Thierry Breton, ancien ministre de l’Économie et ancien commissaire européen au marché intérieur, était l’invité de BFM Politique ce dimanche 4 mai. Il s’est notamment exprimé sur la situation d'Arcelor Mittal.
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00:00Si c'était une solution, ça se saurait. Si jamais on fait des nationalisations, généralement, et l'histoire nous instruit de cela,
00:09c'est parce qu'il y a une situation difficile pour une entreprise là, c'est une situation qui est difficile, sans doute manque d'investissement,
00:16mais aussi, d'un point de vue, on le sait, réglementaire. On sait qu'aujourd'hui, on produit de l'acier beaucoup plus cher en Europe
00:23parce que nous avons des contraintes, en particulier des contraintes écologiques, en particulier des contraintes, on le sait, de décarbonation,
00:31et qu'évidemment, la concurrence n'est pas loyale entre ce qui est produit, en particulier dans les pays d'Asie du Sud-Est, et particulièrement l'Asie n'est pas que...
00:37Donc l'État ne peut plus rire ?
00:39Non, ce que je dis, c'est que quand on fait une nationalisation, c'est généralement qu'on est dans une situation difficile et qu'il faut faire des restructurations.
00:45Donc, les nationalisations, c'est fait pour faire des restructurations, hélas, et certainement pas pour sauver des situations.
00:50Et donc, la nationalisation n'est pas la solution, puisqu'encore une fois, si on fait une nationalisation, de toute façon,
00:58l'actionnaire et donc l'entreprise et son management devront faire face à cette situation, et on sait que ça se durera vraisemblablement par des restructurations.
01:07Donc, ce n'est pas la solution. La solution, c'est ce qui se passe à nos frontières.
01:11Il faut être beaucoup plus, du reste, je dirais, déterminé que ce qu'on voit aujourd'hui.
01:15La taxe carbone aux frontières, il faut y aller. Il ne faut pas être timide.
01:18Il faut qu'on parle en réciprocité, surtout aujourd'hui, où on a des discussions avec la Chine qui sont importantes.
01:23La Chine a des surplus à la suite de la politique tarifaire américaine.
01:27Elle va vouloir les écouler en Europe. On est en position de force.
01:31Amandine Attalay, une question pour vous.
01:32Oui, non, mais concurrence déloyale, je voulais vous demander, en fait, comment est-ce qu'on la rend plus loyale, précisément ?
01:38Qu'est-ce qu'on peut faire vis-à-vis de la Chine, notamment ?
01:40Par une solution très simple. C'est-à-dire que nous avons mis des contraintes nous-mêmes.
01:44Les entreprises qui produisent de l'acier en Europe ont des contraintes de décarbonation.
01:50Et c'est bien. Ça nécessite des investissements.
01:52Alors, c'est l'hormital, c'est 4 à 5 milliards.
01:54Des investissements importants pour décarboner.
01:55Du reste, ils ont dit, c'est un peu inquiétant, qu'ils avaient suspendu leur projet de décarbonation à Dunkerque.
02:01Ça m'inquiète. Donc, ils en ont malgré tout entre 4 et 5 milliards.
02:04Donc, il faut ces projets d'investissements importants, qui ne sont pas des investissements productifs en tant que tels,
02:10c'est des investissements, encore une fois, pour respecter les contraintes environnementales
02:14et notamment de lutte contre le réchauffement climatique, qui sont importantes.
02:17La question, pour nous, c'est accès à notre marché intérieur.
02:21Oui, le plus grand aujourd'hui en Europe, mais avec la réciprocité.
02:25Donc, si jamais on vient en Europe, il faut effectivement s'assurer que les contraintes
02:29que nous nous imposons, nous, que nous imposons à nos entreprises, sont respectées.
02:34Et si c'est irréaliste, eh bien, une taxe carbone, ça s'appelle précisément la taxe CO2.
02:38C'est celle que je veux voir maintenant, avec beaucoup appliqué, avec plus de vigueur, parce qu'elle nous protégera.
02:43Mais ça, Thierry Breton, on l'entend depuis des années.
02:45On entend aussi les oppositions qui constatent aujourd'hui, font ce constat,
02:49elles disent désertification industrielle, ça c'est Marine Le Pen.
02:52Les écologistes disent on a laissé crever l'industrie.
02:55Vous avez été en charge et en France et en Europe.
02:58Alors, est-ce qu'en France, lorsque vous étiez en charge, vous n'avez pas contribué à cette désindustrialisation ?
03:04Non, je ne vois absolument pas...
03:06Parce que ça fait quand même plusieurs décennies qu'on est dans cette spirale.
03:09Oui, mais encore une fois, c'est les entreprises elles-mêmes qui sont maîtres de leur destin.
03:13Il faut leur laisser, évidemment, cette capacité de le faire.
03:17Aujourd'hui, ce que je dis, c'est que pour faire de l'acier, il faut de l'énergie et de l'énergie pas chère.
03:24Il faut avoir des contraintes qui soient des contraintes de réciprocité.
03:28Avec ceux qui n'ont pas les mêmes obligations que nous, il faut le faire respecter et il faut les investissements précisément nécessaires en amont.
03:34Ça, effectivement, c'est ce qui est à la main de l'État.
03:37Alors, aujourd'hui, l'énergie pas chère, oui, il faut continuer.
03:41Il faut faire l'Europe de l'énergie, encore plus que ce que nous faisons aujourd'hui.
03:44Il faut avoir des capacités, évidemment, d'avoir les outils nécessaires aussi pour avoir l'accès au financement, pour porter sur le long terme.
03:53On en revient du reste un petit peu à ce qu'on disait sur les retraites par capitalisation.
03:56Au niveau européen, et de faire l'Europe des capitaux, c'est ce qui nous manque aujourd'hui.
04:00On est trop fragmenté, on n'a pas cette profondeur, y compris précisément pour permettre aux entreprises d'avoir des projets de long terme et les financer.
04:07Et ce n'est pas à l'État le faire, c'est précisément à la sphère publique, donnons-nous les moyens de la puissance que nous sommes.