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00:00Il est 7h10, merci d'avoir choisi Europe 1. Très bon début de journée, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'éditorialiste éco d'Europe 1, Agnès Verdier-Molinier.
00:09L'édito éco avec Banque Populaire, engagée aux côtés de ceux qui entreprennent.
00:14Bonjour Agnès.
00:15Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:17Alors d'habitude on vous retrouve à 7h20 pour votre édito ce matin, format entretien.
00:21On va prendre un petit peu de temps car vous êtes aussi, on le rappelle, la directrice de la fondation IFRAP qui passe au crible les dépenses publiques.
00:28Alors il se trouve que le gouvernement, Agnès, veut faire du ménage dans son organisation.
00:32C'est ce qu'a annoncé Amélie de Montchalin, la ministre des comptes publics, ce dimanche au grand rendez-vous sur CNews et Europe 1.
00:38Dans le collimateur de Bercy, notamment donc les agences et opérateurs de l'État, ce qu'on appelle les ZODAC, les organismes divers d'administration centrale.
00:48Alors ces ZODAC, selon l'INSEE, il en existe environ 700.
00:52Je crois qu'à l'IFRAP vous en avez ressensé un petit peu plus, plutôt autour de 800.
00:55Si j'ai bien lu les documents que vous avez publiés.
00:59Oui absolument Dimitri, en fait il y a 434 opérateurs de l'État et 701 organismes divers d'administration centrale.
01:08Mais il y a des recoupements entre les deux, donc la totalité c'est 776 agences.
01:13Voilà, on va les appeler comme ça, les agences de l'État.
01:16Alors c'est quoi concrètement ces agences, ces organismes divers et variés d'administration centrale, Agnès Verdier-Molinier ?
01:23Est-ce qu'on peut donner quelques exemples ?
01:24Bien sûr, mais il y a un peu de tout.
01:26Il y a France Travail, l'Office National des Forêts, il y a l'ancienne ENA, l'INSP, il y a les ARS, il y a les universités.
01:34D'ailleurs la ministre dit que le ménage qu'elle veut faire c'est hors université.
01:39Donc ça réduit quand même le champ de l'investigation sur le sujet.
01:45Alors je vais en donner quelques autres parce qu'on peut voir l'infinie diversité.
01:48L'ARCOM, c'est un de ses ODAC, l'Agence Nationale de la Recherche, BPI France, CNRS, Comédie Française, Radio France, France Télévisions,
01:56les Parcs Nationaux, les ARS, etc.
01:58Ce sont donc ces fameux opérateurs et agences de l'État, c'est là-dedans que le gouvernement veut tailler.
02:05On parle de quel montant total ? Combien ça coûte finalement ces opérateurs et agences gouvernementaux ?
02:11Eh bien là, c'est une bonne question Dimitri.
02:13C'est d'ailleurs pour ça que le Sénat a créé une commission d'enquête sur la question des opérateurs et des agences de l'État.
02:20parce qu'on n'a pas tant que ça de visibilité sur le coût total.
02:24Alors on sait que les ODAC, ça coûte 140 milliards d'euros par an, c'est ça les dépenses totales.
02:30140 milliards, oui.
02:32Voilà, mais ça peut être aussi plus parce que souvent on parle de plusieurs chiffres de 85 milliards d'euros.
02:38D'ailleurs, c'est un chiffre qu'a cité la ministre des Comptes Publics Amélie de Montchalin.
02:42Et en réalité, ce 85 milliards d'euros, ce sont les dépenses qui sont faites par l'État et les taxes affectées pour financer les opérateurs de l'État.
02:52Donc ce n'est pas le champ total.
02:53En gros, les dépenses de fonctionnement et la masse salariale, si j'ai bien résumé.
02:57Oui, alors voilà, on va dire qu'on est sur environ 140 milliards d'euros par an.
03:02Et ce n'est donc pas rien par rapport à l'ensemble de la dépense publique où on est à 1700 milliards de dépenses.
03:07C'est un champ important de la dépense de l'État et il faut le regarder de manière beaucoup plus stricte.
03:14Parce qu'aujourd'hui, on le comprend, on a des problèmes de périmètre, on a des problèmes d'information sur ce sujet.
03:20Et donc, on voit bien qu'on n'a pas fait le travail qui a été fait sur le reste des dépenses de l'État pour réduire la dépense.
03:29Alors, d'ailleurs, ce qui est intéressant, vous avez chez l'IFRAP demandé à les comptes exacts à certaines de ses agences et opérateurs de l'État.
03:38Et alors, là, c'est quand même la surprise.
03:40Trou noir, vous avez eu beaucoup de mal à obtenir certaines informations.
03:45Dans certains cas, je pense par exemple à l'ex-ENA, donc l'école nationale d'administration.
03:50Vous n'êtes même pas arrivé à obtenir les comptes de ces organismes.
03:53Et oui, dans beaucoup, beaucoup de cas, on n'arrive pas à obtenir les comptes de ces organismes.
03:57Et d'ailleurs, on a fait un décompte ces derniers jours à la Fondation.
04:00Et on a regardé sur la totalité des opérateurs de l'État, donc 434 opérateurs.
04:05On a trouvé que 185 opérateurs qui donnent leurs comptes détaillés.
04:09Pas juste un petit résumé avec une petite représentation graphique de quelques chiffres.
04:18Les vrais comptes en ligne, il n'y en a que 185 sur 434.
04:22Donc, il y a un énorme travail à faire.
04:24Et la plupart, d'ailleurs, des comptes qui sont publiés, ce sont plutôt les universités.
04:29Mais aussi l'ADEME, par exemple, qui fait un effort de transparence.
04:32Donc, il faut souligner.
04:33Donc, il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire pour que nos concitoyens
04:37sachent exactement ce qui se passe dans ces agences publiques.
04:41Alors, attendez, le chef d'entreprise qui nous écoute ce matin,
04:43qui s'effare parfois du degré de précision de l'information que l'administration fiscale exige de lui,
04:48il va s'étrangler en entendant ce matin qu'il y a des organismes publics
04:52dont on ne connaît pas les comptes, dont l'État lui-même ne sait pas ce qu'il dépense.
04:55C'est quand même fou.
04:57Ah bah, c'est un problème.
04:58D'ailleurs, Bruno Le Maire, quand il était ministre de l'Économie et des Finances,
05:01avait fait une demande à l'Inspection Générale des Finances
05:04pour faire une revue de dépenses sur les opérateurs.
05:06Parce que, même à Bercy, ils avaient du mal à y voir clair sur, notamment,
05:11la trésorerie des opérateurs, les dépenses des opérateurs, etc.
05:14Donc, là, il y a clairement un travail qui n'a pas été fait ces dernières années.
05:20Et d'ailleurs, on se souvient, je ne sais pas si vous vous en souvenez,
05:23d'un rapport de l'Inspection Générale des Finances qui était paru en 2012
05:27et qui avait essayé de commencer à faire un travail, justement, d'explication sur tout ça
05:34et de transparence. Eh bien, depuis, il n'y a pas eu tellement de travail sur ce maquis.
05:39D'ailleurs, je dois dire que la Cour des Comptes, dès 2002, avait dit
05:45qu'il y avait un problème, par exemple, sur le Marais-Poix-de-Vin,
05:47où il y avait un chevauchement manifeste entre les compétences
05:50de l'établissement public du Marais-Poix-de-Vin, du Parc Naturel Régional
05:54et de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.
05:56Eh bien, on est plus de 20 ans après et rien n'a changé.
06:01Vous avez toujours trois organismes qui opèrent sur le Marais-Poix-de-Vin,
06:04alors qu'il ne pourrait y en avoir qu'un seul.
06:07Et des millions d'euros gaspillés, en réalité.
06:10Donc là, on voit que rien ne se passe malgré les rapports
06:14de l'Inspection Générale des Finances et de la Cour des Comptes.
06:17Alors, j'ai une question quand même qui est assez troublante.
06:20Pourquoi le gouvernement veut absolument supprimer ses agences, ses opérateurs,
06:25alors que précisément, la création d'agences et d'opérateurs comme ça, publics,
06:31c'est la solution qui a été mise en place par les pays qui ont réussi à faire des économies.
06:36Vous prenez l'exemple de la Suède, 30% de baisse de la dépense publique quand même en quelques années.
06:40Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils ont créé de nombreuses agences.
06:43Or, il se trouve que le gouvernement français veut faire exactement l'inverse.
06:46Pourquoi, d'après vous ?
06:47Tout simplement parce que nous, nous avons créé plein d'agences
06:50qui, justement, sont souvent sur le même champ.
06:54Il faut se dire, par exemple, que sur écologie, développement et mobilité durable,
06:57on a 35 opérateurs différents, Dimitri, donc c'est gigantesque.
07:02Et on les a créés, mais on a gardé les ministères à côté.
07:06Qu'est-ce qu'ils ont fait en Suède ?
07:07Ils ont ce qu'on appelle agenciarisé,
07:10c'est-à-dire qu'ils ont transformé leurs ministères en agences,
07:13mais ils n'ont pas gardé les ministères entiers à côté.
07:16Mais nous, on a finalement, en termes de dépense, la double peine.
07:20C'est-à-dire qu'on a le ministère de la Santé,
07:22mais on a aussi la Caisse Nationale d'Assurance Maladie,
07:25mais on a aussi l'ANSES, mais on a aussi la Haute Autorité de Santé,
07:28on a aussi les ARS, etc.
07:30Donc, qu'est-ce que ça fait ?
07:31Ça fait un maquis très complexe, à la fois d'agences,
07:34mais aussi, de l'autre côté, d'organisations publiques
07:38qui sont aussi très présentes
07:40et qui ont aussi beaucoup de personnel et de dépenses de fonctionnement.
07:43Donc, nous, pour nos finances publiques, c'est une catastrophe.
07:47Mais surtout, pourquoi le gouvernement s'intéresse à ses opérateurs et ses agences ?
07:52Parce qu'entre 2023 et 2024, l'État a réussi à se serrer la ceinture.
07:57Il a même baissé en valeur un peu sa dépense d'une dizaine de milliards.
08:01Alors que pour les agences, si vous regardez l'évolution de leurs dépenses
08:07entre 2023 et 2024, qu'est-ce qui s'est passé ?
08:10Ils ont augmenté leurs dépenses de 300 millions d'euros.
08:14Alors, vous allez me dire, oui, mais quand on parle en milliards à ces niveaux-là,
08:17ce n'est pas gigantesque.
08:18Eh bien, si quand même, se dire qu'au moment où l'État a réussi quand même
08:22à réduire un peu sa dépense,
08:25ce qui n'est pas le cas des collectivités locales et de la Sécurité sociale.
08:27De ces agences, on peut attendre au moins un effort identique.
08:31On peut attendre un effort, absolument.
08:32Et là, on le voit, c'est le point de fuite, en fait, des dépenses de l'État.
08:36Et ça, le ministère Bercy le sait très, très bien.
08:40Ils savent que c'est là qu'ils ont un problème.
08:42Et par ailleurs, Dimitri, il y a une autre chose très importante à savoir.
08:45Il y a environ 38 milliards de trésoreries dans ces agences.
08:49Je vois venir.
08:51Voilà.
08:51C'est le pactole.
08:52Il y a une récupération à faire.
08:54D'ailleurs, Bruno Le Maire l'avait déjà fait précédemment.
08:56Mais il y a vraiment des niveaux de trésorerie qui sont très importants
09:01et que pourrait récupérer l'État.
09:03Par ailleurs, il y a des taxes affectées
09:05et des taxes que vous voudrez peut-être,
09:07dont la recette pourrait être récupérée aussi par l'État.
09:10Donc, il y a un jeu tectonique de nos finances publiques
09:13sous-jacent à cette question qui n'est pas du tout négligeable.
09:17Et par ailleurs, il y a la masse salariale que vous évoquiez.
09:19Oui. Merci beaucoup Agnès Verdier-Mollinier.
09:21Volume hier ce matin sur ces agences et opérateurs de l'État
09:24dans lesquels le gouvernement veut faire des économies.
09:27Merci d'avoir été avec nous ce matin en longueur.
09:30Agnès Verdier-Mollinier que vous retrouvez sur Europe 1 deux fois par semaine,
09:33notre éditorialiste éco.
09:34Bonne journée Agnès.
09:35Éditorialiste.