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00:00Bonjour à tous, on est ravis aujourd'hui de vous accueillir pour cette troisième masterclass.
00:27C'est l'équipe du catalogue chez Studio Canal qui organise ses masterclass avec toujours un journaliste et surtout un animateur très, très, un ami, un ami, un ami de la maison qu'on a peut-être plus besoin de présenter et que l'on appelle Philippe Labroux et que j'aimerais que vous accueilliez.
00:53Très chaleureusement, Philippe anime une émission de cinéma sur C8 le dimanche.
01:04Il est auteur, réalisateur, critique, il participe à énormément de bonus de films pour des éditions, il a plein d'activités et c'est un très, très grand cinéphile, un très grand connaisseur du cinéma.
01:16On est vraiment très, très chanceux de la voir à nos côtés. Tout le monde ici apprécie ces moments d'échange de cinéma.
01:26On essaye bien sûr de couvrir en fait une personnalité, un acteur, une actrice, un réalisateur, une réalisatrice qui est très présent dans le catalogue de Studio Canal.
01:40Parce qu'avec la largeur, l'étendue du catalogue de Studio Canal, il y a beaucoup à faire et ça nous permet aussi surtout de vous montrer pendant une heure et demie
01:50beaucoup d'extraits des films qui sont au catalogue et ça permet d'illustrer et de donner envie au public, à vous, à ceux qui nous écoutent, de regarder les films après
02:02quand vous n'avez pas eu l'occasion de les découvrir. Donc je vais laisser le micro à Philippe et je le remercie encore très, très chaleureusement d'être à nos côtés
02:12pour cette troisième masterclass. Merci Philippe.
02:18Merci pour vos applaudissements. C'est vrai que cette masterclass, elle est assez excitante parce que ça vous permet, et j'ai beau être cinéphile effectivement,
02:27de tout revoir et d'à nouveau revoir la carrière d'un comédien, d'une comédienne et de mieux comprendre le choix qu'on a fait.
02:36On l'a fait pourquoi ? Parce qu'on a eu un homme, une icône, Alain Delon, un autre homme sautait avec quand même une icône féminine, Romy,
02:46donc il était évident qu'il fallait aller chercher une dame. Et il n'y a pas d'autre femme dans le scéma français qui soit aussi importante
02:54et aussi iconique que Catherine Deneuve. Et c'est pour ça que nous l'avons appelée d'ailleurs la française parce que selon moi,
03:01selon nous, selon Florence dont je vais vous parler dans un instant, elle représente totalement la beauté française,
03:08l'intelligence française, la liberté française et le talent français. Donc on va essayer encore une fois à travers les films
03:16qu'elle a fait de vous parler un peu d'elle. Et puis on va essayer aussi à travers sa vie, parce que c'est une personnalité,
03:25il y a les films, mais il y a tout le reste, de comprendre comment cette jeune fille, une petite bourgeoisie parisienne,
03:32devient une icône internationale. Je me souviens toujours d'un jour au dirigeant RTL, nous recevions le nouvel ambassadeur du Brésil en France.
03:42Pendant tout le repas, cet homme n'a pas cessé de me dire « Catherine Deneuve, comment puis-je rencontrer Catherine Deneuve ? »
03:48Donc il y a ça aussi, elle est un fantasme et il y a quand même quelques hommes dans la salle.
03:54Voilà, alors Florence Colombani. Comme vous l'avez remarqué, si vous avez déjà suivi les deux autres masterclass,
04:03j'aime bien le faire avec un journaliste, avec quelqu'un qui connaît autant, sinon plus même que moi,
04:09sur le sujet choisi. Et il me semble que de toute façon, l'échange et le dialogue avec un confrère ou une consoeur
04:15est toujours plus riche que le simple soliloque.
04:18Donc, vous avez rencontré, écoutez, le génial Sam Blumenfeld sur Delon,
04:25le très très bon et merveilleux Lavoignac que vous connaissez, puisqu'il fait des documents pour vous.
04:29Et je vous propose, pour parler d'une femme, une très très bonne journaliste, Florence Colombani.
04:43Florence, elle a son propre CV qui est plutôt très riche.
04:46Des films, des récits, beaucoup de travail à France Inter, à la radio, à France Culture,
04:52des papiers pratiquement une fois par semaine pour le point, sur le cinéma et pas seulement.
04:58Et elle est elle-même auteure.
05:00Elle a écrit plusieurs livres et en particulier certains qu'elle a intitulés « Anatomie de ».
05:06Alors, « Anatomie d'un comédien », Caprio, De Niro, Polanski.
05:14Non, ça aurait pu être Caprio et De Niro, mais c'est DiCaprio et Brando.
05:18C'est un peu le...
05:18Et Brando, voilà.
05:19De Polanski, ouais.
05:20Plus quelques scénarios.
05:22Vous avez vous-même, Florence, réalisé un long-métrage.
05:25Et donc, vous êtes parfaitement adaptée et présente pour nous parler de cette femme
05:32que vous connaissez bien, dont vous connaissez bien toute la filmographie.
05:37Et dont vous et moi avons décidé qu'il fallait effectivement qu'on l'appelle comme ça.
05:42Il n'y a pas d'autres actrices.
05:45Il y a eu Daniel Darieux, il y a eu Jeanne Moreau, on va en parler.
05:49Mais aujourd'hui, depuis quoi ? Près de 60 ans.
05:53C'est à peu près ça, hein ?
05:54Oui.
05:54Elle a quel âge ?
05:55Elle a 80...
05:57Voilà.
05:59Ça fait 60 ans que cette femme, à travers des metteurs en scène, bien sûr, et des films
06:03et des choix, domine le cinéma, non seulement français, mais international.
06:07Donc, vous aurez droit, entre nos bavardages et nos conversations, venez, Florence, à quelques
06:16extraits que Studio Canal possède, et tant mieux, et qui illustrent assez bien ce que
06:24nous voulons dire.
06:25C'est-à-dire une diversité dans les choix et une liberté.
06:31Oui, et je pense que derrière ce terme, la française, il y a quelque chose d'un peu
06:35intimidant, à voir la française représentée par Catherine Deneuve, parce que c'est tellement
06:40l'icône d'une beauté absolue.
06:43Et on le voit là sur cette très belle invitation que vous avez eue, qui est une image de belle
06:48de jour.
06:50C'est tous les fantasmes que ça recoupre, ce terme, et tous les clichés.
06:55Et puis, en même temps, toute la réalité.
06:58Et c'est ça qui est assez fascinant dans cette carrière, c'est que c'est une femme
07:02qui a ses fameux rôles iconiques, très cinéma, des rôles de stars.
07:07Et c'est en même temps une femme qui est allée vers un réalisme très grand, de la
07:13psychologie féminine, de zones d'ombre, de personnages pas forcément sympathiques,
07:19et même dans ses rôles les plus importants.
07:22C'est pas forcément un personnage séduisant par ses qualités.
07:26Et donc, tout ça, c'est très intéressant parce que c'est une actrice qui va là où
07:31ça peut déranger, là où ça peut faire mal.
07:33Et comme on l'a vu là, toutes ces dernières années, elle tourne énormément.
07:37Donc, une actrice qui continue à avoir la même curiosité pour son métier et pour
07:41sa créativité.
07:42C'est une icône.
07:45Et au fond, c'est Delon, femme.
07:47Delon, c'est pareil.
07:48Vous vous souvenez si vous étiez là pour la masterclass sur Alain, c'est une filmographie
07:52extraordinaire avec des très grands metteurs en scène, donc des très bons choix.
07:56Parce que les comédiens et les comédiennes, quand ils ont ce stade et ce talent, ils
07:59savent aussi choisir.
08:00Ils sont choisis, mais ils choisissent le réalisateur.
08:03Et Delon, c'est pareil.
08:04La diversité des films, la diversité des titres et sa propre présence, son magnétisme,
08:11son charisme.
08:12Pour moi, Delon, c'est aussi cela.
08:14C'est aussi fort que cela.
08:16Oui, c'est aussi fort que cela.
08:17Et c'est pour la même raison, je pense, parce qu'Alain Delon, comme Catherine Delon,
08:21ce sont des gens qui savent ce qu'est le cinéma.
08:23Ils comprennent quelque chose très profondément, intuitivement même, de ce qu'est la mise en
08:28scène, de ce qu'est un grand metteur en scène.
08:30Et donc, ils ont su, tous les deux, aller vers de grands cinéastes et inspirer de grands
08:35cinéastes.
08:35La grande différence, quand même avec Delon, il a chanté quand même, paroles et paroles,
08:40mais c'est que lui ne chante pas le film.
08:44Et nous allons commencer par un film chanté, ce qui était d'ailleurs historique dans le
08:51cinéma français.
08:52Il s'agit des Parc-Puie-Cherbourg, Palme d'Or de Cannes, pendant laquelle, effectivement,
08:58Catherine incarne la jeunesse, le romantisme et l'amour.
09:06Mon amour, je t'attendrai toute ma vie, je ne penserai qu'à toi, ne pars pas, je t'en
09:21supplie, reste mon amour, ce n'est pas encore l'heure, je m'éloigne de toi, ne me regarde pas.
09:39Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas.
10:09Mon amour, je t'aime, je t'aime, je t'aime, mon amour, je t'aime, je t'aime.
10:39Sous-titrage ST' 501
11:09Alors d'abord, moi, quand je revois ça, j'ai un peu le frisson.
11:21Parce qu'il y a évidemment le génie de Michel Legrand.
11:25Il y a trois ou quatre génies dans ce film.
11:27Il y a Legrand, sa musique est inoubliable, superbe, et il a fait, comme vous le savez,
11:32une carrière de compositeur exceptionnelle.
11:35Il y a le tournage de Mi, ses mises en scène, le traveling comme ça, c'est d'ailleurs,
11:43ça a dû sans doute inspirer Lelouch beaucoup plus tard, parce que c'est un traveling d'Auville,
11:48c'est un homme et une femme.
11:50Et puis, évidemment, Catherine, bon, il faut que vous sachiez quand même, Florence, que ce n'est pas elle qui chante.
11:57En effet, ce n'est pas elle qui chante.
11:58Ça a été d'ailleurs un sujet très douloureux pour elle, puisqu'elle aurait beaucoup aimé chanter,
12:02et elle se fâchera même avec Jacques Demy, à la fin des années 70, pour Une chambre en ville,
12:08qui est un film que Jacques Demy a écrit pour elle, à nouveau un film chanté,
12:14pour lequel il espère qu'elle va reprendre le rôle un peu de muse qu'elle a eu pour lui,
12:18puisqu'elle a tourné trois films, trois grands chefs-d'oeuvre avec lui.
12:21Et il ne veut toujours pas la laisser chanter, et donc cette fois, elle se fâche,
12:25et il ne tourne pas ce film ensemble.
12:26C'est Dominique Sanda, pour ceux qui l'ont vu, qui prend le rôle.
12:29Mais en effet, c'est un film chanté, entièrement chanté,
12:33donc c'est une sorte de film opéra, beaucoup plus que comédie musicale à l'américaine,
12:37et où on voit toute la sensibilité de Demi pour le mélodrame, en fait.
12:42C'est-à-dire que c'est une histoire très simple, une histoire d'amour,
12:44l'histoire d'un jeune homme qui part à la guerre en Algérie,
12:47ce qui ronce ce couple très vibrant qu'il forme.
12:52Et puis, la jeune fille que joue Deneuve va se découvrir enceinte
12:55et va devoir faire face à cette grossesse toute seule.
13:00Et là, il y a un écho assez fort entre la vie de Catherine Deneuve et le film,
13:04puisqu'elle-même est devenue mère très jeune,
13:07et sans être mariée avec Roger Vadim.
13:10Et donc, on touche peut-être aussi à notre titre de la française,
13:13c'est-à-dire que c'est l'image d'une nouvelle façon d'être femme.
13:18On est en 1964.
13:19Les personnages féminins au cinéma n'ont pas normalement de grossesse non désirée.
13:26Enfin, tout ça est nouveau sur les écrans français.
13:28Ce qui est nouveau aussi, il faut revenir là-dessus,
13:30c'est que c'est une révolution.
13:32Jamais un film parlé-chanté n'avait été fait.
13:37Les comédies musicales américaines, ils chantent, d'accord ?
13:39Gene Kelly, machin, Fred Basset, ce que vous voulez.
13:42Et après avoir chanté, ils bougent et ils parlent.
13:45Oui, et là, ils ne dansent pas, par ailleurs, dans les parapluies, il n'y a pas de danse.
13:48C'est du parler-chanter tout le temps, il n'y a aucune danse.
13:50Donc, je me souviens très bien de la première projection privée de ce film.
13:56Il y avait des tas de critiques de cinéma qui sont des gens, par essence, blasés, sceptiques.
14:02C'est les pieds.
14:03Convaincus qu'ils savent tout.
14:04À part vous, bien sûr, Florence.
14:06Ils étaient, mais ils ne revenaient pas.
14:11Il y a quelqu'un qui s'est mis à applaudir pendant le tournage, pendant la projection.
14:16Et je voudrais au passage, il faut tirer son coup de chapeau, ça a été produit par une femme, Maggie Baudard.
14:22Vous ne connaissez peut-être pas son nom, peut-être.
14:25C'était une très grande productrice.
14:26Elle a produit Rennais, Chabrol, Rivette, qui on veut.
14:33Et surtout, c'est elle qui a eu l'initiative, avec Domi, qui est venue lui apporter le projet, de faire cette révolution.
14:40C'est une révolution dans le cinéma.
14:42Et la révolution continue parce qu'ils en ont fait un second.
14:45Oui, il faut dire que ça a été un énorme succès.
14:49Toute la France a pleuré.
14:50Palme d'or, hein, palme d'or.
14:51Avec Geneviève et Guy, les deux amants des parapluies de Cherbourg.
14:55Même s'il était quand même de bon ton, dans certains cercles intellectuels, de se moquer de cette naïveté, de ses sentiments tellement mis en avant, des couleurs aussi.
15:04Évidemment, évidemment.
15:06Mais je trouve que c'est assez éclatant, comme la revanche de Domi.
15:09C'est-à-dire qu'aujourd'hui, Jacques Domi est vraiment sacralisé comme un des grands auteurs français.
15:14Il n'y a plus du tout ce rapport-là à son cinéma.
15:17Mais en tout cas, le succès a été tel qu'en effet, ils se sont retrouvés pour...
15:23Et là, ils se sont retrouvés pour les demoiselles de Rochefort, que vous connaissez peut-être aussi.
15:29Et là, elle n'est pas seule.
15:30Elle a une sœur géniale qui s'appelle Françoise d'Orléac.
15:34Les demoiselles de Rochefort, un petit extrait, s'il vous plaît.
15:44Nous sommes des sœurs jumelles, des sous le signe des gémeaux.
15:48Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
15:52Toutes deux demoiselles, ayant eu des hommes en traiteau.
15:56Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
16:00Nous fûmes toutes deux et le départ maman, qui pour nous se priva à travailler vaillamment.
16:09Elle voulait de nous faire des érudites.
16:13Et pour cela rendit toute sa vie des frites.
16:17Nous sommes toutes devenues de pères inconnues.
16:21Cela ne se voit pas, mais quand nous sommes nues,
16:25nous avons toutes deux au creux des reins, c'est fou.
16:27Là, un grain de beauté qu'il avait sur la joue.
16:32Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux.
16:36Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
16:40Et dans la vie tournée, les calour et les promos.
16:44Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
16:48Nous sommes toutes deux joyeuses et ingénues.
16:53Attendant de l'amour, c'est qu'il est convenu.
16:56D'appeler coup de foudre, vos sauvages passions.
17:00Nous sommes toutes deux prêtes à perdre raison.
17:04Nous sommes toutes deux une âme délicate.
17:08Artiste passionné, musicienne, acrobate.
17:12Cherchant un homme beau.
17:14Bref, un homme idéal, avec ou sans défaut.
17:19Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux.
17:23Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
17:27Du flou dans la cervelle, de la fantaisie à gogo.
17:31Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol rédo.
17:35Alors là aussi, c'est un tube.
17:38Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux.
17:41Et évidemment, ce qui est passionnant, c'est les deux sœurs.
17:44Ce sont les sœurs d'Orléac, puisque Catherine Deneuve...
17:48S'appelle Catherine d'Orléac.
17:50Oui, née Catherine d'Orléac.
17:52Et là, malheureusement, et vous avez raison Florence, de dire qu'au fond, la vie de Catherine, c'est la vie d'une femme.
17:59Dans toute vie ou presque, il y a un moment donné où la tragédie intervient.
18:04Et Françoise d'Orléac, qui était elle aussi promise à une carrière extraordinaire,
18:09qui n'était pas du tout l'équivalent de Catherine, elle était très différente,
18:14mais elle avait elle aussi un talent et une personnalité passionnante.
18:20Et d'Orléac meurt dans un accident de voiture.
18:22Elle va trop vite dans sa petite Mini Cooper pour aller récupérer un avion
18:27sur l'autoroute qui mène à l'aéroport de Nice.
18:30Et nous tous, tous ceux qui appartenaient plus ou moins à cette génération,
18:36on s'est retrouvés un jour dans un cimetière pour rendre hommage à cette fille
18:41qui avait la carrière inachevée.
18:44Elle avait déjà tourné un peu quelques très grands films.
18:47Ah oui, elle a laissé une trace vraiment incroyable dans le cinéma.
18:50Pour quelqu'un qui est mort si jeune, c'est tout à fait impressionnant.
18:54Mais pour revenir à Catherine, évidemment, pour elle, elle s'adorait.
18:59Il n'y avait aucune jalousie, aucune compétition, rien.
19:02Elle se stimulait l'une l'autre.
19:06Elle ne l'a jamais oubliée, jamais.
19:09Elle a souvent refusé d'en parler parce qu'elle est très pudique là-dessus.
19:13Il y a eu un petit bouquin très bien écrit par...
19:16Un andreux.
19:16Oui, avec un andreux et avec un témoignage aussi de...
19:19De Modiano.
19:21Et donc, moi je suis allé le voir parce que je connaissais bien toutes les deux.
19:26Sur le tournage, c'était le tournée Benjamin, c'est ça ?
19:29Oui.
19:29Ou les mémoires de Puceau.
19:30De Michel Deville.
19:31Oui, de Michel Deville.
19:32C'était du côté d'Angoulême.
19:34Parce qu'elle a évidemment, comme beaucoup de gens du monde du spectacle,
19:38continué.
19:39On ne s'arrête pas.
19:40Il y a le drame, mais le show must go on, comme on dit.
19:43Mais le spectacle doit continuer.
19:45Ce n'est pas le spectacle qui doit continuer, c'est sa vie.
19:47Mais elle a une vie désormais atrophiée par la disparition de Françoise.
19:52Je me souviens très très bien de Catherine, assise sur un petit fauteuil entre deux prises
19:56Molinaro, ne voulant pas en parler.
20:00Ne voulant pas en parler.
20:01Catherine que, par chance, j'ai pu la faire tourner un petit peu dans un court-métrage qui
20:08m'avait été commandé par Unifrance Film, qui voulait faire un petit court-métrage
20:13qui se baladrait dans les festivals du monde entier sur les nouvelles générations
20:18de comédiens et de comédiennes.
20:19Il se trouve qu'on avait trouvé qu'il y avait quatre comédiens à l'époque dont le nom
20:23commençait par D.
20:25Deneuve, Dorlac, Dark, Dubois.
20:30Aujourd'hui, Deneuve est la survivante.
20:33Et donc, on a tourné en 15 minutes en noir et blanc avec un opérateur de génie qui
20:39s'appelle Willy Currant, qui a été le chef opérateur d'Orson West.
20:42Un petit court-métrage que j'ai commenté.
20:44On va voir quelques images de Catherine.
20:46Le cinéma, c'est peut-être l'art de faire faire de jolies choses à de jolies personnes.
21:00Lorsque j'ai demandé à Catherine dans quel moment de sa vie, sa vie de 5 à 7 ou de 9
21:04à 11, il fallait la saisir pour saisir sa réalité, elle m'a dit qu'il suffirait de
21:09la suivre rue du Faubourg Saint-Honoré dans une de ses boutiques dont elle aime l'odeur,
21:14la couleur et les bruits.
21:18Catherine Deneuve, si on lui en donnait le choix, interpréterait ne fût-ce qu'une seconde
21:23Marilyn Monroe.
21:26Mais s'il fallait ne conserver d'elle qu'une image et qu'un souvenir, je la filmerais
21:31alors en train de découvrir un jour nouveau.
21:44Sous-titrage MFP.
22:14Voilà.
22:15Et ça a été reproduit dans le monde entier, ce petit court-métrage.
22:18Parce qu'Uni France l'a redécouvert un jour, ils l'ont remasterisé.
22:22Et au fond, là c'est générationnel.
22:25C'est les années 60.
22:27Oui, c'est une photographie de ces actrices des années 60.
22:30Alors évidemment, elle est très romanesque, elle est très belle, elle est en blanc, elle
22:34dort, elle se coiffe, elle est frivole, elle va dans les magasins.
22:38Il n'empêche qu'il y a un côté obscur, un côté dur.
22:44Et les choix qu'elle fait pour certains films nous démontrent que justement une grande comédienne,
22:48une grande comédienne est capable de passer du romantisme, de la comédie musicale, à quelque
22:54chose de beaucoup plus dur, impliquant, dérangeant.
23:00Et au fond, Catherine va chercher, c'est aussi une illustration de son caractère, ce qui
23:06dérange.
23:07Justement, on va parler de son film avec Romane Polanski, Répulsion.
23:11Et justement, c'est intéressant par rapport à Françoise Dorléac parce qu'elles étaient
23:15donc sœurs et comédiennes proches et elles ont travaillé avec beaucoup des mêmes cinéastes.
23:21Et souvent parce que Françoise Dorléac, qui était la plus connue des deux au départ, parlait
23:27de sa sœur avec les cinéastes ou la faisait rencontrer aux cinéastes avec qui elle tournait.
23:32Et donc, Françoise Dorléac avait tourné cul-de-sac avec Romane Polanski.
23:37Et il y a cette connexion avec Répulsion, de la même façon que les grands rôles de Françoise
23:43Dorléac sont avec Philippe de Broca pour L'Homme de Rio.
23:47Et plus tard, Catherine de Neuf tournera avec Philippe de Broca.
23:50Enfin, il y a eu des ponts comme ça, des échanges, et bien sûr, qui auraient pu continuer
23:54longtemps.
23:55Et le tournage des Demoiselles de Rochefort aura été un moment de grâce pour elles
24:00d'eux parce qu'un moment qui les réunit au même endroit et leur fait retrouver des
24:06plaisirs d'enfance, de jouer ensemble, de s'amuser ensemble et de recréer des souvenirs
24:11ensemble, ce qui se révélera très précieux par la suite puisque la mort les sépare
24:15finalement.
24:16Donc, il y a quelque chose d'assez poignant dans ces Demoiselles de Rochefort si joyeuses
24:20pour cette raison.
24:22Donc, pour sortir du romantisme et de la comédie musicale, Polonski, effectivement,
24:28répulsion de simple titre, dit tout, de ce diable, de cet homme à la psyché, à la
24:36psychologie et au passé tellement difficile qu'il peut d'ailleurs en partie expliquer
24:41ses comportements futurs.
24:43Ça n'explique pas tout, ça n'excuse rien.
24:45Toujours est-il, c'est un grand mettant en scène.
24:47Et évidemment, Catherine va vers lui.
24:50Et répulsion, on va faire un très très court extrait, mais on voit bien que là,
24:55elle sort tout à fait du magasin dans lequel je filmais.
25:00On y va pour répulsion ?
25:05C'est court, hein ?
25:17Sous-titrage Société Radio-Canada
25:47C'est l'extrait qui fait le moins peur.
26:06Mais vous voyez bien, là, c'est pas la même Catherine.
26:12C'est à peine si on la reconnaît.
26:13Quand elle marche sur le pont, là, le visage est plus creusé.
26:17Elle est à l'intérieur de ses répulsions, des horreurs qu'elle va connaître.
26:22Et d'une certaine façon, c'est pas du tout le joli petit visage de Cherbourg.
26:28C'est là où c'est étonnant.
26:29Ce sont des êtres humains, les comédiens et les comédiennes, qui sont capables,
26:33effectivement, à la fois de conserver, bien sûr, leur visage, leur gestuelle, leur corps,
26:39mais néanmoins de se transformer.
26:42Et ça va beaucoup plus loin lorsqu'elle choisit, et elle a choisi, de faire Belle de Jour.
26:48Oui.
26:49Alors, ce qui est intéressant pour Répulsion, c'est que c'est vraiment un film d'horreur.
26:51Or, le rôle d'une jeune fille dans un film d'horreur, traditionnellement, c'est plutôt de se faire massacrer.
26:56Et Catherine Deneuve, qui joue donc une jeune esthéticienne traumatisée par sa relation avec les hommes
27:04et terrifiée par les hommes, est plutôt celle qui massacre dans Répulsion,
27:09et donc qui est habitée par une sorte de folie qu'elle exprime là, dans ce court extrait, par des tics,
27:15et par un langage du corps très particulier.
27:18Mais je trouve que c'est intéressant que le rôle comme ça qu'elle est joué dans un film d'horreur autour du meurtre,
27:28ce soit un rôle de meurtrière.
27:30C'est quand même une actrice qui, dès les origines, dès les débuts de sa carrière,
27:35impose une force et une sorte de vitalité qui fait qu'elle n'est jamais dans des rôles de victime,
27:41des rôles de femme maudite, quoi, par la vie, ou très...
27:48Enfin, c'est très différent de beaucoup d'autres grandes actrices, même de la même période.
27:53Elle a quelque chose en elle qui fait qu'elle triomphe des obstacles.
27:59Et Belle de Jour est pour ça quand même un cas assez passionnant de femme triomphante.
28:05Mais c'est du courage.
28:06Vous savez, ce cliché que je lis très souvent et qui m'exaspère que les comédiens et les comédiens qui disent
28:12« Je vais me mettre en danger ».
28:15Enfin, c'est un cliché.
28:16Mais elle, elle choisit le danger.
28:18C'est courageux d'aller chercher.
28:20Déjà pour Lansky, c'est pas mal, mais d'aller chercher Belle de Jour, un chef d'œuvre de Joseph Kessel,
28:25dans lequel elle joue le rôle d'une femme qui se donne, qui se vend.
28:29C'est-à-dire une femme qui est une grande bourgeoise,
28:31qui s'ennuie beaucoup dans sa vie et qui découvre les plaisirs de la prostitution l'après-midi.
28:39C'est pour ça qu'elle s'appelle Belle de Jour, parce qu'elle ne vient que dans la journée,
28:42puisque le soir, elle retourne auprès de son mari, dans une sorte de maison de passe,
28:46de luxe du 16e arrondissement.
28:49Et Bunuel, qui s'empare de ce roman tout à fait réaliste de Joseph Kessel,
28:54en fait une étude presque clinique de la psyché féminine,
28:59puisque avec son scénariste Jean-Claude Carrière,
29:02il passe des semaines à interviewer des femmes sur leur fantasme et sur leur vie privée,
29:06pour nourrir le film.
29:08Et donc il donne ce film qui va rester comme un des films les plus dérangeants.
29:13On va même voir l'extrait qu'on a choisi et assez laid.
29:15C'est un des grands films de sa filmographie.
29:18La filmographie de Catherine est très riche et diverse,
29:22avec parfois des films un peu moins bons, un peu moins puissants.
29:25Mais celui-ci, si on faisait le top 10, c'est dans les dix premiers.
29:30Oui, mais c'est d'ailleurs souvent dans les listes des meilleurs films de l'histoire du cinéma.
29:33C'est un grand grand film.
29:35Et c'est bien, parce que, encore une fois, c'est signé Bunuel.
29:38Elle n'est pas allé chercher un inconnu.
29:41Et lui, il ne va pas non plus chercher un inconnu.
29:43Il choisit la blonde, qui a l'air toute bourgeoise, toute simple, toute sage,
29:49et qui est en fait dévorée par son érotisme.
29:54Oui, et très torturée.
29:56Peut-être qu'on en parle après l'extrait.
29:58On y va.
30:06Ah ! Salut !
30:10Ferme la porte.
30:13Viens.
30:16Moi, j'ai fait partir les autres.
30:18C'est quand même plus intime.
30:21Alors, il paraît que c'est un début.
30:26Hein ?
30:27Fais attention, hein.
30:29Moi, pour ces trucs-là, j'ai le nez.
30:30Il ne faut pas me raconter des histoires.
30:34Remarque, si c'est vrai,
30:36il n'y a pas à avoir honte, hein.
30:38Mais tu ne me raconteras pas qu'à ton âge, tu n'es encore plus saine, hein.
30:45D'ailleurs, on va voir ça tout de suite.
30:48Eh ben, c'est moi qui te fais peur.
30:52J'ai une tête qui ne te revient pas.
30:53Il faudra t'y habituer, mon petit peu-mère-mère-mère.
30:57Ah !
30:59Ben non, pas de ça.
31:03Tu ne vas pas t'en tirer comme ça.
31:05Non, mais dis, tu te prends pour qui, espèce de petite salope ?
31:08Tu commences à m'exciter, puis tu me laisses en rave.
31:11Les chichis, ça va bien à ma main.
31:13Mais là, j'en ai ras le bol.
31:18Là.
31:20Voilà.
31:22Il est mieux, ça.
31:26Alors,
31:28c'est la manière forte qui te faut ?
31:30Le geste de la main est extraordinaire.
31:38Elle a refusé,
31:39elle n'a pas voulu,
31:40elle s'est débattue.
31:42Là-dessus,
31:43il se couche sur elle,
31:45et ça, c'est diminuel, hein.
31:46C'est génial, hein.
31:47Je ne sais pas si c'est elle qui a trouvé le geste.
31:49Et elle lui met la main sur la tête.
31:50Ça veut dire qu'elle consent,
31:52et qu'elle l'aime, ça.
31:53Oui, que c'est ce qu'elle cherche.
31:54Enfin, c'est vraiment un personnage masochiste.
31:56D'ailleurs, il y a beaucoup de scènes
31:57de masochisme traditionnel dans le film.
32:00Je crois que c'est la première fois
32:00qu'on la voit déshabillée.
32:02Oui, alors, ça a été un tournage très difficile
32:04pour Catherine Neuf,
32:05qui avait quand même été voulu par la production
32:07plus que par Bunuel
32:09pour des raisons financières,
32:10parce que c'était la star du moment.
32:13Et que c'était un film, quand même,
32:16avec lequel les producteurs espéraient
32:18attirer le public à cause de son sujet.
32:22Et donc, elle se retrouve dans une situation difficile
32:25avec Bunuel qui a passé la soixantaine
32:29a perdu une partie de son audition
32:32et donc communique difficilement avec elle.
32:36Et elle se sent sous pression.
32:38On lui demande beaucoup de scènes de nu.
32:40On rajoute des scènes au fil du tournage
32:42qu'elle ne souhaite pas tourner,
32:44parce qu'elle a quand même,
32:45tout en ayant vraiment une grande audace,
32:48en même temps une limite à ce qu'elle veut montrer
32:50de son corps.
32:52Et aussi, on est à une autre époque,
32:54il faut le rappeler.
32:55Et donc, c'est un tournage très difficile pour elle.
32:57Il est intournable aujourd'hui, ce film.
32:59Oui.
32:59Aujourd'hui, on ne peut pas le faire.
33:01Bah oui, parce que...
33:02Non, on ne peut pas.
33:02Non, non, tout à fait.
33:03Pour plein d'autres raisons.
33:06Toutes sortes de raisons.
33:08Parce qu'il y a un type de regard sur les femmes,
33:11et aussi parce que c'est un homme qui fait ce film,
33:13deux hommes qui écrivent ce film, en effet.
33:15Et c'est un homme qui est face à elle,
33:17parce que je vous signale au passage
33:18que le monsieur Lubrick, le vilain client,
33:22c'est Francis Blanche.
33:24Et Francis Blanche, comme chacun se sait ou pas,
33:27était un acteur comique.
33:29C'est lui qui est dans les légendaires Tonton Flingueur.
33:34Côté de Billet, Ventura et tout ça,
33:36dans leur scène historique de l'alcool
33:40venu de nulle part.
33:42Et Francis Blanche,
33:44bah voilà, c'est ça les comédiens.
33:45Il est tout à fait capable d'être crédible
33:47comme un vieux salaud.
33:51C'est un homme.
33:53Voilà.
33:55Les hommes, justement, parlons d'eux.
33:57Parce que, donc...
33:59Juste pour terminer sur ce tournage difficile
34:00pour Catherine Donneuve,
34:01elle pense même quitter le tournage.
34:04Je crois que ça ne lui est pas arrivé souvent.
34:07Et c'est sa soeur, Françoise Dorléac,
34:08qui la convainc de rester,
34:10en lui disant que Buñuel est un trop grand cinéaste
34:12pour le laisser, pour le planter là.
34:15Et en fin de compte,
34:17il y aura un épilogue heureux à cette histoire,
34:19puisque, bon, d'abord,
34:21Belle de Jour est un succès absolument phénoménal.
34:24Et notamment, la garde-robe Yves Saint-Laurent
34:26de Catherine Donneuve dans le film
34:28a une influence sur la mode
34:29qui suit pendant les dix prochaines années.
34:32Mais surtout,
34:33Donneuve retourne avec Buñuel en 1970
34:37à un film magnifique qui s'appelle Tristana,
34:40qui est un film qu'il tourne en Espagne.
34:42Et où il y a une scène
34:44qui est une sorte de clin d'œil
34:46à cette histoire,
34:47puisque le personnage de Tristana
34:50choisit de se montrer nue
34:51à un jeune homme muet
34:53qui a une obsession pour elle,
34:55qui est sur le domaine où elle habite.
34:57Donc, elle est à un balcon,
34:58elle ouvre son peignoir,
34:59et on ne voit rien.
35:00Il ne cadre que son visage.
35:02On comprend qu'elle se montre nue,
35:04mais on ne voit rien.
35:05Et c'est un peu la réponse,
35:06enfin, la réconciliation
35:07de Buñuel et de Catherine Donneuve
35:09après Belle de Jour.
35:12En tout cas, c'est historique.
35:13Il n'y a rien à faire,
35:14Belle de Jour.
35:16Vous avez raison.
35:17Ce qui est intéressant,
35:18c'est que c'est assez dur tout de même.
35:20Mais ça a très, très bien marché.
35:22Oui, alors,
35:22Jean-Claude Carrière disait
35:23qu'il fallait remercier
35:24les putains du film, je cite.
35:26C'était son explication au succès.
35:28Et en effet,
35:29il y a un côté érotique
35:32qui est très fort dans le film.
35:33Et beaucoup de mystères,
35:34même s'il y a des scènes explicites,
35:36elles ne le sont pas tellement
35:38au regard de ce qu'on pourrait voir aujourd'hui.
35:40Ni Carrière, ni Buñuel,
35:41ni même Kessel
35:42n'expliquent véritablement
35:46les motivations,
35:47les pulsions de Belle de Jour.
35:49Non, ça reste très énigmatique.
35:51Et ça, c'est sans doute pour ça
35:52que le film reste si fascinant.
35:56Et d'ailleurs, Truffaut disait
35:57que ce qui le fascinait chez Donneuve,
36:00c'est qu'on ne savait pas
36:01ce qu'elle pensait.
36:03Et c'est beaucoup ce qu'on voit
36:04dans Belle de Jour.
36:04C'est-à-dire que son visage
36:05reste un peu comme un masque
36:06et c'est à nous de projeter
36:08une interprétation des hypothèses.
36:12Vous avez remarqué une chose,
36:13c'est intéressant,
36:13c'est que la plupart des films
36:15qu'on vient déjà de voir,
36:16c'est normal,
36:18c'est nous qui l'avons choisi,
36:19c'est chronologique,
36:20tout ça, c'est les années 60.
36:21Ça a été une richesse,
36:23une décennie,
36:24une richesse cinematographique inouïe.
36:26Pas seulement en France, d'ailleurs.
36:28Mais les 60's,
36:29comme on les appelle,
36:30vous avez là ce qu'il y a de meilleur
36:33dans le cinéma français.
36:34Enfin, il y en a d'autres.
36:36Alors on parle des hommes, justement.
36:38Parce que les hommes jouent un rôle
36:39très important, forcément,
36:41dans la vie de Catherine.
36:43Alors oui, on disait,
36:44au moment des parapluies de Cherbourg,
36:45elle a commencé par avoir une histoire d'amour
36:49avec Roger Vadim,
36:50donc figure de la nouvelle vague à ce moment-là,
36:54inventeur de Brigitte Bardot,
36:56dans « Les dieux créés à la femme »
36:57et père de son fils Christian.
37:00Mais ce n'est pas un couple qui dure.
37:02Et ensuite, l'homme le plus célèbre
37:05auquel on la rattache,
37:07c'est en général Marcello Mastroianni.
37:09Mais entre-temps,
37:09elle a épousé un photographe anglais
37:11très connu des années 60
37:13qui s'appelle David Bailey
37:14et qui est le modèle du personnage
37:16du film « Blow Up »
37:18de Michelangelo Antonioni.
37:20Et donc ça,
37:21ça l'inscrit un peu dans cette époque,
37:23ce « Swinging London » des années 60.
37:26Mais c'est très bref,
37:27c'est un mariage qui ne dure pas.
37:29Et ensuite, en effet,
37:31la grande histoire connue du public,
37:33ce sera celle avec Marcello Mastroianni.
37:35Oui, sauf qu'au passage,
37:36entre-temps,
37:36il y a une parenthèse très faute.
37:37Voilà, il y a une parenthèse Truffaut
37:39qui compte beaucoup
37:40dans la carrière de François Truffaut.
37:43Catherine est gourmande.
37:44Catherine aime être aimée
37:46et elle aime aimer.
37:49Et si vous voyez des photos
37:50de tournage de Pau d'âme
37:51de Jacques Demi,
37:52il y a en effet François Truffaut
37:54sur le tournage.
37:55Elle, elle est sur le tournage
37:55de l'Enfant Sauvage.
37:57Donc voilà, c'est à cette époque-là
37:58que ce couple existe.
38:01C'est une très belle rencontre.
38:02Mais quand la biographie de Truffaut
38:04par Serge Toubiana et Antoine de Beck
38:06sort à la fin des années 90,
38:09au début des années 2000,
38:11Catherine Deneuve leur fait quand même
38:12un procès parce qu'il révèle
38:14cette histoire d'amour
38:15et qu'elle demande que le livre
38:17soit réédité sans ces pages.
38:19Ça, c'est un peu puéri de sa part
38:21parce que tout le monde le savait.
38:23Elle sortait avec lui,
38:24on les voyait ensemble.
38:26Tout le monde savait en plus
38:27que François Truffaut,
38:28il n'oubliait pas qu'il a fait un film
38:30qui s'appelle
38:30l'homme qui aimait les femmes.
38:31Et Truffaut aimait beaucoup les femmes.
38:33Il a aimé toutes ses actrices
38:35qui l'ont aimée aussi.
38:37Mais avec Catherine,
38:38c'était une vraie liaison
38:39parce qu'elle l'a inspirée,
38:41encore une fois.
38:42Oui, oui.
38:42Ensuite, il en a tiré des films.
38:45Alors, Le Dernier Métro,
38:47on va en parler,
38:47mais je pense qu'il est en partie
38:49un portrait de Catherine Deneuve
38:50par François Truffaut.
38:53Et surtout, tout ce qui a à voir
38:56avec la passion douloureuse
38:57dans les films de François Truffaut
38:59vient en fait de cette histoire
39:01avec Catherine Deneuve
39:01puisque à la suite de leur rupture,
39:04ils se retrouvent en hôpital,
39:07enfin à l'hôpital,
39:08plongés dans une dépression
39:09très très sévère,
39:11sous médicaments, etc.
39:12Et ça, c'est quelque chose
39:13qui va attribuer
39:14à plusieurs de ces personnages.
39:15Dans L'homme qui aimait les femmes,
39:17il y a l'évocation
39:18d'une passion comme ça dévastatrice
39:19avec un personnage
39:20joué par Leslie Caron.
39:22Et surtout, c'est le sujet
39:23de La femme d'à côté.
39:25Alors ça, je crois qu'on peut dire
39:25La femme d'à côté
39:26est un film puissamment inspiré
39:28par cette histoire
39:29avec Catherine Deneuve
39:30et cette rupture.
39:31Oui, sauf que c'est Fanny Ardent
39:33qui joue le rôle.
39:33Voilà, c'est Fanny Ardent
39:34qui joue François Truffaut.
39:35Il y a une inversion des sexes.
39:37Avec Gérard Depardieu,
39:38La femme d'à côté,
39:39au passage,
39:40c'est aussi un film très très fort.
39:42Très très bon film.
39:43Mais Truffaut,
39:45si vous regardez sa filmographie,
39:46ça vaudrait peut-être un jour
39:47une masterclass.
39:49Ah bien sûr.
39:50Il a véritablement
39:51très très très bien travaillé.
39:54Alors, donc,
39:54ils ont cette histoire.
39:55Ça dure un moment.
39:57Mais vous avez raison,
39:58il y a Mastroianni,
39:59Marcello.
40:00Mastroianni,
40:01c'est pas n'importe qui.
40:02C'est la Doce Vita.
40:03C'est Fellini.
40:05C'est Huit et demi.
40:06C'est le séducteur par excellence.
40:09C'est l'élégance,
40:11la désinvolture italienne.
40:14Oui, c'est un immense acteur
40:15à ce moment-là.
40:16C'est quand même deux icônes
40:17du cinéma européen
40:18qui se rencontrent.
40:19Donc, il faut dire
40:20qu'il y a une puissance mythologique
40:22autour de ce couple
40:22qui dure un peu aujourd'hui.
40:24Je pense qu'on la ressent encore.
40:25C'est Richard Burton et Lise Taylor.
40:33Sans les disputes.
40:34Sauf qu'ils s'engueulent
40:35peut-être un peu moins.
40:36Mais ils restent moins longtemps ensemble.
40:37Mais ce qui est intéressant aussi,
40:41c'est que du coup,
40:42Catherine Deneuve a fait
40:43une carrière italienne.
40:44Alors, c'était la grande époque
40:45des coproductions franco-italiennes.
40:47Les acteurs français
40:47étaient beaucoup dans les films italiens.
40:49On en a tous des exemples en tête.
40:51Mais elle, elle a eu
40:52une carrière italienne
40:53souvent un peu oubliée
40:54et assez intéressante.
40:56Il y a le film Lisa
40:57de Marco Ferreri
40:59où justement,
41:01elle joue avec Mastroianni
41:02et qui est un film très provocateur
41:04avec ce thème d'une femme
41:07qui se prend pour une chienne,
41:08enfin qui est traitée comme une chienne
41:10au sens littéral.
41:12Elle est à quatre pattes
41:13et c'est un film très audacieux
41:14pour elle
41:15où elle prend des risques d'actrice justement.
41:18Oui, mais c'est toujours pareil.
41:19C'est la mise en danger permanente.
41:21Elle va chercher
41:22où on lui propose
41:23justement tout ce qui n'est pas banal
41:25ni normal
41:26ni conventionnel.
41:28Et il y a un film
41:28que j'aime beaucoup
41:29si vous avez l'occasion de le voir
41:30qui s'appelle
41:31Amperdu de Dino Rizzi
41:32où elle joue avec Vittorio Gassman
41:34et c'est pareil.
41:36C'est un film très tordu
41:37où elle joue
41:37une femme
41:39qui se déguise
41:40en petite fille
41:41pour plaire
41:43à ce Vittorio Gassman
41:44particulièrement pervers.
41:47Et donc,
41:47il y a vraiment
41:48des curiosités comme ça
41:49dans sa filmographie
41:50qui montrent
41:51son audace
41:53et sa capacité
41:54à se plier
41:55à des metteurs en scène
41:55totalement différents.
41:57Les parents
41:57d'Orléa
41:59qui étaient eux-mêmes
42:00dans le spectacle,
42:02la comédie.
42:02Oui,
42:03elle vient du monde
42:04du théâtre.
42:04Et on peut toujours
42:05se demander
42:06comment
42:07papa d'Orléa
42:08qui était plutôt
42:09lui aussi
42:09très conformiste
42:10et assez bourgeois
42:11et qui a eu
42:12une activité,
42:15disons,
42:15un comportement
42:17pendant la guerre
42:17pas forcément génial
42:18pendant l'occupation,
42:21comment il,
42:22plus tard,
42:23il aurait pris
42:24les choix
42:25de sa fille.
42:27Parce que
42:27ce sont des choix.
42:29Et il faut savoir aussi,
42:31on le dira tout à l'heure
42:32parce qu'on va un peu
42:33essayer de tracer
42:34sa personnalité autre
42:35que sa vie au cinéma,
42:38qu'elle fait des choix.
42:39Elle est audacieuse.
42:42Il faut renouveler
42:42à chaque fois.
42:44Alors,
42:44qu'est-ce qui la conduit
42:45à cela ?
42:45Je ne sais pas.
42:46Est-ce que c'est l'énergie,
42:47l'ambition,
42:49le goût du spectacle ?
42:51Est-ce que c'est,
42:51encore une fois,
42:52et vous avez raison
42:53de le signaler,
42:54la trace
42:55de la sœur disparue ?
42:58Mais il y a
42:58une recherche
42:59que cherche Catherine Deneuve.
43:02Elle ne nous le dira jamais.
43:04Elle a eu beau donner
43:05énormément d'entretiens,
43:07ensuite,
43:08elle s'est calmée.
43:09Un jour,
43:09elle a arrêté
43:10de parler aux journalistes
43:11ou très peu.
43:13Elle ne s'est jamais
43:14véritablement livrée.
43:15D'ailleurs,
43:16qui se livre
43:17à la presse ?
43:18Il y a un mystère
43:19Deneuve,
43:19selon moi.
43:20Oui,
43:21il y a un mystère
43:21qui joue beaucoup
43:24dans son aura
43:25pour les cinéastes
43:26qui fait qu'elle continue
43:27à autant les inspirer.
43:29Alors,
43:30Papa Dorléac,
43:31essayons d'être
43:32sympathiques
43:33et charitables
43:35et ne parlons plus de lui.
43:37En revanche,
43:38ça se passe
43:38pendant l'occupation,
43:39tout ça.
43:40Et l'occupation,
43:42vous le savez,
43:42tous et toutes,
43:43aura été
43:44et demeure encore
43:45un champ
43:47inépuisable
43:49de sujets,
43:50de films,
43:51de pièces de théâtre,
43:53de romans,
43:54de tout ce qu'on veut.
43:55Et bien entendu,
43:56ça fascine Truffaut
43:57qui écrit
43:58un de ses chefs-d'oeuvre
44:00qui s'appelle
44:00Le Dernier Métro.
44:01Oui,
44:02qui l'écrit vraiment
44:03pour Catherine Deneuve.
44:04Donc,
44:05après leur rupture,
44:07un film
44:08pour Truffaut
44:09très personnel
44:10puisqu'il le tourne
44:11au moment
44:11où il vient
44:12de découvrir,
44:13après avoir engagé
44:14un détective privé,
44:16qu'il n'est pas
44:17le fils biologique
44:18du père
44:19qui l'a élevé,
44:20mais d'un amant
44:20de sa mère
44:21qui était juif.
44:22Donc,
44:22il découvre lui-même
44:23qu'il aurait pu
44:25être un enfant
44:27raflé pendant la guerre,
44:29ce qu'il n'a pas du tout été.
44:30Il n'était pas considéré
44:31comme juif.
44:32Mais ça éveille
44:34chez lui
44:34un questionnement,
44:35une profonde
44:37remise en cause
44:39de tout ce qu'il a vécu,
44:40qui a un écho
44:41dans le film
44:42avec cette fameuse scène
44:43où le metteur en scène
44:44caché dans son propre théâtre
44:46qui est le mari
44:47du personnage
44:48de Catherine Deneuve
44:49met un faunet
44:50et se demande
44:51qu'est-ce que c'est
44:52avoir l'air juif.
44:53Il y a tout ce questionnement
44:54qui travaille le film.
44:55Et en même temps,
44:56comme il écrit le film
44:57pour Catherine Deneuve,
44:58il écrit dans ce monde
44:59du théâtre
45:00sous l'occupation
45:01qui est le monde
45:01des parents
45:02de Catherine Deneuve.
45:03Puisqu'elle,
45:04elle est née en 1943
45:05et ses parents
45:05étaient pour sa mère
45:07comédienne à l'Odéon
45:08et pour son père
45:10directeur de doublage
45:11et travaillant pour la radio.
45:13Et c'est là
45:14que l'effet de collaboration
45:15a pu être reproché
45:16puisqu'il a travaillé
45:17pour la radio qui était...
45:21Ça lui a été reproché
45:22et là encore,
45:24Catherine l'a défendue.
45:26Oui.
45:26Elle ne supportait pas
45:28qu'on en parle.
45:29Elle a même,
45:30je crois,
45:30failli faire un procès
45:31à notre confrère Sam,
45:33Blumenfeld,
45:34parce que dans son...
45:35Parce qu'il l'évoquait.
45:36...saga,
45:37parce que Blumenfeld,
45:38une fois par an,
45:39fait des grandes sagas
45:39pour le monde,
45:40avait évidemment parlé de ça
45:42parce que c'est des moments
45:43qui marquent
45:44et pour lesquels
45:46on a,
45:48quand on a un enfant,
45:51des choix à faire.
45:52Est-ce qu'on en parle ?
45:53Est-ce qu'on pardonne ?
45:54Est-ce qu'on l'excuse ?
45:55Est-ce qu'on l'explique ?
45:56Donc il y a ça.
45:58Mais là aussi,
45:59c'est pareil.
46:01Elle n'a pas non plus
46:02échappé
46:03et évité
46:04les entretiens.
46:06Elle s'est exprimée.
46:08Mais c'est là,
46:08ça a pesé.
46:10Mais c'est...
46:11C'est la vie, ça.
46:12Vous avez...
46:14Vous êtes la fille
46:15d'un homme
46:16qui n'a pas été
46:17à la hauteur
46:17de des personnages,
46:19justement,
46:20que Truffaut
46:20finit par décrire.
46:23Pour le dernier métro,
46:25il faut savoir aussi
46:26que c'est une formidable rendition
46:28de la vie de Paris
46:29à l'Occupation.
46:30Oui, c'est un film
46:31très documenté.
46:32Oui, oui, oui.
46:32C'est très travaillé,
46:33comme il l'a toujours fait,
46:34d'ailleurs,
46:35avec un très bon casting
46:36et avec,
46:37un très, très bon comédien
46:39dont il se servira aussi
46:42pour la femme d'un côté,
46:43qui est Gérard Depardieu.
46:45Et la fusion
46:46Depardieu-Deneuve
46:47sur cet écran
46:49donne quelque chose
46:50d'irrésistible.
46:52Oui, c'est la rencontre
46:52de ces deux grands comédiens,
46:54des plus grandes stars
46:55à ce moment-là
46:56du cinéma français.
46:57Et le dernier métro
46:58connaît un énorme succès
47:00et c'est un film
47:01couronné par
47:01de multiples Césars.
47:02Ah oui,
47:03c'est la soirée
47:04des Césars
47:05du dernier métro.
47:07Il ne savait plus
47:07comment à chaque fois
47:08remercier
47:09qu'est-ce qu'on pouvait dire.
47:10Je crois qu'il a eu
47:11tous les Césars au Pouesque.
47:13Il en eu au moins
47:14cinq, six, je pense, non ?
47:15Plus, je crois.
47:17Oui, oui.
47:17Je crois que c'est vraiment
47:18un film au dit César,
47:19il me semble,
47:19quelque chose comme ça.
47:20Mais peut-être
47:21on regarde l'extrait ?
47:22Oui, bien sûr,
47:23tout de suite.
47:24Deneuve et Depardieu,
47:25le dernier métro.
47:43Bernard,
47:43je peux vous dire
47:44quelque chose ?
47:46Si je n'étais pas entrée
47:47dans votre loge,
47:48vous alliez partir
47:49sans me dire au revoir.
47:50Pas du tout.
47:50J'attendais simplement
47:54que la répétition soit finie.
47:56Eh bien, elle est finie.
47:57C'était triste.
47:59Oui, j'ai regardé un moment.
48:01Et alors ?
48:02C'était bien.
48:04Petite leçon d'humidité,
48:05on s'aperçoit
48:06qu'on est remplaçable.
48:12Bon.
48:14Eh bien, au revoir, Bernard.
48:20J'avais l'impression
48:37que vous entrepreniez
48:38quelque chose
48:39avec toutes les femmes.
48:40Sauf moi.
48:42D'abord,
48:42ce n'est pas toutes les femmes.
48:43Et puis,
48:46vous m'intimidiez.
48:48Parfois,
48:48vous me regardiez sévèrement.
48:50Et même
48:51avec une certaine dureté.
48:54Avec une certaine dureté,
48:55vraiment ?
48:55Ah oui, je vous assure,
48:56je me sentais jugée.
48:58Mais c'est tout le contraire.
49:00J'étais troublée par vous.
49:02Oui, c'est vrai,
49:03j'étais troublée.
49:05Et comme j'avais l'impression
49:06que tout le monde
49:06allait me lire
49:06sans mon visage,
49:08alors je me durcissais.
49:10Et à force,
49:11vous en êtes venus
49:11à me détester.
49:12C'est pas vrai.
49:14Je ne vous ai jamais détesté.
49:17Mais je ne comprenais pas
49:18pourquoi vous étiez
49:19redevenue si distante
49:20après m'avoir embrassée.
49:21Tout le monde s'embrasse
49:22dans le théâtre.
49:24Pas forcément sur la bouche.
49:26Moi, je vous embrassais
49:27sur la bouche ?
49:29Oui.
49:30Le soir de la générale.
49:33Pendant le rideau.
49:35Non, non, sûrement pas.
49:37Vous m'avez embrassée
49:38sur la bouche.
49:42Vous ne me dites pas
49:43qu'il y a deux femmes en moi.
49:46Si, justement.
49:50Il y a deux femmes en vous.
49:52Il y a une femme mariée
49:53qui n'aime plus son mari.
49:54Ah non.
49:58Non, n'essayez pas
49:59de deviner,
49:59vous ne pourriez pas comprendre.
50:00Il ne faut pas oublier
50:12le maquillage.
50:14Non, merci.
50:16Je laisse pour mon remplaçant.
50:18passport.
50:24Non, merci.
50:25On ne vous permet.
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