L’intime inonde désormais l’espace politique. Maladies, traumas, burn-out, identités, sexualités : tout est matière à dire. À rendre public. À incarner politiquement. Gabriel Attal parle de son homosexualité. Édouard Philippe, de son alopécie. D’autres évoquent un viol, un handicap, une dépression. Et tout cela devient événement politique, prise de parole, moment démocratique. [...]
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00L'intime inonde désormais l'espace politique.
00:12Maladie, trauma, burn-out, identité, sexualité,
00:16tout est matière à dire, à rendre public, à incarner politiquement.
00:21Gabriel Attal parle de son homosexualité et Édouard Philippe de son alopécie.
00:25D'autres évoquent un viol, un handicap, une dépression.
00:28Et tout cela devient événement politique, prise de parole, moment démocratique.
00:34Dans cette nouvelle grammaire du pouvoir, le particulier tente l'universel.
00:38Ce qui relève de l'expérience privée est élevé au rang de référentiel collectif.
00:44C'est une manière de dire, ce que j'ai vécu, d'autres l'ont vécu, donc je représente.
00:50Et c'est vrai, l'intime est politique.
00:53C'est un acquis féministe fondamental.
00:55Le corps, l'histoire personnelle, le vécu ne sont pas en dehors du champ public.
01:00Ils en sont un des fondements.
01:02Mais jusqu'où aller ?
01:04Car si tout devient personnel, que reste-t-il du commun ?
01:07Et surtout, est-ce que cette irruption massive, massive,
01:11de l'intime dans la politique produit encore du collectif ?
01:15Ou est-ce qu'elle produit du branding ?
01:17Car l'intime, parfois, devient aussi un capital.
01:21Un capital émotionnel, symbolique, médiatique.
01:24Une ressource pour capter l'attention, construire une image,
01:27exister dans l'arène saturée de la communication politique.
01:31Dans ce jeu-là, la sincérité est difficile à mesurer.
01:34L'authenticité peut vite devenir la posture.
01:38Il faut faire attention.
01:39Oui, certains récits personnels ouvrent des brèches pour d'autres.
01:43Mais tout ne se transforme pas automatiquement en engagement commun.
01:47Parfois, l'intime devient un capital d'attention, mais pas une politique.
01:52Et parfois, cela reste du domaine de l'anecdote,
01:56sans transposition collective possible.
01:59L'irruption de l'intime dans l'espace public
02:01transforme profondément la grammaire politique contemporaine, je l'ai dit.
02:05On ne parle plus en nous, on parle en moi.
02:09Et à force de juxtaposer les récits,
02:12on finit par perdre la narration collective.
02:15La démocratie n'est pas qu'un espace d'expression personnelle,
02:18c'est un espace de traduction.
02:20Entre le personnel et le collectif,
02:22il faut un passage, une mise en commun, une élaboration.
02:26Sans cela, la politique devient une accumulation de témoignages,
02:29une dramaturgie du moi si jose.
02:33Et dans cette logique, ceux qui souffrent le plus,
02:35ceux qui crient le plus fort, prennent toute la place.
02:38L'intime est politique, oui.
02:41Mais pour que la politique crée démocratie et reste démocratie,
02:45il faut que l'intime fasse récit collectif.
02:48Sinon, ce n'est pas du commun que l'on fabrique,
02:51c'est de l'éparpillement et de la communication.
02:54Un conseil aux responsables politiques ?
02:56Usez de l'intime, oui, mais avec modération.