:23est importante
01:26:24et ça
01:26:25je rejoins
01:26:26aussi bien
01:26:27Ariane
01:26:27que Pierre
01:26:28est importante
01:26:30du point de vue
01:26:31des sciences humaines
01:26:32pour la mise
01:26:33en récit
01:26:33de l'histoire
01:26:34collective
01:26:35mais surtout
01:26:36et en particulier
01:26:37au Cambodge
01:26:38cette mémoire
01:26:40différentielle
01:26:41permet
01:26:41de lutter
01:26:42contre l'oubli
01:26:43et de continuer
01:26:44à faire justice
01:26:46aux âmes errantes
01:26:47tant que celles-ci
01:26:48ne sont pas
01:26:49apaisées
01:26:50merci
01:26:51Merci
01:26:52Applaudissements
01:26:54Applaudissements
01:26:54Applaudissements
01:26:54Merci.

Recommandations