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Le chalutage : un modèle défavorable à d’emploi, énergivore et destructeur de la biodiversité marine. C’est le constat que fait l’ONG Bloom dans son rapport nommé “S’affranchir du chalut” publié en mars 2025. Ce document met en avant les différentes pistes qui permettrait de développer une pêche plus durable.

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Transcription
00:00L'invité de ce Smart Impact c'est Léna Fréjaville, bonjour.
00:10Bonjour et merci pour cette invitation.
00:11Bienvenue, vous êtes coordinatrice du projet Transition des pêches chez Bloom Association
00:16que vous nous présentez en quelques mots même si on a déjà reçu Bloom ici.
00:21Oui, Bloom Association c'est une association, d'ailleurs on dit Bloom en fait,
00:26c'est une association qui a été créée par Claire Nouvian en 2005 et dont la mission principale
00:31est la protection des océans, de ces écosystèmes, de tous les habitats qu'on peut y trouver.
00:37Et donc pour ça on utilise plusieurs outils, des outils de recherche, on fait de la mobilisation citoyenne,
00:42on fait aussi des cas juridiques et tout ça pour une mission qui est fondamentale, protéger l'océan
00:47parce que je le rappelle, l'océan c'est d'abord le milieu qui héberge la vie,
00:53il n'y a pas de vie sur terre sans océan, la vie commence au départ pour apparaître dans la mer.
00:58C'est un puits de carbone très important, on a souvent tendance à l'oublier.
01:01Et tout à fait, ça c'était mon deuxième point, en fait c'est un puits de carbone,
01:05l'océan en fait régule le climat et il absorbe jusqu'à 30% de nos émissions de CO2.
01:10Donc il n'y a pas de lutte contre le changement climatique sans protection de l'océan,
01:14ça c'est fondamental à retenir.
01:16Et donc parmi vos activités, effectivement ces études, ces rapports,
01:19ce rapport intitulé « S'affranchir du chalut », donc on va parler de la pêche, du chalutage,
01:24ce rapport a été publié le mois dernier, un mot de la méthodologie en quelques secondes
01:29et puis ensuite la leçon principale que vous en tirez.
01:31Oui, tout à fait.
01:32Donc c'est un rapport qui a été sorti en mars et qui se base sur des faits scientifiques,
01:37ça c'est très important pour Bloom.
01:39Donc ce sont des études au départ qui sont menées par des chercheurs de l'Institut Agro
01:43et du Muséum National d'Histoire Naturelle.
01:46Et leur point de départ, donc toujours dans une optique de protection des océans
01:49et de gestion des pêches, c'est de regarder finalement quels vont être les différents impacts
01:54des différents types de pêches qui existent en France.
01:57Et donc pour rappel quand même sur l'impact de la pêche,
02:00en 2019, l'IBES, qui est l'équivalent du GIEC mais pour la biodiversité,
02:05nous dit que la pêche est l'activité qui a eu le plus d'impact relatif sur l'océan depuis 1950.
02:11Donc voilà, c'est déjà important de repartir de ce point-là.
02:14Donc ce que ces chercheurs font, c'est un bilan pour comparer différents impacts
02:18sur différentes dimensions, une dimension environnementale,
02:22une dimension sociale et une dimension économique.
02:26Donc ils regardent plusieurs indicateurs et la leçon, la grande leçon de leur étude,
02:31c'est de constater que le chalutage, dont on pourra réexpliquer les modalités,
02:35le chalutage est la technique qui a le pire impact,
02:40tant d'un point de vue environnemental, social qu'économique,
02:42et en particulier le chalutage de fonds.
02:43Oui, avec cet impact social et économique,
02:47un chalutage qui coûterait jusqu'à 11 milliards par an à notre société.
02:51Comment on arrive à ce chiffre ?
02:52Comment on calcule ? Ça ne doit pas être si simple.
02:54Alors ça, c'est un chiffre d'une autre étude de Henrik Salak,
02:57un chercheur américain.
02:59Donc c'est une méthodologie un petit peu différente.
03:01Nous, ce qu'on voit, c'est que le coût du chalut,
03:04donc effectivement, il est environnemental,
03:06on ne l'a pas forcément monétisé,
03:08mais il est également économique.
03:11En fait, le chalutage va créer bien moins d'emplois,
03:14par exemple, que d'autres techniques qu'on va appeler les arts dormants.
03:18Donc là, on va parler de filets, de lignes, de casiers,
03:22où en fait, c'est le poisson qui va venir à la part,
03:25et donc il va créer moins d'emplois.
03:28Il va être moins rentable, et par ailleurs,
03:31en fait, c'est un modèle qui est extrêmement énergivore,
03:34parce qu'il faut tirer un filet qui est lourd,
03:36qui est lesté, qui est traîné sur les fonds,
03:39et ça, ça veut dire qu'on consomme du carburant.
03:42Pourquoi ce modèle s'est imposé ?
03:44Oui, alors juste pour finir, par rapport au carburant,
03:46en fait, il y a une détaxe sur la consommation du carburant
03:50qui fait qu'il y a une subvention importante au final pour le chalutage.
03:52Et donc le modèle du chalutage s'est imposé, en fait, en après-guerre,
03:57à partir de 1950, où le gouvernement a décidé d'industrialiser ces flottes,
04:04de les moderniser, et donc le chalutage permet de rapporter
04:07un maximum de poissons en minimum de temps,
04:09et c'est pour ça qu'on l'a favorisé.
04:11Alors, vous faites un certain nombre de propositions
04:13pour s'affranchir du chalutage.
04:16Je vais poser d'abord une question générale,
04:18parce que toutes ces propositions, elles sont pensées scientifiquement, etc.
04:23Mais est-ce que ça suppose déjà de consommer moins de poissons ?
04:27Vous voyez ce que je veux dire ?
04:28C'est-à-dire que si on se dit, ok, il faut se débarrasser du chalutage
04:31parce que l'impact économique, l'impact écologique est désastreux,
04:35et j'en suis convaincu, est-ce que ça veut dire
04:36qu'il faut collectivement se poser la question de notre consommation ?
04:39Il faut évidemment se poser cette question.
04:41Donc nous, on n'appelle pas à l'arrêt de la consommation.
04:43En revanche, on mange trop de poissons.
04:45Donc globalement, en France, par an et par habitant,
04:48on mange 33 kg de produits de la mer,
04:50donc ça inclut d'autres par exemple des produits de l'aquaculture,
04:52pas que de la pêche,
04:53et 24 kg de poissons.
04:56Dans une optique de responsabilité environnementale,
04:59on devrait aller jusqu'à 8 kg.
05:02Donc ça voudrait dire diviser par 4 notre consommation.
05:05Et si on regarde maintenant un facteur santé,
05:07l'Anceste recommande qu'on mange jusqu'à maximum 20 kg.
05:10Donc on mange trop.
05:12Par contre, on mange trop de produits d'importation.
05:14Et ça, c'est très important de le dire également.
05:1680% de ce qui arrive dans nos assiettes,
05:18c'est de l'importation.
05:19Et donc nous, on n'appelle pas du tout
05:20à une diminution forcément de la pêche en France.
05:22Ce n'est pas le cas.
05:23Et c'est pour ça que dans une optique de transition,
05:25nous, on veut préserver cet aspect de consommation locale.
05:28Vous proposez une déchalutisation progressive.
05:32Ça passerait par quoi ?
05:33Tout à fait.
05:33Alors la déchalutisation progressive,
05:35c'est de se dire comment on fait pour pêcher autrement.
05:38Et donc là, les chercheurs de l'Institut Agro font une simulation
05:42et ils regardent espèce par espèce.
05:45Quelles sont les espèces qui sont pêchées par des chaluts de fonds
05:48qui pourraient en fait être pêchées par des filets,
05:50des lignes et des casiers,
05:51donc par des techniques qui impactent moins.
05:53Et ce qu'ils voient, c'est que 85% des volumes
05:57qui sont capturés par ces techniques très impactantes
05:59pourraient en fait déjà être pêchés par d'autres engins de pêche.
06:04Donc une transition est possible en utilisant deux outils moins impactants.
06:08Est-ce que, pardon de poser des questions de consommateurs,
06:10mais est-ce qu'au final, ça voudrait dire que ces poissons,
06:13ils vont être payés plus cher par le consommateur ?
06:15Est-ce qu'il faut accepter l'idée qu'on va peut-être manger moins de poissons
06:18et que ça nous coûtera plus cher ?
06:19Parce que derrière, on revient sur les questions qui sont centrales
06:23sur la transition environnementale,
06:25qui est la question de l'acceptabilité par les citoyens.
06:27Tout à fait.
06:28Alors aujourd'hui, nous, notre étude,
06:30elle ne donne pas encore de détails sur les prix.
06:33Donc ça, ça sera la prochaine étape.
06:35Mais effectivement, il faut aller dans cette logique
06:37de se dire, il faut manger moins, de meilleure qualité.
06:42Et donc du coup, manger moins veut dire aussi, in fine,
06:45un budget peut-être qui peut se réduire ou se maintenir sur le poisson.
06:49Autre proposition, la sanctuarisation de la bande côtière.
06:53Ça veut dire quoi, ça ?
06:54Alors effectivement, là, on est sur un sujet de conflit d'espace en pêche.
06:58C'est une mesure qui est souvent assez populaire auprès des petits pêcheurs artisans.
07:03Et c'est le fait de se dire, eh bien, pourquoi pas garder un espace,
07:07réserver un espace aux pêcheurs artisans.
07:10Et donc, finalement, emmener les navires de plus de 25 mètres
07:15au-delà de la bande côtière.
07:17Donc c'est la bande des 12 premiers milles nautiques.
07:20Et ça, pour empêcher, en fait, une sorte de concurrence
07:23entre différents types de pêche
07:24et laisser la petite pêche pêcher tranquillement.
07:27Le chalut de fond, ça emporte tout ?
07:31Ça emporte aussi la flore marine, d'une certaine façon ?
07:37Et alors, je dis emporte tout,
07:39parce que est-ce que ça emporte aussi les petits,
07:41les bébés poissons, ce qu'on appelle les juvéniles ?
07:44Alors, le chalut de fond, qui va venir racler,
07:47déjà, il faut avoir en tête qu'en France,
07:49on est signé que c'est une abrasion sur environ 670 000 km².
07:53Et donc, ça consiste, en fait, à racler un filet.
07:59Et donc, ça emmène, effectivement, des habitats, la flore marine.
08:01Et donc, sous l'eau, souvent, on parle de forêts animales.
08:03Ça va être des forêts qui sont constituées d'animaux
08:06qui forment des structures tridimensionnelles
08:09et, en fait, qui hébergent la vie.
08:10Donc, quand on racle les fonds, on héberge la vie,
08:12on détruit des invertébrés, des animaux bintiques.
08:16Et ça, c'est un impact énorme, oui, sur la biodiversité.
08:19Et donc, on piège toutes sortes de poissons,
08:23même les plus petits, c'est ça ?
08:25Oui.
08:26Ça ne passe pas à travers des mailles du filet, par exemple,
08:27pour des questions de délégation, mais c'est l'idée.
08:30Non, non, tout à fait.
08:31Alors, ça, ce n'est pas uniquement le cas du chalut de fond.
08:33C'est ça qui est terrible.
08:34Globalement, tous les types de chalut
08:35sont finalement les moins sélectifs.
08:37Mais comment on les protège, les plus jeunes, les poissons ?
08:41Les plus jeunes, eh bien, il faut définir,
08:43enfin, il faut respecter le fait qu'il y a une taille minimale
08:46à partir de laquelle il ne faudrait pas pêcher, en fait,
08:49pour laisser ces petits poissons, finalement, vieillir,
08:52grandir dans l'eau et se reproduire
08:54et assurer la survie des stocks.
08:56Et alors, là, je reviens à ma question.
08:57Est-ce que c'est compatible avec une pêche rentable ?
09:00Oui, parce qu'en fait, l'idée, c'est de se dire
09:02on laisse pêcher, pardon, on laisse grandir et vis-à-dire les poissons.
09:07Et ça, ça nous permettra, finalement, de pêcher la même chose,
09:11mais du coup, moins d'unité, entre guillemets.
09:13Et par ailleurs, ça permet une régénération des stocks,
09:15donc plus de poissons.
09:17Je termine avec...
09:19Parce que, finalement, derrière ça, il y a un secteur économique,
09:22il y a des pêcheurs, il y a des pêcheurs français.
09:24Est-ce que ça suppose forcément que les pouvoirs publics
09:27accompagnent cette transition ?
09:29Et si oui, comment ?
09:30C'est essentiel, c'est essentiel.
09:32Nous, déjà, on est assez, je peux le dire, choqués
09:35de voir qu'il faut attendre un rapport, typiquement,
09:37d'une association comme la nôtre
09:39pour avoir des résultats scientifiques
09:41sur la transition sociale-écologique des pêches.
09:43Donc oui, c'est indispensable.
09:45On n'a pas aujourd'hui de feuille de route, justement,
09:47de transition durable du secteur.
09:49Aujourd'hui, 700 millions d'euros ont été annoncés
09:52par Emmanuel Macron à travers un contrat de filière
09:55pour le secteur de la pêche.
09:56Et en fait, on va parler surtout de modernisation des flottilles,
09:59donc de plus d'appareillages électroniques,
10:01de plus de performances et du coup, de plus de pression de pêche.
10:05Et donc, cet argent-là, il pourrait être utilisé à quoi et comment ?
10:09Eh bien, tout à fait, il pourrait être utilisé pour, par exemple,
10:11de la reconversion de navires.
10:13Donc là, on sait déjà qu'on pourrait passer de certains types de chaluts
10:16à d'autres engins de pêche, donc reconvertir des navires,
10:19mais aussi accompagner, en fait, les pêcheurs, les former,
10:22faire de la formation à certaines pratiques de pêche
10:24et puis accompagner toute l'évolution de la filière aussi.
10:27Parce que là, on parle de pratique,
10:28mais effectivement, tout ce qui se passe après, on avale.
10:31Merci beaucoup.
10:32Merci Léna Fréjaville et à bientôt sur Be Smart for Change.
10:34On passe tout de suite à notre Zoom.
10:36On va parler d'éducation au numérique.

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