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Coordonner un ensemble de recherches en sciences comportementales, afin de comprendre l’impact de l’action humaine sur l’environnement et comment la diminuer : c’est la mission que se donne le groupe indépendant d’experts, le GIECo. Dans ce débat, nous nous demandons comment faire des individus des leviers de transformation environnementale.

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Transcription
00:00C'est le débat de ce Smart Impact. Je vous présente tout de suite mes invités. Stéphane Labranche, bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue, vous êtes coordinateur scientifique du GIECO. Amélie Rouvin, bonjour. La fondatrice d'Ecosophia.
00:18On va déjà découvrir le GIECO. J'avoue, je ne connaissais pas le GIECO. C'est une déclinaison du GIEC, c'est ça ?
00:23Non, ce n'est pas. On est un groupe indépendant d'experts sur les comportements.
00:28L'idée de base, c'est qu'on s'est réunis en se disant, si on regarde la crise écologique, c'est une conséquence de nos modes de production, de consommation, de nos modes de vie.
00:39Et donc, il nous semblait que l'essentiel du problème n'était pas sur les comportements de molécules dans l'atmosphère, mais bien du comportement humain.
00:46Et quand on a regardé au niveau international, il y avait pas mal de recherches sur les comportements, mais il n'y avait rien, en fait, de coordonnées.
00:53D'où l'idée du GIECO, le groupe d'experts sur le changement de comportement, avec notre premier rapport qui va sortir sur le rôle du facteur humain dans la transition.
01:03D'ailleurs, on parle de quelles sciences du comportement, parce que c'est vaste ?
01:06Oui. En fait, on parle de toutes les sciences, même la philosophie, l'économie, le droit, la sociologie, l'anthropologie, la psychologie.
01:15Puis on essaie d'aller un peu plus loin, parce que quand on parle de biodiversité, par exemple, bien, ce sont des humains,
01:20on rentre en contact avec des vers de terre, avec des pandas, avec des fourmis.
01:23Et donc, ce qui veut dire qu'on a aussi besoin de travailler avec des écologues, on a besoin de travailler avec des climatologues.
01:29Mais toujours avec cette emphase sur qu'est-ce qui fait que l'on change ou qu'on ne change pas en tant qu'humain,
01:35même quand on reçoit de l'information scientifique qui nous dit, bien, il faut changer, parce que sinon, ça va être la cata.
01:41Oui, effectivement, et on est au cœur des gens de nous, parce qu'on se rend compte que l'acceptabilité, finalement, de cette transition,
01:48et peut-être qu'on a une responsabilité collective dans la difficulté à l'accepter, c'est ce qui la freine.
01:54Donc, on est vraiment au cœur des enjeux dont on parle tous les jours dans cette émission.
01:58Pourquoi vous avez créé Ecosophia ? C'était en 2021, c'est ça ?
02:01Oui, alors, Ecosophia, c'est en référence à l'écosophie, un courant de l'écologie profonde.
02:07D'accord.
02:08C'est une approche holistique.
02:10Et pourquoi on en a besoin en ce moment ? Parce qu'en France, l'écologie est plutôt dévoyée.
02:14C'est une écologie politique qui est vue comme punitive ou alarmiste.
02:20Et là, c'est une approche intégrale, holistique, dans une dimension à la fois philosophique et pragmatique.
02:29Et Ecos est créé avec un H pour apporter la dimension de l'humain,
02:32puisqu'on accompagne les entreprises dans la transition écologique, au-delà du développement durable, pour aller vers le régénératif.
02:39Et on accompagne aussi les dirigeants et les équipes dans leur propre leadership.
02:43Ça fait quoi ? Ça fait plusieurs décennies, peut-être 50 ans ou plus, que les scientifiques nous alertent sur la transformation de changement climatique.
02:50Pourquoi leur message ne s'est pas transformé en action collective ?
02:55Oui, 50 ans, effectivement, de 1972, le rapport du Club de Rome, limite à la croissance.
03:00Moi, ça fait 20 ans que je travaille dans le développement durable.
03:02Et j'ai cette question clé qui me taraude, c'est pourquoi, on a beau savoir depuis 50 ans qu'on va dans le mur,
03:09pourquoi on n'arrive pas à faire cette transition sociétale ?
03:12Qu'est-ce qui bloque ?
03:15C'est compliqué de trouver la réponse.
03:19Au fond, pour moi, on se trompe de constat, donc on se trompe de solution.
03:23On se trompe de constat parce qu'on n'a pas une crise écologique.
03:25Au fond, c'est multi-crise, c'est crise climatique, évidemment, crise sociale, crise financière, crise de défiance du politique.
03:32Derrière ça, on est, notre société est quasiment au bord du burn-out.
03:36Et donc, on arrive à des fausses bonnes solutions, on se trompe de solution.
03:41La solution, ce n'est pas des véhicules électriques neufs qui pèsent 2 tonnes avec énormément d'informatique embarquée.
03:50Et la solution, ce n'est pas de capter le CO2 et de l'enfuir dans le sous-sol.
03:55Ça, c'est du technosolutionnisme.
03:58Donc, avec le développement durable, on a essayé de découpler la consommation de ressources de la croissance du PIB.
04:03Et ça ne marche pas.
04:05On continue à aller dans le mur.
04:07Donc, c'est vraiment un changement de paradigme, aller aux causes racines.
04:11Vous publiez, je crois que c'est le 2 juillet, le premier rapport du GECO.
04:15Gros travail, vous me disiez ça justement qu'on démarre le débat.
04:18Oui, c'est un gros travail parce que l'idée, c'est de recueillir différentes disciplines qui bossent ensemble.
04:24Et on a tout un processus scientifique derrière.
04:27Donc, chaque chapitre est lu par 3 scientifiques extérieurs qui font des commentaires, des retours.
04:33Et moi, je lis chacune, j'ai lu chacune des phases sur tous les chapitres.
04:37Mais on n'a pas voulu non plus en rester à un constat de ce que la science dit sur pourquoi on change, on ne change pas.
04:45On a insisté auprès des auteurs pour nous dire, OK, selon vous, dans votre science de la communication, de la psychologie, de l'économie,
04:55quels sont les facteurs de changement qui peuvent aller dans le bon sens?
04:57Oui, c'est ça. Quelles recommandations? Comment on peut finalement trouver des solutions?
05:02Oui. Pour moi et pour le GECO, ce n'est pas suffisant d'en rester à un constat de dire, ben, ça va mal.
05:09Ben non. L'idée, c'est de dire, oui, mais la science a des choses aussi.
05:12Nos sciences comportementales ont des choses à dire très intéressantes et pertinentes sur, ben, en fait,
05:17est-ce qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas comme en œuvre et des choses qu'on devrait faire qu'on ne met pas encore?
05:21Alors, bon, on ne va pas révéler tout ce qu'il y a dans le rapport, évidemment, en avant-première,
05:27mais quand même, s'il y a une ou deux recommandations comme ça qui vous semblent importantes,
05:33nées de ce travail de recherche, de ce travail scientifique, vous diriez quoi?
05:38La première chose, c'est d'arrêter de penser qu'un argument écologique nous amène à changer de comportement.
05:43Ce n'est pas vrai. Ce n'est simplement pas vrai. Il faut penser à tous les autres co-bénéfices.
05:47Si on fait du vélo, c'est bien pour l'environnement, mais c'est bien aussi pour la santé physique.
05:51Ou peut-être que c'est plus rapide, d'ailleurs, que la voiture en pleine ville.
05:54Donc, passer par d'autres bénéfices.
05:56L'autre chose qui me semble très importante, c'est de ne pas passer simplement par de l'information cognitive.
06:03C'est bien la cognition, mais bon, on en est au sixième rapport du GIEC.
06:08Voilà. Les émotions sont plus importantes.
06:11Et là, il faut parler des émotions positives et négatives dans le rôle.
06:14Mais je suis un peu sur la même voie qu'Amélie là-dessus.
06:20C'est de dire que peut-être qu'on devrait parler plus d'émotions positives par rapport à l'environnement, par rapport à la nature.
06:27Oui, on a d'abord été dans un discours alarmiste.
06:32Ah oui.
06:33Anxiogène, voire culpabilisateur.
06:34C'est ça.
06:35Et donc ça, on sait que ça ne marche pas.
06:36Non, ça ne marche pas. Donc, il faut faire autre chose.
06:38Et ça, la science, les sciences des comportements, nous le disent, en fait.
06:41Donc, ça, c'est super important.
06:43Et puis, troisième chose, mais ça, c'est un peu plus subtil.
06:46On a tendance à penser que ne pas bouger, ne pas changer, c'est simplement parce qu'on n'est pas intéressé ou c'est de l'immobilisme.
06:53En fait, c'est faux.
06:54Ne pas bouger est soumis à des forces très, très puissantes de ne pas bouger.
06:59Donc, par exemple, j'ai envie de devenir plus sobre, mais je vis dans une société qui m'encourage à chaque minute de ma vie à consommer plus.
07:06Et ça, c'est très puissant.
07:08C'est très, très puissant.
07:09Et donc, en fait, analyser et voir les choses de cette manière-là peut amener les entreprises et les collectivités territoriales, les associations,
07:17à réviser leur positionnement sur comment accompagner les gens.
07:21Amélie Rouvin, comment ?
07:22Si on parle d'une entreprise, justement, parce qu'on a quand même beaucoup d'entrepreneurs ou de salariés qui nous regardent,
07:29quels conseils vous pouvez donner, c'est votre métier, à une entreprise qui, justement, veut aller plus loin en utilisant les sciences du comportement pour embarquer ces salariés ?
07:41Parce qu'on n'a pas employé le mot « management », mais ça rentre dans les leviers comportementaux.
07:47Il y a trois chapitres dans le rapport là-dessus.
07:49Je rejoins ce que vient de dire Stéphane, parce qu'il y a deux éléments clés pour moi.
07:52On parle des grands groupes, de la finance en responsabilité.
07:56Mais au fond, ce n'est pas des coquilles vides.
07:58Derrière, ce sont des hommes et des femmes qui prennent des décisions, mais pas simplement des hommes.
08:02Donc, c'est un sujet de facteur humain.
08:04Et deuxième élément, pour moi, qui est hyper important, et tu as parlé des émotions, c'est la reconnexion au vivant à la nature.
08:11Parce qu'on vit dans une société, ici, où on est déconnecté géographiquement, physiquement.
08:16On est éloigné des espaces naturels.
08:18Et des études ont montré que depuis les années 50, dans la littérature, au cinéma et dans la musique également,
08:29la représentation des animaux, de l'environnement a eu tendance à diminuer.
08:34Ça veut dire que même culturellement, à la fois géographiquement, physiquement et même culturellement,
08:38on est moins entouré de la nature.
08:41Et moins on est en contact avec la nature, moins on en fait l'expérience,
08:44moins on va être sensible aux enjeux écologiques et aux politiques proposées.
08:50Donc, vous dites aux entreprises, reconnectez-vous à la nature ?
08:53Alors, oui.
08:54Entre autres, parce qu'il y a plein de leviers à activer, mais c'en est un.
08:56Mais, ce n'est pas juste le dire, puisque, effectivement, le rationnel ne suffit pas.
09:02La dominance de notre cerveau logico-mathématique a été faite au détriment, dans notre société, dans notre éducation,
09:09des autres intelligences relationnelles, corporelles, intuitives.
09:13Et d'ailleurs, les bons leaders d'entreprise sont intuitifs.
09:16Mais on parle d'approche régénérative pour une entreprise, c'est un terme qu'on emploie souvent dans cette émission.
09:23Ça peut vouloir dire, d'ailleurs, ça va être le thème du grand entretien dans un instant, aller jusqu'à changer de modèle.
09:30Complètement.
09:31Changer de modèle en profondeur.
09:32Et c'est ça, l'approche de régénérative qui va au-delà du développement durable.
09:35Ce n'est pas juste rajouter le pilier du vivant, humain, non humain.
09:40Ce n'est pas à part pour les rapports RSE.
09:42C'est le socle de tout.
09:43Le socle de nos économies, le socle de notre fonctionnement.
09:47Et qu'est-ce que c'est le principe du régénératif ?
09:48C'est mettre le vivant au cœur de tout de nos décisions et de nos organisations.
09:52C'est le principe de robustesse, alors qu'on est sur un système hyper performant, mais qui, du coup, rend nos sociétés fragiles.
09:58C'est le principe d'émergence spontanée, qui est de favoriser les conditions pour que les éléments, les êtres vivants,
10:05et on peut prendre l'organisation, l'entreprise comme un élément vivant en soi, développent leur plein potentiel.
10:12C'est également le principe de...
10:14C'est la pensée systémique, alors qu'on fonctionne plutôt en linéaire et en silo.
10:18Et également, dernier élément important, la croissance limitée.
10:22Si on s'inspire du vivant, un arbre ne pousse pas jusqu'au ciel.
10:24Et donc, on va interroger les dirigeants à se questionner, à aller voir ces questions courageuses, profondes,
10:32notamment de renoncement à des activités polluantes, mais qui peuvent amener à des innovations.
10:39Et donc, courageux, c'est le cœur à l'ouvrage.
10:42Osons remettre du cœur dans les organisations. Je sais que c'est un gros mot.
10:45Non, mais c'est un mot magnifique, le mot courage.
10:48Mais alors, il en faut peut-être encore plus en ce moment, avec le backlash, enfin le vent contraire qui s'est levé aux États-Unis,
10:56mais aussi d'ailleurs en Europe, si on prend le résultat des dernières élections européennes.
11:00Votre rapport, il va sortir en plein dans ce contexte-là.
11:04Oui, carrément.
11:06Donc, ça veut dire quoi ?
11:07Ça veut dire qu'il va falloir encore plus de courage pour tenir la barque malgré ces vents contraires ?
11:14Oui, du courage, mais je pense aussi qu'il serait important de réintroduire un peu de fun dans tout ça.
11:20Oui, vous avez raison, oui. C'est ce qu'on a dit tout à l'heure, pas trop d'éco-anxiété.
11:23Non, c'est exactement ça. Oui, oui. Parce qu'en fait, changer, ça peut être drôle aussi si on le fait correctement.
11:30Si, bien entendu, en tant qu'individu, je veux changer le monde, ben oui, là, c'est l'échec.
11:34Il n'y a pas un seul individu qui peut changer le monde.
11:36Mais même des petits changements en équipe peut améliorer le bien-être au travail, peut donner du sens à sa vie.
11:43Se dire, bon, OK, là, j'essaye ça, ça a fonctionné, je vais aller un peu plus loin.
11:47Et donc, réintroduire un peu de fun dans cette tentative de transition plutôt que de la peur du changement.
11:54Je pense que ça, c'est clé, absolument clé.
11:57Un dernier mot, il nous reste une minute. Un mot de conclusion, Amélie Roux.
12:00Robert Duffen est de l'expérientiel. Et d'ailleurs, moi, j'emmène les dirigeants en forêt vivre l'expérience de la Deep Time Oak, la marge du temps profond.
12:09On reconnecte aux 3,8 milliards d'années du vivant sur notre planète, à cet héritage ancestral.
12:15C'est la plus belle R&D de l'histoire. Il n'y a pas mieux.
12:19Exactement. Et effectivement, dans le contexte actuel, face au backlash écologique, face à un dirigeant américain qui nous dit que la faiblesse de l'Occident, c'est l'empathie.
12:28Ben non, justement, la clé, c'est le facteur humain, meilleure intégration du facteur humain et du vivant.
12:35C'est ça qui va nous permettre de réussir la transition sociétale.
12:37Merci beaucoup. Merci à tous les deux. On a hâte de lire le rapport du GIECO publié le 2 juillet.
12:45Merci et bravo pour ce travail. Je vous dis à bientôt sur B Smart for Change.
12:50On passe tout de suite à notre rubrique « Prêts pour l'impact ».
12:52Sous-titrage Société Radio-Canada

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