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La journaliste ukrainienne Tetyana Ogarkova fait part ce lundi sur France Inter d'un "optimisme prudent" après la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky samedi dernier à Rome. Le président américain et son homologue ukrainien ont échangé sur la guerre en Ukraine durant quelques minutes dans la basilique Saint-Pierre, en marge des funérailles du pape. Donald Trump a ensuite émis des doutes sur les intentions du président russe Vladimir Poutine de vouloir réellement mettre fin à la guerre, un changement de position après l'altercation avec le président ukrainien dans le bureau ovale fin février.

Face aux images des deux présidents discutant au milieu de la basilique, "nous étions plutôt rassurés et la méfiance que nous éprouvions par rapport aux échanges entre les deux présidents, notamment dans le bureau ovale, a été remplacée par un optimisme prudent", indique Tetyana Ogarkova. "Un échange aussi direct donne un signe d'espoir aux Ukrainiens mais on reste prudents", insiste la journaliste et politiste, responsable du département international à l'Ukraine Crisis Media Center. "Ça donne l'espoir que peut-être, enfin, notre allié, notre partenaire le plus important, prenne la position correcte dans cette guerre."


Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Bonjour Tetiana Ogarkova.
00:03Bonjour.
00:04Alors, ces visages de Donald Trump et de Volodymyr Zelensky à 15 cm l'un de l'autre samedi dans la nef de la Basilique Saint-Pierre,
00:14qu'est-ce que vous avez ressenti face à cette image qui a fait le tour du monde ?
00:20En regardant cette image, nous étions plutôt rassurés.
00:24Et la méfiance que nous éprévions par rapport aux échanges entre deux présidents,
00:28on se rappelle évidemment que cette scène fameuse de la cabinet ovale,
00:33elle était remplacée par un optimisme prudent, c'est-à-dire par une certaine prudence,
00:38parce que c'est évidemment un échange aussi direct et aussi proche donné un signe d'espoir pour les Ukrainiens.
00:47Et d'autant plus que cet échange était suivi par un poste de Donald Trump dans le réseau national,
00:53qui justement, pour la première fois, il mentionnait le fait que la Russie peut-être mente et que peut-être il faudrait employer une autre approche
01:05par rapport à ce comportement de la Russie qui ne cherche pas la paix.
01:10Mais on reste prudent.
01:11C'est ça, c'est-à-dire que sur son réseau social, Donald Trump a eu un message quand même extrêmement ferme, extrêmement direct.
01:20Il a écrit « Il n'y avait aucune raison pour que Poutine tire des missiles sur des zones civiles, des villes et des villages ces derniers jours.
01:27Cela me fait penser qu'il ne veut peut-être pas arrêter la guerre.
01:31Trop de gens meurent », a écrit le président américain.
01:34Oui, exactement.
01:36Mais reste à voir, est-ce que cette ligne, cette nouvelle approche par rapport à cette guerre que la Russie mène contre l'Ukraine,
01:42est-ce qu'elle va tenir ?
01:43Parce que nous avons tous vu des volte-face de la part de Donald Trump assez radical.
01:50Donc, on reste prudent.
01:51Mais évidemment, ça nous rassure et ça donne l'espoir qu'enfin, peut-être notre allié, notre partenaire le plus important,
01:59les Etats-Unis, le pays le plus puissant au monde, le leader du monde libre.
02:05Elles pourront rentrer dans ce bon chemin en fait et prendre la position correcte dans cette guerre.
02:10Vous habitez, Tétiana, vous habitez à Kiev avec votre mari et vos enfants.
02:15Jeudi, des frappes spectaculaires se sont abattues sur la capitale.
02:18On parle de 70 missiles, de 145 drones.
02:22Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que la ville a vécu la semaine dernière ?
02:28Ces missiles qui ont éventré des immeubles entiers.
02:32C'est une nuit extrêmement difficile pour tous les habitants de Kiev.
02:36Nous, on était réveillés vers une heure du matin par des sirènes,
02:41mais tout aussi bien par des explosions que nous, dans notre quartier, on attendait plutôt de loin.
02:46Mais c'était véritablement effrayant puisque nous voyons cette espèce de Star Wars dans le ciel de Kiev,
02:54avec des missiles, avec la défense anti-aérienne ukrainienne qui fonctionnait au rythme maximal.
03:02Nous avons entendu plusieurs explosions et on imaginait tout de suite que les conséquences seraient tragiques.
03:10Ce qui était d'ailleurs, malheureusement, plusieurs habitants de la ville.
03:13Après, nos amis nous ont rapporté que ceux qui étaient plus près de l'épicentre de cette frappe.
03:18C'était les sensations du février 2022, c'est-à-dire le moment où la capitale n'avait pas de système patriote.
03:26Et donc, on se sentait un peu comme dans un tir terrible,
03:31où justement, c'est la roulette russe, on peut être tué comme ça, en dormant dans son lit.
03:36C'était effrayant.
03:38Et c'est nouveau de voir autant de frappes concentrées sur une seule ville, sur une même ville.
03:44C'est un changement de tactique de la part des Russes ?
03:48Oui, effectivement.
03:50On constate qu'à chaque fois, l'armée russe essaie de cibler une seule ville,
03:55histoire d'avoir un certain déficit de missiles, peut-être des drones plutôt, des missiles.
04:00Ils choisissent une ville et après, ils utilisent le maximum de missiles
04:04pour justement épuiser la défense antiaérienne ukrainienne.
04:09Et avec tous les systèmes que nous avons, même Akif, la capitale,
04:13la ville la plus protégée sans doute, on peut imaginer, de toute l'Ukraine,
04:18on ne se sent pas en sécurité puisque les missiles balistiques,
04:22ce sont des missiles extrêmement rapides qui vous tombent littéralement du ciel
04:27d'une manière verticale à une vitesse ultrasonore.
04:31Et donc, il n'y a pas moyen de se protéger de cela.
04:35Et donc, le but est très clair, c'est de tuer et de blesser autant de civils que possible
04:41parce que les immeubles yventrés, c'était des immeubles qui étaient loin
04:46de tout objectif militaire ou stratégique ou même infrastructure énergétique.
04:51Donc, l'objectif est clair, c'est de semer la terreur, la panique
04:55et augmenter la pression sur, évidemment, sur le gouvernement
04:58et Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine.
05:01Tetiana, vous parlez de Kiev, de la capitale, comme la ville la mieux protégée d'Ukraine.
05:06Mais avec votre mari, vous faites d'incessants allers-retours sur la ligne de front.
05:11Vous apportez de l'aide à tous ces civils et à ces militaires
05:16qui sont mobilisés sur les lignes de front.
05:18Et vous rentrez de Kherson. Kherson, c'est sans doute une des villes
05:22les plus dangereuses d'Ukraine aujourd'hui.
05:25Comment se passe le quotidien des habitants là-bas ?
05:29Oui, en effet, nous avons visité la ville de Kherson durant ce week-end.
05:34Donc, la ville de Kherson se trouve à 1 km, 2 km de position russe.
05:40Elle est bombardée en permanence par cette affreuse bombe de câbles,
05:44aussi par missiles, aussi par les drones, notamment du type FPV.
05:47C'est-à-dire qu'en prenant votre bus, vous risquez véritablement votre vie
05:53parce que les armées russes s'entraînent justement sur les objectifs civils.
05:57Ils entraînent les jeunes soldats.
05:59Il y en avait des recherches là-dessus.
06:01Et donc, la ville, elle est extrêmement exposée.
06:04On ne voit pas beaucoup du monde puisque les gens,
06:07ils essaient de ne pas sortir de chez eux à partir de…
06:10assez tôt de l'après-midi, 15h, 16h, les rues sont désertes.
06:15On voit à peine quelques passants, quelques bus de type Marchotka.
06:20On attend toujours des explosions.
06:22Nous étions justement avec des résidents de la ville au moment où nous avons entendu
06:25plusieurs explosions qui nous ont fait littéralement sursauter
06:29parce que ce sont des explosions très graves.
06:32Et Etiana Ogarkova, comment vous les sentez justement, ces gens qui vivent à Kersone ?
06:39Comment vous vous sentez ? Dans quel état physique, dans quel état nerveux ils sont ?
06:43Je vous pose la question pour les adultes, je vous pose la question aussi pour les enfants
06:46parce que vous êtes venue apporter des livres à la bibliothèque de Kersone
06:51où les enfants, les derniers enfants qui vivent dans cette ville
06:54se réunissent tous les samedis en sous-sol.
06:57Comment ils vont, ces enfants-là ?
06:59Oui, nous avons vu les enfants et puis notre impression était l'impression
07:04des écrivains pour enfants qui étaient avec nous,
07:06qui ont passé du temps avec ces enfants-là,
07:08que ces enfants-là, ils grandissent plus vite que les enfants ailleurs.
07:12C'était des enfants avec les yeux d'adultes, avec des comportements très conscients.
07:17Ce sont des enfants qui sont en quelque sorte privés de leur enfance.
07:21On leur a volé leur enfance, mais n'empêche qu'ils étaient extrêmement ouverts,
07:26conscients et tout à fait prêts à échanger.
07:29Pour eux, samedi, c'est toujours une fête parce que c'est la seule journée
07:33où effectivement ces enfants peuvent retrouver leurs camarades.
07:37Justement, tout âge confondu, impossible de réunir une classe des enfants de même âge.
07:42Mais on avait un groupe d'enfants qui allait de 6 ans jusqu'à 14 ans, 15 ans, les adolescents.
07:48Ils étaient très contents, très heureux même de pouvoir être ensemble
07:53et puis de passer ce matin, ce midi, samedi, ensemble pour jouer, pour être ensemble.
08:01C'est ça l'enfance en fait.
08:03Et pour les adultes, vous avez organisé une après-midi de poésie.
08:08Vous faites ça avec votre époux, vous faites ça dans plusieurs villes d'Ukraine.
08:12C'est-à-dire que dans cette ville de Kherson, où les gens courent pour ne pas se faire rattraper par les drones et par les bombes,
08:20les gens viennent écouter de la poésie, Tétiana, de la poésie et de la musique.
08:26Oui, nous avons organisé cette soirée musique et poésie.
08:29Nous avons amené des meilleurs poètes de l'Ukraine, Kalitko, Svetlana, Povalaïva et autres.
08:36Prix Shevchenko en fait, c'est le prix le plus prestigieux.
08:40Et on était très émus de voir les locaux se déplacer jusqu'à ce sous-sol de la bibliothèque pour adultes,
08:46pour justement écouter.
08:47Nous avons vu littéralement les gens qui pleuraient en écoutant de la poésie,
08:51les applaudissements, la présence, les échanges qui étaient très intenses.
08:56C'est extrêmement sollicité en fait.
08:58Les gens comprennent que cette guerre génocidaire que la Russie mène contre l'Ukraine,
09:02c'est aussi une guerre contre la culture.
09:05Et donc, entendre la poésie en ukrainien, entendre la musique,
09:08voir les poètes vivants qui sont avec les habitants,
09:12c'était un moment extrêmement fort, intense, que nous avons partagé ensemble.
09:17Et vous, qu'est-ce qui vous fait tenir, Tétiana Ogarkova ?
09:20Qu'est-ce qui vous fait tenir après ces nombreuses années de guerre et ces attaques incessantes ?
09:25L'espoir, ce qui nous fait tenir, c'est justement cet échange et puis la conscience qu'on est ensemble.
09:32Les voyages qu'on a fait vers la ligne du front, bien qu'ils soient dangereux,
09:36ils nous enrichissent parce que le fait d'être comme ça, l'un à côté de l'autre,
09:41de partager la beauté, de partager la poésie, de partager le dialogue humain,
09:47voir les enfants, ça nous remplit d'espoir et puis on est admiratif face à ces civils et ces militaires
09:58pour qui cette vie sur la ligne du front, c'est un quotidien qui est devenu même banal.
10:05Ça nous remplit de l'optimisme en fait et de l'occasion de la force de notre peuple.
10:11Merci, merci Tétiana Ogarkova, merci d'avoir reçu France Inter à Kiev.

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