Anne Fulda reçoit Jean-Pierre Montal pour son livre «Maurice Ronet : Les vies du feu follet» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres Jean-Pierre Montal.
00:02Bonjour.
00:03Alors vous êtes romancier, votre dernier roman La Face Nord, qui est paru chez Séguier déjà,
00:10a reçu le prix des deux magots, un livre dans lequel il est déjà question de cinéma,
00:15c'est une histoire d'amour autour d'un film mythique, elle est lui, de Léo Carré.
00:20Alors on vous reçoit aujourd'hui pour un autre livre,
00:23Maurice René, le métier de comédien, un livre qui est paru chez Séguier également,
00:26qui réunit d'une part des entretiens qui ont été réalisés en 1977 avec le comédien,
00:32et d'autre part une biographie que vous avez rédigée il y a quelques années, en 2013,
00:38« Des vies du feu le folet ».
00:40Alors c'est un livre qui retrace donc une biographie de Maurice René,
00:44où on croise un peu tout le cinéma de l'époque.
00:50En fait on a envie de vous demander déjà pourquoi,
00:52enfin vous écrivez que c'est votre rencontre avec Maurice René,
00:55elle arrive très tôt, vous avez 10-11 ans,
00:58vous vous tombez en arrêt en voyant « Mort d'un pourri »,
01:03« Mort d'un pourri » de Lautner.
01:04Oui, oui.
01:05Et tout de suite ce personnage qu'incarne Maurice René vous plaît ?
01:10Alors c'est pas évident ?
01:12C'est vrai, c'est pas évident parce qu'en plus quand on est enfant,
01:15on serait plutôt porté vers des héros peut-être à la fois plus positifs ou plus marquants.
01:22En tout cas dans « Mort d'un pourri », on pouvait regarder Alain Delon par exemple.
01:25Voilà, exactement.
01:26D'ailleurs votre père vous demande, oui, tu veux savoir, c'est Alain Delon ?
01:29Oui, je demande quel est le nom de cet acteur,
01:32il me dit Alain Delon, je dis non l'autre, parce que Delon je le connaissais.
01:34C'est un peu inexplicable, il y a quelque chose qui je crois d'ailleurs irrigue toute la carrière de René,
01:41c'est un trouble, une présence, et quand il arrive vous vous dites,
01:45tiens qu'est-ce qui se passe, on a l'impression que le film ralentit ou accélère,
01:48en tout cas c'est plus le même film.
01:49Alors il a joué dans des films connus,
01:51« Ascenseur pour l'échafaud », « Plein soleil », « La piscine »,
01:54et effectivement on le retrouve souvent en duo avec ce fameux Alain Delon,
01:58qui symboliquement le tue à plusieurs reprises, d'ailleurs dans plusieurs films,
02:03ce qui n'est pas neutre, parce que malgré tout il y a eu cette concurrence entre eux.
02:07Oui, oui, oui, c'est vraiment pas neutre.
02:09D'une certaine façon.
02:10Oui, vous avez raison, c'est pas neutre, parce que bon déjà dans « Plein soleil » par exemple,
02:14parce qu'après Alain Delon devient une star tellement énorme que bon,
02:16on ne peut plus vraiment parler de concurrence,
02:19mais dans « Plein soleil », on peut presque voir une rivalité,
02:22d'ailleurs c'est un film sur la rivalité.
02:23C'est un film là-dessus, oui.
02:24Donc ça marche très très bien, d'ailleurs les deux rôles devaient être inversés dans « Plein soleil »,
02:28donc c'est assez drôle de savoir que finalement ça s'est joué autrement.
02:32Entre eux, je pense qu'il y a quelque chose de...
02:34C'est pour ça qu'à l'image ça passe.
02:36Il y a une complicité et une rivalité,
02:39mais dosées à peu près au même pourcentage, si vous voulez.
02:43Et donc à mon avis, c'est pour ça que quand ils sont tous les deux à l'écran,
02:46on sent à la fois une tension et aussi une amitié.
02:50Alors vous décrivez chez lui ce côté dandy désespéré,
02:54cette froideur inquiète, cette voix blanche lessivée.
02:56C'est ça qui vous plaît ? Peut-être aussi son goût pour la littérature ?
03:00Parce que ce qui n'est pas si commun que ça.
03:03Oui, alors ça c'est vrai que quand on s'intéresse à sa vie, on découvre ça.
03:07C'était un grand lecteur, c'est un homme qui a aussi ensuite consacré beaucoup d'énergie
03:11à adapter des livres qu'il aimait.
03:14Donc c'était quelqu'un pour qui la littérature était vraiment essentielle.
03:17Quand on le voit à l'écran, on ne le sait pas forcément,
03:20mais quand on s'intéresse à lui, on découvre quelqu'un d'assez profond en fait.
03:25Et pas du tout, parce qu'il a quand même été une grande star,
03:28pas du tout avec ce réflexe de carrière ou parfois de superficialité.
03:34C'est quelqu'un qui a essayé de suivre ses envies.
03:36D'ailleurs, il avait un rapport très ambivalent avec le métier d'acteur.
03:39Oui, parce que vous écrivez qu'il prend ses distances.
03:41À un moment, il est peintre, il fait de la céramique.
03:45Il a fait de la céramique quand il était marié avec Maria Pacum.
03:47Peu de gens, enfin on oublie beaucoup qu'il a été marié.
03:50Ils ont vécu dans une espèce d'ambiance communautaire, avant l'heure.
03:54Exactement, pré-hippie, en quelque sorte.
03:57Ils faisaient de la céramique dans une ferme.
03:59Quand on parle de René, maintenant tout le monde imagine une sorte de dandy parisien.
04:03Il était dans une ferme et il ne voulait absolument pas tourner.
04:06D'ailleurs, il est revenu au cinéma pour rendez-vous de juillet de Becker.
04:10Vraiment un peu parce qu'on le lui demandait.
04:12Sinon, il aurait fait autre chose.
04:14Et puis, petit à petit, il a toujours...
04:17Mais vous voyez, c'est l'homme, j'allais redire ambivalent.
04:19C'est vraiment l'homme de l'ambivalence.
04:20Parce que petit à petit, il est revenu au cinéma et il a tenu des discours à la fois très profonds sur son métier.
04:27D'ailleurs, dans l'entretien qui est republié avec mon livre, le métier de comédien, on sent qu'il est passionné par ça.
04:32Tout en disant, ce n'est pas un métier, ça ne vaut rien, il faut faire autre chose.
04:35Donc voilà, moi j'aime beaucoup les gens qui ont une distance.
04:38Et puis, il y a ce film, Le Feu Follet, de Louis Malle, qui inspire le titre de votre biographie.
04:47À l'origine, c'est justement un livre de Drieu de la Rochelle, qui évoque le suicide de son ami Jacques Rigaud.
04:55Et là encore, on voit ce goût pour la littérature et cette attirance pour les sujets un peu sombre.
05:03Oui, oui, sombre.
05:03Alors c'était quelqu'un qui était travaillé par pas mal de questions.
05:09C'était pas du tout...
05:11Alors c'était un grand jouisseur, il sortait beaucoup, il aimait vivre entouré d'amis.
05:16Mais c'est ce qu'on sent à l'écran.
05:17On sent très bien qu'il y a quelque chose, il y a comme un gouffre, il recèle quelque chose d'assez noir.
05:22Et qui, même s'il le retient, moi j'aime beaucoup ça, il est pas là...
05:26C'est pas un acteur démonstratif, lourdeau, comme Joaquin Phoenix, si vous voulez.
05:31C'est quelqu'un qui est sans doute avec autant de démons, mais qui, en les retenant, filtre tout ça et laisse passer énormément de choses.
05:38Alors dernière question, rapidement, le René que vous retiendrez, dans quel film, quel rôle ?
05:43Bon, alors c'est difficile de faire Abstraction du Feu Follet, parce qu'à ce moment-là, il y a une rencontre avec le rôle.
05:48Mais alors moi, je conseille deux films qui sont moins connus.
05:52Un Chabrol, qui s'appelle La ligne de démarcation, qui est très beau.
05:55Et un film de Jacques Doniol Valcroz, qui s'appelle La dénonciation.
05:59Et là, René y est absolument fabuleux.
06:02Très bien. En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
06:05Maurice René, le métier de comédien.
06:08Merci beaucoup Jean-Pierre Montal.
06:10Merci.
06:10C'est un livre qui est publié chez Séguier.
06:12Exactement.
06:12Sous-titrage Société Radio-Canada
06:18Sous-titrage Société Radio-Canada