Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, était l'invité de France Inter mardi 13 mai. Il publie "Menace sur l’État de droit. Comment préserver nos démocraties ?" (Allary éditions).
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00Et nous recevons ce matin l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation,
00:04spécialiste des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
00:07Il publie « Menace sur l'état de droit » chez Alarie édition en librairie le 15 mai.
00:11Patrice Spinozy, bonjour.
00:13Bonjour Léa Salamé.
00:14Bienvenue sur Inter, votre nouveau livre donc « Menace sur l'état de droit »
00:18est sous-titré « Comment préserver nos démocraties ».
00:21C'est un livre qui est passionnant mais qui est inquiétant aussi.
00:24Il prend la forme d'un avertissement sur la fragilité des démocraties occidentales.
00:28Vous dites en substance, avec le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier dernier,
00:33la démocratie américaine vacille, l'état de droit est attaqué.
00:37Un tel scénario est-il impensable chez nous en France ?
00:40La France est-elle vaccinée ?
00:42Eh bien, pas du tout, répondez-vous.
00:44Bien au contraire, ça pourrait arriver ici.
00:47Et vous imaginez, que serait la France ?
00:49Qu'est-ce qui se passerait si un parti populiste arrivait au pouvoir demain ?
00:53Comment vous qualifiez d'abord ce livre, Patrice Spinozy ?
00:55C'est quoi ? C'est un cri d'alarme pour qu'on se réveille avant qu'il ne soit trop tard ?
01:00C'est un retour d'expérience.
01:02En réalité, moi je suis juriste, je ne suis pas politique, je ne suis pas là pour inciter les gens à voter qui que ce soit.
01:10Je suis là pour défendre les libertés fondamentales.
01:12C'est mon métier.
01:13Et j'ai constaté, de par mon exercice professionnel, que dans le monde, il y avait une régression des libertés dans nos démocraties et une immense montée du populisme et de ce qu'on appelle l'illibéralisme.
01:27C'est ce Canada Dry des démocraties, des fausses démocraties en réalité, qui existent en Europe, qui existent en Hongrie, qui a existé en Pologne et qui aujourd'hui existent manifestement aux Etats-Unis.
01:39Et les Etats-Unis sont le cri d'alarme qui permet d'illustrer la mécanique des populistes et le risque d'atteinte à l'état de droit évident que l'on voit dans une démocratie qui était une démocratie qui nous semblait extrêmement stable.
01:54On va venir aux Etats-Unis puisque c'est ça qui vous a donné envie d'écrire ce livre.
01:57C'est l'élection, la réélection de Trump en janvier, en novembre dernier et son arrivée au pouvoir en janvier.
02:02Mais vous écrivez l'état de droit à un défaut, il n'est pas facile à définir.
02:06C'est d'ailleurs la première phrase du livre. Vous dites qu'il est plus facile au fond d'expliquer son contraire, le non-état de droit.
02:12Et que globalement, les concepts d'état de droit ou même de démocratie sont éculés, qu'ils ont été tellement usés dans le débat public qu'ils ne veulent plus rien dire, qu'ils ont été vidés de leur substance.
02:21C'est parce qu'il est si difficile à définir que l'état de droit est aussi fragile ?
02:27Oui, et c'est aussi parce qu'on s'est très habitués en réalité à vivre dans un état de droit.
02:32Notre état de droit, il est relativement récent, celui qu'on connaît aujourd'hui.
02:38Globalement, historiquement, il est issu de la Deuxième Guerre mondiale.
02:42Face à l'horreur de la Deuxième Guerre mondiale, les gagnants se sont dit qu'il ne faut pas retomber dans ces errements.
02:49Et pour ça, on va créer un état de droit contraignant, on va faire que l'Europe soit tenue par des grands principes, des grandes valeurs qui nous rassemblent tous et sur lesquelles nous sommes tous d'accord.
02:59Alors ces grandes valeurs, on les retrouve dans les grandes déclarations des droits, c'est les déclarations des droits de l'homme.
03:04Et c'est le principe sur lequel, quand on est dans une démocratie, il y a des libertés qui sont garanties.
03:09La liberté d'expression, le droit que j'ai aujourd'hui de venir ici avec vous et de pouvoir dire ce que j'ai envie de dire et potentiellement de critiquer le gouvernement.
03:17C'est le droit que j'ai aussi d'aller et de venir et en ayant critiqué le gouvernement, de sortir de studio et qu'il n'y ait pas des gens qui m'attendent pour me demander pourquoi j'ai pu dire telle ou telle chose contre le gouvernement.
03:28Donc c'est ça la démocratie, c'est aussi ces droits-là.
03:31Et l'état de droit dans lequel nous vivons, c'est celui qui garantit ces droits aux citoyens contre éventuellement l'état lui-même.
03:39C'est-à-dire contre la volonté d'un gouvernement qui serait potentiellement parfaitement légitimement élu, comme c'est le cas de Donald Trump, comme c'est le cas de Orban en Hongrie.
03:49Et qui chercherait à porter atteinte aux libertés des citoyens.
03:52Donc c'est ça, cette fragilité auxquelles nous nous sommes tellement habitués et qu'il faut garantir.
03:57Oui, vous écrivez dans le livre le grand adversaire de l'état de droit, c'est le leader populiste.
04:01Vous écrivez en rejetant tout contre-pouvoir à la souveraineté nationale.
04:04Le leader populiste ouvre la voie à de nombreuses dérives.
04:07Il assoie son pouvoir en se revendiquant d'une légitimité absolue détenue du peuple et décrédibilise ainsi toute opposition, qu'elle soit politique ou institutionnelle.
04:16Le leader populiste, Patrice Spinozzi, il gagne les élections.
04:21C'est aussi ça, il est élu.
04:23Ça veut dire quoi ? Que les gens votent mal ? C'est ça qu'on se demande en lisant parfois votre livre.
04:27Non, pas du tout en fait.
04:28C'est tout le danger.
04:29Le populisme, en fait, c'est une attaque de la démocratie de l'intérieur.
04:32C'est en ça que c'est quelque chose de terrifiant.
04:37On n'est pas face à une forme de dictature qui arrive de l'extérieur.
04:41Ce n'est pas des chars qui d'un seul coup arrivent et qui vont envahir un pays.
04:45Pas du tout.
04:45Le populisme et la menace populiste, ce sont des gens qui votent pour des hommes politiques qui sont légitimement élus.
04:52Sauf que ces hommes politiques, une fois qu'ils sont légitimement élus sur un programme,
04:56ils vont décider d'accaparer le pouvoir et de restreindre les libertés.
04:59C'est-à-dire qu'ils vont entrer dans une grammaire qui va les pousser à limiter la liberté de certains citoyens,
05:09prétendument au bénéfice des autres.
05:11Et c'est bien comme ça que, petit à petit, on perd la démocratie dans laquelle nous vivons actuellement.
05:17Et c'est très concret.
05:19Il faut bien comprendre et il faut bien que les gens qui nous écoutent comprennent cela.
05:23C'est que cette menace dont on parle, elle est susceptible de toucher toutes les personnes.
05:29Elle n'a pas vocation à s'appliquer uniquement aux autres.
05:32Et si demain, des populistes, qu'ils soient de droite ou de gauche d'ailleurs, arrivent au pouvoir,
05:37il y a un risque que toute personne voit ses libertés limitées.
05:41Oui, mais sur le fond, comment vous expliquez la séduction de ces leaders populistes,
05:45de ces leaders illibéraux comme vous les appelez ?
05:46Dans son essai « L'heure des prédateurs », Giuliano D'Ampoli parlait de ces leaders.
05:51Et il citait par exemple Naïb Bukele, le président du Salvador,
05:54qui envoie en prison l'état droit au nom de l'efficacité.
05:58C'est celui qui s'est en gros débarrassé de la criminalité de son pays
06:01en arrêtant d'un coup, tout de suite, tous ceux qui étaient tatoués.
06:04Il estimait que le tatouage, c'était synonyme de gangster.
06:07« Tu es tatoué, tu vas en prison ».
06:09Et ça a marché.
06:11Avec les chiffres, dans les chiffres, la criminalité a baissé, baissé nettement.
06:15Et il a été largement réélu.
06:18Qu'est-ce que ça vous dit ?
06:20Comment interpréter cela ?
06:21Que les gens, finalement, peut-être veulent ça ?
06:24Alors, tout est un problème qui est un problème de choix politique.
06:29C'est-à-dire que moi, je défends une certaine idée de la démocratie.
06:32Moi, je défends une démocratie où on peut vivre dans un pays
06:36où on n'est pas arrêté de façon arbitraire,
06:39où j'ai la possibilité d'être chez moi sans avoir l'angoisse
06:42que du jour au lendemain, je vais avoir une perquisition
06:44qui n'aura été autorisée par personne.
06:46Donc, mon choix, c'est celui-là.
06:49On peut préférer vivre dans des pays qui sont des pays autoritaires.
06:54Ou d'un seul coup, vous êtes soumis à l'aléa des décisions des dirigeants.
07:01On en voit un exemple très concret.
07:02Ce n'est pas simplement quelque chose de théorique.
07:05Aux États-Unis, en ce moment, puisque l'exemple de Donald Trump
07:08nous montre ce que pourrait être la France de demain aux États-Unis,
07:14il y a un cas qui est en train de diviser en ce moment le pays
07:18avec une opposition ferme entre, d'un côté, Donald Trump
07:21et de l'autre, la Cour suprême des États-Unis,
07:23autour d'un cas qui est le cas d'un Salvadorien
07:27qui s'appelle Abrego Garcia,
07:28qui a été déporté par erreur.
07:31Donc, c'est typiquement le cas d'une personne
07:34qui a été expulsée, alors même qu'il n'aurait pas dû être expulsé,
07:37ce que tout le monde reconnaît.
07:39Et vous avez une administration de Donald Trump qui dit
07:42« ça n'est pas grave, de toutes les façons, nous tenons notre position
07:45indifféremment du fait que cette déportation soit intervenue par erreur ».
07:49Eh bien, si c'est le pays dans lequel les gens ont envie de vivre,
07:52qu'ils le disent.
07:53Mais moi, je ne le crois pas.
07:53Moi, je crois que les gens sont heureux de vivre en démocratie
07:55et qu'ils n'ont pas envie de revenir à une situation
07:58qui est une situation d'arbitraire
08:00où nous n'avons pas la garantie de nos propres libertés.
08:04De ces quelques mois de présidence Trump,
08:06qu'est-ce qui vous frappe le plus ?
08:07Est-ce qu'il y a une mesure que vous retenez
08:09qui vous paraît particulièrement emblématique
08:11de l'offensive trumpienne contre l'État de droit ?
08:14L'opposition contre les juges
08:15et contre le droit au sens large.
08:18Vous savez, on n'a rien inventé.
08:21Shakespeare dans Henri VI,
08:24il met dans la bouche d'un de ses personnages
08:27qui est un populiste qui s'appelle Dick Le Boucher,
08:30il dit « qu'est-ce qu'il faut faire pour renverser l'État ? »
08:33Il faut d'abord tuer tous les juristes.
08:35Voilà, c'était il y a 500 ans.
08:37Le premier adversaire, c'est le juge, c'est le juriste.
08:40C'est celui qui dit le droit.
08:42Celui qui dit le droit, c'est celui qui empêche le populiste.
08:45Donc, la première chose que tous les populistes font,
08:48qu'il s'agisse encore une fois de Donald Trump,
08:49qu'il s'agisse de Viktor Orban,
08:51c'est de s'attaquer aux juges
08:53et d'essayer d'affaiblir les juges.
08:56Et derrière les juges, il y a les avocats.
08:58Et ce qui est extraordinairement violent aujourd'hui
09:02dans les États-Unis,
09:04c'est la manière dont l'administration s'oppose à la justice.
09:08Vous avez aujourd'hui des décisions qui sont rendues,
09:11qui constatent l'illégalité de certaines actions de Donald Trump
09:14et vous avez un président des États-Unis qui dit
09:17« je m'en fiche, de toutes les façons j'avance
09:19et je suis à un point d'opposition et de radicalisation
09:24qu'il y a même eu, non seulement une opposition à décision
09:27des Cours suprêmes, ce qui n'a jamais été le cas auparavant,
09:30mais il y a même eu l'arrestation dernièrement d'un juge fédéral.
09:33Donc, on est à la limite d'une tension des institutions
09:37qui n'a jamais été atteinte aux États-Unis. »
09:40Vous parlez des États-Unis, vous parlez aussi de la Russie
09:43qui est le grand laboratoire de la mise à mort de l'État de droit.
09:47D'autres pays, la Hongrie d'Orban, l'Italie dont vous dites
09:51qu'elle est, l'Italie, le laboratoire de la tentation illibérale de la France.
09:56C'est-à-dire, ça veut dire quoi ?
09:58Ça veut dire qu'on s'inspire de l'Italie ?
10:00Que notre tentation illibérale, il faut la voir ?
10:03Il faut voir ce que fait Mélanie aujourd'hui en Italie, c'est ça ?
10:05Oui, bien sûr, parce que l'Italie, c'est nos grands voisins, en fait.
10:09La Hongrie, la Pologne, ça nous semble loin.
10:12Les États-Unis, c'est de l'autre côté de l'Atlantique.
10:14Alors, l'Italie, là, c'est vraiment nos cousins, c'est nos frères.
10:17Donc, on se dit, en Italie, il y a le gouvernement Mélanie,
10:22il y a des gens qui sont des populistes, de droite.
10:25Et finalement, quand on va en Italie, ça ne se passe pas si mal.
10:27Tout le monde a été en vacances en Italie,
10:29on n'a pas l'impression que les choses ont fondamentalement changé.
10:31Sauf que, ce n'est pas vrai.
10:33C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a un mouvement qui est réel
10:36de la part du gouvernement italien,
10:38qui tend à limiter les libertés fondamentales.
10:42Donnez-nous des exemples concrets.
10:43Parce que c'est vrai, ce que vous dites est vrai.
10:44C'est-à-dire qu'on entend chez les gens de dire,
10:46finalement, Giorgia Mélanie, extrême droite, est au pouvoir.
10:49Ça n'a pas changé grand-chose en Italie.
10:51Et vous vous dites, non, ce n'est pas vrai, ça a beaucoup changé.
10:53Alors, oui, c'est en train de changer.
10:55C'est-à-dire qu'il y a plusieurs choses.
10:57D'abord, il y a assez systématiquement
10:59une tentative de mainmise sur l'audiovisuel qui intervient.
11:03Et donc, d'ores et déjà,
11:05il y a une volonté de la part du gouvernement Mélanie
11:07de contrôler l'information,
11:09au point qu'il y a eu des dominations à la rail
11:12qui font qu'un certain nombre de personnes
11:14appellent la rail la TV Mélanie.
11:15Donc, il y a déjà une prise en compte,
11:19une prise en main du discours public.
11:22Et puis, il y a en ce moment des réformes
11:25qui ont été envisagées pour essayer
11:27de limiter l'influence de la justice.
11:29Donc, il y a une réforme sur l'indépendance des procureurs.
11:32Il y a une réforme sur l'organisation judiciaire
11:34avec la création de potentielles chambres disciplinaires
11:37qui pourraient poursuivre des juges
11:39qui n'iraient pas dans le bon sens.
11:40Et puis, surtout, il y a une politique
11:43qui est très agressive
11:45en termes d'opposition à l'immigration
11:49que l'on a vu,
11:50avec une proposition d'enregistrement
11:53des demandes d'asile en Albanie
11:55qui a été bloquée précisément par certains juges.
11:58Et quand les juges bloquent
11:59les décisions gouvernementales,
12:02il y a, comme on a pu le vivre d'ailleurs
12:05un instant en France,
12:07avec la décision relative à la condamnation
12:10à une inéligibilité de Marine Le Pen,
12:12il y a une opposition populaire
12:14et politique aux décisions des juges
12:17qui fragmentent nécessairement l'état de droit.
12:19Alors, ce qui est très intéressant dans le livre,
12:21c'est que vous vous demandez,
12:22et vous montrez avec plein d'exemples
12:23très précis et très concrets,
12:25ce que serait la France
12:26si, un jour,
12:28il y avait un Orban
12:30ou une Mélonie
12:30qui arrivaient à la tête de la France.
12:32Et vous dites,
12:33c'est ça qui est marquant,
12:34vous dites qu'au fond,
12:36toutes les institutions de la Ve République,
12:37toute notre constitution,
12:39est ainsi faite
12:39que ce serait
12:40magnifique et très facile
12:43de basculer vers un régime illibéral
12:45pour quiconque arriverait au pouvoir.
12:48Vous donnez plusieurs scénarios,
12:49le pire étant, à vos yeux,
12:51que le populiste
12:53est aussi une majorité absolue
12:54à l'Assemblée nationale
12:55et là, il peut globalement tout faire.
12:57Alors, oui,
12:57le principe, en fait,
12:59de la prise de pouvoir
13:00par un parti populiste,
13:02il y a plusieurs scénarios,
13:05soit la victoire en 2027
13:08d'un président de la République
13:10qui serait issu d'un parti populiste,
13:11mais ça peut être aussi
13:13la victoire à des élections législatives.
13:16Et là, on n'est même pas à trois ans,
13:19ça peut être dès septembre,
13:20puisque à partir du moment
13:21où il y a une dissolution,
13:22il y a la possibilité
13:24d'une arrivée
13:24d'un parti populiste
13:26qui aurait la majorité absolue
13:28et qui imposerait donc
13:29le choix d'un premier ministre
13:31qui est le chef du gouvernement.
13:33Et donc, à partir de ce moment-là,
13:34eh bien,
13:36ces partis populistes
13:38ou ce leader populiste
13:39trouveraient à sa main
13:40une législation
13:41qu'ils pourraient utiliser
13:43pour restreindre très facilement
13:44nos libertés.
13:45Il y a plusieurs exemples à cela.
13:47D'abord,
13:48on a développé
13:49ces dernières années
13:49énormément de législation
13:51de la surveillance.
13:52Et on a particulièrement utilisé
13:53l'usage du numérique.
13:56Un exemple concret,
13:58on a dernièrement
13:59autorisé
14:00la vidéosurveillance
14:01algorithmique
14:02et donc les caméras intelligentes
14:04pour pouvoir surveiller
14:05le comportement
14:06des gens dans la rue.
14:07Eh bien,
14:07cet outil
14:08qui, pour le moment,
14:09est encadré
14:09pourrait très bien
14:11être utilisé
14:11par un gouvernement populiste
14:12pour assurer
14:13une surveillance complète
14:14de l'ensemble
14:15de la population.
14:16De la même manière,
14:17on a eu recours
14:18à des états d'urgence
14:20par le passé
14:20qui sont des états d'exception.
14:23Dans tous les gouvernements populistes,
14:24l'histoire nous dit
14:25qu'il y a l'utilisation
14:26de ces états d'urgence
14:28et donc,
14:29il serait facile
14:30à un gouvernement populiste
14:31au prétexte
14:32d'une menace terroriste
14:33de créer un nouvel état d'urgence
14:35pour restreindre
14:36encore nos libertés.
14:37Alors justement,
14:37je voudrais qu'on aille au standard,
14:38je voudrais qu'on prenne
14:39la question d'Aurélien.
14:41Aurélien, bonjour.
14:42Oui, bonjour.
14:44En cas d'arrivée
14:45d'un pouvoir illibéral
14:47en France
14:47et d'un leader populiste,
14:49est-ce que le Conseil constitutionnel
14:51ne serait pas
14:52un barrage
14:53juridique
14:55à ces décisions
14:57et est-ce qu'il n'aurait pas
14:58tout son rôle
14:58à jouer,
14:59justement ?
15:01Merci Aurélien.
15:02Patrice Pinozzi.
15:03Vous avez parfaitement raison.
15:05C'est-à-dire que
15:05le premier rempart
15:07contre les menaces
15:08à l'état de droit
15:09et le premier rempart
15:10contre le populisme,
15:11ce sont les juridictions,
15:13les premières juridictions
15:14d'un pays,
15:15le Conseil constitutionnel
15:16que vous évoquez,
15:18mais aussi la Cour de cassation,
15:19le Conseil d'État
15:20devant lesquels
15:22je peux avoir
15:23l'habitude de plaider.
15:24Alors,
15:24oui,
15:25bien sûr,
15:26c'est le rôle
15:27du Conseil constitutionnel
15:28de limiter le populisme,
15:30mais deux choses.
15:32C'est d'abord,
15:33c'est très difficile
15:35lorsque vous êtes juge
15:36et que vous avez
15:38une hostilité
15:39à l'égard
15:40de vos décisions
15:41qui se manifestent
15:43aussi bien dans les médias
15:44que dans la prise de parole
15:45des hommes politiques,
15:46de rendre la justice
15:47sereinement.
15:48On le voit aujourd'hui,
15:50il y a un discours
15:50qui s'est libéré,
15:51il y a des critiques
15:52qui sont formulées,
15:53quelquefois nommément
15:54à l'égard de certains juges
15:56et j'évoquais
15:56l'exemple de l'Italie,
15:57le juge italien
15:59qui a bloqué
15:59les expulsions
16:01qu'ont
16:02vers l'Albanie,
16:03il a été aujourd'hui
16:03menacé de mort
16:04et il est sous protection.
16:06Donc, juger dans ces conditions
16:07est quelque chose
16:08qui est extrêmement difficile.
16:09Et puis,
16:10deuxième chose
16:10sur le Conseil constitutionnel,
16:12le Conseil constitutionnel,
16:13il présente
16:14des garanties
16:14d'indépendance réelles.
16:15Il a un défaut,
16:17c'est ses règles
16:17de nomination.
16:18Et donc,
16:19il faut bien savoir
16:20que les membres
16:21du Conseil constitutionnel
16:22sont nommés
16:23de façon politique.
16:24Or,
16:242027,
16:25élection
16:26d'un président
16:27potentiellement populiste
16:28avec une assemblée
16:29qui est une assemblée
16:30qui pourrait être populiste,
16:32il y a un renouvellement
16:32dès 2028
16:33et en 2028,
16:34vous auriez potentiellement
16:35deux nouveaux membres
16:36qui seraient nommés
16:37par les populistes
16:38et rebelotent en 2031
16:40avec encore
16:41deux nouveaux membres.
16:42Donc,
16:42en 4 ans ou 5 ans,
16:43la majorité du Conseil constitutionnel,
16:45elle peut être aversée
16:46par un gouvernement populiste.
16:47C'est ce qu'on a vu
16:48aux Etats-Unis
16:49avec Donald Trump
16:49qui a essayé
16:50de nommer un maximum
16:51de juges
16:52de son camp
16:53à la Cour suprême
16:54et qu'on a vu
16:55une Cour suprême
16:55profondément divisée.
16:57Noyauter en réalité
16:58les juridictions suprêmes
16:59de l'intérieur,
17:00c'est la mécanique
17:00des populistes.
17:01Question sur l'appli d'Inter,
17:02est-ce que vous distinguez
17:03le populisme de gauche
17:04et le populisme de droite ?
17:05Alors,
17:06oui,
17:06c'est deux dangers distincts,
17:08mais c'est deux dangers quand même.
17:10C'est-à-dire que
17:11le populisme,
17:12c'est quoi ?
17:12Le populisme,
17:13c'est l'opposition
17:16entre,
17:16d'un côté,
17:17la volonté supposée
17:18du peuple
17:19contre celle
17:20des élites
17:21qui accaparaient le pouvoir.
17:22Dans le cas du populisme
17:24de droite,
17:25les élites
17:26sont des élites
17:29intellectuelles
17:30et administratives.
17:32Dans le cadre
17:32du populisme de gauche,
17:34c'est plus des élites financières.
17:35Mais,
17:36dans les deux cas,
17:37il y a la même mécanique,
17:38c'est-à-dire qu'il y a
17:39une volonté
17:39de refuser
17:41la contestation
17:42et de créer
17:45une politique
17:45qui est une politique
17:46potentiellement discriminatoire,
17:48c'est-à-dire de refuser
17:49des droits
17:49à ceux qui s'opposent
17:51à ceux qui sont au pouvoir,
17:52et une politique
17:53isolationniste,
17:55c'est-à-dire
17:55nationaliste,
17:57en s'extrayant
17:58de l'Europe
18:00et du cadre européen
18:02tel qu'il a été pensé
18:04et tel qu'aujourd'hui
18:05il a permis
18:06le maintien de la paix
18:07en Europe
18:07et le maintien
18:09de nos libertés.
18:10Face à ça,
18:11qu'est-ce que vous préconisez ?
18:13Qu'est-ce qu'on peut faire
18:14aujourd'hui,
18:15à votre sens,
18:16Patrice Pinozzi,
18:18tout de suite
18:18pour protéger
18:19les institutions
18:20d'une potentielle
18:22de ce potentiel scénario
18:23que vous évoquez ?
18:24Alors,
18:25je dirais,
18:26l'avantage
18:27de la défense
18:29de la menace populiste,
18:30c'est que par nature,
18:30le populisme,
18:31il s'appuie sur le peuple.
18:32Donc,
18:33on peut faire quelque chose.
18:34C'est ça qui est rassurant,
18:35c'est-à-dire que
18:35la situation,
18:36elle est évidemment grave,
18:38il y a
18:39une tendance,
18:41mais qui peut être inversée,
18:43en tout cas,
18:43qui peut être inversée
18:44en France.
18:44il faut convaincre les gens
18:46que c'est une mauvaise idée,
18:48que le populisme
18:49n'est pas un bon choix,
18:50qu'on va se retrouver
18:51à lâcher la proie pour l'ombre.
18:52Oui,
18:52mais ça,
18:52c'est le cœur du sujet.
18:54Je vois bien
18:54que vous avez écrit
18:55ce livre pour ça,
18:55mais quand on voit
18:56les sondages d'intention,
18:57quand on voit
18:57les résultats
18:58des dernières élections,
18:59en France,
19:00mais un peu partout,
19:01c'est-à-dire
19:01que ce que vous décrivez
19:03comme un régime de cauchemar
19:04ou un Big Brother
19:05ou tout ce qui,
19:06vous,
19:06qui êtes défenseur
19:07des libertés publiques,
19:08vous horrifie,
19:09eh bien,
19:10force est de constater
19:14le peuple,
19:14c'est qui ?
19:15En tout cas,
19:16dans les élections,
19:17dans les sondages,
19:18dans les résultats électoraux,
19:20on voit une demande
19:21vers plus de sécurité,
19:23plus de sécurité
19:23et moins de liberté.
19:25La liberté n'est plus
19:27tellement à la mode.
19:28Alors,
19:28on sent bien votre volonté
19:30de dire,
19:30réveillez-vous,
19:31la liberté,
19:32c'est la plus belle
19:32de nos valeurs,
19:33mais ça ne passe pas,
19:34ça n'est pas très audible,
19:35je vais vous le dire.
19:36Mais ça fait dix ans
19:37qu'on le dit
19:38et que ce discours
19:39n'imprime pas.
19:40C'est vrai,
19:40si vous voulez.
19:41Mais je pense que,
19:43justement,
19:43des exemples
19:45comme l'exemple
19:46des Etats-Unis.
19:46Je ne sais pas
19:47s'il y a des gens
19:47qui aujourd'hui
19:48trouvent que ce qui est
19:49en train de se passer
19:49aux Etats-Unis,
19:50c'est bien,
19:51mais à titre très personnel,
19:52moi je trouve que
19:53c'est un délitement
19:54de nos démocraties.
19:55C'est-à-dire qu'on est
19:56en train de perdre
19:57des fondamentaux
19:58dont on ne se rend
20:00en réalité plus compte.
20:01Donc,
20:01qu'est-ce qu'il faut faire ?
20:02Ce qu'il faut faire,
20:03c'est réagir,
20:04c'est réagir individuellement,
20:06c'est décider
20:07de s'opposer
20:09au discours populiste,
20:10c'est de pousser
20:11nos dirigeants
20:12à respecter
20:13l'Etat de droit.
20:13Aujourd'hui,
20:14on voit qu'il y a
20:15des attitudes
20:15qui divisent.
20:17Quand on voit
20:18des représentants
20:19du gouvernement
20:20qui s'opposent
20:23au principe même
20:24de l'Etat de droit,
20:25quand on voit
20:25Bruno Retailleau...
20:26Vous parlez de Bruno Retailleau,
20:26parce que vous le citez
20:27en exergue de votre livre,
20:28Bruno Retailleau...
20:29Mais Bruno Retailleau
20:30qui dit que l'Etat de droit
20:30n'est ni intangible
20:32ni sacré,
20:33ou l'Etat de droit
20:34est de nature,
20:35ou en tout cas les règles
20:36sont susceptibles
20:37d'entraver l'action
20:38du gouvernement.
20:38Gérald Darmanin
20:39qui refuse
20:41l'application
20:41de certaines décisions
20:43qui sont rendues
20:44par des Cours suprêmes.
20:45Tout ça
20:45est délétère,
20:47mais ça ne suffit pas.
20:49Il faut aussi
20:49qu'on décide
20:51nous-mêmes
20:52de fondamentaliser
20:53un certain nombre
20:54de principes.
20:56Il faut
20:56qu'on décide
20:57de mettre
20:59certains droits
21:00qui sont des droits
21:00essentiels.
21:01Lesquels ?
21:01Par exemple,
21:04tout ce qui a été fait,
21:05il y a des choses
21:05qui ont été bien faites,
21:06le droit à l'avortement
21:07a été inscrit
21:08dans la Constitution.
21:09Aujourd'hui,
21:10on ne peut pas remettre
21:10en cause
21:11le droit à l'avortement.
21:13De la même manière,
21:13l'instauration
21:14de la question
21:15pour l'Etat
21:15de concilialité
21:16a été une bonne chose,
21:17mais il faut qu'on fortifie
21:18certains autres droits.
21:20Le secret des sources,
21:22des journalistes,
21:22qui est un élément
21:23essentiel de l'information,
21:25n'est pas sanctuarisé.
21:26Vous pourriez demain
21:26avoir une loi
21:27qui est de nature
21:28à porter atteinte
21:29au secret des sources
21:30des journalistes
21:31et il faut absolument
21:32qu'on ait conscience
21:33des risques
21:34d'atteinte à nos libertés
21:36pour éviter
21:37que demain,
21:38on se retrouve
21:40privés de nos libertés
21:41sans même
21:41s'en être rendu compte.
21:42Et pour finir
21:43très rapidement,
21:44parce qu'on va en parler
21:44ce soir
21:45et on va en parler
21:46dans les jours qui viennent,
21:47le recours au référendum,
21:48vous en parlez
21:49dans votre bouquin
21:49et vous dites
21:50c'est une arme potentielle
21:51d'un leader populiste
21:52et illibéral.
21:53Vous le savez,
21:54Emmanuel Macron
21:54devrait,
21:55pourrait annoncer
21:56ce soir
21:57un référendum,
21:59un recours au peuple,
22:01il est quoi ?
22:01Populiste et illibéral ?
22:03Non,
22:03le référendum
22:04fait partie
22:04de la constitution
22:05donc il fait partie
22:06de l'état de droit.
22:07Le danger populiste,
22:09c'est un recours abusif
22:11au référendum.
22:11Le référendum,
22:12il n'est pas là
22:13pour trancher
22:14un conflit
22:15de légitimité
22:16entre la volonté
22:17des gouvernants
22:18et une décision de justice.
22:20Aujourd'hui,
22:21dans la mécanique
22:21des populistes
22:22ou en tout cas
22:22dans la parole
22:23de Marine Le Pen,
22:24le référendum,
22:25il est brandi
22:26comme une arme
22:27qui permettrait
22:28d'aller à l'encontre
22:30de l'état de droit
22:31et donc de dire
22:32peut-être que
22:33la justice
22:35nous impose
22:36certaines limitations,
22:37peut-être que
22:38les déclarations
22:39des droits de l'homme
22:41nous imposent
22:41certaines limitations,
22:42peut-être que le droit
22:43de l'Union Européenne
22:44nous impose
22:44certaines limitations,
22:46je vais faire trancher ça
22:47par le peuple
22:48qui est le peuple souverain.
22:49Et c'est en ça
22:49que l'utilisation
22:50du référendum
22:51est populiste
22:52puisqu'en fait
22:53il remet en cause
22:54la règle commune
22:56au bénéfice
22:57d'un vote spécifique
22:58qui le plus souvent
22:59est orienté.
23:00Donner des outils
23:00pour défendre
23:02les libertés publiques,
23:03la liberté
23:03avec un grand L
23:05et nos droits,
23:06c'est le combat
23:06de votre vie,
23:07Patrice Penozy,
23:08que vous exprimez
23:08dans ce livre-là
23:09« Menace sur l'état de droit,
23:11comment préserver
23:12nos démocraties »
23:13ça sort chez
23:14Alary édition
23:14jeudi.
23:16Merci.
23:16Merci à vous.
23:17Et très belle journée à vous.