Le Centre national de la recherche scientifique lance "Choose CNRS", un programme pour attirer des chercheurs étrangers en France dont le travail est menacé. Il s'inscrit dans l'initiative lancée par l'exécutif "Choose France for science", après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Pour en parler, le président-directeur général du CNRS, Antoine Petit est l'invité événement de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 02 mai 2025.
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00:00Yves Calvi, Aude Vernuccio, RTL Soir.
00:03Il est 18h17, bonsoir Antoine Petit, vous êtes le PDG de notre prestigieux CNRS,
00:08Centre National de la Recherche Scientifique.
00:10Merci de prendre la parole ce soir sur RTL.
00:13Le CNRS lance un programme pour attirer des scientifiques étrangers
00:16dont le travail est menacé. Expliquez-nous cette démarche.
00:20Alors en fait, le CNRS a l'habitude de recruter des chercheurs étrangers,
00:23on en recrute un tiers parmi nos chercheurs permanents chaque année.
00:27C'est vrai que la situation dans plusieurs pays, les Etats-Unis bien sûr,
00:32mais malheureusement ce n'est pas le seul pays, on peut penser aussi à l'Argentine
00:36et d'autres pays, fait que ça nous a semblé intéressant de faire mieux connaître
00:41l'offre CNRS pour permettre à des chercheurs et des chercheuses
00:45de venir passer quelques années en France, voire de s'y installer
00:49en leur faisant état des avantages qu'il peut y avoir, des intérêts qu'il peut y avoir
00:55à venir travailler en France et en Europe.
00:57Bon, je pense qu'évidemment, vu les circonstances politiques,
01:00vous pensez en particulier aux Etats-Unis, même si on a bien compris
01:03que vous aviez d'autres pays qui étaient visés.
01:06Être scientifique aux Etats-Unis, est-ce que c'est devenu une profession à haut risque selon vous ?
01:11C'est difficile, c'est devenu difficile dans certaines disciplines.
01:16Des disciplines comme la climatologie, comme les gens qui travaillent sur la biodiversité,
01:21mais aussi dans certaines disciplines qui viennent à la santé,
01:23il y a des coupes budgétaires extrêmement importantes.
01:27Et donc, malheureusement, c'est devenu difficile pour un certain nombre de collègues.
01:31Et puis, il y a aussi des collègues qui ne sont pas nécessairement spécialistes
01:36de disciplines mises en danger, mais qui font état d'un certain malaise à rester aux Etats-Unis.
01:43Pas d'ailleurs nécessairement des chercheurs américains, mais des chercheurs français ou des chercheurs européens
01:49qui avaient fait le choix des Etats-Unis et qui n'ont plus nécessairement envie d'y vivre ou d'y élever leurs enfants.
01:56Donc, on a aussi un certain nombre de collègues qui se renseignent,
01:59même si leurs disciplines propres ne sont pas les plus remises en question par l'administration de Trump.
02:04Au point de devoir chercher une terre d'accueil, si j'ose dire.
02:07Oui, alors la recherche, elle est mondiale.
02:10On a l'habitude de collaboration internationale.
02:13Donc, le fait de voyager, ce n'est pas quelque chose d'absolument extraordinaire pour un chercheur ou une chercheuse.
02:19Maintenant, le fait de quitter son pays natal ou le pays où on travaille
02:25pour venir s'installer dans un autre pays à quelques milliers de kilomètres,
02:28on comprend que ce n'est pas une décision anodine, c'est une décision familiale.
02:32Et donc, il faut savoir accompagner les chercheurs et les chercheuses dans toutes les facettes
02:36et pas seulement la facette scientifique.
02:38Mais vous qui êtes en contact avec eux à longueur d'année,
02:42très sincèrement, les chercheurs et universités américaines ont peur pour leur avenir ?
02:47Certains ont peur pour leur avenir.
02:50Je crois que tout le monde a été sidéré.
02:52C'est quand même allé très, très vite.
02:53On a fêté, si je peux dire, les 100 jours de l'administration Trump cette semaine.
02:58Personne n'imaginait que ça allait aller aussi vite et que ça allait être aussi violent.
03:03Donc aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui, encore une fois, ont été sidérés,
03:07sont parfois tétanisés et qui s'interrogent.
03:11Donc, ça nous a semblé important de leur faire état de l'offre qu'on peut avoir
03:15et puis de réfléchir avec ceux qui prendront cette décision.
03:19Probablement qu'un certain nombre d'entre eux réfléchissent
03:21et puis qu'à la fin, ils resteront aux États-Unis
03:22parce que ça n'est pas si simple de déménager.
03:25Mais encore une fois, venir quelques années en France ou en Europe,
03:30c'est une possibilité qu'on souhaite offrir.
03:32Et puis, même si ces gens repartent après,
03:34ils auront tissé des collaborations avec les équipes françaises,
03:37avec nos laboratoires,
03:39et ça ne pourrait être que bon pour la recherche française.
03:42Vous venez d'employer un terme quand même très important, tétanisé.
03:45Il faut répondre à un certain nombre de critères pour pouvoir nous rejoindre.
03:48Vous êtes en train de créer un asile politique
03:50pour les scientifiques qui veulent échapper au trumpisme.
03:52Ça fait partie des questions qu'on se pose quand même ?
03:55Alors non, nous au CNRS, notre critère numéro un,
03:57il est la qualité scientifique, c'est-à-dire qu'on a un organisme
04:01qui se veut élitiste dans le bon sens du terme
04:04et personne ne comprendrait que nous recrutions des gens moins bons
04:09que ceux que nous recrutons d'habitude juste pour des raisons politiques.
04:13Ça ne marche pas comme ça.
04:15Donc, notre critère numéro un sera que les gens qui vont nous rejoindre
04:19apportent un plus par rapport aux équipes
04:22et aux chercheurs et aux chercheuses qui sont déjà en poste.
04:25Pour nous, ça, c'est la condition numéro un.
04:28Ça peut être dans tous les domaines,
04:30même si un certain nombre de domaines ont été affichés comme prioritaires.
04:34Ça peut être dans tous les domaines.
04:36Et ça va être ça, notre critère.
04:38Nos critères numéro un, c'est la qualité scientifique
04:41et bien sûr l'envie de venir s'installer en France.
04:44Et on peut se demander pourquoi des chercheurs et des chercheuses
04:46ont envie de s'installer en France ou en Europe.
04:48Il faut être conscient du fait que chercheur ou être chercheur ou chercheuse,
04:52c'est un exercice qui n'est pas individuel, c'est un exercice collectif.
04:55Vous avez besoin de collègues, vous avez besoin d'étudiants bien formés,
04:59vous avez besoin d'équipements, de ce qu'on appelle les infrastructures de recherche.
05:03Et tout ça existe en France,
05:05même si c'est vrai que les salaires ne sont peut-être pas notre...
05:07C'est ce que j'allais vous demander.
05:09Ôtez-nous un doute.
05:10Est-ce que vous avez le budget pour accueillir ces scientifiques de talent ?
05:13Alors, on va les payer comme on paye ceux qu'on recrute d'habitude.
05:16On ne va pas avoir deux catégories.
05:19Ah oui, parce que sinon, vous allez créer des grèves au CNRS, je vous le dis tout de suite.
05:22Oui, et pas seulement d'ailleurs, bien sûr.
05:26Maintenant, si l'argent était la motivation première des chercheurs et des chercheuses,
05:30ils auraient fait un autre métier.
05:32Maintenant, c'est des gens normaux qui ont besoin de vivre.
05:34Et donc, il faut qu'on soit capable de les accompagner.
05:36Ce qui est important aussi, c'est d'être capable de leur donner la possibilité,
05:40notamment pour les plus seniors d'entre eux,
05:42peut-être de venir avec leur doctorat, avec leur post-doc,
05:45c'est-à-dire de faire venir toute une équipe et pas seulement le responsable de l'équipe.
05:51Et ça, ça sera très clairement un élément d'attractivité
05:54pour faire venir celles et ceux qui envisagent de venir en France.
05:57Alors, on pense évidemment aux Américains à cause de Donald Trump.
06:00Mais j'ai envie de vous demander en quoi la France est-elle plus attractive que le Canada,
06:04qui est quand même beaucoup plus proche pour les chercheurs américains ?
06:08Si vous voulez, je pense qu'il y en aura.
06:09Très franchement, je pense qu'il y en aura pour tout le monde,
06:11parce qu'il y a beaucoup de scientifiques aux États-Unis, pas d'ailleurs nécessairement américains.
06:17Il y a beaucoup de chercheurs d'autres nationalités qui ont des postes de responsabilité aux États-Unis.
06:22Un certain nombre d'entre eux auront envie d'aller au Canada, d'autres en Allemagne, d'autres en Angleterre.
06:26Certains auront envie de venir en France pour des raisons personnelles, pour des raisons historiques.
06:31Et je crois qu'encore une fois, il faut être capable de faire cette proposition d'offre.
06:35Comme je vous le disais au début, on recrute chaque année un tiers de nos chercheurs permanents à l'étranger,
06:40ce qui veut dire qu'on est attractif et on a des très bonnes équipes dans plusieurs domaines.
06:45On est leader dans certains domaines.
06:48Lesquels ? Je suis sûr que c'est intéressant pour nos auditeurs de le savoir,
06:51parce qu'on ne sait pas toujours ce qui se passe de bien chez nous.
06:55D'abord, on a des chercheurs et des chercheurs de qualité dans à peu près tous les domaines.
07:01Maintenant, c'est vrai que la France est un pays dans lequel on parle souvent de l'école mathématique française,
07:05de l'école informatique française.
07:07On est très bon aussi en astronomie.
07:11On est bon sur tout ce qui est climat, écologie.
07:14Mais on a aussi des très bonnes équipes en physique, en chimie, en biologie,
07:19en sciences humaines et sociales, bien entendu.
07:21Je crois qu'on reste un grand pays scientifique.
07:24Je crois qu'il faut en être fier.
07:26Et qu'un grand pays scientifique, ça attire les meilleurs.
07:29Parce qu'encore une fois, les meilleurs ont besoin de se confronter à des gens qui sont très bons.
07:34C'est de là que naissent les idées originales.
07:39Et c'est pour ça qu'on espère bien qu'on va réussir à accueillir,
07:42non pas des centaines, mais quelques dizaines de chercheurs et de chercheuses
07:47qui auront envie de faire le pari de la France.
07:49Alors, je vous repose encore la question.
07:51Est-ce que vous allez déclencher d'une façon ou d'une autre quand même
07:54des postes en plus, vu les missions historiques et déjà très importantes du CNRS ?
07:58Alors, ce qu'on espère, c'est que grâce au sommet qui aura lieu lundi,
08:04qui est à la fois Choose France, mais aussi Choose Europe for Science,
08:08on puisse bénéficier de quelques crédits supplémentaires
08:11qui nous permettront d'en accueillir un petit peu plus.
08:15Je comprends mieux pourquoi vous êtes particulièrement préoccupé en ce moment.
08:19Est-ce que c'est un engagement qui est le vôtre ?
08:23Je voulais vous dire par là, est-ce que ça ne devrait pas d'abord être européen, cet engagement ?
08:28Moi, je crois que ça doit être dans toutes les dimensions.
08:31La dimension Europe, la dimension France, mais aussi la dimension établissement.
08:35Parce qu'à un moment, il y a une relation entre l'employeur, en l'occurrence le CNRS,
08:40et les gens qui vont nous rejoindre.
08:42Parce que la négociation, c'est une négociation comme dans tout contrat,
08:46entre la personne qui emploie et la personne qui est employée.
08:49Et donc, à un moment, c'est très bien qu'il y ait un sommet Choose Europe.
08:55Ça me semble extrêmement important.
08:57C'est extrêmement important également qu'il se décline au niveau français.
09:00Mais à un moment, si on veut être très opérationnel,
09:03et nos collègues des États-Unis ou d'autres pays,
09:06à un moment, ils vont rentrer dans le vif, si je peux dire, dans le dur, si je peux me permettre.
09:11Et c'est important qu'un organisme comme le CNRS, qui emploie des gens,
09:15puisse dire, oui, dans le cadre de Choose Europe, dans le cadre de Choose France,
09:20voilà les offres qu'on peut vous faire, voilà les salaires qu'on vous propose,
09:24voilà les environnements qu'on peut vous offrir.
09:27Et je crois qu'il y a une vraie complémentarité entre l'Europe, la France et les acteurs sur le terrain.
09:32L'appel est parfaitement entendu.
09:34Merci beaucoup Antoine Petit, PDG du CNRS.
09:37Dans un instant sur RTL, on vous emmène au parc zoologique de Paris,
09:40avec des animaux pas si bêtes, et même dotés d'une intelligence stupéfiante.
09:43Loup, Babouin ou encore Otari, nous surpassent dans bien des domaines.
09:47A tout de suite sur RTL.