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« De Tours d’Exil à Gorgone, en 10 ans, j’ai sillonné les failles de la mémoire familiale. Résistance à la destruction massive passée des Khmers rouges : c’est une histoire qui s’élabore patiemment. » — Jenny Teng.

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#forumdesimages
Un cours de cinéma donné par Jenny Teng, réalisatrice, le 25 avril, dans le cadre de la thématique Qui se souvient du génocide cambodgien ?

Chaque vendredi à 18h30, les cours de cinéma du Forum des images, entrée libre.
Transcription
00:00:00Merci Muriel, merci Soko, et merci à toutes les équipes du forum de m'accueillir ce soir.
00:00:17Et merci à vous d'être venus m'écouter un vendredi soir si nombreux.
00:00:21Et qui puissait, dernier week-end des vacances de Pâques, j'espère que vous n'allez pas regretter votre choix.
00:00:28Alors, on va se demander ce soir si le cinéma peut nous consoler, si le cinéma peut apporter une consolation après la destruction d'une société entière,
00:00:39après la déshumanisation d'un peuple entier, après l'abolition de tous les rituels religieux traditionnels,
00:00:46après la transformation du sens de la langue et l'interdiction de toute forme de connaissances.
00:00:51Et je pourrais continuer longtemps la liste qui caractérise la folie du régime Khmer Rouge,
00:00:57qui a débuté le 17 avril 1975 et pris fin le 7 janvier 1979.
00:01:05Donc, tout d'abord, on peut se demander consoler qui et par qui.
00:01:09Donc, le « nous » décrit un horizon collectif parce que c'est justement ce qu'il manque, le collectif.
00:01:17Le groupe, après un génocide qui a divisé, éclaté, la société en catégorie sociale, politique et historique.
00:01:25C'est donc justement le collectif qui manque après 1979 pour tous les Cambodgiens.
00:01:29Et dans « nous », il y a les survivants représentés par une première génération.
00:01:36Il y a leurs enfants qu'on appellera la deuxième génération et qui héritent de cette histoire malgré elle.
00:01:41Et il y a aussi les morts, assassinés violemment, morts de maladie, d'épuisement et de famine.
00:01:48Car comme l'a décrit l'historienne et théoricienne de l'art Sokofaï,
00:01:51il s'y présente dans le cours du cinéma vendredi dernier donné ici avec l'historien au Fier Lévy,
00:01:57« Les œuvres d'artistes autour de la mémoire du génocide, qu'ils ont nommées œuvres et sépultures,
00:02:04sont aussi là pour apaiser les morts, pour ces âmes errantes qui poursuivent leurs errances,
00:02:11tant qu'elles n'ont pas reçu de sépulture. »
00:02:14Alors pour revenir à la consolation, on peut interroger la possibilité de consoler celui qui est en deuil.
00:02:21La philosophe et écrivaine Clermarin constate que, je la cite,
00:02:26« Dans certaines situations, la consolation est vaine, elle est même violente, agressive.
00:02:32Celui qui est pris dans sa tristesse, son chagrin, sa souffrance, ne veut pas être consolé.
00:02:37Il a besoin qu'on reconnaisse qu'il est inconsolable,
00:02:40parce qu'être inconsolable, c'est dire toute la force de la relation dont il souffre de l'avoir perdu.
00:02:47Reconnaître qu'il est inconsolable, parfois même d'accepter de le laisser seul,
00:02:54c'est simplement comprendre qu'il a perdu une raison de vivre. »
00:03:00Donc cela va avec l'injonction de faire le deuil,
00:03:08qui est, selon Vinciane Després, un credo de la société néolibérale pour nous faire avancer,
00:03:18pour passer à autre chose.
00:03:19Et elle parle de la normalisation de la psyché quant aux étapes classiques
00:03:27par lesquelles, dit-on, doit faire un deuil.
00:03:30C'est-à-dire, on passe d'abord par le déni, puis la colère, le marchandage, la dépression,
00:03:36et pour arriver à l'acceptation.
00:03:39Et à l'inverse de cette injonction à faire le deuil,
00:03:42Vinciane Després, éclaire les pratiques qui visent à ne pas exclure le mort de la vie des vivants.
00:03:50Le mort existe toujours, mais sous une autre modalité d'existence.
00:03:55Je cite un passage de Au bonheur des morts.
00:04:00« Il faut situer le mort, c'est-à-dire lui faire de la place.
00:04:03Le ici, c'est vidé, il faut construire le là.
00:04:08Ceux qui apprennent à entretenir les rapports avec leur mort
00:04:10assument donc bien un travail qui n'a rien à voir avec le travail du deuil.
00:04:15Il faut trouver une place de multiples manières
00:04:17et dans la très grande diversité des significations que peut prendre le mot « classe ».
00:04:22Alors, si cette introduction était assez longue,
00:04:29c'est parce que la question que posent les cinéastes de la seconde génération est celle-ci.
00:04:36« Raconte-moi tes morts, raconte-moi la place qu'ils prennent dans ta vie aujourd'hui ».
00:04:43Et on peut passer l'extrait 1 de Tour d'exil.
00:04:50Désolé pour ceux qui l'ont vu il y a trois jours.
00:04:53Désolé pour ceux qui l'ont vu, c'est-à-dire qu'ils prennent dans ta vie aujourd'hui.
00:05:22Désolé pour ceux qui l'ont vu des
00:05:51Le docteur, il s'est très douloureux, très douloureux, c'est méchant, méchant, vraiment méchant.
00:06:06Mon frère, sa famille, sa fille, sa fille, son fils, tout, tout.
00:06:13Et 22 ans, le docteur est là.
00:06:15Tu m'a dit pourquoi ?
00:06:20Je suis si tu es très bé.
00:06:22Cha ché est très bé, c'est ça.
00:06:28Tu es très bé.
00:06:34Je ne suis pas méchant.
00:06:36Je suis venu d'un frère et 5 soeurs.
00:06:37Mais moi, le dernier 77 ans, c'est pas mal quand même.
00:06:42Encore un frère, encore un autre maintenant.
00:06:4584 ans.
00:06:4784 ans, un seul avec moi, 6, 2 ans.
00:06:50Tu es un beau team ici ?
00:06:53Je suis chau, chau, chau, chau, chau,
00:06:56chau, chau, chau, chau, chau,
00:06:58mais je suis là, je suis là.
00:07:00Je suis là, je suis là, je suis là.
00:07:03Je suis là.
00:07:06Je suis là.
00:07:10Je suis lànent.
00:07:12Je suis là-
00:07:12Je suis là-
00:07:14Je suis à la mort.
00:07:15Je suis là ma-
00:07:17On, on fait plus que je...
00:07:19On est là方 il faut faire partie.
00:07:25Et...
00:07:26Y je bouge à tes cores.
00:07:30Je l'ai vu vu, je me suis dit qu'il a l'air,
00:07:35je m'en faisais pas.
00:07:38Je m'en ai plus que je suis dit qu'il a l'air,
00:07:42je m'en ai plus que mon kén,
00:07:47je m'en ai plus que ce qu'il a.
00:07:51Et je vous demande si vous l'a dit qu'il a l'air?
00:07:55On a vraiment cherché une haute, une haute, une haute, une haute, une haute, une haute.
00:08:25J'ai vu que j'ai vu que j'ai vu.
00:08:55Il y a beaucoup d'amis tous les jours à prendre un café, discuter, et ça.
00:09:12C'est un extrait de Tour d'Exil que j'ai réalisé en 2009, et je vais tenter de décliner
00:09:30ce cours de cinéma en trois temps, en commençant par Tour d'Exil, qui dialoguera avec deux autres
00:09:36films Ankar de Niri Adlin Hai, et Le goût du secret de Guillaume Sion, qui passera demain
00:09:45à 16h.
00:09:48Dans un deuxième temps, on parlera de Gorgon, que j'ai réalisé dix ans plus tard, en 2020,
00:09:55avec plus de recul et de place pour la voix de la deuxième génération.
00:09:59Et enfin, j'espère qu'on aura le temps, on verra comment la fiction, sous la forme
00:10:07d'une série que j'écris aujourd'hui, peut reprendre et approfondir une quête personnelle
00:10:13et documentaire.
00:10:16Alors, Tour d'Exil se présente comme une quête de fantômes dans le quartier chinois du
00:10:2113e arrondissement de Paris, et je suis partie avec cette question, où sont ces âmes errantes,
00:10:27ces individus morts pendant le génocide qui n'ont pas eu de sépulture ? Sont-elles
00:10:31venues s'exiler avec les rescapés cambodgiens et sino-cambodgiens entre les Tours des Olympiades ?
00:10:37Et après la diffusion de Tour d'Exil sur France Outre-mer, il est passé deux fois, en
00:10:47fait, beaucoup de gens dans la communauté asiatique du 13e l'ont vu, et en fait, c'était
00:10:54une première, ils en ont beaucoup parlé, à tel point que ma mère n'était pas très
00:10:59contente parce qu'on l'interpellait pour lui parler de sa famille au Cambodge.
00:11:06Et tout le monde a reconnu les quatre figures que représente So Soven, qui chante à la
00:11:13Shin Masena pour les banquets de mariage, le sans-abri Bouddha, qui avait trouvé refuge
00:11:18à l'entrée du temple sous les Olympiades en échange de quelques services de ménage,
00:11:23et Tameng, qu'on voit ici, l'infatigable joueur de PMU, qui est toujours guiré, bon vivant,
00:11:31et d'ailleurs, voilà, il est bon vivant quand il parle en français, mais en fait, quand
00:11:39il raconte les histoires du... ça m'a frappé là, quand il parle de son passé très douloureux,
00:11:46il n'utilise pas le français, il parle là, il parle en techiou, donc techiou c'est T-E-O-C-H-E-W,
00:11:56pour ceux qui prennent des notes, il n'y en a pas beaucoup, techiou, voilà, c'est en fait
00:12:01c'est sino-cambodgien, c'est-à-dire c'est des chinois du Cambodge qui sont arrivés en France
00:12:07et qui parlent le dialecte techiou. Et le quatrième personnage, c'est Oumpha, c'est une commerçante
00:12:15qui a une boutique depuis plusieurs dizaines d'années au cœur de Chinatown, et qui est ma mère.
00:12:21Donc, par ces quatre portraits, par ces quatre solos, j'ai tenté une esquisse de mémoire
00:12:26collective. Et pour parler un peu de mon rapport aux trois personnes qui entourent ma mère,
00:12:34dans le film, je les connaissais parce qu'elles font partie du quartier, elles font partie de
00:12:41la vie du quartier. Mais je ne les connaissais pas dans leur intimité, et du coup, elles ont
00:12:50accepté d'être filmées, mais avec un temps très très court et avec beaucoup d'allers-retours
00:12:58concernant où est-ce qu'on allait se donner rendez-vous, combien de temps ça pouvait prendre,
00:13:03c'est passé d'une journée à une demi-journée, puis à deux heures, puis à une heure. Donc,
00:13:07c'était pas évident comme tournage. Mais ce qui est, avec du régul, ce que je comprends
00:13:16aujourd'hui, et ce qui me touche, c'est qu'en fait, ils ont tenu à faire ce témoignage.
00:13:23Ils éprouvaient un besoin à ce moment-là de le faire, et ils ont tenu jusqu'au bout,
00:13:28même si c'était extrêmement difficile pour eux, parce qu'ils n'avaient jamais parlé
00:13:33de cette histoire sous forme d'un récit. C'est-à-dire que c'était peut-être sorti par
00:13:40anecdote et avec des traits proches, mais pas sous forme de récit devant une caméra.
00:13:44Et en fait, 2009, ça paraît pas si loin, mais à l'époque, ça faisait pile 30 ans
00:13:55après la chute du régime Khmer Rouge, donc de 1979, et c'était encore très tôt
00:14:01pour que les récits adviennent. L'historienne Annette Viviorca estime à 25-30 ans
00:14:10le temps incompressible et nécessaire pour que les survivants de l'Holocauste
00:14:18puissent raconter ce qu'ils ont traversé.
00:14:19Mais d'une part, 30 ans s'est court, 2009, mais c'est aussi... La grosse différence
00:14:32avec la Shoah, c'est que ce crime de masse, le génocide cambodgien, a été complètement
00:14:39oblitéré de l'histoire. Donc, et pour rappel, ce que Pierre Bayard et Sokofaï
00:14:47ont bien rappelé à l'ouverture du festival, c'est que la qualification de génocide
00:14:52a été reconnue seulement par la justice internationale en 2018, et ce, pour la persécution des
00:14:59tchams et des vietnamiens. Donc, même pas pour le peuple cambodgien ni chinois, voilà.
00:15:10Donc, après la préparation de quelques semaines pour cartographier les lieux, s'assurer
00:15:17d'un contact dans chaque décor pour faire face à tout obstacle, préparer le chef
00:15:22phobe, l'assistante et l'ingéçon par rapport au sujet, par rapport à la personnalité
00:15:28des personnes qu'on allait filmer, leur présenter mon quartier, les dédales, les coins cachés,
00:15:37faire des essais caméra et tout ça. Nous sommes partis sur un tournage assez court de
00:15:41huit jours. Et ce temps assez très court fait qu'on n'a pas pu vraiment choisir tout
00:15:54ce qu'on a voulu, mais c'est devenu un parti pris au montage et c'est devenu aussi un parti
00:16:00pris esthétique. Et c'est pas d'un défaut, j'en ai fait une force, c'est pas ça, mais
00:16:12en fait c'était les conditions dans lesquelles pouvait naître ce film. Et ce que je cherchais
00:16:20dans ce film, c'était une certaine vérité du moment dans la relation filmeuse-filmée
00:16:28et je voulais mettre aussi en lumière le caractère ambivalent de la transmission, c'est-à-dire
00:16:38je veux te raconter, mais je ne veux pas, je n'y arrive pas ou tu ne comprendras pas ou
00:16:44ou mes souvenirs sont assez flous et très précis à la fois. J'ai voulu garder toutes
00:16:54les scories et tout ce qui fait qu'un souvenir arrive. Et à la fois, ce qui était touchant
00:17:11et perturbant, c'est que à la fois, ça avait l'air simple de parler de pertes et d'événements
00:17:18tragiques, mais à la fois, on sentait très vite qu'il ne fallait pas insister trop.
00:17:29Et Ritipane pense d'ailleurs que ce n'est pas aux survivants de témoigner, ce que je peux
00:17:39comprendre largement, mais moi, je l'ai fait. Alors, en plus, quand le survivant est son
00:17:49père ou sa mère, ça pose encore d'autres enjeux. J'ai noté trois enjeux principaux.
00:17:57Il y a apprendre des choses. On apprend des choses par le film, pendant le film. On va mettre
00:18:07en scène la découverte de ces événements. On va mettre en scène comment nous, on le découvre
00:18:12et tout ce qui va avec, c'est-à-dire la relation, la résistance du parent, le choc, la pudeur,
00:18:22parfois l'impudeur aussi. Bon, moi, j'essaie de ne pas être trop impudique, mais c'est des
00:18:31choses qui apparaissent parfois. Et un des enjeux qui n'est vraiment pas évident, c'est
00:18:38de faire de son père ou de sa mère un témoin. C'est-à-dire qu'elle ne parle pas uniquement
00:18:44à moi, mais à un tiers qui est représenté par la caméra et par l'optique de laquelle
00:18:53elle peut s'imaginer un spectateur et elle peut regarder la caméra ou s'en dérober,
00:19:01mais en tout cas, il existe. Et on va regarder deux autres extraits des deux autres films
00:19:07dont je vous ai parlé, c'est-à-dire « En quart » de Niri Adlinay, qu'elle a réalisé
00:19:14en 2017, avec son père, Kansali.
00:19:17« En quartier de Niri Adlinay, qu'elle a réalisé en quartier de Niri Adlinay,
00:19:48qu'elle a réalisé dans l'
00:20:06« En quartier des deux autres onset de tâusc,
00:20:11à à à à à à à à à à à à à à à à à à à à à à
00:20:29pour pas de temps mais sérieux il y a l'amse s'il y a la
00:20:32C'est bien.
00:21:02Je ne peux pas me crier.
00:21:04Crier, je ne peux pas me crier.
00:21:06Je ne peux pas me crier.
00:21:08Je ne peux pas crier.
00:21:10Je ne peux pas crier.
00:21:12Je ne peux pas crier.
00:21:20Dans ta vie d'avant,
00:21:22il y a cette famille que je n'ai jamais connue.
00:21:32Après j'ai部分,
00:21:34il y a des marées,
00:21:36j'avais sous laoria.
00:21:38On a été chargé dans elle en juillet,
00:21:40mais en tellement nois-tu.
00:21:43Et je viens un chéri,
00:21:45un hôtel une winehakeños français
00:21:46convaincu Las fifteen pennies.
00:21:48Il y a un homme g hierarchy.
00:21:51C'est un chose de ch incorporated.
00:21:52Mon ушre au chéri,
00:21:56J'étais de extrémitter,
00:21:58j'a faite et hitté le flew au chien
00:22:00en juillet Daar.
00:35:47Et moi, j'ai perdu une soeur, j'ai perdu un frère, j'ai perdu trois neveux.
00:36:04Tu veux dire papa ?
00:36:05Oui, papa.
00:36:07Il a donné...
00:36:09Tout le monde.
00:36:15Mais il est courageux.
00:36:17Et ces gens, ils ont été enterrés ou pas ?
00:36:28Non, c'est pour ça qu'on ne peut plus faire la prière ou faire la cérémonie pour ces gens qui sont meurs.
00:36:40Parce qu'on ne sait pas quel endroit.
00:36:42J'ai ma petite soeur, c'était avant-dernière. C'était l'avant-dernière.
00:36:53Elle est morte vers le soleil. Et tellement que mon frère, et j'ai une autre soeur, qu'elle n'a pas mangé depuis très longtemps, elle ne peut pas creuser la terre pour l'enterrer.
00:37:11Et elle a dit, bon, je retourne, je vais planter quelque chose pour faire la signe qu'elle est enterrée par là.
00:37:20Mais malheureusement, le lendemain, qu'ils sont retournés, ma soeur a été arrachée par le chien déjà.
00:37:31Elle partit déjà le corps. On ne trouve plus le corps.
00:37:34Et on ne sait pas où le chien l'a amené.
00:37:42On ne sait pas où le chien l'a amené.
00:37:56On ne sait pas où le chien l'a amené.
00:38:01On ne sait pas où le chien l'a amené.
00:38:11On ne sait pas où le chien l'a amené.
00:52:33Dans l'escaping, c'est ok, mais je pense que le travail dans le travail,
00:52:39c'est pourquoi je me suis dit que votre grand-mère ne veut pas travailler ou quelque chose.
00:52:43Parce qu'elle a une vie, elle a une servante, elle a une autre chose.
00:52:48Et elle ne veut pas travailler dans le travail.
00:52:53C'est ce que je me suis dit, je ne suis pas sûr.
00:52:55Oui, parce qu'il ne sait pas comment ils disparaissent.
00:52:59Donc il ne sait pas, il ne sait pas, il ne sait pas.
00:53:29Un matin, mon père reçoit une lettre.
00:53:32C'est un neveu du Cambodge qui lui annonce qu'il a retrouvé sa mère.
00:53:36Elle vit dans un village pas loin de la capitale, il doit venir au plus vite.
00:53:48Il se rase machinalement, sort sans un mot.
00:53:55Je vois encore son bottage de riz blanc fumant à moitié plein.
00:54:11Le même soir, il rapporte un biais pour Plompen.
00:54:16Le départ est deux jours plus tard.
00:54:20À son retour, quelque chose en lui a changé.
00:54:26Il n'a pas d'appétit, il boit beaucoup.
00:54:31Il ne l'a pas sueur.
00:54:54Il ne s'en fait pas.
00:54:59J'ai cherché dans le visage des vieilles dames, celui de ma grand-mère.
00:55:15J'ai pris des photos pour me rapprocher d'elles.
00:55:17Saisir un regard qui pourrait me guider dans cet immense labyrinthe.
00:55:47Un monde entier avait été détruit et j'avais eu avant de partir l'espoir d'en ressusciter la beauté.
00:56:17J'avais du mal à habiter chez mon oncle Jean, le seul frère à être revenu au pays, qui avait un immeuble sur quatre étages en plein cœur de Phnom Penh.
00:56:33Son fils, c'était Benoît, le garçon qui était venu vivre avec nous à Gennevilliers et qui m'avait fait rencontrer la Gorgone.
00:56:43Je partageais avec lui la terrasse et l'ambiance était morne.
00:56:47Son père l'enfermait parce qu'il avait joué tout son argent au casino.
00:56:53Quelques années après, il s'est échappé pour retrouver sa mère aux Etats-Unis et vivre aux côtés de ses tantes et de sa femme, Van Tee.
00:57:10Moi, c'est beau. Je suis le seul.
00:57:13On dit en anglais « black sheep of the family ».
00:57:17Il boit, il fume, il joue.
00:57:22Au jeu.
00:57:29Ils ne m'ont pas ramassé à la poubelle.
00:57:31Mon père n'a jamais évoqué la mort de sa mère, jamais de manière claire et directe.
00:57:49Et tant qu'il n'y avait pas eu de témoin pour attester de sa mort, sa mère pouvait toujours être en vie.
00:57:55Et cela me rappelle un entretien dans lequel la romancière Agnès Tessartes parle de son rapport à la mort de son grand-père.
00:58:07C'était en 2022.
00:58:08Je n'ai pas une grande culture générale et je n'ai pas une grande mémoire non plus.
00:58:15Je me rends compte qu'il m'arrive de devenir experte dans quelque chose, mais c'est sur un temps bref, parce qu'après, j'oublie.
00:58:21Si j'avais une bonne mémoire, je me dis que peut-être j'aurais une meilleure culture générale,
00:58:25parce que toutes ces petites expertises dans lesquelles je me suis rendue maître, si je les avais accumulées,
00:58:32peut-être que ça donnerait quelque chose de l'ordre de la culture générale.
00:58:35Je crois avoir un problème spécifique avec la fixation du savoir, mais qui est peut-être entretenu par mes services secrets.
00:58:43Le père de ma mère avait été déporté à Drancy, puis à Auschwitz,
00:58:47mais elle n'avait pas su pendant très longtemps, comme beaucoup de gens après la Seconde Guerre mondiale, s'il était mort ou pas.
00:58:53Elle avait passé des années à attendre son retour.
00:58:56C'est une expérience très commune chez les enfants de déportés.
00:58:59Et je me disais, tant qu'elle ne savait pas qu'il était mort, il n'était pas mort.
00:59:04Ça n'existait pas.
00:59:05Peut-être que dans mon esprit, savoir et savoir-mort étaient devenus les mêmes.
00:59:10Savoir était forcément savoir-mort.
00:59:16Donc, à partir du moment où je sais, à partir du moment de ce savoir capturé,
00:59:22que ma grand-mère a été assassinée au tout début parce qu'elle ne voulait pas travailler dans les champs,
00:59:30qu'est-ce que j'en fais ?
00:59:31C'est la question de comment on tisse, comment on crée, comment on va chercher dans sa mémoire
00:59:38et comment ça devient des images et on peut continuer.
00:59:43Parce que si on s'arrête là, on tombe dans un trou.
00:59:49On ne peut pas.
00:59:50Le film ne se finit pas.
00:59:51À partir de là, Gorgon prend une nouvelle direction et c'est pour ça que j'ai revu des images que j'avais faites à 20 ans.
01:00:04Sinon, je ne les aurais pas ressorties, celles que vous avez vues.
01:00:07Et c'était difficile de couper les extraits parce que, en fait, Gorgon, c'est vraiment un tout est très, très entremêlé.
01:00:17Alors, peut-être comme ce cours de cinéma, je ne sais pas.
01:00:19Mais en fait, tout fonctionne en circularité.
01:00:22C'est-à-dire qu'une chose va en donner une autre, qui va en donner une autre.
01:00:27Mais il y a une structure dans ce film quand même.
01:00:29Et si vous pouvez venir le voir, ce sera peut-être plus simple après d'en parler.
01:00:34C'est le 23 mai au musée Guimet, à 20 heures.
01:00:39Il dure 1h30.
01:00:45Donc, il y avait plusieurs matières.
01:00:49Et la matière principale était quand même la parole de mes cousins Benoît et Boune et de mes tantes.
01:00:55Mais à partir d'eux, je suis partie dans mes souvenirs à moi.
01:00:58Et de Cambodge, de ma post-mémoire, justement.
01:01:03Et je vais vous montrer un autre extrait.
01:01:09Donc, c'est pour vous montrer comment la voix off est reliée aux paroles des témoins.
01:01:14Et désolé, vous allez entendre ma voix beaucoup ce soir.
01:01:19En tout cas, j'ai choisi de ne pas mettre de panneau explicite pour chaque témoignage.
01:01:24Parce que si vous écoutez attentivement le récit de chacun et en suivant le fil, on peut retracer les familles nucléaires.
01:01:34Parce que ma chambre a parlé de sa petite soeur, l'autre de sa fille et puis l'autre de sa cousine.
01:01:41Et du coup, les choses peuvent... On peut comprendre qu'on parle de la même personne.
01:01:44Mais pour ça, il faut être très attentif.
01:01:49Et c'était aussi une forme pour dire à quel point la mémoire familiale est éclatée en morceaux.
01:01:56Et l'enjeu du film, c'était aussi de recomposer ce puzzle.
01:01:59Et pour donner de la famille entière une image plus unifiée.
01:02:02Où les individus sont liés les uns aux autres.
01:02:07Et non pas isolés chacun de leur côté avec leurs souvenirs et leurs traumatismes.
01:02:13Donc on peut voir l'extrait numéro 7.
01:02:16On peut voir l'extrait du film, c'est le film, c'est le film.
01:02:46Dans la moiteur des nuits de mon son, je faisais souvent le même cauchemar.
01:03:03J'étais coincée dans un aéroport en transit, mais le second avion n'était jamais annoncé.
01:03:11En me couchant, je pleurais.
01:03:14Ça faisait depuis l'enfance que ça n'était pas arrivé.
01:03:20Ici, les filles vendaient leur corps contre quelques dollars, parfois les enfants.
01:03:27Le ciel était renversé.
01:03:30Les repères les plus quotidiens se déplaçaient.
01:03:33Je ne retrouvais pas les gestes les plus simples.
01:03:35Me brosser les dents, boire un verre d'eau, enfiler une robe, fumer une cigarette.
01:03:43Tout me semblait se jouer sur un flottant.
01:03:45Les cheveux s'emmêlaient en gros nœuds, je ne me peignais plus.
01:03:53C'était la sensation que d'un coup, tout ce qui avait existé dans ma vie n'était
01:04:02qu'une bâtisse artificielle, qui tenait debout péniblement, adossé à un exil, lui-même
01:04:09contraint par une guerre, elle-même procédant d'une colonisation.
01:04:14« Quand j'étais enfant, j'en ai remercie la happiness.
01:04:37J'en ai remercie la gare, comment la gare la gare.
01:04:43Non.
01:04:44Je me souviens comment les gens vivent.
01:04:48Je me souviens comment la nourriture de la nourriture.
01:04:51Je me souviens comment beaucoup de gens rossent.
01:04:57Vous savez, c'était très busy.
01:05:00C'était un beau pays, un beau pays, un beau pays.
01:05:04Durant la guerre, il n'y avait rien de la mort et la destruction.
01:05:09Mais même avec la mort et la destruction, nous avons la pluie.
01:05:14Et j'aime la pluie.
01:05:17Quand la pluie de l'eau se déroule et se déroule, le son fait la musique.
01:05:26Une de mes traumatismes que j'ai jamais ressentie,
01:05:32c'était quand j'étais hungry.
01:05:36Nous étions très, très hungry parce qu'ils étaient rassés.
01:05:39Ils étaient starving à nous.
01:05:41Et j'étais walking autour de notre petite région,
01:05:45et j'ai vu un cucumber qui se déroule devant la fenêtre.
01:05:51J'étais très hungry, donc j'ai regardé,
01:05:55j'ai vérifié qu'il n'y avait rien à voir.
01:05:57J'ai pris le cucumber et j'ai eu l'as eu l'as eu.
01:06:01J'étais tellement heureux.
01:06:03J'ai eu l'as eu.
01:06:09J'ai eu l'as eu et j'ai eu l'as eu.
01:06:11J'ai eu l'as eu,
01:06:12j'ai eu l'as eu depuis le hout,
01:06:13j'ai eu l'as eu l'abri de mon-mère et j'aimCHais.
01:06:18J'ai eu l'as eu l'as eu l'as eu.
01:06:21à la rue pour l'exécution.
01:06:25Pour l'exécution,
01:06:28parce que c'est une erreur que j'ai fait.
01:06:31Et ils m'ont annoncé qu'ils voulaient nous
01:06:35pour la mort.
01:06:37Et ma mère m'a demandé et m'a demandé
01:06:40pour la forgiveness
01:06:42que j'étais seulement une fille,
01:06:44j'ai fait une erreur.
01:06:46Et qu'il n'y a pas de raison pour qu'ils voulaient nous
01:06:49et qu'ils voulaient nous,
01:06:52ils n'ont pas de bénéfice.
01:06:55Elle est une semeuse,
01:06:57elle peut se servir pour eux.
01:07:00Et nous avons été très, très heureux.
01:07:03La femme de la commander de la base
01:07:07était à l'arrivée.
01:07:09Elle m'a dit qu'il s'est passé
01:07:12et elle m'a dit qu'elle s'est passé.
01:07:15Et ma mère m'a dit,
01:07:16« Je suis une semeuse,
01:07:17je peux se servir pour vous.
01:07:18Je vais vous laisser l'aide.
01:07:20Je vais vous laisser.
01:07:21Je vais vous laisser.
01:07:22Je vais vous laisser.
01:07:23Et ma mère m'a déroulée
01:07:26vers le vent,
01:07:27vers le hut.
01:07:29Elle a pris un pang,
01:07:31un pang taux,
01:07:32un pang taux,
01:07:33un petit peu de bann.
01:07:35Elle est resté.
01:07:36Elle m'a déroulée.
01:07:37Elle m'a déroulée.
01:07:39Et elle a laissé.
01:07:41Et je me suis très petite.
01:07:43Je suis très petit et petite.
01:07:45quand elle a déroulée,
01:07:47elle allait jusqu'à l'œil.
01:07:49Vous pouvez voir l'œil.
01:07:51Et c'est ce que j'ai.
01:07:54C'est ce qui est ici.
01:07:56C'est ce qui m'a donné par ma mère.
01:07:59C'est à 7 ans.
01:08:01On voit donc la mère de Boone juste après.
01:08:09Et elle à son tour témoigne.
01:08:13Et donc la mère de Boone,
01:08:15c'est la femme du frère de ma mère
01:08:17qui lui est mort en 75.
01:08:19Donc ils ont grandi.
01:08:21Boone, son frère et sa sœur
01:08:24et leur mère qui était couturière.
01:08:27Boone, il n'est pas dans la post-mémoire.
01:08:31Ses souvenirs sont très présents.
01:08:33Il hante son quotidien
01:08:35et il cherche tous les jours à s'en défaire.
01:08:37Et on...
01:08:41On n'a plus le temps.
01:08:45D'accord.
01:08:47Donc on verra aussi le visage en noir de Benoît.
01:08:53Qui en 2017, quand je l'ai filmé,
01:08:56est jeune papa.
01:08:58Enfin, jeune papa, il a 54 ans.
01:09:00Mais il raconte,
01:09:03donc je n'avais pas mis tout l'entretien,
01:09:05mais pourquoi ça a mis autant de temps.
01:09:07Et c'est parce qu'il a attendu que sa mère meure
01:09:11pour avoir un enfant.
01:09:13Et sa mère qui avait vraiment eu toute sa famille décimée devant elle.
01:09:22Donc je l'ai appris aussi en cours de tournage.
01:09:25Parce que c'était une femme qui ne parlait pas du tout,
01:09:28qui cuisinait très très bien cambodgien.
01:09:31Et en fait, j'ai appris l'histoire de cette femme
01:09:35chez qui j'allais très souvent l'été.
01:09:40Je l'ai appris après qu'elle ne soit plus là.
01:09:43Donc c'est aussi ça que fait un film.
01:09:45Ça fait penser à des personnes mortes
01:09:49qui deviennent très très présentes.
01:09:51Et du coup,
01:09:53Vinciane Després, vraiment,
01:09:56m'a accompagnée aussi dans le fait d'avoir confiance
01:10:00dans le fait que les morts soient là.
01:10:02Et ce n'est pas fou de sentir ça.
01:10:06C'est presque plus humain.
01:10:08Donc on va voir un autre extrait,
01:10:14un dernier extrait de Gorgon,
01:10:16donc avec Boone et Benoît.
01:10:20Et dans ce même extrait, vous allez voir,
01:10:24j'ai pris aussi un motif de montage
01:10:27que j'avais aussi dans le tour d'exil.
01:10:31Vous allez voir.
01:10:33Et voilà, c'est...
01:10:38Vous allez voir.
01:10:39Extrait numéro 8.
01:10:42Vous savez quoi ?
01:10:44Je suis au mieux quand je me concentre sur un projet,
01:10:49quand j'ai quelque chose que je suis vraiment passionné
01:10:52et que je le fais.
01:10:54Et parfois, je suis tellement passionné,
01:10:56j'ai oublié de manger,
01:10:57j'ai juste envie de le faire.
01:11:00J'aime fixer les choses.
01:11:02J'aime fixer pour évidemment un gehtTION.
01:11:06Démos rajout,
01:11:10Je pense que les gens en dropped,
01:11:11je répète un peu,
01:11:13unbes jagt.
01:11:15J'aime fixer les choses.
01:11:17C'est un sujet du racisme.
01:11:20JeSpe Le Abraage.
01:11:23Des commentaires,
01:11:25du coupons dans les expressions.
01:11:28Le dynamics qui ont avant les portées.
01:11:31c'est tout broken, nous ne pouvons pas être dans la même maison trop longtemps, et quand
01:11:37je disais trop longtemps, je parle de cinq minutes, cinq minutes est trop longtemps.
01:11:43Réconisant cela, j'ai essayé mon meilleur pour que ça ne soit pas à mes enfants, donc
01:11:50j'ai toujours encouragé leur à construire une bonne relation avec leur famille.
01:12:20C'est parti, c'est parti, c'est parti.
01:12:50C'est parti, c'est parti.
01:13:20C'est parti, c'est parti.
01:13:50C'est parti, c'est parti.
01:14:20C'est parti.
01:14:22C'est parti.
01:14:24C'est parti.
01:14:26C'est parti.
01:14:28C'est parti.
01:14:30ça a pris la mort de ma mère pour arriver à cette étape-là, je ne sais pas.
01:14:38Je ne sais pas.
01:14:40c'est parti.
01:14:42Je me sentais avoir une responsabilité d'être auprès d'elle et de ne pas faire autre chose.
01:14:50et j'y crois à la stabilité mentale avant d'avoir une famille.
01:14:56C'est parti.
01:14:57Je crois que c'est important d'apporter une stabilité, pas juste au niveau de l'épouse mais aussi
01:15:06de l'enfant.
01:15:07c'est important.
01:15:09Si les parents ne sont pas stables, ils ne sont pas prêts à prendre la responsabilité, il ne doit pas avoir des enfants.
01:15:19Parce que c'est malheureux après.
01:15:21Tout le monde est malheureux.
01:15:23Vous avez vu la forme de montage commune avec Tour d'exil qui fait suivre le souvenir traumatique du présent joyeux
01:15:33qui a l'air de dire passons à autre chose en groupe.
01:15:38Et le motif du banquet, du repas partagé, la nourriture qui rassemble,
01:15:44en fait, on m'a fait remarquer très récemment que c'était vraiment dans tous mes films, y compris de fiction,
01:15:50et j'en avais pas du tout conscience.
01:15:53Donc, vous voyez, c'est aussi une façon de se connaître, de faire des films un peu mieux.
01:16:02Si ma quête a du mal à se clore, c'est parce que sa fin de cette quête serait associée à une forme d'acceptation du passé
01:16:13et d'abandon des morts derrière soi.
01:16:15Et en fait, la quantité de mots et d'analyses ne peuvent pas recouvrir l'incompréhension face à la barbarie.
01:16:25Et en cela, on pourrait dire que le récit des survivants est impossible dans la définition de Lacan
01:16:33pour lequel l'impossible est ce qui ne cesse pas de ne pas s'écrire.
01:16:39Ce qui ne cesse pas de ne pas s'écrire.
01:16:41On va aller plus vite.
01:16:47Alors, on ne peut pas.
01:16:51Voilà, c'est impossible, mais c'est très difficile d'extraire des séquences comme ça parce qu'on voit des personnes très affectées.
01:17:00Et puis, on a l'impression que c'est très dramatisé et tout ça.
01:17:03Et il y en a beaucoup qui ont des larmes, des larmes discrètes, mais des larmes.
01:17:07Et en fait, quand je suis tombée sur Peuple en larmes, Peuple en larmes,
01:17:12de Didi Huberman, j'ai compris que les faire pleurer chacun de leur coin et faire la fête ensemble,
01:17:26c'était aussi une façon de les faire pleurer ensemble pour déposer une plainte.
01:17:32Quand les larmes sont à l'écran, elles sortent du champ intime.
01:17:35Quand le témoin accepte de pleurer devant la caméra, c'est en fait, c'est pour dire sa colère.
01:17:45Et selon Didi Huberman, qui a écrit Peuple en larmes, Peuple en larmes,
01:17:50d'après une séquence d'Eisenstein, Curacet Potemkin,
01:17:56dès qu'il y a un soulèvement, il a des émotions.
01:17:59Elles énervent alors tout le corps social.
01:18:01Je dirais même que pour qu'il y ait soulèvement, il faut un partage des émotions.
01:18:04Ce qui ne veut pas dire bien sûr que cela suffit, politiquement et historiquement parlant.
01:18:09Quand se plaindre devient portée plainte, alors commence le soulèvement des peuples,
01:18:14le mouvement de l'émancipation, voire la révolution elle-même.
01:18:17Donc là, on ne va pas refaire une révolution, ce n'est pas ça la question.
01:18:22Mais face au déni et à l'oblitération du génocide et de ses victimes à tous les niveaux,
01:18:37on peut se dire que ces témoins, en fait, quand ils veulent nous raconter, c'est aussi pour exprimer une colère, une injustice,
01:18:47ils en ont besoin vraiment, ils en ont besoin.
01:18:53C'est ce que j'ai remarqué à chaque entretien.
01:18:56Alors, c'est quelle heure ? C'est 20h ou 20h15 ? Je ne sais plus.
01:19:09Alors, soit je parle de Founan et de l'écriture de l'histoire, soit je parle de ma série de fiction.
01:19:17Qu'est-ce que vous préférez ? Qui est pour Founan ?
01:19:23Qui est pour ma série de fiction ?
01:19:25Ah bon, alors on va y aller. C'est plus simple. Désolée.
01:19:29En plus, ce n'était pas marrant, mais c'était vraiment très d'actualité Founan.
01:19:34Bon, je résume très très vite Founan. On ne va pas voir d'extrait, mais c'était vraiment intéressant sur la légitimité de nous,
01:19:41post-mémoire, deuxième génération, à écrire l'histoire.
01:19:47Parce qu'en fait, il y a eu quelque chose d'intéressant qui s'est passé le 14 avril dernier à un colloque
01:19:54où l'artiste Serra, vous devez le connaître, qui a dessiné beaucoup de bandes dessinées, des très très importantes bandes dessinées
01:20:08pour documenter l'histoire du génocide, et de avant aussi, de l'histoire du Cambodge, en fait, a dit que depuis la déchirure, il n'y avait rien qui avait été fait
01:20:21sur la représentation des Khmer rouges et des camps de travail.
01:20:27Et en fait, il a cité un exemple dans Founan. Bon, on ne va pas en parler, mais c'était intéressant de voir à quel point,
01:20:35ce n'était pas pour créer de la polémique du tout, mais c'était intéressant comme nous, post-mémoire, on doit aussi un peu se battre.
01:20:44Et du coup, j'avais fait tout un truc sur la vérité et tout ça, mais désolé, je ne vais pas faire ça, je vais faire
01:20:48Les Naufragés, la série de fiction ou Chinatown Paris, un titre qui est en train de se transformer.
01:20:58Donc, j'écris avec Tarek Haoudi, qui écrit de la série de fiction, et on est parti d'une image.
01:21:08La première image, c'est les survivants d'une catastrophe qui a tout détruit et qui arrive dans un pays, la France, où ils ont tout à reconstruire à partir de rien.
01:21:16Donc, cette image, on l'a trouvée, elle a l'air simple, dite comme ça, mais en fait, ce n'était pas évident au début de sur quoi on allait partir.
01:21:29Donc, ça, c'est l'image la plus forte, c'est-à-dire, c'est des personnes qui arrivent et qui, en fait, derrière, c'est totalement dépeuplé, détruit, il n'y a plus rien.
01:21:37Il n'y a plus de maison, il n'y a plus de famille, il n'y a plus de pays, ils arrivent et il n'y a plus rien.
01:21:42Donc, c'était l'image la plus juste par rapport à ce qu'ont vécu les rescapés du génocide cambodgien, venu au début des années 80 en France,
01:21:53et qui est aussi le destin tragique de réfugiés en France, de migrants qui n'ont pas de statut,
01:21:58où c'est au quotidien extrêmement laborieux pour rebâtir des repères et mener un jour une existence décente.
01:22:07Et donc, la fiction est un prolongement direct de tout ce travail universitaire et documentaire.
01:22:15Il permet de créer des personnages à partir de toutes les voies récoltées et, en fait, c'est très satisfaisant,
01:22:22dans le sens où on fait un peu moins avec la résistance du réel et on fait un peu moins avec la résistance des corps
01:22:30et un peu plus avec l'imaginaire et l'imaginaire aussi de la résistance, de ce silence.
01:22:38Alors, je ne vais pas décrire tous les arches des personnages et des épisodes,
01:22:42mais je peux vous lire un peu l'histoire et puis quelques pages.
01:22:48« Chiantan Paris » est un drama familial en 6x45 qui se déroule aujourd'hui dans la communauté asiatique des Olympiades.
01:22:57Notre série entre dans l'intimité de la famille Kim, une famille éclatée d'origine sino-cambodgienne.
01:23:02Alors que le supermarché de la mer Chantal est en perte de vitesse,
01:23:05toute la famille est secouée par l'arrivée d'un mystérieux investisseur venu d'Hong Kong
01:23:09et par un secret qui revient du passé.
01:23:11« L'intimité quotidienne des relations familiales chez Ang Lee, la mélancolie, la pudeur érotique des amants non-carouaï,
01:23:18la solitude et l'errance dans la grande ville chez Wu Xiaoshien.
01:23:22Chiantan Paris est aussi une lettre d'amour au cinéma hongkongais et taïwanais,
01:23:25revisité avec les lunettes de la série contemporaine. »
01:23:27Donc ça, c'est pour vendre.
01:23:29Là, je vous lis, c'est le dossier qu'a écrit Tarek.
01:23:33C'est vraiment à minima, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.
01:23:36Après, l'histoire, elle est très développée.
01:23:38En série, on a beaucoup de temps.
01:23:39On a six fois le temps d'un documentaire, quasiment.
01:23:43Donc on peut vraiment parler de tous les personnages, de toutes leurs nuances.
01:23:47Et c'est pour ça que j'ai appris à aimer.
01:23:50Et je peux vous parler d'un des thèmes qui nous a le plus intéressés.
01:23:57Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a toutes les thématiques que j'ai travaillées pendant la thèse
01:24:02et pendant toutes ces années qui se retrouvent, mais sans faire exprès.
01:24:06C'est-à-dire que, pour faire court en série de fiction et même de documentaire,
01:24:12je pense qu'il y a une méthode, c'est de donner une thématique par épisode.
01:24:17C'est-à-dire, on va dire, la une, ça parle de l'exil, la deux, ça parle de la perte, la trois, ça parle de...
01:24:22Mais on ne va pas faire un exposé.
01:24:24C'est-à-dire que chaque personnage va rencontrer à un moment cette problématique dans sa vie.
01:24:29Et une des choses qui est ressortie, c'est la question de l'héritage.
01:24:35L'héritage, de quoi on hérite ?
01:24:39Donc, je vous lis parce que c'est beaucoup mieux écrit que ce que je parle.
01:24:42Alors, attendez.
01:24:42Chantal aurait rêvé d'une famille traditionnelle, soudée, tous vivants et travaillant ensemble au supermarché familial.
01:24:51Or, la fratrie est éclatée, désunie, loin de ses origines asiatiques.
01:24:56Chantal n'a pas d'héritier.
01:24:57Les trois enfants subissent les névroses et les insécurités de leur mère sans vraiment en comprendre l'origine.
01:25:02Contrairement à elle, ils sont nés ici et sont pleinement français.
01:25:06Ce frottement entre les générations traverse toute la série et les personnages.
01:25:09Mais l'héritage de Chantal n'est pas que matériel, il est aussi traumatique.
01:25:13Ce qui la sépare de ses enfants, au-delà d'une simple différence culturelle,
01:25:17c'est l'expérience du génocide qui a fauché sa jeunesse en plein vol.
01:25:22Chantal ne leur a jamais parlé de ce qu'elle avait vécu.
01:25:25Un épais silence a toujours entouré l'histoire familiale.
01:25:27Pourtant, même s'ils ne le savent pas encore, Émilie, Amara et Jonathan en sont aussi les héritiers.
01:25:34C'est ce que va révéler l'intrusion de Jimmy dans la famille en faisant ressurgir les secrets.
01:25:38Car chez les Kim, les fantômes n'appartiennent pas au passé.
01:25:43Alors ça, c'est la phrase pour les producteurs.
01:25:45On ne choisit pas son héritage, ni celui d'un supermarché, ni celui d'un génocide.
01:25:49C'est ce que vont apprendre douloureusement les enfants de Chantal.
01:25:52Mais s'ils ne peuvent pas le choisir, ils peuvent au moins tenter de le faire leur, de le transformer.
01:26:02Et du coup, c'est une promesse.
01:26:06Ça s'appelle une promesse, ça, en série.
01:26:09Et donc, dans la forme, ça va être très exaltant aussi.
01:26:12Parce que filmer Chinatown, on aura plus de temps, plus d'argent, j'espère, dans le tour d'exil, puisqu'on n'en avait pas.
01:26:21Pour le filmer, dans nos intentions, par exemple, on a mis une forêt de tours brutalistes, une dalle de béton, des toits en forme de pagode,
01:26:29un des dalles de sous-sol mal éclairé, un temple bouddhiste entre les parkings,
01:26:33mille enseignes asiatiques, des lumières néons de toutes les couleurs,
01:26:35le tai chi du matin dans les squares, les fumées des restaurants vietnamiens, chinois, thaï, les olympiades,
01:26:42et déjà un quartier cinégénique.
01:26:44Chinatown Paris s'appuiera sur l'existant pour le styliser, le magnifier, en faire un véritable décor de cinéma.
01:26:52Alors, il n'y a pas d'extrait, puisqu'on n'a pas encore tourné,
01:26:57et peut-être, on espère qu'on tournera un jour, parce que, vous savez, c'est très, très, très, très long de trouver de l'argent,
01:27:03rien que pour écrire.
01:27:07Et alors, je dirais que, oui, le cinéma console.
01:27:12Même lorsqu'on n'a pas les conditions de production,
01:27:17lorsqu'à partir d'une histoire tragique, on parvient à créer des récits
01:27:20et à prendre plaisir, à suivre leur forme singulière.
01:27:24Le principal, c'est de rester inspiré,
01:27:26parce que l'écriture, le tournage, la sortie des films, c'est très long,
01:27:29ça peut prendre entre 5 et 10 ans, voire ne pas le faire du tout.
01:27:34Donc, avec le temps, de travaux en travaux,
01:27:38et Ritipane est un modèle à cet égard,
01:27:42peut-être même une étoile vivante,
01:27:44on passe, donc avec le temps, on passe du devoir de mémoire
01:27:51au droit à la mémoire.
01:27:54Et c'est bien plus agréable.
01:27:56Merci beaucoup.
01:27:56Applaudissements

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