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Anne Bocandé, directrice éditoriale de Reporters sans frontières, était l'invitée de France Inter vendredi 2 mai. RSF publie son classement annuel de la liberté de la presse et alerte particulièrement cette année sur les pressions économiques qui menacent le secteur.

Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00Et la première invitée de la matinale à votre micro, Marion, elle est journaliste et directrice éditoriale de Reporters sans frontières.
00:07Et à la veille de la journée mondiale sur la liberté de la presse, elle vient nous parler du classement qu'RSF publie à l'instant.
00:13Bonjour Anne Bocandé.
00:14Bonjour.
00:15La liberté de la presse, c'est-à-dire le fait pour les journalistes de pouvoir travailler sans entrave ou sans trop d'entrave,
00:20cette liberté, elle se dégrade encore cette année, elle devient difficile à l'échelle mondiale.
00:26En effet, malheureusement, c'est ce qu'on révèle en effet ce matin.
00:31La situation de la liberté de la presse se dégrade partout dans le monde.
00:34On passe évidemment là en difficile, c'est-à-dire pour bien matérialiser, c'est que plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans un pays
00:42où la liberté de la presse n'est pas garantie, où exercer le métier de journaliste est dangereux.
00:47Alors évidemment, on pense à Gaza, tout de suite à la Palestine, qui est le territoire le plus dangereux pour les journalistes.
00:52200 confrères, consœurs tués depuis octobre 2023, dont plusieurs, on a pu identifier qu'ils avaient été ciblés parce que journalistes,
00:58donc parce qu'ils veulent nous informer sur ce qui se passe à Gaza.
01:00On pense aussi, quand on pense à la population mondiale, à des grands pays fortement peuplés comme la Chine,
01:06en queue de classement cette année, 100 confrères, plus de 100 confrères et consœurs détenus.
01:11En Chine, plus grande prison du monde pour les journalistes.
01:14On pense aussi à la Russie, 40 confrères et consœurs au moins emprisonnés en Russie,
01:18plus de 1500 confrères et consœurs obligés de s'exiler depuis 2022 pour exercer leur métier.
01:24Et là, vous parlez du risque auquel on pense spontanément, le risque physique, le risque corporel,
01:30le risque pour son intégrité physique, le besoin de s'exiler aussi.
01:35Mais il y a d'autres choses qui font pression sur la liberté de la presse.
01:39Vous vous intéressez particulièrement à l'économie cette année avec l'indicateur économique
01:45qui tire le score général de la liberté de la presse vers le bas, c'est-à-dire ?
01:49C'est-à-dire que la soutenabilité économique des médias ne devrait pas être un luxe.
01:54Et pourtant, aujourd'hui, on voit que dans environ 160 pays sur 180,
01:59donc grande majorité, clairement, la pérennité économique des médias n'est pas garantie.
02:04Et ça, en effet, c'est une entrave aussi au bon exercice du métier de journaliste.
02:08Et in fine, de pouvoir être bien informé parce que les journalistes, les médias,
02:12ont les moyens de travailler.
02:14Aujourd'hui, ce score économique qui se dégrade, il y a plusieurs facteurs à cela.
02:16On peut l'identifier de plusieurs manières.
02:18D'abord, par aussi la fragilisation des aides publiques aux médias,
02:22soit leurs restrictions, soit leur conditionnalité de plus en plus à des ingérences politiques.
02:29Il y a aussi la question de la captation des recettes publicitaires par les plateformes.
02:33Donc aujourd'hui, on voit bien les algorithmes.
02:35Ils valorisent surtout la question de l'influence, la question de la réputation,
02:38mais non pas de l'information fiable.
02:40Donc ils captent l'information du journalisme sans pour autant le redistribuer.
02:43Donc ça, c'est une pression aussi économique sur les médias.
02:46Et puis on voit aussi des lois répressives, des règlements qui vont capter aussi,
02:50en tout cas par l'économie, pressuriser les médias.
02:52On le voit en Géorgie, on le voit en Azerbaïdjan, on le voit en Guinée,
02:55où des licences ont été retirées à des médias indépendants.
02:58Et puis d'un coup, 700 journalistes ne peuvent plus travailler, ne peuvent plus informer.
03:01Donc ça fait partie des pressions économiques.
03:04Et puis il y a aussi la question de la concentration des médias.
03:06De plus en plus aussi, on le voit dans différents pays.
03:09Concentration des médias, ça veut dire quoi ?
03:10Ça veut dire que quelques propriétaires aujourd'hui disposent des médias,
03:14avec parfois des intérêts privés par ailleurs.
03:17Donc le média, l'information, c'est un intérêt général.
03:19Mais quand les propriétaires ont d'autres intérêts,
03:21que ce soit la vente d'armes, des investissements dans des ports ou dans tout autre type d'activité,
03:26on peut se questionner sur le rapport de force qu'il peut y avoir à cet endroit-là.
03:30Et puis une menace évidemment pour le pluralisme.
03:31On le voit dans des pays comme le Liban, comme le Sénégal.
03:34Et aussi, on le voit en France aujourd'hui,
03:36où quelques fortunes ont la propriété d'une grande partie des médias.
03:41Et il y a des médias qui ferment ?
03:42Alors il y a des fermetures massives, vous le dites,
03:44au Nicaragua, au Belarus, en Iran, en Afghanistan,
03:48où l'économie qui s'ajoute en fait aux questions politiques,
03:51et puis même aux Etats-Unis ?
03:53La question en effet de la fermeture économique des médias,
03:55la fermeture des médias pour des raisons économiques,
03:57est en effet un des signals d'alarme sur la question de la pressurisation économique.
04:01Comme vous le dites, on le voit dans des pays où la répression politique vient amplifier cela.
04:05Mais oui, en effet, dans des pays comme les Etats-Unis,
04:08qui par ailleurs ne sont pas très bien classés,
04:09ils sont 57e, il s'était déjà dégradé l'année dernière,
04:13il continue de se dégrader.
04:14On voit en effet des centaines de médias qui ont disparu,
04:17des médias locaux principalement dans certains Etats.
04:20Et de fait, là où il n'y a plus d'accès à l'information fiable,
04:23la désinformation peut prendre toute sa place.
04:25Et là, c'est un signal particulièrement inquiétant.
04:28Sur la question économique,
04:30quelque chose qui va peut-être intéresser nos auditeurs,
04:31vous dites que le financement de l'audiovisuel public devient un test décisif
04:35quand vous voyez que la France a supprimé la redevance,
04:37donc mis en cause de la pérennité de ce financement.
04:39Qu'est-ce que ça vous inspire ?
04:41La question des aides publiques est véritablement constitutive
04:45de la problématique du financement des médias.
04:47Puisque aujourd'hui, on voit qu'en effet,
04:49la question de la France, la France n'a pas réglé cette problématique aujourd'hui
04:52et n'a pas encore trouvé la solution pour assurer...
04:54Elle le règle chaque année dans le cadre de la discussion budgétaire.
04:57C'est ça, mais il n'y a pas de pérennité assurée,
04:59une stabilité assurée.
05:01Et ça, c'est en effet un signal d'alarme pour nous
05:03et une question qu'il faut prendre à bras-le-corps.
05:05Anne Bocandé, journaliste et directrice éditoriale de Reporters sans frontières,
05:09merci beaucoup de nous avoir répondu sur Inter à propos de ce classement
05:12sur la liberté de la presse.

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