Philippe de Villiers raconte le jour où Jeanne d’Arc a libéré Orléans des Anglais
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00:00Alors, j'ai besoin de vous prendre à témoin tous les deux.
00:06Tu sais qu'il y a une foule de un million...
00:08C'est ce que j'allais vous dire.
00:09J'allais vous dire, c'est pas nous deux, ce sont des centaines de milliers de Français.
00:11Parce qu'on serait paralysés par le trac, oui.
00:16Alors, je m'adresse à tous les Français qui nous regardent.
00:18Et notamment aux jeunes, parce qu'ils sont très nombreux.
00:21Je vais leur parler de Jeanne d'Arc.
00:22Vous allez voir.
00:23Écoutez bien.
00:25Donc, c'est la revue des troupes, c'est la revue des capitaines.
00:30Ils sont tous là.
00:31Gzintraille, Dunois, Childeret, Laïr.
00:37Jeanne passe devant eux, puis les rassemble.
00:42Et s'adresse à eux d'une voix ferme.
00:46Écoutez-moi, messieurs les capitaines.
00:50Demain, à l'aube, nous allons partir pour délivrer Orléans.
00:54Depuis Blois, où nous sommes.
00:57Je vous demande de renvoyer chez eux et de chasser tous les échauffés qui ont, dans vos rangs, la bouche empuantie d'injures.
01:07Nous ferons une armée, pas une crapaud d'ail.
01:16Alors, la chevauchée commence.
01:20Elle déploie son étendard et embrasse son anneau.
01:23Elle embrasse son anneau en pensant, il faudra un miracle.
01:27La situation est désespérée.
01:28Vous savez comment on appelle le roi de France ?
01:29Le petit roi de Bourges, c'est ce qui lui reste.
01:34C'est tout ce qui lui reste.
01:36Le petit roi de Bourges.
01:38Et pourquoi c'est tout ce qui lui reste ?
01:39Parce que la France, c'est ses occupations anglaises.
01:43Parce que celle qu'on appelle, de manière très méchante, la truie couronnée, c'est-à-dire la reine de France, Isabaud de Bavière,
01:49plissée sous le Hénin, elle a signé ce traité, le traité de Troyes, qui est une sorte de traité de Maastricht de l'époque, 1420,
01:58et qui donne la France à l'Angleterre.
02:03Ça veut dire qu'en fait, Orléans est le dernier rempart sur la Loire.
02:08Soit ça bascule dans un sens, soit ça bascule dans l'autre.
02:10Et pour que ça bascule dans le sens de la France, il faut lever le siège et donc reprendre une à une les redoutes et les Bastilles.
02:19L'assaut commence avec succès, avec un succès inespéré.
02:25Le 6 mai, la Bastille des Augustins est prise, le 7 mai, la Bastille des Tourelles est prise.
02:34Et là, Jeanne, qui veut montrer l'exemple, l'exemple à Trahunt, elle s'empare d'une échelle.
02:42C'est absolument déraisonnable.
02:44Elle saute dans la douve et elle applique l'échelle contre la haute palissade de la redoute.
02:52Et là, elle grimpe.
02:53Et quand elle est au dernier barreau, hélas, elle reçoit dans le dos un trait fulgurant,
03:01un méchant vireton qui lui transperce l'épaule.
03:04Elle se retourne, elle arrache elle-même la flèche.
03:11Le sang coule, gicle.
03:14Et elle entend l'haïr en bas dans la douve qui, avec sa voix de stenteur, lui dit
03:20« Jeanne, ce n'est pas du sang qui coule, c'est de la gloire. »
03:26La gloire, elle va arriver dans quelques instants, avec la victoire, avec le triomphe,
03:31devrais-je dire, avec la levée du siège, avec la délivrance.
03:39Et là, la population se masse autour de ce chef de guerre, avec son armure.
03:46Et on confectionne à la hâte, et on lui offre, le 9 mai, une huque verte et une robe de fine Bruxelles, bordée d'ortie.
04:04Et on l'appelle, lorsqu'elle a revêtu ce cadeau symbolique, cette nouvelle tenue, l'ange héraldique du royaume.
04:12Mais elle, elle n'a qu'une pensée, c'est pas la gloire, c'est pas sa gloire, c'est pas les acclamations, non.
04:21Elle veut finir sa mission.
04:23Finir sa mission, ça veut dire mener le dauphin, le gentil dauphin, comme elle dit, à Reims.
04:31Mais les princes du sang refusent et essayent de la raisonner.
04:34Jeanne, écoutez-nous, il est clair quand on voit la géographie de la France, il faut d'abord libérer la Normandie.
04:42D'ailleurs, la route de Rouen est beaucoup moins périlleuse que la route de Reims.
04:51Il faut d'abord bouter les Anglais hors de France, et alors, tous ensemble, nous conduirons le dauphin à Reims.
05:01En d'autres termes, d'abord la libération, et ensuite l'onction.
05:05Et là, elle se dresse, Jeanne, et avec son aplomb incroyable et son génie, elle leur dit « Je crois exactement à la prudence contraire, messieurs les capitaines. »
05:19D'abord l'onction, ensuite la libération.
05:26Parce que, je vous invite à réfléchir, la cérémonie du sac va produire sur tous les esprits du royaume, forte impression.
05:34Et après l'onction, le gentil dauphin pourra balayer les ennemis beaucoup plus facilement.
05:47Messieurs les capitaines, je prétends que Charles de Valois, le dauphin, recevra plus de force d'une seule goutte d'huile que de 10 000 lances.
06:02Et à un long moment de silence, le conseil baisse la tête.
06:12Le roi regarde fixement le chef de guerre, Jeanne.
06:18Il l'admire pour la première fois.
06:21Il l'approuve, elle le sent, elle le sait, elle le devine.
06:24Il lève la séance.
06:27Et le lendemain, à l'aube, le cortège, le convoi, se met en route pour Reims.
06:34Méditez la leçon, Joannique.
06:37Qui est la suivante.
06:40Il ne faut jamais s'arrêter au maxime d'une simple politique.
06:46Quand il s'agit de confondre les calculs de la politique ordinaire.
06:53Sous-titrage Société Radio-Canada