Retrouvez « La chronique de Rosa Bursztein » dans Zoom zoom zen sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/rosa-bursztein-moi-ce-que-j-en-dis
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00:00Amélia Doutre-Tombe est avec nous, vous êtes désormais une invitée récurrente, nous
00:03aimons vous recevoir ici dans ZoomZoomZen.
00:04Amélia Doutre-Tombe- Oui, je me demande si cette émission vous sert pas plutôt à organiser
00:08des dîners de cons ? J'ai toujours l'impression que vous vous foutez de ma gueule ! Mais
00:11je peux pas dire non à un peu de visibilité hélas, c'est vrai qu'à chaque fois que
00:14je passe ici, je triple mes ventes. La dernière fois, j'ai vendu 6 recueils de poèmes, j'ai
00:20pu m'acheter une bougie parfumée Senteur Anus de Mathieu Noël. Et bah on trouve de
00:24tout sur le Darknet.
00:25Vous croyez que les stocks étaient épuisés ? Mais revenons à vous Amélia, cette fois-ci
00:29vous sortez un recueil de poèmes illustrés, de photos ?
00:33Bah oui, disons que l'auto-édition en poésie c'est pas facile, mais la éclaircie dans
00:38le brouillard de ma carrière, j'ai trouvé une maison qui voulait bien m'accompagner,
00:41la grosse coquine. C'est une ancienne maison close mais qui fait maison d'édition maintenant,
00:46ils font pas mal de romans porno-gothiques, et disons que je correspondais à leur style.
00:50Quand je leur ai dit que j'écrivais souvent en nuisette entourée de cadavres de chèvres
00:54en putréfaction, ils ont tout de suite été emballés. Ils m'ont demandé si je voulais bien
00:58rencontrer un photographe, Patrick Moison, et posé nu pour illustrer mon recueil sur
01:02le corps, intitulé Frissons et délabrement. Je demande à voir une photo de Patrick à
01:07qui je vais dévoiler mon précieux pain aux raisins quand même. Il me le montre sur internet,
01:12et là j'en reviens pas. Mais je le connais ! J'avais déjà croisé Patrick à une randonnée
01:16nocturne pour visiter la tombe de Lamartine à Saint-Point. On avait bien accroché, j'avais
01:21bien senti son bâton de rando télescopique si vous voyez ce que je veux dire. J'avais gravé son numéro de
01:27téléphone avec un cutter rouillé sur ma peau, mais avec la cicatrisation j'ai pas pu dire
01:31dans les cloutes. Et j'ai jamais pu le rappeler. Donc grâce à la grosse coquine, ma maison d'édition,
01:37Patrick et moi on s'est retrouvés et je suis devenu sa muse. Pour mon poème le double menton,
01:42il m'a photographié en contre-plongée. On a joué avec les plis de ma robe noire pour rappeler les plis de
01:47m'engouâtre. Il me disait « Tu me rappelles Baladur ? » Et je me disais de plaisir ! J'étais là
01:51mais arrête Patrick ! Arrête ! Pour mon poème « Sain qui pende », j'avais pris un bain bien chaud,
01:57et Patrick m'avait photographié dans l'eau trouble de mes ragnagnas. Et il me dirigeait « Pense que tu es
02:02une sirène dans la mer rouge, Amélia ! Regarde plus suave, mamelon plus dilaté, voilà comme ça ! » Il était
02:10juste un peu déçu que j'ai pas plus de vergetures et de crevasses. Mais par contre, j'avais la mollesse requise. Ce recueil est un
02:17plaidoyer politique, vous comprenez ? Contre les salles de sport et les corps bodybuildés,
02:20incarnation de la décadence moderne ! L'ignominier du culturiste inculte, qui commande son repas
02:26Uber Eats en courant sur son tapis de course avec un regard de bœuf, c'est la lille d'humanité ! Ça me donne
02:31envie de me pendre, mais alors d'une force ! On a fait une photo comme ça d'ailleurs, moi qui me mets la
02:36corde au cou plutôt que de soulever une halter ! Le plus dur a été de choisir la corde, parce que je fais une
02:41collection de cordes de pendu, j'en ai environ 250. Je les rachète aux agriculteurs, ils en ont plein.
02:46Je ne suis pas contre toute forme d'activité physique. Je vous ai dit que je faisais des
02:52randonnées entre gens de belles lettres, donc j'ai les mollets plutôt galbés. Mais j'ai la peau
02:56diaphane, car je dors le jour, je sors la nuit, notamment quand je promène mes deux rats Mephisto
03:00et Lucifer. Alors du muscle, pourquoi faire ? À la limite pour soulever une plaque d'égout et aller
03:04dans les catacombes, mais il y a toujours Michel dans ses sorties ! Pour finir, je vais vous lire un poème,
03:10extrait du recueil. « Beauté des crépitudes, mon aisselle bleutée sans la moutarde. Comme un fruit défendu,
03:18je la regarde. Ma bouche est une cavité, j'ai une carie toute pourrite. La dent tombera comme tout,
03:24avec la gravité, un peu comme ta petite bière. » Merci, merci, merci Rosa Burstein, la dernière
03:29rime est riche et elle est belle. On vous retrouve la semaine prochaine dans Zoom Zoom sur scène avec
03:32votre spectacle dédoublé à Paris le 16 juin au Tête de la Renaissance, en tournée à Toulouse,
03:36Poitiers et Rennes. Et vous serez également au Festival d'Avignon, mais rien ne vous arrête.
03:40Sous-titrage Société Radio-Canada