L'invitée de Nicolas CROZEL - ici Loire Océan
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00:00Ici matin, 7h43, votre invité Nicolas Creusel, c'est la maire de Nantes, Johanna Roland, avec vous.
00:05Bonjour à vous Johanna Roland, merci d'être en direct avec nous ce matin.
00:09Jeudi soir, vous étiez bien évidemment au lycée Notre-Dame de Toutes-Aides après l'attaque au couteau,
00:14la mort d'une élève tuée par un de ses camarades de classe.
00:17Trois autres ont été blessés.
00:18Déjà, est-ce que vous avez des nouvelles de ces blessés ?
00:21Est-ce que vous êtes en contact avec leur famille ?
00:23Oui, ce qu'on peut dire ce matin, c'est que ces blessés sont hors de danger.
00:28Ce qui est une bonne nouvelle parce qu'on a eu très peur pour l'un d'entre eux notamment.
00:32Et la famille de la victime qui a été tuée, est-ce que vous ou vos équipes entrez en contact ?
00:38On imagine que c'est des moments extrêmement douloureux, il va y avoir des obsèques qui ne seront pas faciles à organiser.
00:42Nous sommes naturellement en lien avec la victime, je n'en dirai pas plus ce matin par respect et par discrétion.
00:50Je veux leur redire mon soutien le plus total dans ces moments si douloureux qu'ils traversent.
00:56Je voudrais saluer vraiment la dignité de cette famille.
01:00Dans ce moment où il va y avoir ces obsèques qui seront médiatisés, peut-être un peu scrutés,
01:06vous avez un message d'appel à respect, à la dignité de la famille ?
01:11Simplement redire ici ce que la famille a elle-même exprimé.
01:16Ils souhaitent d'abord, je le redis, que les photos de leur fille ne soient pas diffusées sur les réseaux,
01:25sur les différentes antennes.
01:28L'appel au calme et au respect.
01:30On a évoqué cette victime, évidemment, les trois autres blessés,
01:33mais il y a ces dizaines d'élèves qui ont vu des choses horribles,
01:35qui ont été témoins, ceux qui ont fui la salle de classe comme ils ont pu,
01:39d'autres élèves confinés qui ont entendu des choses.
01:42Les enseignants, l'équipe éducative, le lycée rouvre ce matin.
01:45On pense forcément à eux.
01:47Ils doivent avoir, là encore, eux aussi, un besoin de soutien.
01:51Évident.
01:51Bien sûr, le choc a été profond, a été immense.
01:55Et dès je lis, la cellule d'urgence médico-psychologique,
01:59qui dépend du CHU, était sur place.
02:01Je veux vraiment saluer ces professionnels d'une grande qualité,
02:05qui ont organisé l'accueil, le soutien des élèves parmi les plus choqués.
02:11Ce soutien psychologique continue.
02:13Je le dis aussi à votre antenne, parce que derrière le choc du collège et du lycée,
02:18moi je vois bien qu'il y a à Nantes et dans d'autres endroits,
02:22dans d'autres familles, c'est bien légitime de l'émoi.
02:24Donc cette cellule psychologique, elle continue de fonctionner.
02:2802 40 08 31 24.
02:31C'est important que toutes celles et tous ceux qui ont été touchés directement ou indirectement,
02:37parce que cela soulève, et c'est bien légitime,
02:40tellement d'émotions puissent ne jamais être seuls dans ces sentiments.
02:44Alors vous m'avez pris par surprise sur votre numéro de téléphone.
02:46On va le répéter, comme ça c'est clair.
02:49Donc c'est le 02 40 08 31 24.
02:53Ensuite, il y a évidemment la possibilité de se rapprocher de l'établissement.
02:57Et je veux le redire ce matin, là aussi,
02:59la communauté éducative a été d'un dévouement, d'un engagement absolument exemplaire.
03:04Je veux les saluer, je vais les remercier.
03:06J'étais jeudi à leur côté.
03:09Il fallait, après le drabe aussi, procéder à l'évacuation de plus de 2000 élèves.
03:14Ça a nécessité beaucoup de sang-froid,
03:17un soutien auprès des adolescents qui a été total de la part de la communauté éducative.
03:22Et puis je veux aussi, évidemment, saluer la réactivité des forces de secours et de sécurité
03:28qui ont là aussi été très présents et d'un grand professionnalisme dans ces moments si douloureux.
03:33Il y a deux questions qui reviennent depuis ce drame.
03:36L'une sur la sécurité, les portiques, on en dira un mot dans un instant.
03:39Et l'autre sur la santé mentale.
03:41Santé mentale, évidemment, des victimes qui ont vu des choses et qui risquent d'en être traumatisées.
03:44Mais santé mentale aussi du suspect qui est arrivé à commettre l'innommable.
03:50Certainement aussi parce qu'il avait une fragilité psychologique terrible.
03:55On crie, on entend en tout cas depuis des années, des personnes crier sur le manque de moyens,
04:00de la psychiatrie, des infirmières scolaires, des psychiatres à l'école.
04:04Il y a urgence là cette fois.
04:06Tous les signaux sont rouges et ça ne date pas de la semaine dernière.
04:13Aujourd'hui en France, Antoine Pellicello, psychiatre à Paris, nous le rappelait,
04:17il y a un doublement des passages aux urgences pour tentatives de suicide chez les jeunes.
04:22Dans les pays de la Loire, chez nous, si on ne regarde que les adolescents de 4e et de 3e,
04:28dans les collèges, il y a environ 13 à 14% de jeunes en situation dépressive.
04:35Évidemment, ça ne veut pas dire que chacune et chacun passe à l'acte, et fort heureusement.
04:40Mais oui, la situation est aujourd'hui absolument préoccupante.
04:44Mais qu'est-ce qu'on fait du coup ?
04:45Parce que c'est facile de dire, de dresser le constat, tristement.
04:49Mais comment on agit désormais ?
04:52Il n'y a plus d'argent, nous dit-on, dans les caisses de l'État,
04:54et il y a des postes vacants, voire pas remplacés.
04:58On ne peut pas dire qu'il n'y a plus d'argent sur ces sujets-là.
05:00Une société qui ne prend pas soin de sa jeunesse,
05:03c'est une société qui sacrifie son présent et son avenir.
05:06La réalité, c'est quoi aujourd'hui ?
05:07C'est que nous avons, je ne sais pas si on se rend compte,
05:10dans les collèges et les lycées, un psychologue pour 1500 élèves.
05:14Un psychologue pour 1500 élèves.
05:17Tous les professionnels le disent.
05:18Il y a consensus chez les médecins, chez les assistantes sociales,
05:21chez les psychologues scolaires, chez les policiers.
05:24Tout le monde constate qu'il doit y avoir un sursaut national sur ce sujet.
05:30C'est à l'État d'embaucher, c'est le ministère de l'éducation nationale
05:33qui doit embaucher dans les établissements.
05:35Il y a besoin de former, il y a besoin d'embaucher,
05:37il y a une crise de la psychiatrie, à tous les maillons de la chaîne en fait.
05:41Du moment de la consultation jusqu'au moment de l'hospitalisation.
05:45Je prends juste un sujet parce qu'il est dramatique.
05:48Savoir qu'en France, certains de nos enfants,
05:51quand ils doivent être hospitalisés,
05:53se retrouvent hospitalisés en psychiatrie, en secteur adulte,
05:57et non pas en secteur enfant,
05:59ça fait partie des choses qui sont absolument impossibles.
06:02Quand ils arrivent à trouver une place.
06:03Parce qu'on entend régulièrement, que ce soit à Saint-Anne ou que ce soit à Saint-Nazaire,
06:07des parents qui nous disent qu'ils auraient besoin,
06:10qui appellent à l'aide et qui ne trouvent pas de place pour leurs enfants.
06:13Vous savez, depuis ce drame,
06:16et depuis le moment où j'ai effectivement évoqué d'emblée
06:19la question de la santé mentale,
06:21vous n'imaginez pas le nombre de messages que je reçois,
06:25pas simplement de Nantais,
06:27mais de gens ailleurs en France,
06:29qui disent « je n'arrive pas à trouver une place pour mon enfant,
06:32pour une consultation »,
06:34qui disent « je ne sais pas quoi faire,
06:35je me sens démuni ».
06:37Cette question-là, elle touche tellement de familles.
06:40Tout le monde, je suis sûre qu'ici dans cette pièce,
06:42vous connaissez les uns et les autres,
06:44un parent qui a un enfant pour lequel il s'inquiète.
06:47Cette capacité collective que nous devons avoir,
06:51de trouver aujourd'hui le sursaut de la société
06:55et la prise de responsabilité des autorités absolument majeures.
06:58Est-ce qu'il a fallu attendre ce drame-là pour que le sujet revienne dans l'actualité ?
06:59Non, je crois qu'il n'a pas fallu attendre ce drame-là.
07:01Je le dis pourquoi.
07:03En 2022, je lance avec d'autres maires l'appel de Nantes.
07:07L'appel de Nantes, dans lequel nous disons
07:09« la santé mentale est un enjeu crucial ».
07:13Chaque Premier ministre que j'ai rencontré depuis trois ans,
07:15de 2022 à 2025...
07:17Tout le monde dit que ce sera une cause nationale,
07:18mais on ne voit pas grand-chose venir.
07:19Et je veux l'objectiver sur le plateau.
07:23J'ai une oreille attentive quand je l'évoque auprès des premiers ministres.
07:26Mais maintenant, il faut des actes.
07:27Ce n'est plus simplement le temps de l'écoute.
07:29C'est le moment des actes forts.
07:30Il faut passer de la grande cause aux réalisations concrètes.
07:33Et vous, en tant qu'élu local, est-ce que vous avez des leviers, des manettes ?
07:36Est-ce que, quand on est maire de Nantes,
07:38on peut agir sur la santé mentale des jeunes Nantais ?
07:41Nous faisons des choses.
07:42Sans vous substituer à l'État, encore une fois.
07:44Il faut des choses à notre échelle.
07:45Bien sûr, je l'ai annoncé en janvier.
07:48Nous ouvrirons une maison de santé de l'enfant.
07:52Je l'avais dit au moment des voeux.
07:54Justement parce que, dans cette société après Covid,
07:57et je veux le dire, une partie de cette jeunesse a aussi été touchée par cette époque.
08:02On est encore dans un moment où on a besoin de comprendre et d'analyser les conséquences de cette mort.
08:06Donc, nous allons ouvrir cette maison de l'enfant.
08:08D'ores et déjà, vous le savez, la maison des adolescents fonctionne.
08:12J'ai fait le choix de contribuer à cette action qui est menée en en renforçant les moyens,
08:16avec une permanence au Breil et prochainement dans d'autres communes.
08:20J'ai, en 2025, débloqué des postes d'infirmières scolaires
08:24parce que c'est un maillon essentiel dans nos établissements pour les écoles élémentaires.
08:30Nous développons, depuis maintenant deux ans,
08:32nous sommes une des premières villes en France à le faire,
08:34une formation pour les premiers secours en santé mentale.
08:39J'ai saisi le conseil de développement sur cette question
08:42parce que je pense que nous avons besoin, collectivement, d'y réfléchir.
08:45Mais je le redis, à l'échelle nationale, la psychiatrie est en déshérence.
08:50C'est la réalité de notre pays.
08:52Vraiment, j'appelle avec gravité ce matin un sursaut sur ce sujet.
08:56Le sujet semble dépasser les traditionnels clivages politiques
08:59puisque votre opposant, Julien Benval, a dit peu au pro la même chose il y a deux jours
09:03et on peut se réjouir peut-être qu'il y ait au moins consensus gauche-droite confondu sur ce sujet-là.
09:07C'est absolument nécessaire que nous puissions avancer collectivement sur cette question.
09:12La santé et la santé mentale de nos enfants ne peuvent pas être la variable d'ajustement des choix budgétaires.
09:18Ce n'est pas possible.
09:19Après, il reste quand même une question de sécurité dans les établissements
09:21qui est aussi soulevée.
09:23C'est cette culture de l'arme blanche, du couteau qu'on trouve dans les cartables.
09:28Certains demandent des portiques.
09:29Les syndicats enseignants sont sceptiques.
09:31Même certains policiers, on a entendu le syndicat Alliance,
09:33qui dit qu'on ne pourra pas contrôler tous les établissements,
09:35on ne pourra pas mettre un flic derrière chaque élève.
09:37Quel est votre regard, vous, là-dessus ?
09:38Vous étiez aux côtés de Bruno Retailleau jeudi soir
09:40quand il a parlé d'ensauvagement de la jeunesse.
09:43C'est un terme qui ne vous a pas forcément plu, d'ailleurs.
09:46Il n'a pas seulement parlé d'ensauvagement.
09:48Il a parlé d'ensauvagement, de laxisme, d'inversion de la hiérarchie des normes.
09:52Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet ce matin,
09:54mais sincèrement j'ai trouvé que cette grille de lecture était précipitée,
09:59inadaptée et pour tout dire déplacée.
10:02Mais la question de la sécurité,
10:03vous concevez qu'il faille quand même y réfléchir d'une manière ou d'une autre ?
10:06Bien sûr que cette question de la sécurité,
10:08elle nous préoccupe et qu'elle nous interroge tous.
10:11Bien sûr que chaque parent qui nous écoute ce matin
10:13veut que son enfant aille au collège et au lycée en étant en sécurité.
10:17Vous savez, moi je suis mère d'une fille qui est en quatrième
10:20et d'un fils qui est en seconde.
10:23Donc je sais dans ma fière ce que ressentent les parents
10:26quand il y a un drame de cette nature.
10:28Tout le monde s'est projeté.
10:30Le nombre d'appels qu'on a eu en mairie de gens
10:32qui eux-mêmes se sont identifiés.
10:35Donc oui, il faut réfléchir aux enjeux de sécurité.
10:38Mais je le redis,
10:39si on ne remet pas la question de la santé mentale,
10:43de nos jeunes,
10:45d'abord en priorité, on n'y arrivera pas.
10:46Et puis je veux ajouter une chose parce que je ne voudrais pas non plus
10:49que notre tableau soit que sombre ce matin.
10:51Et moi je veux dire aussi aux jeunes qui nous écoutent,
10:53que je rencontre tous les jours dans cette ville,
10:55que nous avons confiance en eux,
10:56que j'ai confiance en eux,
10:57qu'ils sont pleins de ressources
10:58et que dans les moments difficiles de leur vie,
11:01la société sera aussi là pour les accompagner
11:03mais aussi quand ils ont des projets
11:05parce que je pense que notre jeunesse a aussi besoin
11:07d'un peu de message de confiance.
11:09Johanna Roland, maire de Nantes,
11:10merci beaucoup d'être venue ce matin
11:11à évoquer ce sujet douloureux de la santé mentale
11:13après le drame de Notre-Dame-de-Toutes-Aide.