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00:00:00Merci d'avoir répondu présent à cette invitation
00:00:16et à cette sollicitation d'une masterclass
00:00:18à laquelle on va tous avoir la chance d'assister.
00:00:21Je vous présente Bertrand Tessier, journaliste de cinéma
00:00:24et qui a fait des documentaires que j'ai adorés.
00:00:26Je ne pensais pas vous rencontrer un jour, ça me fait très plaisir.
00:00:29Je vous engage à les voir un jour ou l'autre,
00:00:31notamment sur Patrick Devers, sur Romain Schneider,
00:00:34je m'en souviens d'un, sur Bernard Giraudot,
00:00:35que j'avais adoré à l'époque, je ne sais plus en quelle année c'était.
00:00:37Sur William Weiler aussi.
00:00:38Sur William Weiler, absolument, mon cher Philippe.
00:00:40Et Philippe Labreau, qui va vous parler de Jean-Pierre,
00:00:42qu'il a connu, je pense, intimement.
00:00:45Il vous racontera même, sans doute, je pense,
00:00:47jusqu'à quel point il a pu le connaître
00:00:49au moment le plus tragique de son existence,
00:00:52puisque c'est une histoire absolument exceptionnelle
00:00:55que Philippe a déjà racontée par le passé.
00:00:57Mais je pense que c'est important qu'il en reparle
00:00:59à l'issue de cette masterclass,
00:01:00que je vous souhaite excellente à toutes et à tous.
00:01:03Bonne masterclass.
00:01:04Merci, messieurs, en tout cas.
00:01:05Merci.
00:01:09Alors, bonjour d'abord.
00:01:12Merci de votre accueil.
00:01:13Si nous avons choisi Jean-Pierre Melville
00:01:15et nous avons pris le titre le patron,
00:01:18c'est parce qu'effectivement, cet homme,
00:01:20ce très grand metteur en scène français,
00:01:22a été et demeure, d'une certaine façon, un patron.
00:01:25C'est-à-dire quelqu'un dont le travail,
00:01:28dont l'œuvre, dont les comportements,
00:01:32les messages, les théories, les philosophies
00:01:34et l'héritage dominent son art
00:01:37et dominent son métier.
00:01:39Il ne faut jamais oublier que Jean-Pierre,
00:01:41en particulier, est le patron de la nouvelle vague.
00:01:43C'est lui qui a démarré des films
00:01:45pour points ronds, sans soutien,
00:01:48de qui que ce soit,
00:01:49avec simplement une caméra, un micro.
00:01:50Et il a toujours été en avance de tout le monde.
00:01:55Et par ailleurs, sa stature et sa filmographie,
00:02:00il n'a fait que 13 films, c'est bien ça,
00:02:03ont, avec le temps, pris de plus en plus de dimensions.
00:02:07C'est assez rare de voir une postérité
00:02:09qui augmente en volume avec le temps.
00:02:12C'est-à-dire, de plus en plus,
00:02:14il entre dans la légende,
00:02:16il est imité, on va vous en parler.
00:02:19Il y a toutes sortes de cinéastes
00:02:20qui ont littéralement pompé
00:02:23dans le travail de Melville pour eux-mêmes en faire.
00:02:25Et il a installé et imposé un style,
00:02:30un ton, une musique,
00:02:32c'est un peu comme ça que vous voudrez,
00:02:34en partie parce que c'était un génie de la technique.
00:02:38Jean-Pierre connaissait tout, tout, tout.
00:02:39Les moindres aspects de la mise en scène technique,
00:02:43il les connaissait, il pouvait dire à l'opérateur
00:02:45ou au sondier ou au décorateur
00:02:47des éléments que le même n'avait pas vus.
00:02:51Donc, il était très complet
00:02:53et par ailleurs complexe.
00:02:56C'est un personnage compliqué
00:02:57qui a fait souffrir la plupart de ses assistants
00:03:01et ses opérateurs,
00:03:04dont on peut même dire,
00:03:06Bertrand, qu'il y avait un comportement de psychopathe.
00:03:09Difficile, difficile, c'était un caractère difficile.
00:03:13Très difficile.
00:03:15Mais en même temps,
00:03:16les gens l'ont rarement voulu,
00:03:19à quelques exceptions près,
00:03:21parce qu'il leur a beaucoup apporté.
00:03:23Il y avait aussi chez Melville
00:03:24un sens de la transmission.
00:03:26Oui, d'ailleurs, j'en suis un des exemples.
00:03:30Donc, voilà un peu de quoi est fait
00:03:32la masterclass qu'on vous propose.
00:03:34On va tout de suite commencer
00:03:35par un premier extrait
00:03:37et on n'avait pas choisi
00:03:39le plus simple ni le plus rose.
00:03:43C'est un passage de l'armée des ondes,
00:03:45c'est bien cela,
00:03:46au cours duquel Ventura,
00:03:48qui est un résistant
00:03:50et qui, avec deux de ses adjoints,
00:03:53sont obligés de mettre fin
00:03:56à la vie d'un traître.
00:03:57et c'est terrible,
00:04:01très fort,
00:04:02je vous le signale,
00:04:03très violent,
00:04:04mais c'est aussi
00:04:05une des séquences
00:04:07de démonstration
00:04:08du travail de Jean-Pierre
00:04:11sur les visages,
00:04:13la parole,
00:04:14les mouvements des caméras
00:04:15qui nous semblent
00:04:16très bien démarrer
00:04:18la masterclass.
00:04:19On y va ?
00:04:19Il faut les temps.
00:04:49vous avez demandé
00:05:04à faire quelque chose de difficile,
00:05:07et bien,
00:05:08il faut que nous la mœurs,
00:05:09vous êtes venus pour ça
00:05:11et vous nous aiderez.
00:05:11vous avez demandé
00:05:13à faire quelque chose
00:05:13de difficile,
00:05:14et bien,
00:05:15vous êtes servis,
00:05:16ne vous plaignez pas.
00:05:17vous avez demandé à faire quelque chose
00:05:19de difficile,
00:05:20et bien,
00:05:21vous êtes servis,
00:05:22ne vous plaignez pas.
00:05:23portez-le sur cette chose,
00:05:27Félix,
00:05:28pour vous-même,
00:05:29c'est parti,
00:05:30c'est parti,
00:05:31c'est parti,
00:05:32c'est parti.
00:05:33et c'est parti,
00:05:39c'est parti.
00:05:40Vous êtes venus pour
00:05:42qui vous servis.
00:05:43Vous êtes venus pour
00:05:45vous ?
00:05:45Vous êtes venus pour
00:05:46vous ?
00:05:47C'est parti.
00:05:50Portez-le sur cette chose.
00:05:52Félix, vous vous mettrez derrière lui.
00:05:54Moi, je lui tiendrai les bras.
00:05:56Le masque lui tiendra les jambes.
00:06:09Je te jure, tu n'auras pas mal.
00:06:20Oui, je te jure.
00:06:50Alors cet extrait nous permet de disséquer un petit peu le style et le génie de Melville.
00:07:12D'abord le montage, les gros plans, les visages.
00:07:16Ensuite la lumière.
00:07:18Tout ça se passe dans le noir.
00:07:20Il a toujours su maîtriser et dominer la lumière, Bertrand.
00:07:26Oui, la lumière est très, très importante.
00:07:27La lumière, c'est dans ce film, elle est signée Pierre Lhomme.
00:07:31C'est leur seule collaboration, puisqu'il a plutôt travaillé avec Henri Declé, Jean-Pierre Melville.
00:07:37Mais la lumière est très importante avec les ombres.
00:07:40Ça s'appelle l'armée des ombres.
00:07:42Ce n'est pas tout à fait un hasard.
00:07:43Et là, on voit très nettement aussi un autre aspect dans cet extrait du cinéma de Jean-Pierre Melville.
00:07:50C'est ce qu'il appelait la dilatation du temps.
00:07:56Bernard Stora, qui a été son assistant sur Le Cercle Rouge, m'avait raconté un jour qu'il lui disait,
00:08:04« Mais là, qu'est-ce qu'on va faire ? Je ne comprends pas du tout ce qu'on va faire.
00:08:07Il ne se passe quasiment rien et on a une journée pour le faire. »
00:08:10Et Jean-Pierre Melville lui avait dit, « Coco, on va dilater. »
00:08:16Et effectivement, cette séquence, dans n'importe quel film, elle durerait 15 ou 20 secondes.
00:08:23Et lui, il l'étire.
00:08:25Il en fait quelque chose de très, très long.
00:08:28Et du coup, et c'est une chose qui va revenir dans tous ces films
00:08:33et que vous allez entreapercevoir dans un certain nombre d'extraits qu'on va vous proposer.
00:08:38Dans les films de Melville, la mort, ce n'est pas du cinéma.
00:08:47C'est quelque chose de grave.
00:08:50Et là, vous le voyez, on voit bien que ces gens-là,
00:08:53ils ne tuent pas de manière mécanique, ils ne tuent pas de manière machinale.
00:08:58Ce n'est pas comme au cinéma.
00:08:59C'est la première fois pour beaucoup d'entre eux.
00:09:02Absolument.
00:09:03Et c'est peut-être vécu, je ne sais pas, parce qu'il faut savoir.
00:09:06Une chose, c'est que Jean-Pierre Melville, lui-même, a eu une vie de résistant.
00:09:11Il a passé à peu près 7 ans de sa vie sous les drapeaux,
00:09:16en faisant des allers-retours, l'Espagne, ensuite l'Angleterre, ensuite Monte Cassino.
00:09:21Donc, lorsque, au début de ce chef-d'oeuvre, qui est l'armée des ombres,
00:09:25il cite la phrase de Courteline, il a raison.
00:09:29Cette phrase dit, mauvais souvenir, soyez les bienvenus, vous êtes ma jeunesse.
00:09:36C'est-à-dire que ce sont des mauvais souvenirs, mais c'est sa jeunesse.
00:09:39Et donc, il les accueille et il les illustre par l'adaptation du grand roman de Kessel.
00:09:46Il ne faut pas oublier que l'armée des ombres, c'est l'adaptation d'un roman.
00:09:49D'ailleurs, Jean-Pierre Melville a souvent adapté des livres.
00:09:52Le Deuxième Souffle, l'adaptation d'un livre de Giovanni,
00:09:56Léon Morin-Prêtre, Béatrix Beck.
00:09:58Il y a beaucoup, beaucoup d'adaptations.
00:10:00Mais ensuite, il les prend, il se les approprie.
00:10:03Alors, ce qui est extraordinaire dans la manière dont Jean-Pierre Melville adapte les livres,
00:10:08c'est qu'il les adapte avec une immense fidélité.
00:10:12Contrairement à la plupart des météroscènes,
00:10:14qui peuvent changer le début, le milieu et encore plus la fin,
00:10:19si on prend un exemple, par exemple, au hasard,
00:10:23parce que j'ai revu le film le week-end dernier,
00:10:26La vérité de Bébé d'Onge, le film de Deux coins,
00:10:29n'a absolument aucun rapport avec le roman de Simonon.
00:10:34Il y a un personnage qui meurt dans le livre, dans le film,
00:10:39il ne meurt pas dans le livre, etc.
00:10:40Là, c'est vraiment tout le contraire.
00:10:44Et il est vraiment d'une fidélité absolue,
00:10:46à tel point que Volker Schlondorf m'avait raconté
00:10:50que quand il a travaillé sur le Doulos,
00:10:52où il avait un temps assez réduit pour écrire le film,
00:10:55Volker Schlondorf, réalisateur du tambour,
00:10:57à l'époque, était l'assistante Jean-Pierre Melville.
00:11:01Et Melville lui dit,
00:11:02va m'acheter deux exemplaires du Doulos,
00:11:06le roman de Pierre Lezou,
00:11:08et du coup, il collait sur un cahier
00:11:11le recto et le verso.
00:11:14Il allait prendre le verso dans le deuxième exemplaire.
00:11:17Et en fait, la première version du scénario du Doulos,
00:11:20c'est un collage à partir du livre.
00:11:23Et quand on voit, par exemple,
00:11:24l'armée des ombres,
00:11:25on est vraiment très, très, très proche.
00:11:27Et là, c'est aussi une forme de génie,
00:11:30c'est-à-dire d'être absolument fidèle
00:11:31à l'univers de Kessel,
00:11:35à l'univers de Béatrix Bex,
00:11:36ou de Bercors,
00:11:37et d'être fidèle à lui-même.
00:11:39Oui, tout en se l'appropriant.
00:11:40Tout en se l'appropriant.
00:11:41Alors, une autre proposition,
00:11:44c'est encore plus cinglé,
00:11:46c'est le générique de début d'un flic.
00:11:51Un flic est le dernier film de Jean-Pierre.
00:11:53Ça n'a pas été un grand succès,
00:11:55parce qu'au fond, comme chacun sait à Paris,
00:11:57les gens détestent le succès,
00:11:58et qu'il sortait du cercle rouge,
00:12:00ce qui avait été un triomphe.
00:12:01C'est-à-dire, à la sortie du cercle rouge,
00:12:03que tout le monde dit,
00:12:04c'est le patron.
00:12:054 200 000 entrées,
00:12:07et la couverture de l'Express,
00:12:08qui est vraiment tout à fait exceptionnelle
00:12:10pour un réalisateur.
00:12:13Bon, bref.
00:12:14Donc, il faut continuer.
00:12:16Il ne peut pas en rester au cercle.
00:12:18Il se met à travailler sur un projet
00:12:19qui s'appelle un flic.
00:12:21Et évidemment, il faut surprendre à nouveau.
00:12:25Et il cherche,
00:12:26et il nous propose,
00:12:27ce que je vous propose aussi,
00:12:28un démarrage invraisemblable,
00:12:31c'est presque le pré-générique,
00:12:33d'un flic,
00:12:35qui n'a pas bien marché,
00:12:36mais qui néanmoins,
00:12:37aujourd'hui, avec le recul,
00:12:38est considéré, là aussi,
00:12:40comme un de ses grands films.
00:12:41Je vous propose le démarrage
00:12:43d'un flic,
00:12:44avec Delon, bien sûr.
00:12:46Mais Delon n'est pas au début du film.
00:12:48Sous-titrage Société Radio-Canada
00:13:18Sous-titrage Société Radio-Canada
00:13:48Sous-titrage Société Radio-Canada
00:14:18Sous-titrage Société Radio-Canada
00:14:48...
00:15:18Alors, on en est là encore au même principe,
00:15:25les visages et le temps.
00:15:28La dilatation du temps,
00:15:30et puis cette difficulté de franchir la ligne.
00:15:34Alors, tout à l'heure, c'était la mort.
00:15:36Là, c'est un hold-up.
00:15:37Mais ce n'est pas facile.
00:15:40C'est dur.
00:15:41Et ça parle des êtres humains, Melville.
00:15:45Oui, mais il va chercher aussi, volontairement, un décor.
00:15:48Il nous montre des oiseaux, une superbe vague.
00:15:52Il y a ce bruit, il y a l'importance du son, chez Jean-Pierre, qui remplace parfois la musique,
00:15:58qui fait que c'est presque surréaliste.
00:16:00Qu'est-ce que c'est que cette ville vide ?
00:16:02Ça se passe à Saint-Jean-de-Mont.
00:16:04Vide.
00:16:05Il n'y a qu'une banque, comme par hasard.
00:16:07Et comme par hasard, une voiture noire qui arrive avec quatre mafras,
00:16:10malvoyous, qui vont faire un hold-up.
00:16:13C'est assez fort.
00:16:15Ça a démarré le film, qui vaut ce qu'il vaut.
00:16:18Moi, je considère que c'est un très grand film, mais qui a été, je vous l'ai déjà dit, plutôt mal reçu.
00:16:23Mais ce n'est pas grave.
00:16:24Enfin, ce n'est pas grave, si, parce qu'après la réception de ce film, Jean-Pierre en a beaucoup souffert.
00:16:29Comme tout mettant en scène, quand ça ne marche pas, on est blessé.
00:16:33Et il s'est mis à retravailler sur un prochain film,
00:16:36qui malheureusement, il n'a jamais fait, mais on en parlera tout à l'heure.
00:16:38Donc, à côté de ça, on a entendu la mer, et il y a le silence de la mer.
00:16:47Le silence de la mer, c'est un chef-d'oeuvre de la Résistance, un livre signé Vercors,
00:16:51et qui raconte comment un homme et une femme, le père et sa fille,
00:16:56sont obligés de recevoir chez eux un officiel mort pendant l'occupation.
00:17:01C'est tout.
00:17:01C'est une scène, c'est presque un théâtre à trois.
00:17:05Et ça a été, pendant la Résistance, un des livres qui s'est distribué le plus,
00:17:12et qui a symbolisé la Résistance des Français, en partie.
00:17:16Un chef-d'oeuvre.
00:17:18Et Jean-Pierre décide de s'attaquer au chef-d'oeuvre.
00:17:21Ça ne le gêne pas, il sait que ça sera difficile.
00:17:25Vercors ne souhaite pas qu'on adapte son livre,
00:17:27parce qu'il considère, à temps d'avoir raison, que c'est devenu une sorte de mythe de la Résistance.
00:17:35Et Melville lui dit, écoutez, ce n'est pas compliqué, je fais le film quand même.
00:17:38Il avait acheté les droits auprès de l'éditeur.
00:17:42Je vous le présente.
00:17:43Si ça ne vous plaît pas, on ne le diffusera pas.
00:17:45Il a fait deux fois déjà ce pari.
00:17:50Il le refera avec Tessels, je vous en parlerai dans un instant avec l'armée des ondes.
00:17:54Donc il tourne un passage du silence de la mer,
00:18:00avec l'arrivée de l'Allemand.
00:18:02Je vous propose la séquence.
00:18:04Je me nomme
00:18:33Werner von Ebrnack.
00:18:36Je suis désolé, je...
00:18:39Cela a été naturellement nécessaire.
00:19:00Juste éviter, si cela était possible,
00:19:03je pense que mon ordonnance fera tout pour votre tranquillité.
00:19:07Je...
00:19:11Je...
00:19:12J'éprouve un grand estime pour les personnes qui aiment leur patrie.
00:19:38Je pourrais maintenant monter dans ma chambre.
00:20:08chambre, mais je ne connais pas le chemin.
00:20:11Ma nièce ouvrit la porte qui donne sur le petit escalier
00:20:14et commence à degravir les marches sans un regard pour l'officier,
00:20:19comme si elle était seule.
00:20:20C'est le premier long métrage, en fait.
00:20:26Alors c'est un film fondateur, c'est vraiment le film fondateur à la fois du cinéma de Jean-Pierre Melville
00:20:34et d'une certaine manière de ce qui va devenir la nouvelle vague.
00:20:38On est juste au lendemain de la guerre.
00:20:40Vous avez évoqué les conditions dans lesquelles il a adapté le roman de Vercors.
00:20:47Mais ce qui est intéressant, c'est aussi de parler de la production du film.
00:20:51Alors il faut savoir que Jean-Pierre Melville, il n'a pas fait d'école de cinéma.
00:20:55Il n'a pas un parcours traditionnel dans le cinéma, même s'il avait toujours eu le fantasme de faire du cinéma.
00:21:02Ah bah oui, un petit garçon, il avait un pâté baby et il faisait des petits films.
00:21:07Absolument.
00:21:07Et son premier vrai petit film, c'est un film sur un clown.
00:21:10Voilà, qui s'appelle 24 heures de la vie d'un clown,
00:21:13qu'il a tourné juste avant celui-ci.
00:21:17Donc, Le silence de la mer.
00:21:18Et donc, Le silence de la mer est un film où il va devoir faire son premier film.
00:21:24Le problème, c'est qu'on est au lendemain de la guerre
00:21:26et dans le cinéma, on ne peut pas faire un premier film comme ça.
00:21:30parce que c'est un métier, c'est plus qu'un métier, c'est une corporation avec ce qui va avec le corporatisme.
00:21:42C'est-à-dire que pour faire de la mise en scène, il faut avoir été troisième assistant,
00:21:48il faut avoir été ensuite deuxième assistant, premier assistant.
00:21:52Et quand vous avez été premier assistant, vous pouvez avoir votre carte de réalisateur.
00:21:57il faut une carte pour faire de la mise en scène.
00:22:01Lui, évidemment, n'a pas tout ça.
00:22:03Donc, il a le rejet absolu du monde du cinéma,
00:22:07à la fois des techniciens, mais aussi des producteurs.
00:22:11Donc, le film, il va le financer sur ses propres deniers.
00:22:15Le tournage va s'étendre pendant un an.
00:22:18Donc, il y a deux manières de voir les choses.
00:22:21Soit le tournage a duré 27 jours, puisqu'il y a eu 27 journées de tournage.
00:22:26Soit il a duré un an, puisqu'il s'est étendu sur un an.
00:22:31Et ça s'est vraiment fait avec des bouts de ficelle.
00:22:33Mais quand je dis bouts de ficelle, c'est le cas.
00:22:37Puisque, en fait, il récupérait dans les différents studios parisiens
00:22:42les chutes qui avaient été utilisées.
00:22:45Alors, il restait un peu de métrage.
00:22:47Et en fonction du métrage qu'il restait, il tournait les plans.
00:22:51Ce qui est quand même tout à fait incroyable.
00:22:53Et en plus, du coup, il mélangeait certaines pellicules avec d'autres pellicules.
00:22:58Ce qui n'était pas du tout la règle à l'époque.
00:23:01Et le tournage a eu lieu avec une micro-équipe.
00:23:06C'est-à-dire qu'il y avait juste une estafette, si je puis dire.
00:23:09C'est là où il démarre tout ce que fera la Nouvelle Vague.
00:23:12Absolument.
00:23:13Il est le pionnier de la Nouvelle Vague.
00:23:14C'est-à-dire, on fait des films pas chers, avec très peu de gens, d'une autre manière.
00:23:19Il faut voir aussi, c'est très important, c'est que là encore, c'est la guerre.
00:23:23C'est l'occupation.
00:23:24Donc, c'est quand même le moment de sa vie le plus important.
00:23:27Puisqu'il l'évoque au moins trois fois.
00:23:30C'est-à-dire, le silence de la mer, Lyon Morin-Prêtre, dont on parlera dans l'instant, et l'armée des ombres.
00:23:36Donc, l'armée des ombres, on y revient.
00:23:39Puisqu'encore une fois, c'est sans doute son oeuvre majeure, sans aucun doute.
00:23:44Et il faut savoir une chose, c'est que quand l'armée des ombres est sortie, il est sorti en 69.
00:23:50Au lendemain, des événements culturels et sociaux de 68.
00:23:54Et par conséquent, tout ce qui ressemblait à du gaullisme, puisque l'armée des ombres, c'est aussi les soldats de De Gaulle, les soldats inconnus de De Gaulle,
00:24:07étaient rejetés par toute une école de la bien-pensance de l'époque.
00:24:14et qui ont littéralement, mais pas assassiné le film, mais presque.
00:24:18En tout cas, ils l'ont ignoré, au point d'ailleurs, quelques longues années plus tard, de s'excuser en disant, on s'est totalement trompé.
00:24:26On s'est fait avoir.
00:24:27Le gaullisme n'a pas bonne presse.
00:24:28On était dans le maoïsme.
00:24:30Donc le maoïsme et le gaullisme, ce n'est pas tout à fait la même chose.
00:24:34Alors, il y a même la participation exceptionnelle du général De Gaulle dans l'armée des ombres.
00:24:38Il y a quelque chose de tout à fait extraordinaire, mais ça, je vais raconter, il faut quand même raconter la scène.
00:24:43C'est qu'à un moment, le personnage qui est joué par Paul Meurice se fait décorer par le général De Gaulle dans un passage qui se passe à Londres.
00:24:52Et on voit le général De Gaulle.
00:24:55Et ce n'est pas un acteur qui joue le général De Gaulle.
00:25:00C'est, tenez-vous bien, quelque chose d'absolument incroyable.
00:25:02C'est Melville qui a collé une photo du général De Gaulle sur le visage d'un acteur.
00:25:09C'est vous dire à quel point il y a toujours un côté bricolo chez lui.
00:25:13Enfin, c'est vraiment...
00:25:14Personne n'oserait faire ça.
00:25:16Mais quand on voit le film, ça passe très, très bien.
00:25:19Moi, à chaque fois, je fais, après, l'arrêt sur image pour regarder.
00:25:23Finalement, ça fait la blague.
00:25:26Oui, en même temps, il repose sur sa propre expérience de Londres,
00:25:30de ses relations avec le colonel Passy, qui lui donne beaucoup d'informations.
00:25:34Il est très documenté.
00:25:36Ce n'est pas de la fiction du tout, en fait, l'armée des ombres.
00:25:39C'est presque autobiographique.
00:25:41Et vous savez, c'est vraiment un élément fondateur dans la vie de Jean-Pierre Melville,
00:25:45la guerre et la résistance.
00:25:48On peut en parler un petit peu ?
00:25:49On va en parler parce qu'on va vous proposer un autre extrait très important.
00:25:53Et puis après, on évoque un petit peu...
00:25:56Un petit peu parce qu'on est un peu long, Bertrand.
00:25:58La vie de Jean-Pierre Melville pendant la résistance.
00:26:01Ne soyez pas trop long.
00:26:03Nos amis ont du travail.
00:26:05Donc, à nouveau un extrait de l'armée des ombres.
00:26:10Lino Ventura, le résistant, est fait prisonnier.
00:26:13Il est dans un souterrain où, évidemment, ils sont condamnés à mourir.
00:26:20Et on leur propose, l'officier allemand, de courir vers rien, quoi.
00:26:28Au bout d'un long, long, long tunnel, un long couloir.
00:26:31Et on leur tirera dessus quand on voudra.
00:26:35Donc, c'est encore une séquence terrible, très forte,
00:26:39au cours de laquelle, Lino Ventura,
00:26:41Gerbier, son nom, le nom dans le film, c'est Gerbier,
00:26:47dit, moi, je ne courrai pas.
00:26:49Je ne vais pas me soumettre à la loi de cet officiel allemand.
00:26:52Je ne courrai pas.
00:26:53Telle est la séquence que je vous propose
00:26:55et qui est très, très forte, là encore,
00:26:57avec une musique très importante.
00:26:59et qui est très, très forte,
00:27:29Laissez-nous les les les les les les,
00:27:36bien sur le enviré,
00:27:49non tant au nom, super capté,
00:27:51les les les les les les!
00:27:57Erste raille, links, om.
00:28:01Ohne trit, marche.
00:28:03Zweite raille, rechts, om.
00:28:06Marche.
00:28:15Dans une minute, vous allez vous tourner.
00:28:17Le dos aux mitrailleuses est face au mur.
00:28:21Vous allez courir aussi vite que vous pourrez.
00:28:23Nous n'allons pas tirer tout de suite.
00:28:25Nous allons vous laisser une chance.
00:28:26La chance qui arrivera jusqu'au mur sera exécutée plus tard avec les camps d'année prochaine.
00:28:33On peut toujours l'essayer. On n'a rien à perdre.
00:28:37Il sait très bien ce que veulent mes jambes.
00:28:40Il se prépare au spectacle.
00:28:43Mais je me sens mieux enchaîné par son assurance que par mes fers.
00:28:52Allez !
00:28:56Je ne veux pas courir.
00:28:59Je ne courir pas.
00:29:05Lassen Sie Feuer geben.
00:29:07Geh !
00:29:08Feuer !
00:29:08Feuer !
00:29:09Nicht auffüllen !
00:29:22Feuers !
00:29:22Nicht auffüllen !
00:29:22Feuers schießen !
00:29:26Feuers schießen !
00:29:30Verflucht noch mal !
00:29:32Ne t'en huit !
00:29:34Ne t'en huit !
00:29:35Ne t'en huit !
00:29:43S'il voit une chose, c'est un film d'action. Malgré tout, c'est un film sur la résistance, bien sûr, mais il y a de l'action.
00:30:05Ça bouge. Les hommes font des choses. Il y a effectivement cette évasion qui est proposée par ses collègues. Et donc, à la fois, il nous explique au fond, à travers les gestes, à travers les séquences, ce que c'était que résister. Mais d'autre part, ça bouge.
00:30:22C'est pas du tout un cinéma, guillemets, intellectuel. Il est ouvert à tout et à tout le monde. Cette séquence, elle est universelle. Alors, on va continuer parce que l'armée des hommes, c'est son chef-d'oeuvre absolu.
00:30:38Et on va avancer parce qu'on est un peu long, excusez-nous. Mais il y a une autre séquence très, très forte qui, moi, me bouleverse à chaque fois. C'est la fin du film.
00:30:46Il se trouve que dans le film, Simone Signoret joue un très grand rôle. On a fait un... Vous vous souvenez ? On a fait un masterclass Simone Signoret.
00:30:55On a montré déjà, je crois, cette séquence. Où Mathilde et sa fille a été faite prisonnière. Et donc, les Allemands font un chantage en disant
00:31:07« Ou vous nous donnez les noms de votre réseau, c'est-à-dire Ventura, Maurice, tous ces gens-là. Ou on envoie votre fille dans un bordel en Pologne. »
00:31:17Et donc, elle ne peut pas choisir. Et les résistants, c'est-à-dire Paul Maurice, qui est le grand patron, Ventura, Gerbier, décident qu'au fond, il faut la tuer.
00:31:27Il faut l'exécuter pour sauver cette fille. Et elle-même, au fond, réclame d'être tuée. Puisqu'elle ne peut pas résoudre le problème.
00:31:41Et donc, cette séquence, c'est très forte parce que c'est la fin du film. Il y a aussi la brillante, magique, mystérieuse et talentueuse bande sonore de François Droubet,
00:31:53qui était le plus grand compositeur de musique de cinéma avec...
00:31:58C'est Éric de Marsan, dans l'armadette.
00:32:00Oui, de Marsan, avec Roubet et Colombier. Il y a eu trois grands compositeurs français des années 70.
00:32:06Donc, je vous propose cette séquence finale parce que elle est tout simplement bouleversante.
00:32:23C'est parti, c'est parti.
00:32:53C'est parti.
00:33:23C'est parti.
00:33:53C'est parti.
00:34:23On n'a pas entendu le final de Marsan, mais c'est bouleversant.
00:34:30C'est bouleversant. Et il faut dire à quel point la guerre et la résistance est un moment fondateur dans la vie de Jean-Pierre Melville.
00:34:38Un moment fondateur au sens propre et au sens figuré.
00:34:42C'est le moment où Jean-Pierre Melville devient Jean-Pierre Melville, c'est son nom de guerre, choisi en référence à Herman Melville, dont il adorait le roman Pierre et les ambiguïtés.
00:34:59Et c'est la naissance de Jean-Pierre Melville, né Grimbac.
00:35:07Avec deux épisodes majeurs, on va essayer de faire bref. Premier épisode pendant la guerre, c'est la poche de Dunkerque quand il est canonnier, soldat.
00:35:19Il est pris dans cette poche de Dunkerque. Vous avez peut-être vu le film de Christopher Nolan Dunkerque avec les bateaux de pêche de Churchill qui viennent rechercher les militaires qui sont bloqués.
00:35:30Il fait partie de ces militaires, Jean-Pierre Melville. Plus tard, on lui proposera de tourner Weekend à Zwickau qui raconte ça.
00:35:42Et il refusera parce qu'il ne veut pas raconter une défaite. C'est magnifique quand même.
00:35:47Et puis après, il rentrera dans la résistance où il aura un rôle très actif. De la résistance, il rejoindra Londres.
00:35:56Et après Londres, il participera à toute la campagne d'Italie.
00:36:01Alors, je voudrais juste parler d'une petite chose avec vous, Philippe.
00:36:07Melville, c'était quelqu'un qui adorait parler, qui adorait se vanter, même, on peut le dire.
00:36:15Il aimait. Il y avait un petit côté légèrement mythomane chez lui.
00:36:19À peine.
00:36:19À peine.
00:36:20Et il y a une chose d'assez étrange. C'est que pour avoir parlé à Schlondorf, à Yves Boisset, à Bernard Stora, de lui pendant la résistance,
00:36:34il ne leur a jamais parlé de son attitude extrêmement courageuse.
00:36:39Parce qu'il a risqué sa vie plusieurs fois pendant la résistance. Est-ce qu'il vous en a parlé à vous ?
00:36:44Ah oui, oui. Pas seulement à moi, à Ruy Noguera, qui est un garçon qui a fait un très bon livre sur Jean-Pierre, une série d'entretiens.
00:36:51Oui, bien sûr, bien entendu. Il en parle de façon extrêmement objective en expliquant qu'après tout, de l'autre côté aussi,
00:36:58il y avait des soldats, il y avait des gens qui avaient choisi un autre camp, mais qu'après tout, à leur manière, il n'était pas condamnable.
00:37:04Il avait une vision presque œcuménique des combattants. Je voudrais rajouter une chose à ce propos.
00:37:13Joseph Kessel, donc, les droits sont achetés par Jean-Pierre, et Kessel émet des doutes sur la fabrication du film.
00:37:22Et Jean-Pierre lui dit, comme il avait dit à Vercors, écoutez, je fais le film, je vous le montre, s'il ne vous plaît pas, on ne le passe pas.
00:37:28Voilà. Donc, il prend une petite salle de projection privée sur les Champs-Elysées, près du Touquet, du Fouquet, pardon,
00:37:36et pour simplement Kessel. Le film a été monté, mixé, il est prêt, tout est prêt, et Kessel est seul dans la salle,
00:37:43il regarde la maison, le film s'achève, Jean-Pierre rentre dans la salle, Kessel est assis et il pleure.
00:37:52Voilà. Et donc, les pleurs de Kessel, vous pouvez y aller, vous pouvez le montrer le film.
00:37:57C'est très important, ça, parce qu'il a obtenu, plus que l'accord, l'émotion totale de l'auteur et un acteur lui aussi,
00:38:06parce que Kessel aussi fait de la résistance. Mais on ne peut pas en rester là.
00:38:11Bien sûr, l'armée des ombres, on en a beaucoup parlé déjà, mais il faut savoir une chose.
00:38:16Tous ces acteurs, Jean-Pierre va les chercher avec un sens du casting extraordinaire.
00:38:20Ils répondent tous aux personnages. Crochet, Jean-Pierre Kessel, qui joue d'ailleurs un rôle très très différent dans la maison,
00:38:28évidemment Ventura, Maurice, il va toujours chercher, s'ignorait, presque des stars, en tout cas des noms et des talents très importants.
00:38:38Et donc, comme il est passionné par les stars, il y en a une qui l'intéresse de plus en plus depuis déjà très longtemps,
00:38:43qui s'appelle Alain Delon. Et donc, Jean-Pierre ne s'arrête pas à son armée des ombres, il ne s'arrête pas à ses souvenirs.
00:38:51Il écrit tout seul un récit qui s'appelle Le Samouraï, et il pense, pendant tout le temps qu'il écrit ce récit, à Delon.
00:39:00Il considère que c'est pour Delon et personne d'autre.
00:39:02Donc, voilà un metteur en scène qui, dès le départ, se mouille, au sens que si Delon ne veut pas, bon, il n'en fera pas le film.
00:39:08Donc, il prend un rendez-vous avec Alain Delon, il arrive chez Delon, dans un appartement qu'il donnait sur la Seine, près de la Tour Eiffel.
00:39:18Et Jean-Pierre s'assied, et il commence à lui lire le début du Samouraï.
00:39:25Il lui dit, il lui dit, et Delon arrête, il dit, écoutez, ça va comme ça, je ferai le film.
00:39:31Ah bon ? Il dit, Jean-Pierre, pourquoi ? Parce que jusqu'ici, aucune parole n'a été prononcée.
00:39:36Il n'y avait que de l'action et du silence.
00:39:39Très bien, lui dit Jean-Pierre.
00:39:41Là-dessus, Delon se lève, ouvre une des portes de son grand salon, et au bout du salon, qu'est-ce qu'il y a ?
00:39:47Il y a un sabre au Samouraï.
00:39:49Ça s'appelle des circonstances, ça s'appelle des affinités.
00:39:52Bien, alors donc, nous avons affaire au portrait d'une star qui joue un personnage assez singulier,
00:40:04et qui a marqué là aussi l'histoire du cinéma français, Delon dans le Samouraï.
00:40:08Merci.
00:40:09Merci.
00:40:10Merci.
00:40:11Merci.
00:40:12Merci.
00:40:13Merci.
00:40:14Merci.
00:40:15Merci.
00:40:16Merci.
00:40:46Merci.
00:41:16Merci.
00:41:46Merci.
00:42:16Merci.
00:42:18Merci.
00:42:19Merci.
00:42:46Merci.
00:42:47Merci.
00:42:48Merci.
00:42:50Merci.
00:43:18Merci.
00:43:19Merci.
00:43:20Merci.
00:43:22Merci.
00:43:23Merci.
00:43:24Merci.
00:43:26Merci.
00:43:28Merci.
00:43:50Merci.
00:43:51Merci.
00:43:53Merci.
00:43:54Merci.
00:43:56Merci.
00:43:58Merci.
00:44:20rencontre avec Jean-Pierre.
00:44:24Je peux la rencontre en 10 secondes.
00:44:26Je fais mon premier long-métrage
00:44:27qui s'appelle Tout peut arriver.
00:44:29Produit par Mac Baudard, avec Jean-Claude Bouillon,
00:44:32avec des tas
00:44:34de caméos. On voit passer
00:44:35Deneuve, on voit passer Chantal Goya.
00:44:38C'est un film assez marrant.
00:44:40Bertrand Tavernier.
00:44:42Là-dessus, je fais des projections
00:44:44privées, bien sûr, des projections
00:44:46de presse, avant la sortie du film.
00:44:48Et j'invite, je ne le connais absolument pas,
00:44:50sur la liste des invités, je mets le nom de Melville
00:44:52qui était déjà pour moi, évidemment,
00:44:54une idole. Et Dieu merci,
00:44:56on apprend, on l'attaché de presse,
00:44:58apprend qu'il accepte. Donc nous sommes là,
00:45:00dans la salle des
00:45:01Dames Augustines, cette petite salle
00:45:03de projection de la villa que possédait
00:45:06Maggie Baudard, qui était une des plus grandes
00:45:08productrices françaises. C'est elle
00:45:10qui a produit par Appli de Cherbourg, en particulier,
00:45:13et les demoiselles de Rochefort.
00:45:15Et donc, on est là dans la salle,
00:45:16on attend tous, parce qu'il n'est pas encore arrivé.
00:45:19Il finit par arriver,
00:45:20évidemment, ça peut, là encore,
00:45:22déguiser, parce qu'il se déguise,
00:45:24Jean-Pierre. Le chapeau, d'abord,
00:45:26c'est parce qu'il adore l'Amérique,
00:45:28mais c'est aussi pour planquer sa calvitie,
00:45:29parce qu'il n'aime pas du tout son physique.
00:45:32Et les Ray-Ban, c'est évidemment
00:45:34pour faire attention, parce que ça peut
00:45:36abîmer les yeux, la lumière et tout,
00:45:38mais c'est aussi parce qu'il n'aime pas ses yeux.
00:45:40Il ne s'aime pas, il n'aime pas son physique.
00:45:42Il lui préférait être
00:45:43un comédien, ce qu'il a essayé d'être au début,
00:45:46deux hommes dans Manhattan, il ne l'a pas fait.
00:45:47Bref, il arrive,
00:45:50il me regarde,
00:45:51et il dit,
00:45:53j'aime déjà votre film.
00:45:56La projection commence.
00:45:59C'est une merveille.
00:46:00Je l'ai appelé le soir même,
00:46:01ou le lendemain matin,
00:46:02coup de téléphone qui a duré deux heures et demie,
00:46:04et on est devenus amis.
00:46:06Et mon amitié avec lui était telle que
00:46:08c'est devenu un mentor,
00:46:09c'est-à-dire qu'il m'a beaucoup,
00:46:11beaucoup aidé dans la fabrication
00:46:12de mon deuxième long métrage,
00:46:14dont je vous ai parlé l'autre jour,
00:46:15quand on a fait la masterclass sur Trintignant.
00:46:18Et Jean-Pierre m'a donné,
00:46:20au fond,
00:46:22son savoir,
00:46:23son savoir-faire.
00:46:24C'est très rare qu'un très grand artiste
00:46:27aille livrer littéralement les clés
00:46:30de son talent,
00:46:32de son style,
00:46:33et de son œuvre,
00:46:35à un jeune homme.
00:46:36Je ne suis pas le seul
00:46:37à avoir reçu ces leçons-là.
00:46:39Mais en ce qui me concerne particulièrement,
00:46:41il a été très, très, très fort,
00:46:43puisque le scénario de Saint-Mobile apparent
00:46:47était sur son bureau.
00:46:49Il l'avait lu avec moi,
00:46:50il m'avait donné quelques indications,
00:46:52et je suis parti tourner à Nice.
00:46:54Et tous les soirs,
00:46:54je lui ai téléphoné en lui disant
00:46:55j'ai fait le plan 350,
00:46:57le plan 25,
00:46:58demain,
00:46:59je commence par celui-ci.
00:47:00Je lui ai dit
00:47:01non, ne commencez pas par cela.
00:47:03Il y aura trop de soleil.
00:47:03Faites attention.
00:47:04Changez de position de caméra.
00:47:06Incroyable.
00:47:07Tous les jours.
00:47:08Au point qu'un jour,
00:47:10j'avais un souci,
00:47:12parce qu'il y avait
00:47:13quatre positions de caméra
00:47:14dans la journée,
00:47:14c'était très difficile.
00:47:16Il fallait traverser
00:47:16toute la ville.
00:47:19Et je lui ai dit
00:47:19oui, c'est quand même
00:47:20assez compliqué.
00:47:21Il me dit
00:47:21ne bougez pas, Coco,
00:47:23je monte dans la Rolls
00:47:23et je descends vous voir.
00:47:25Je lui ai dit
00:47:25surtout pas,
00:47:27s'il vous plaît,
00:47:28surtout pas
00:47:28pour arriver à Melville
00:47:30avec son sted-se.
00:47:33Dans l'eau,
00:47:34il y a une égresse-co,
00:47:34j'étais foutu.
00:47:36Donc,
00:47:37il n'est pas venu
00:47:38et il a beaucoup aimé le film.
00:47:41Et à la fin du film,
00:47:42je lui ai dit
00:47:43écoutez le prochain,
00:47:44je ne vous montrerai rien,
00:47:46rien d'autre
00:47:46avant que le film soit
00:47:47terminé.
00:47:48vous ne saurez rien,
00:47:50on continuera à bavarder
00:47:51parce qu'on s'appelait
00:47:52tous les jours,
00:47:53tous les jours.
00:47:54Je voyais cet homme
00:47:55et je parlais avec cet homme
00:47:55tous les jours.
00:47:58Et donc,
00:47:58je fais l'héritier
00:47:59avec Jean-Paul Belmondo,
00:48:01il était tout anxieux,
00:48:02il sait encore,
00:48:02ça se passait,
00:48:02je lui ai dit
00:48:03ça se passera bien,
00:48:03vous inquiétez pas.
00:48:05Et donc,
00:48:06le film finit,
00:48:07terminé,
00:48:08monté, mixé,
00:48:09je décide de lui montrer
00:48:10dans une salle
00:48:11rue de Montieu.
00:48:12Et je l'ai assis là
00:48:16avec son Stetson
00:48:17et ses lunettes
00:48:17qui ont survenu
00:48:18au bout de 1h40,
00:48:21il y a 1h47,
00:48:22à peu près.
00:48:24Mais il ne bougeait pas.
00:48:26Donc ça m'a fait plaisir.
00:48:28Il m'a dit
00:48:29vous savez ce soir,
00:48:30je dîne avec des locomotives.
00:48:32A l'époque,
00:48:32il n'y avait pas
00:48:33de réseaux sociaux,
00:48:34il n'y avait pas de portable,
00:48:35il n'y avait pas le buzz
00:48:36tel qu'il est aujourd'hui.
00:48:37Mais il y avait un autre buzz
00:48:38qui était les dîners en ville,
00:48:39les gens qui se connaissaient,
00:48:40qui disaient...
00:48:41Et les locomotives
00:48:42dont il parlait,
00:48:43c'était François Chalet,
00:48:45Jean-Barros Célie,
00:48:46le critique du Monde,
00:48:47Robert Chazal,
00:48:48le critique de François,
00:48:50Pierre Billard,
00:48:51le critique du Point
00:48:52et fondateur
00:48:53du magazine Le Point.
00:48:54Bref,
00:48:55ce qu'il appelait
00:48:55des locomotives.
00:48:56Il dit
00:48:57je vais leur dire
00:48:57ce que j'ai vu ce soir
00:48:58et croyez-moi,
00:49:00ça va bien se passer pour vous.
00:49:02Si bien que,
00:49:04ce qui est rarissime
00:49:05chez quelqu'un,
00:49:06comme je savais
00:49:07que Jean-Pierre
00:49:08avait aimé
00:49:08et l'avait fait savoir
00:49:10au tout Paris
00:49:11qui chantait qui danse,
00:49:12lorsque le film est sorti,
00:49:14pour la première fois
00:49:15de ma vie,
00:49:15je n'avais pas le track.
00:49:16Je me disais
00:49:16si Melville a aimé,
00:49:18s'il en a autant parlé,
00:49:19parce qu'il y avait un buzz,
00:49:20ça bruisait,
00:49:22c'est que ça se passera bien
00:49:23et ça s'est plutôt
00:49:24très bien passé.
00:49:26Voilà.
00:49:26Et donc évidemment,
00:49:27tout ça a encore plus
00:49:28raffermi nos liens,
00:49:30notre...
00:49:31Alors,
00:49:31Philippe,
00:49:32là,
00:49:32vous parlez
00:49:33d'un homme
00:49:34très sérieux,
00:49:35d'un mentor.
00:49:36Mais il faut quand même dire
00:49:37que votre relation
00:49:38avec Jean-Pierre Melville,
00:49:39il y avait aussi
00:49:40quelque chose
00:49:41d'un peu adolescent
00:49:43entre vous deux.
00:49:43Ah oui,
00:49:44ça c'est intéressant
00:49:45chez lui aussi.
00:49:46Voilà donc un homme
00:49:47qui a vécu
00:49:48sept ans de guerre,
00:49:49que vous avez écrit
00:49:49dans Parti Bertrand Tessier,
00:49:51dont les studios
00:49:52ont été brûlés
00:49:53à une époque,
00:49:54pendant qu'il tournait
00:49:54Samouraï,
00:49:55qui a perdu tous ses studios,
00:49:57qui a vécu,
00:49:58enfin,
00:49:58des aventures terribles,
00:49:59qui a failli être ruinées,
00:50:00bref,
00:50:02et qui avait aussi,
00:50:03donc,
00:50:03le poids de son expérience,
00:50:05et qui néanmoins
00:50:06se comportait
00:50:07comme un gamin.
00:50:08Il m'appelait à minuit,
00:50:09à peu près,
00:50:09en me disant,
00:50:10Allo Max,
00:50:11c'est Max.
00:50:12Alors pourquoi Max ?
00:50:13Parce que,
00:50:14pendant la guerre,
00:50:15sa guerre,
00:50:15les soldats s'appelaient Max,
00:50:17pendant la mienne,
00:50:17celle d'Algérie,
00:50:18les soldats s'appelaient Max.
00:50:19Donc le truc,
00:50:20c'était Allo Max,
00:50:21c'est Max.
00:50:22Vous venez,
00:50:23on fait le périphérique.
00:50:24Je dis quoi ?
00:50:25Le périphérique venait d'ouvrir.
00:50:27Melville aimait faire
00:50:28le périphérique
00:50:29avec un chronomètre.
00:50:32Comme un gamin,
00:50:34comme un gamin.
00:50:35Et d'ailleurs,
00:50:36on déconnait ensemble,
00:50:38on rigolait,
00:50:38on faisait des blagues.
00:50:40Au point même
00:50:40que c'est sur une blague finale,
00:50:42mais on en parlera tout à l'heure,
00:50:43que c'est terminé
00:50:44notre amitié.
00:50:46Donc,
00:50:47revenons au samouraï.
00:50:48Le samouraï,
00:50:49très bien,
00:50:50il y a beaucoup d'hommes,
00:50:51comme toujours
00:50:51dans tous les films
00:50:52de Jean-Pierre.
00:50:53Néanmoins,
00:50:54je tiens à préciser
00:50:55qu'il sait aussi
00:50:55très bien
00:50:56diriger les femmes.
00:50:58Il a mis en scène,
00:51:00adapté à un livre
00:51:00de Béatrix Beck
00:51:01qui s'appelle
00:51:02Léon Morin,
00:51:03prêtre,
00:51:04au cours duquel
00:51:05Jean-Paul Belmondo
00:51:06porte la soutane
00:51:07d'un prêtre,
00:51:08Léon Morin.
00:51:09Autre anecdote,
00:51:11d'ailleurs.
00:51:12Jean-Pierre souhaite
00:51:13que Belmondo
00:51:14joue ce rôle
00:51:14et Belmondo dit
00:51:16« J'ai jamais joué
00:51:17un prêtre.
00:51:18Jean-Paul,
00:51:18il est encore là
00:51:19à faire le zouave
00:51:20dans les films
00:51:21de De Broca. »
00:51:23Jean-Pierre,
00:51:24c'est sur le plateau,
00:51:25là,
00:51:25ils sont en train
00:51:26de faire le casting,
00:51:27lui donne
00:51:27une soutane.
00:51:30Jean-Paul
00:51:30endosse la soutane
00:51:32et il est crédible
00:51:34tout de suite.
00:51:35Tout de suite.
00:51:35Et dans ce très beau film
00:51:38en noir et blanc
00:51:38qui lui aussi
00:51:39se passe pendant
00:51:40l'occupation,
00:51:41il y a un rapport
00:51:42très ambigu
00:51:43et très clair
00:51:45d'ailleurs
00:51:45entre une jeune femme
00:51:47et Léon Morin,
00:51:49le prêtre.
00:51:50Cette jeune femme,
00:51:51c'est Emmanuel Rivain
00:51:52qui à l'époque
00:51:52était l'une des plus grandes
00:51:53actrices du cinéma français
00:51:55qui a fait travailler
00:51:57en particulier
00:51:58Anna Rennais.
00:51:59Je vous propose
00:51:59ce passage.
00:52:00Tenez.
00:52:21Regardez.
00:52:24Dieu,
00:52:27exauce mon désir
00:52:27une seule fois.
00:52:30une seule fois.
00:52:35Et ensuite,
00:52:36bénisse-moi
00:52:36l'éternel tourment.
00:52:45Viens.
00:52:50Ce n'est plus
00:52:50Mademoiselle Sabine
00:52:51à présent.
00:52:52À la bonne heure,
00:52:53ça va déjà mieux.
00:52:54Gardez les gens
00:52:54quand on vous parle.
00:52:57Si seulement
00:52:58vous appeliez Dieu
00:52:59comme vous appelez le mal,
00:53:00vous n'allez plus venir.
00:53:06Bien sûr que si,
00:53:06pourquoi pas.
00:53:08Ne plus discuter
00:53:09de l'hypostase
00:53:10avec vous,
00:53:10ça me manquerait.
00:53:16Il va falloir
00:53:17que vous alliez
00:53:18vous confesser.
00:53:18dire ça à quelqu'un.
00:53:22Si c'est à moi
00:53:23que vous le dites,
00:53:24comme je le sais déjà,
00:53:25alors...
00:53:26Pour moi aussi,
00:53:29c'est une corvée
00:53:30de me confesser.
00:53:31Et j'y vais quand même.
00:53:33Et souvent encore.
00:53:34Vous y allez quand même
00:53:34et souvent encore.
00:53:36Vous,
00:53:36vous ne faites jamais
00:53:37de péché.
00:53:38Alors,
00:53:38il faut croire
00:53:39que vous vous accusez
00:53:39de ceux des autres.
00:53:40Et des coups de tric
00:53:40qui se perdent.
00:53:42Vous viendrez ce soir.
00:53:44N'est-ce pas?
00:53:45Je vous attendrai
00:53:46à partir de 5h30,
00:53:47aussi tard qu'il faudra.
00:53:48Ma fille va rentrer
00:53:49de l'école.
00:53:50Vous viendrez avec elle.
00:53:51Je la confessera aussi.
00:53:53Au revoir.
00:53:53Tout à l'heure.
00:54:23Très beau film,
00:54:28Léon Morin.
00:54:29Peu connu
00:54:30dans la filmographie
00:54:32de Melville
00:54:32puisqu'on ne parle
00:54:33que du cercle rouge,
00:54:34l'armée des ombres,
00:54:35les samouraïs.
00:54:36Mais remarquable,
00:54:37selon moi.
00:54:38Et surtout,
00:54:38je ne sais pas
00:54:39ce qu'il faut le plus admirer.
00:54:40Le travail, évidemment,
00:54:42qu'il fait avec Emmanuel Rivard,
00:54:43mais surtout,
00:54:44la crédibilité de Jean-Paul.
00:54:46Jean-Paul en prêtre,
00:54:48il est formidable.
00:54:50Il ne faut pas oublier
00:54:51la collaboration
00:54:52Belmondo-Melville.
00:54:55C'est vrai qu'aujourd'hui,
00:54:57quand on pense
00:54:58Jean-Pierre Melville,
00:54:59on pense Alain Delon
00:55:00parce qu'il a donné
00:55:03ce visage minéral
00:55:05à Alain Delon,
00:55:07que ce soit dans
00:55:07Le Samouraï,
00:55:08dans Le Cercle Rouge
00:55:09ou dans Un flic
00:55:10dont on a parlé,
00:55:11qui sont des films
00:55:11qui passent et repassent
00:55:13à la télévision.
00:55:14Mais avant
00:55:15la collaboration
00:55:17avec Delon,
00:55:18il y a cette collaboration
00:55:20avec Jean-Paul Belmondo
00:55:21qui est très importante.
00:55:23d'abord parce que
00:55:25c'est la première vraie star
00:55:26qu'il fait tourner.
00:55:28Belmondo à ce moment-là
00:55:28est une star naissante,
00:55:31mais c'est quand même
00:55:32déjà une star.
00:55:34Ils vont tourner
00:55:35trois films ensemble.
00:55:38Léon mort,
00:55:38un prêtre,
00:55:39donc déjà
00:55:40le volet,
00:55:41un peu
00:55:41le rappel de la guerre.
00:55:43ils vont tourner
00:55:44le Doulos,
00:55:46un polar avec Reggiani,
00:55:49adapté de Pierre Lezou,
00:55:50et un troisième film
00:55:52qui s'appelle
00:55:53L'aîné des fers chauds,
00:55:55qui est un film
00:55:56qui va être relativement compliqué,
00:55:59qui est une rêverie
00:56:00sur l'Amérique
00:56:01puisqu'une partie du film
00:56:03se passe en Amérique.
00:56:05Donc,
00:56:06que Melville,
00:56:07qui a toujours
00:56:08fantasmé sur l'Amérique,
00:56:10et ce qu'il aimait
00:56:11dans le périph'
00:56:11et ce qu'il aimait
00:56:12dans l'autoroute
00:56:13qui reliait
00:56:14le sud de Paris
00:56:15à Orly,
00:56:16dont il faisait
00:56:17l'aller-retour
00:56:18plusieurs fois
00:56:20par semaine.
00:56:21C'était
00:56:21le paysage américain.
00:56:23Donc,
00:56:24ça lui semble
00:56:26tellement évident
00:56:26et en même temps,
00:56:28ça va être un film
00:56:28où tout va se dérégler
00:56:29d'une certaine manière.
00:56:30Oui, ça va être.
00:56:31Parce que
00:56:32Charles Vanel
00:56:35va lui dire
00:56:36l'Amérique,
00:56:39ah ben je connais pas,
00:56:40je vais y aller
00:56:40avec ma femme.
00:56:43Et Melville
00:56:43ne supporte pas
00:56:45l'idée
00:56:45que Charles Vanel
00:56:46emmène sa femme.
00:56:49Parce qu'il pense
00:56:50que quand on tourne
00:56:51un film avec Melville,
00:56:53on ne s'intéresse
00:56:54qu'à Melville
00:56:54et on vient pas
00:56:55avec sa femme.
00:56:56Et donc,
00:56:57du coup,
00:56:57il va y avoir
00:56:58un conflit
00:57:00énorme
00:57:01pendant tout le tournage
00:57:02entre Vanel
00:57:03et Jean-Pierre Melville
00:57:06qui fait que
00:57:07tout va se
00:57:08disloquer.
00:57:10Alors,
00:57:10il y a un conflit aussi
00:57:11parce qu'il faut le dire,
00:57:13je vous ai plus ou moins
00:57:14suggéré au début
00:57:15de ce temps-tentien,
00:57:17il aimait les conflits.
00:57:18Pour lui,
00:57:19il fallait que les gens
00:57:19soient en conflit
00:57:21avec lui
00:57:21et que lui avec eux.
00:57:23Il considérait que plus
00:57:24il y avait du conflit,
00:57:25plus il y avait une tension
00:57:26entre le metteur en scène
00:57:27et les comédiens
00:57:28et mieux,
00:57:29le résultat était là.
00:57:31Pour moi,
00:57:31c'est une erreur,
00:57:32mais il n'est pas le seul.
00:57:33Clougeot faisait ça aussi.
00:57:35Et donc,
00:57:36le conflit
00:57:37va arriver tellement,
00:57:38il va tellement
00:57:39martyriser le pauvre
00:57:41Vanel
00:57:41que Jean-Paul Belmondo,
00:57:43qui n'est pas n'importe qui,
00:57:45ne supporte pas ça.
00:57:46Et il lui dit ouvertement.
00:57:47Il y a une des plus
00:57:49bésangulades du cinéma français
00:57:51dont parle Bertrand Tavernier.
00:57:53Dans son film
00:57:54Voyage au bout du cinéma français,
00:57:59il faut expliquer
00:58:00que ça se passe
00:58:01pendant le tournage
00:58:02et le preneur de son
00:58:05qui est témoin de la scène
00:58:07va laisser tourner
00:58:09son magnétophone.
00:58:10C'est comme ça
00:58:11qu'on a cet enregistrement.
00:58:13Exceptionnel
00:58:13et passionnant.
00:58:17Il pouvait humilier
00:58:26en public
00:58:27des techniciens,
00:58:29lacérant devant
00:58:30le décorateur
00:58:31et devant toute l'équipe
00:58:32un papier peint
00:58:34qui ne lui plaisait pas.
00:58:36Il m'engueula
00:58:37parce que je lui avais
00:58:38recommandé
00:58:38les contrebandiers
00:58:39de Moonfleet.
00:58:41Et Henri Deca
00:58:41me murmura à l'oreille
00:58:43« C'est toi qui as raison. »
00:58:46Il lui arriva souvent
00:58:47de se brouiller
00:58:48avec des acteurs
00:58:49qu'il avait adorés
00:58:49avec Belmondo
00:58:51dans « Les nés des fers chauds. »
00:58:52« Tu n'envoies le quart maintenant. »
00:58:53« Eh bien, écoute,
00:58:54il a raison,
00:58:54merde,
00:58:54parce qu'on nous fait revenir
00:58:55et rien n'est prêt. »
00:58:56« Faites-nous descendre
00:58:57quand c'est pré,
00:58:57on n'est pas des guignols. »
00:58:58« Moi aussi,
00:58:59j'en ai marre,
00:58:59M. Melville. »
00:59:00« Marre et jusque-là,
00:59:01j'en ai ras-le-bol. »
00:59:02« Parce que moi,
00:59:03je ne suis pas un guignol. »
00:59:04« Ça fait une semaine que j'attends. »
00:59:05« Et moi, je suis un guignol. »
00:59:06« Et ça m'amuse. »
00:59:08« Et moi, ça m'amuse. »
00:59:10« Quand ça ? »
00:59:11« Je suis pas un couillon, moi. »
00:59:11« Quand ? »
00:59:12« J'attends en bas,
00:59:13on me dit,
00:59:13« M. Melville,
00:59:14j'ai reçu le bouton de manchet. »
00:59:15« Et bien, ça, j'en ai marre. »
00:59:16« Qu'est-ce que c'est que c'est que c'est que c'est que ça ? »
00:59:17« Parce que moi,
00:59:17je ne me gueule jamais,
00:59:18mais j'en gueule,
00:59:18j'en ai marre. »
00:59:21« Ça allait tellement loin
00:59:22que Jean-Paul lui a fait une baigne. »
00:59:25« Jean-Paul a tombé tout son long. »
00:59:27« Le chapeau avec. »
00:59:28« Oui. »
00:59:29« Le héros de la résistance,
00:59:30le grand Melville,
00:59:31il s'est fait cogner par Belmondo
00:59:33qui est un homme bien
00:59:35et qui ne supportait pas
00:59:36qu'on martyrisse un comédien âgé
00:59:39et que Jean-Pierre avait pris en grippe. »
00:59:42« Enfin, voilà. »
00:59:43« Ça a été très compliqué ensuite
00:59:44pour la suite du film
00:59:46puisqu'il y a beaucoup de choses
00:59:47qui ont été faites de dos
00:59:50avec un assistant
00:59:51qui filme l'épaule... »
00:59:53« Enfin, Melville filme l'épaule
00:59:55de son assistant
00:59:55à défaut de filmer celle de Belmondo
00:59:57qui est quand même revenu
00:59:58pour la voix off
00:59:59mais curieusement,
01:00:01Melville avait gardé
01:00:02cette admiration
01:00:03pour Belmondo
01:00:04puisqu'il voulait
01:00:05qu'il participe
01:00:05au cercle rouge. »
01:00:06« Oui, bien sûr.
01:00:07Et encore une fois,
01:00:08lorsque moi je lui ai dit
01:00:09que j'avais trouvé
01:00:10un accord avec Jean-Paul
01:00:11pour faire l'eriquier,
01:00:12il en était malade de jalousie.
01:00:13Enfin, jalousie.
01:00:15Mais oui,
01:00:16il aurait aimé retravailler
01:00:17avec Jean-Paul.
01:00:18Mais Jean-Paul,
01:00:19de ce côté-là,
01:00:20c'est un homme droit,
01:00:21clair et simple.
01:00:23Quand c'est fini,
01:00:24c'est fini.
01:00:25Alors,
01:00:25ce n'est pas tout à fait fini
01:00:26parce qu'il y a encore
01:00:27un événement
01:00:28un événement important.
01:00:30C'est...
01:00:31Alors,
01:00:31oui,
01:00:32il y a cette engueulade
01:00:33et puis je voudrais
01:00:34vous montrer
01:00:35deux extraits.
01:00:38Le Doulos
01:00:39et ensuite
01:00:41le cercle rouge.
01:00:42Pourquoi ?
01:00:42Parce que dans les deux extraits,
01:00:44Melville déploie
01:00:46encore une fois
01:00:46sa virtuosité
01:00:47de mise en scène.
01:00:49Il adorait d'ailleurs
01:00:50les bureaux de police.
01:00:51Tout ça,
01:00:51c'est en studio.
01:00:53Tout est en studio.
01:00:53et il montre
01:00:55et ça dure
01:00:56deux minutes trente-cinq
01:00:57mais en fait,
01:00:58le plan,
01:00:58qui est une sorte
01:01:00de travelling
01:01:00qui se promène
01:01:01et tout,
01:01:02dure huit minutes.
01:01:03C'est bien ça.
01:01:04Sans coupure,
01:01:05sans montage.
01:01:06Plan séquence complet,
01:01:07un chargeur de caméra,
01:01:08un peu près,
01:01:09de l'époque.
01:01:11Alors,
01:01:11il faut dire
01:01:11qu'en studio,
01:01:12c'est très important.
01:01:14Jean-Pierre Melville
01:01:15est le seul
01:01:17cinéaste français,
01:01:19avec Marcel Pagnol,
01:01:20avoir eu
01:01:21ses propres studios.
01:01:22C'est quelque chose
01:01:23d'assez dément.
01:01:24C'était régénère.
01:01:26Dans le 13e.
01:01:27C'était des entrepôts,
01:01:28c'était deux petits plateaux
01:01:29mais il y avait
01:01:30ce qu'on appelle
01:01:31des feuilles,
01:01:32c'est-à-dire
01:01:32des décors
01:01:35avec des fenêtres,
01:01:36avec des portes
01:01:37et quasiment
01:01:38tous ces films
01:01:39ont été tournés là,
01:01:40y compris
01:01:41dans les extensions
01:01:42du studio.
01:01:45Et ces studios,
01:01:47ce qui est assez fou,
01:01:48c'est qu'il les a achetés
01:01:50au moment où il a tourné
01:01:51Les Enfants Terribles,
01:01:53donc on doit être
01:01:53en 1947 à peu près.
01:01:55C'est-à-dire que
01:01:56dès son deuxième film,
01:01:57en fait,
01:01:57il a toujours eu
01:01:58cette obsession
01:01:59d'avoir ses propres studios.
01:02:01Obsession surtout
01:02:01de virtuosité
01:02:03de mise en scène.
01:02:04Il y a cet interrogatoire
01:02:05dans le Doulos
01:02:06qui sera suivi
01:02:07par une séquence
01:02:08du siècle rouge
01:02:09dont il faut aussi
01:02:09parler un petit peu.
01:02:10Alors,
01:02:11on va tout de suite
01:02:11parce qu'on est en retard,
01:02:12excusez-nous,
01:02:13le Doulos.
01:02:15Environ une heure
01:02:27avant de se faire tuer,
01:02:28Salih a reçu
01:02:28un coup de téléphone.
01:02:30Là-dessus,
01:02:30il a bondi
01:02:30devant Trater
01:02:31chez le patron
01:02:31pour lui demander
01:02:32quatre inspecteurs.
01:02:33Le crêpe était
01:02:34dans son bureau,
01:02:34il avait quelqu'un,
01:02:35alors il n'a pas demandé
01:02:35d'explication.
01:02:37Salih est donc parti
01:02:37pour sauter les gars
01:02:38à Neuilly
01:02:38sans prévenir personne.
01:02:41Arrivé là-bas,
01:02:42il a tiré sur Rémy
01:02:42et il s'est fait tuer.
01:02:45Mais le complice de Rémy
01:02:46s'est sauvé.
01:02:50Alors,
01:02:50si c'est toi
01:02:51qui a renseigné
01:02:51Salih Nairi,
01:02:53indique-nous
01:02:54le centre du gars
01:02:54et on te laisse tranquille.
01:02:58Je n'ai rien indiqué
01:02:59du tout.
01:02:59On a trouvé Rémy
01:03:00avec dans la main
01:03:01le revolver
01:03:01qui a tué Salih.
01:03:03Seulement,
01:03:03son blouson
01:03:04a été ramené
01:03:04sous ses aisselles,
01:03:05sa chemise aussi,
01:03:06comme si quelqu'un
01:03:07l'avait soutenu
01:03:07sous les bras,
01:03:08tu comprends ?
01:03:09Un homme qu'on soutient,
01:03:10c'est un homme
01:03:10qui va tomber.
01:03:12Et quand un homme
01:03:12va tomber,
01:03:12c'est qu'il est en train
01:03:13de mourir.
01:03:15Alors,
01:03:15je ne le vois pas du tout
01:03:16en train de rendre là,
01:03:17soutenu par un ami
01:03:18et à bas du premier coup,
01:03:20un type qui cavale
01:03:20à toute allure.
01:03:23De plus,
01:03:23Salih Nairi
01:03:24est mort foudroyé.
01:03:24C'est donc forcément
01:03:25lui qui a tiré le premier.
01:03:27Par conséquent,
01:03:27c'est l'autre
01:03:28qui a descendu Salih
01:03:29tout en soutenant Rémy.
01:03:31On ne soutient pas
01:03:32un mourant,
01:03:32on le laisse en tirer
01:03:33tout seul
01:03:33et on tire à sa place.
01:03:34Ça, c'est logique, pas ?
01:03:35Et puis,
01:03:35on lui faut
01:03:36le revolver dans la main.
01:03:37Alors,
01:03:42rien que pour Salih Nairi,
01:03:45tu devrais,
01:03:45Sylvain.
01:03:47Pense à lui.
01:03:49C'était ton ami.
01:03:51Je t'ai dit
01:03:51que je n'ai pas indiqué
01:03:52l'affaire.
01:03:53Je n'aime pas me répéter.
01:03:56Maintenant,
01:03:56écoutez-moi bien
01:03:57vous autres
01:03:57à votre tour.
01:03:59Salih Nairi est mort.
01:04:00pour moi,
01:04:01je laisse tout tomber.
01:04:03Je vais vivre ailleurs.
01:04:05Je ne sais pas encore où.
01:04:07Mais s'il existe
01:04:08un pays sans police
01:04:09ni truand,
01:04:09ce sera celui-là.
01:04:12Maintenant,
01:04:12si entre-temps,
01:04:13je trouve le type
01:04:13qui a tué Salih Nairi,
01:04:15je m'en occuperai moi-même.
01:04:17C'est plus sûr
01:04:17et ça ne me coûtera
01:04:18pas une minute de prison.
01:04:20Et si moi,
01:04:20je ne le trouve pas,
01:04:22aucun policier
01:04:22au monde le trouvera.
01:04:25Comme tu voudras.
01:04:26personnellement,
01:04:30je te comprends
01:04:31quand je pense.
01:04:35On a relevé
01:04:35le numéro de la voiture.
01:04:37On a cru tout d'abord
01:04:38qu'il s'agissait
01:04:38d'une voiture volée.
01:04:40Et puis,
01:04:40on n'a plus rien compris
01:04:41du tout
01:04:41parce qu'on ne l'a retrouvé
01:04:42ce matin dans une carrière
01:04:43complètement écrasée
01:04:45avec un corps à l'intérieur.
01:04:48Je sais,
01:04:48une femme,
01:04:49j'ai lu les journaux.
01:04:52Tu la connaissais,
01:04:52toi,
01:04:52cette Thérèse d'Allemain ?
01:04:56Je ne connais pas
01:04:56tout le monde.
01:04:59Donc,
01:05:00virtuosité,
01:05:01vous avez bien remarqué,
01:05:02il n'y a pas besoin
01:05:02d'être très grand clair
01:05:03pour comprendre
01:05:04qu'il n'y a pas
01:05:05de montage du tout.
01:05:06Simplement,
01:05:08il est là,
01:05:08il tourne autour
01:05:09de la caméra,
01:05:10la caméra tourne autour
01:05:11de ses comédiens
01:05:11qui eux-mêmes
01:05:13ont été disposés,
01:05:14il leur a indiqué
01:05:14tout ce qu'il fallait faire
01:05:15et c'est un duo,
01:05:18enfin un trio même
01:05:19parce que de virtuosité
01:05:20incroyable.
01:05:21Donc,
01:05:22voilà pour le doublanc.
01:05:23Mais c'est quelqu'un
01:05:23qui vivait pour le cinéma ?
01:05:25Bien sûr.
01:05:25Qui était obsédé
01:05:28par le cinéma.
01:05:28Oui,
01:05:29il disait ceci,
01:05:29il disait,
01:05:30il faut être
01:05:30oppomaniaque,
01:05:32c'est-à-dire,
01:05:33oppo,
01:05:34opus,
01:05:34l'oeuvre,
01:05:35maniaque,
01:05:36maniaque de l'oeuvre.
01:05:37Il ne faut penser qu'à ça,
01:05:38il n'y a que ça qui compte,
01:05:40au point même
01:05:40qu'il n'a jamais voulu
01:05:41avoir d'enfant,
01:05:42il était marié
01:05:42à une femme merveilleuse
01:05:44qui s'appelait Florence,
01:05:45il n'a jamais voulu
01:05:46avoir d'enfant
01:05:47parce que pour lui,
01:05:48avoir un enfant
01:05:48l'aurait un peu éloigné
01:05:50de son obsession,
01:05:52de sa manie totale
01:05:53qui est faire des films,
01:05:54faire du cinéma.
01:05:56Et les faire,
01:05:57par exemple,
01:05:58dans un autre chef-d'oeuvre
01:05:59qui a été le grand,
01:06:01le deuxième énorme succès
01:06:02de Jean-Pierre,
01:06:03qui s'appelle
01:06:03Le Cercle Rouge,
01:06:05qu'on peut appeler
01:06:05le film du hold-up
01:06:07par excellence.
01:06:08C'est-à-dire,
01:06:09il y a 20 minutes
01:06:10sans parole,
01:06:12Place Vendôme
01:06:12à haut-deuble
01:06:13dans les toits
01:06:14et dans les caves
01:06:15dans une bijouterie
01:06:16extraordinaire.
01:06:17Et surtout,
01:06:18il y a,
01:06:18là encore,
01:06:19un casting d'acier,
01:06:21André Bourville,
01:06:22qu'il appelle
01:06:23André Bourville,
01:06:25Delon,
01:06:26Yves Montand,
01:06:27François Perrier,
01:06:28Yves Montand,
01:06:29qui pour une fois est bon,
01:06:31et quelques autres.
01:06:34Un extrait
01:06:34du Cercle Rouge.
01:06:35A cette heure-ci,
01:06:46il n'y a plus que la chance
01:06:47qui peut.
01:06:47On sait qu'elle n'a pas
01:06:48beaucoup de veines,
01:06:49la chance.
01:06:51Monsieur Maté,
01:06:52vous ne saviez pas
01:06:53qu'un suspect
01:06:54doit être considéré
01:06:55comme un coupable?
01:06:56Pas pour moi,
01:06:57monsieur l'inspecteur général.
01:06:59Il m'est passé entre les mains
01:07:00tant de suspects
01:07:01qui étaient innocents.
01:07:02Vous voulez rire?
01:07:04Il n'y a pas d'innocents.
01:07:05Les hommes sont coupables.
01:07:08Ils viennent au monde
01:07:09innocent,
01:07:11mais ça ne dure pas.
01:07:12Monsieur l'inspecteur général,
01:07:13mon directeur vient vous dire
01:07:15que seule la chance
01:07:16peut rattraper vos jeunes,
01:07:17dorénavant.
01:07:19La chance
01:07:20est moi, en vérité.
01:07:22Monsieur Matéi,
01:07:23je ne mets pas en doute
01:07:24votre bonne volonté.
01:07:26Par contre,
01:07:26permettez-moi
01:07:26de me montrer sceptique
01:07:27quant à l'efficacité
01:07:29dont vous faites preuve
01:07:30dans l'arrestation
01:07:31des coupables.
01:07:32Matéi a
01:07:33les meilleurs états de service
01:07:34de toute l'APJ
01:07:35depuis 15 ans.
01:07:36Oui, la belle affaire.
01:07:37On change en 15 ans.
01:07:39Croyez-vous que je sois
01:07:40resté le même
01:07:41depuis 1955?
01:07:43Nous changeons tous
01:07:44en mal.
01:07:47Je suis tout prêt
01:07:48à offrir ma démission.
01:07:48C'est trop facile.
01:07:51Au contraire,
01:07:52je vous charge
01:07:52de retrouver vos jeunes
01:07:53par tous les moyens
01:07:54et quoi qu'il vous en coûte.
01:07:56Vous le connaissez mieux
01:07:57que personne dans la maison.
01:07:59Un voyage à deux,
01:08:00en wagon-lit,
01:08:01ça crée des liens.
01:08:03Même un voyage
01:08:04interrompu.
01:08:06Bien,
01:08:07je le retrouverai.
01:08:09J'en suis absolument certain.
01:08:11Je vous le souhaite
01:08:12à tous les deux
01:08:12puisque vous portez garant
01:08:15de votre subordonnée,
01:08:16mon cher directeur.
01:08:17C'est exact.
01:08:19Je m'apporte garant.
01:08:27Et n'oubliez jamais
01:08:28tous coupables.
01:08:31Même les policiers.
01:08:32Tous les hommes,
01:08:33M. Maté.
01:08:35Tous les hommes.
01:08:37C'est peut-être aussi
01:08:38la définition de ma vie.
01:08:39Oui, mais c'est important
01:08:40de montrer cet extrait,
01:08:42même s'il peut paraître
01:08:43quelque peu surprenant
01:08:45quand on évoque
01:08:46le cercle rouge
01:08:47parce qu'on s'attend plus
01:08:47à un extrait
01:08:49avec de l'action,
01:08:50si je puis dire.
01:08:50Mais on voulait
01:08:51vous le montrer
01:08:52parce qu'en fait,
01:08:54Melville,
01:08:54il a pris le polar
01:08:55qui a toujours été
01:08:58un peu considéré
01:08:59comme un genre B,
01:09:02un sous-genre.
01:09:04Manchette parlait
01:09:05à propos
01:09:06de la littérature policière,
01:09:09de la littérature
01:09:09de la main gauche.
01:09:10le polar au cinéma,
01:09:11ça pourrait être aussi
01:09:12du cinéma
01:09:14de la main gauche.
01:09:16Mais Melville,
01:09:17il a vraiment fait basculer
01:09:19le polar
01:09:19dans autre chose.
01:09:20C'est-à-dire
01:09:21que c'est devenu
01:09:22avec lui
01:09:22une sorte
01:09:24de chorégraphie
01:09:26de la solitude,
01:09:28de la mort.
01:09:28Oui, oui.
01:09:29Et une réflexion morale
01:09:31sur l'être humain.
01:09:32Oui, c'est ça,
01:09:32exactement.
01:09:33La preuve,
01:09:34cette séquence
01:09:34dans le bureau,
01:09:36vous avez à la fois
01:09:36le vice
01:09:37et l'expérience
01:09:39du patron de la police.
01:09:41Vous avez Bourville
01:09:42qui ose se défendre.
01:09:44Et vous avez donc
01:09:44les rapports humains,
01:09:45bien sûr.
01:09:46Melville,
01:09:46on ne peut pas arrêter
01:09:47Melville,
01:09:48il y a simplement
01:09:48des gens
01:09:48qui se tirent dessus.
01:09:50Il y a toute la complexité,
01:09:52l'ambiguïté
01:09:53des rapports humains.
01:09:55Alors,
01:09:55c'est tellement fort
01:09:56tout ça
01:09:57qu'il a influencé
01:09:58une très grande partie
01:09:59du cinéma mondial.
01:10:01Il était lui-même
01:10:02au début
01:10:02influencé
01:10:03par le cinéma américain
01:10:04et c'est un cinéma
01:10:06cycle tragique
01:10:07et typique.
01:10:09Depuis,
01:10:09ces films ont influencé
01:10:10le cinéma américain.
01:10:11Et il y a plusieurs exemples
01:10:13de méthodes
01:10:14en scène américains
01:10:15qui ont fait
01:10:16des références
01:10:17précises
01:10:17au cadrage
01:10:19ou à la lumière
01:10:20de Melville.
01:10:21Alors,
01:10:22on va pourrez
01:10:22deux petits extraits,
01:10:23c'est ça.
01:10:26On va commencer
01:10:26avec Ghost Dog,
01:10:28le film de Jim Jarmusch.
01:10:29Oui.
01:10:31Alors,
01:10:32je vous propose
01:10:32un petit jeu
01:10:33sur Ghost Dog.
01:10:34Combien de références
01:10:35à Melville
01:10:36dans l'extrait
01:10:37qu'on va vous montrer.
01:10:38On va voir.
01:10:39On va voir.
01:10:39à Melville,
01:10:44on va voir.
01:10:46Sous-titrage
01:10:46Sous-titrage MFP.
01:11:16Sous-titrage MFP.
01:11:46Sous-titrage MFP.
01:12:16Sous-titrage MFP.
01:12:46Sous-titrage MFP.
01:13:16Sous-titrage MFP.
01:13:46Real tight crew, huh?
01:13:48Real tight.
01:13:50Yeah, this works good.
01:13:51I'd consider going again, you know?
01:13:53Yeah.
01:13:54Stop talking, okay, Snake?
01:13:55How's he doing?
01:14:07100%.
01:14:09Right on schedule.
01:14:12Made a right on Venice Boulevard.
01:14:16We're a mile and a half from you.
01:14:17Okay.
01:14:18Okay.
01:14:21102.7, I can't stand there.
01:14:26Just crossed over the number one lane.
01:14:44300 yards from you now.
01:14:46Get set.
01:14:47I am.
01:14:58Here we go.
01:14:58Hit.
01:15:01Hit.
01:15:02Michael Mann.
01:15:02And how many others?
01:15:03Because he also influenced the cinema of Hong Kong.
01:15:06All the new cinema of Hong Kong is influenced by Jean-Pierre Melville.
01:15:12John Woo, The Killer.
01:15:13C'est un remake sauvage du Samouraï.
01:15:17John Woo a raconté en plus à quel point le look d'Alain Delon dans le Samouraï a influencé la société de Hong Kong.
01:15:26C'est-à-dire que tout le monde voulait être habillé comme Alain Delon dans le Samouraï.
01:15:35Mais il a aussi influencé, on l'oublie parfois, une grande partie du cinéma européen.
01:15:41Si vous regardez bien, par exemple, en Angleterre, il y a un film de Michael Winner qui s'appelle Le Flagueur avec Charles Bronson.
01:15:47Les dix premières minutes sont dix premières minutes complètement muettes, comme le Samouraï.
01:15:51Et il y a beaucoup de références aussi dans certains films du polar italien, notamment chez un metteur en scène qui s'appelle Fernando Dileo,
01:16:02qui fait beaucoup de références au cinéma de Melville.
01:16:05C'est vraiment, c'est la preuve d'un cinéaste qui traverse les frontières parce que justement, il parle de l'être humain finalement.
01:16:15Il est universel, tout simplement.
01:16:17En tout cas, pour finir, avant de vous donner le court interview qu'il donne à Godard dans un bout de souffle,
01:16:26je tiens à vous raconter effectivement ce qui a été mentionné tout à l'heure quand on a présenté cette session.
01:16:33Ma propre expérience de Jean-Pierre, c'est donc un développement extraordinaire d'une amitié, d'un mentor qui devient comme un père spirituel et comme un frère.
01:16:45Et je suis avec lui très très souvent et il est très malheureux parce qu'il essaie d'écrire un nouveau film après l'échec du flic.
01:16:52Il n'y arrive pas, je vais le voir tous les soirs et on dîne ensemble très très fréquemment.
01:16:57Et nous nous retrouvons un soir avec deux amis ES au PLM Saint-Jacques et on commence à dîner.
01:17:06Et il faut savoir que donc, puisqu'on le disait tout à l'heure, qu'on déconnait beaucoup Jean-Pierre et moi.
01:17:10On se faisait des blagues, on faisait les oeuvres.
01:17:14Et à un moment donné, je me retourne vers lui et je lui fais une blague, je ne sais plus laquelle.
01:17:17Et il se met à rigoler et tire la langue rigolant.
01:17:21Le seul problème, c'est que la langue, il continue de la tirer.
01:17:23Comme ça.
01:17:26Et tout d'un coup, je me dis, mais il se passe quelque chose.
01:17:29Jean-Pierre, Jean-Pierre.
01:17:30Et il est là, complètement figé.
01:17:32En fait, il est en train de faire ce qu'on appelle une rupture d'anévrisme.
01:17:36Donc, il est énorme, il pèse 100 kilos.
01:17:38Donc, je descends de sa chaise sur le sol et j'essaie d'appeler quelqu'un en disant, est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle ?
01:17:45Est-ce qu'il y a un toubi dans la salle ?
01:17:46Il n'y avait personne, mais il y a, comme par hasard, un jeune homme qui arrive, qui est américain, qui dit, je suis life saver, je sais comment on fait.
01:17:54Et il essaie donc de le faire respirer.
01:17:58Il n'y arrive absolument pas.
01:18:00Bref, Samuel arrive et Jean-Pierre va à l'hôpital.
01:18:04Pas loin d'ici, on est dans le quartier des hôpitaux.
01:18:08Salle Pétrière.
01:18:09Voilà, Salle Pétrière.
01:18:10Et donc, là, on attend et j'appelle Flo, sa femme qui était à la campagne et qui arrive, bien sûr.
01:18:16Les deux amis ont disparu très discrètement, ils ont eu raison.
01:18:22Et là, deux choses.
01:18:24D'abord, ils me disent, écoutez, c'était votre ami ?
01:18:28Je dis, comment c'était ?
01:18:30Parce que déjà, il parle de lui à l'imparfait.
01:18:33Il me dit, écoutez, il valait mieux qu'il ne se réveille pas parce que ça, c'était un légume.
01:18:39La rupture de l'anévrisme était très violente et tout avait explosé dans son cerveau.
01:18:43Là-dessus, je suis revenu au PLM avec les clés de la Rolls.
01:18:51Parce qu'il y avait une Rolls, Jean-Pierre, parce qu'il adorait ça.
01:18:53Et je me suis assis au volant de la Rolls pour la ramener Grigénère.
01:19:04Vous voyez, quand je vous en parle encore, aujourd'hui, je suis ému.
01:19:07Parce que j'étais au volant de la bagnole de Montmintor et il y avait sur le fauteuil de droite le chapeau.
01:19:17Donc j'étais avec lui.
01:19:19Et j'ai ramené la voiture Grigénère.
01:19:23Et tout a démarré.
01:19:26Tout le monde a su comment s'il était passé.
01:19:28Alain Delon, qui était à l'autre bout de la France,
01:19:31est venu à travers toute la nuit.
01:19:35Il est arrivé.
01:19:36Il s'est littéralement revoutré sur l'escalier.
01:19:38Il avait un mezzanine dans son appartement religionnaire.
01:19:44Bref, ça a été un désastre.
01:19:46Mais il est parti parce qu'il avait un cœur très, très fatigué.
01:19:52C'était génétique.
01:19:55Son père lui-même a eu aussi des soucis.
01:19:57Il était mort au bout d'un quai de gare.
01:19:59Oui.
01:19:59D'une crise cardiaque.
01:20:01Et il était trop gros.
01:20:02Il ne s'occupait jamais de son physique.
01:20:06Jamais de sa santé.
01:20:09Son opomanie, son obsession de l'œuvre, l'emportait sur tout.
01:20:14Et au fond, c'est une très belle fin.
01:20:18C'est une fin moliresque.
01:20:20Il meurt sur scène.
01:20:22Et ça m'a marqué toute ma vie.
01:20:25Et c'est une des raisons aussi pour lesquelles
01:20:26j'étais très heureux de vous présenter cette masterclass.
01:20:31D'abord parce que, encore une fois, objectivement,
01:20:34nous avons à faire un très, très, très grand metteur en scène
01:20:36qui dépasse les décennies et qui rentre dans l'histoire.
01:20:40Et ensuite, parce que c'est un peu...
01:20:44C'est notre Melville à nous.
01:20:45Parce que je vous signale que Tessier, c'est un cinglet de Melville.
01:20:48Il a écrit trois bouquins sur lui.
01:20:50Il en sait plus que moi.
01:20:53Voilà.
01:20:53Mais ce qui est toujours fascinant avec vous, Philippe,
01:20:56c'est votre curiosité pour Jean-Pierre Melville.
01:20:59C'est-à-dire que pour Melville, vous arrêtez tout.
01:21:02Si je vous envoie quelque chose que vous n'avez pas lu,
01:21:07pas vu, une page d'un scénario que j'ai pu retrouver,
01:21:11vous arrêtez tout pour le voir.
01:21:14Et vous avez une fidélité à Melville qui est tout à fait exceptionnelle.
01:21:17Ça me semble normal.
01:21:19Ça arrive dans toutes les vies, je crois.
01:21:21On a toujours plus ou moins un jour la chance
01:21:24de rencontrer un mentor.
01:21:27J'en ai eu beaucoup plus sur ma vie.
01:21:28Et mon vrai mentor, mon vrai père spirituel,
01:21:31c'est évidemment mon propre père, Jean Labreau,
01:21:33un homme admirable.
01:21:34Mais il est vrai que Jean-Pierre était un peu mon père de substitution
01:21:37quand mon père n'était plus là.
01:21:39Voilà.
01:21:40Merci beaucoup à vous tous et toutes.
01:21:42Alors.
01:21:51La question, évidemment, c'est who's next ?
01:21:55On n'a pas encore décidé.
01:21:56Logiquement, après un metteur en scène plutôt homme,
01:21:59plutôt viriliste, plutôt macho,
01:22:03on va peut-être aller chez une femme, mais laquelle ?
01:22:05Il faudra décider, ma chère Céline.
01:22:08Voilà.
01:22:08En tout cas, merci de votre présence et de votre attention.
01:22:12Merci à vous.
01:22:13Merci à tous.
01:22:14Merci à Bertrand Tessier.
01:22:16Et merci à Philippe Lavrault.
01:22:17Merci.
01:22:18Merci.
01:22:19Merci.
01:22:20Merci.
01:22:21Merci.
01:22:22Merci.
01:22:23Merci.
01:22:24Merci.
01:22:25Merci.
01:22:26Merci.
01:22:27Merci.
01:22:28Merci.
01:22:29Merci.
01:22:30Merci.
01:22:31Merci.
01:22:32Merci.
01:22:33Merci.
01:22:34Merci.
01:22:35Merci.
01:22:36Merci.
01:22:37Merci.
01:22:38Merci.