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00:00Et à 7h18 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko place à l'édito éco.
00:06Bonjour Olivier Babaud.
00:07Bonjour Dimitri, bonjour Anissa, bonjour à tous.
00:09Olivier, ce matin vous nous parlez d'une réalité discrète mais qui pèse de plus en plus lourd sur la société française.
00:14Celle d'un pays qui ne croit plus à l'ascenseur social mais à l'héritage.
00:19Oui Dimitri, c'est une étude de l'Institut Jean Jaurès de novembre dernier qui vient confirmer ce que beaucoup pressentaient.
00:24La France n'est plus la patrie du mérite du travail mais celle de la rente et de la transmission.
00:28La fortune héritée représente désormais 60% du patrimoine total, c'était 35% en moyenne au début des années 70.
00:36Une part croissante des jeunes propriétaires doit aujourd'hui son accession à l'aide familiale
00:40et pour beaucoup acheter son soutien parental est devenu hors de portée.
00:44Est-ce que ce phénomène est propre à la France ?
00:47Non, il touche la plupart des pays développés mais la France y est particulièrement exposée car elle cumule deux spécificités.
00:53Un patrimoine très concentré dans l'immobilier et une fiscalité qui pèse massivement sur le travail
00:58mais épargne relativement les transmissions.
01:00Résultat, mieux vaut naître que bosser.
01:02Mais est-ce qu'il n'y a pas des droits de succession importants en France ?
01:06Oui, mais grâce à des niches assez nombreuses, des abattements, des dispositifs de démembrement,
01:11seuls 11% des héritages in fine sont taxés.
01:15Surtout, cette fiscalité s'applique après que les inégalités ont été massivement constituées,
01:20notamment via la hausse des prêts immobiliers dans les zones tendues.
01:22Parce que l'immobilier joue un rôle central.
01:24Absolument, depuis 20 ans, l'essentiel de la création de richesses s'est fait par valorisation immobilière
01:29mais cette richesse n'est pas produite.
01:31Elle profite de la rareté de l'offre rendue rigide, notamment par la surréglementation.
01:35La valeur de ces biens se transmet ensuite mécaniquement aux enfants.
01:38Les plus jeunes, eux, doivent emprunter à prix d'or ou rester locataires à vie
01:42s'ils n'ont pas l'heure d'être héritiers.
01:44C'est le mécanisme parfait de la reproduction sociale.
01:46Et quelles en sont les conséquences ?
01:48Elles sont redoutables.
01:49Ça alimente un ressentiment croissant chez les jeunes actifs.
01:52Ils ont des diplômes, travaillent beaucoup, se battent, paient des impôts massifs sur leur travail
01:56mais voient les leviers de mobilité bloqués.
01:59D'un côté, la rente patrimoniale.
02:00De l'autre, la punition de l'effort.
02:02Alors, qu'est-ce qu'il faut faire, Olivier ?
02:03Est-ce qu'il faut taxer davantage les successions ?
02:06Ce sera, à mon sens, une erreur de plus
02:07parce que notre niveau de fiscalité est beaucoup plus dur sur les successions déjà que chez nos voisins.
02:12Il ne faut pas punir davantage ceux qui transmettent.
02:14Il faut lutter contre la rente immobilière et libérer ceux qui n'ont rien à transmettre.
02:18Alors, ça commence par déréguler l'immobilier, libérer le foncier, simplifier les permis,
02:23faire sauter les blocages idéologiques contre la construction.
02:26Et ça suppose aussi de rééquilibrer la fiscalité, alléger les charges sur le travail,
02:30redonner des marges aux jeunes ménages, favoriser la propriété par l'effort plutôt que par le leg.
02:35En somme, vous nous dites, Olivier, qu'il faut remettre le mérite au centre.
02:38Exactement.
02:39Une société saine, c'est une société où l'on peut réussir sans héritage,
02:42où le travail paye plus que la naissance.
02:44Aujourd'hui, parce que l'État nous étouffe, c'est l'inverse.
02:46Et c'est peut-être la plus grande injustice de notre époque.
02:49Signature Europe 1, Olivier Babaud. Merci beaucoup, Olivier.