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Qu'est-ce que le "fémonationalisme ? Léane Alestra publie "Les vigilantes : Surveillées et surveillantes, ces femmes au cœur de l'extrême droite". Elle est ce matin l'invitée de Constance Vilanova.

Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Constance Vilanova sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00Votre nouvelle tête, Constance Villanova, s'appelle Léane Alestra.
00:04Elle a 26 ans. Après le succès de son premier livre,
00:06elle publie son deuxième essai « Les Vigilantes sur les femmes au cœur de l'extrême droite ».
00:11On se fait sortir de manifestations quand on arrive avec des arguments qui, pour le coup, sont vraiment féministes.
00:16Je veux dire, on n'invente pas l'oppression que nous, on peut connaître,
00:18notamment dans l'espace public par le biais du harcèlement.
00:20On a fait un lien de corrélation avec l'immigration,
00:22parce qu'on s'est rendu compte qu'il y a des profils systématiques qui ressortaient dans le cadre du harcèlement de rue.
00:26Nous, quand on arrive dans une manif féministe, on est féministe.
00:30On se fait sortir par des féministes.
00:32Donc où est l'union, là ?
00:33Bonjour Léane Alestra.
00:34Bonjour.
00:34Alors, la voix qu'on vient d'entendre, ce n'est pas la vôtre.
00:36C'est celle d'Alice Cordier, présidente du groupuscule d'extrême droite Némésis.
00:41Némésis qui s'est fait connaître sur les réseaux avec des actions en marge de manifestations féministes.
00:45Némésis qui se dit féministe.
00:47Est-ce qu'on peut être féministe et d'extrême droite, Léane Alestra ?
00:50Eh bien non, parce que le féminisme, c'est lutter pour l'émancipation de toutes les femmes.
00:54Or, l'extrême droite, elle, demande plus de contrôle et de surveillance des femmes.
00:58Avec toujours cet argument du harcèlement qui proviendrait de l'immigration, c'est ça en fait ?
01:02Tout à fait, qui est juste une façon de faire avancer le racisme.
01:04Vous parlez du fémo-nationalisme.
01:07C'est même un concept clé de votre dernier essai.
01:09Comment vous pouvez nous le définir simplement pour nos auditeurs ?
01:14Le fémo-nationalisme, c'est une notion qui a été créée par la sociologue Sarah R. Faris
01:18pour désigner l'utilisation du féminisme à des fins sécuritaires, nationalistes et réactionnaires et surtout racistes.
01:25Alors vous avez 26 ans, vous avez travaillé sur deux mémoires autour du genre et vous avez déjà publié deux livres.
01:30Ce qui frappe dans votre travail et dans votre parcours, c'est cette fascination constante pour ces figures féminines de l'extrême droite.
01:36Qu'est-ce qui vous attire, qu'est-ce qui vous fascine dans ces trajectoires et dans ces figures-là justement ?
01:40Moi, ce qui me fascine toujours, c'est la question des paradoxes et des archétypes qu'on retrouve dans nos sociétés contemporaines.
01:47Et il y a une femme par exemple qui vous fascine, donc vous ne comprenez pas le parcours ?
01:53Moi, je ne sais pas tant qu'elle me fascine en elle-même, mais c'est plutôt comprendre pourquoi elle fascine.
01:58Et donc comprendre d'où vient la fascination, c'est ça qui me fascine.
02:00Et vous avez un exemple justement ?
02:02Justement, je me suis intéressée dans le livre à comprendre pourquoi est-ce que par exemple la figure des Tradwives a été autant médiatisée.
02:08Et donc les Tradwives, si vous pouvez nous décrire ce que c'est aussi ?
02:11Les Tradwives, c'est des femmes en ligne qui vont dire qu'elles revendiquent un idéal des années 50.
02:18Sauf qu'en fait, c'est des businesswomen qui font de la création de contenu en ligne.
02:21Vous montrez que les femmes ont longtemps été marginales dans l'extrême droite, mais qu'aujourd'hui, elles y prennent de plus en plus de place.
02:28Qu'est-ce que ça dit de notre époque et pourquoi cette progression selon vous ?
02:31Ça montre que tout simplement, les techniques qu'ont mis en place l'extrême droite pour amadouer l'électorat féminin depuis 10 ans, elles marchent.
02:38Et eux, ils ont besoin de ça pour gagner des élections.
02:40Mais ils ont aussi besoin de présenter des femmes, tout simplement parce qu'en France, par exemple, il y a des quotas.
02:44Donc il faut que les femmes participent au projet d'extrême droite pour qu'elles puissent s'installer.
02:48Il y a des figures qui prennent de plus en plus de place sur les réseaux.
02:52On a parlé de Némesis, on peut parler aussi de Dora Mouto, qui est une militante transphobe.
02:58On voit que ces femmes, elles récupèrent l'arsenal féministe.
03:01Comment expliquer que ça marche et pourquoi les médias s'y intéressent ?
03:04Tout simplement parce que le féminisme, déjà, c'est un mouvement populaire.
03:07Donc du coup, forcément, c'est facile ensuite de récupérer ces outils-là pour se placer dans le débat médiatique.
03:13Et ensuite, je pense qu'on aime bien aussi, ou du moins ça fascine, ces récits de transfuges réactionnaires,
03:22comme je le dis, pour parler de Dora Mouto, par exemple, qui était une figure plutôt libérale
03:26et qui est passée ensuite à l'extrême droite et qui aujourd'hui est proche d'Éric Zemmour, par exemple.
03:30C'est elles, les vraies féminazies, alors ?
03:32Mais tout à fait. Et figurez-vous que ça existait.
03:34Il y a vraiment des féministes qui sont devenues nazies pendant la Seconde Guerre mondiale.
03:38Et justement, vous en parlez dans votre livre, Les Vigilantes.
03:42Est-ce que vous pouvez nous parler du contrat de vigilance dont vous parlez dans cet essai, justement, Liane ?
03:47Alors moi, ce que j'explique dans l'essai, c'est que du coup, les femmes d'extrême droite,
03:51elles vont essayer de s'assimiler à l'état-nation, au nationalisme.
03:54Et donc pour ça, elles vont se surveiller elles-mêmes pour montrer qu'elles peuvent incarner cette bonne féminité.
04:01Et ensuite, elles vont aussi surveiller les autres femmes d'abord, mais aussi toutes les minorités,
04:05et essayer de les contrôler et participer au régime sécuritaire nationaliste.
04:10Vous avez créé un média, Mécréante, en 2020.
04:13C'est un média féministe qui est quand même né aussi sur les réseaux.
04:16On sait que les luttes progressistes, elles reposent sur les réseaux sociaux
04:19et sur des plateformes détenues par des milliardaires comme Zuckerberg,
04:22qui a parlé d'énergie masculine récemment.
04:24Comment vous gérez cette tension entre puissance de diffusion, force de frappe des réseaux,
04:29et un système que vous dénoncez, en fait ?
04:31Alors déjà, j'essaye de penser des formats que je peux décliner sur plein de supports différents.
04:36Donc par exemple, je publie tout sur le blog Mediapart aussi, mais je pense qu'il n'y a pas de solution individuelle.
04:40Et c'est pour ça que Mécréante va devenir un projet d'ampleur avec quatre co-dirigeantes,
04:45et du coup, qui va s'appeler Problématique.
04:47Donc on peut dire que Mécréante va devenir Problématique.
04:50Donc suivez Mécréante sur les réseaux et vous allez voir l'évolution au printemps.
04:55Léane Alestra, est-ce que vous vous souvenez de votre tout premier « et moi » féministe ?
04:59Alors, mon premier « et moi » féministe, je dirais que, déjà, il y a la découverte de Louise Michel, par exemple,
05:05ou de Flora Tristan, et après, en termes de manifestations et tout,
05:08je pense que les premières marches de nuit que j'ai faites à Paris,
05:11donc souvent le 7 mars, c'était quand même un grand moment.
05:13Ces marches de nuit, est-ce que vous pouvez nous dire qu'est-ce que c'est ? Pourquoi le 7 mars ?
05:17Alors en fait, c'est la veille du 8 mars, donc généralement, c'est des marches un peu plus anticapitalistes, etc.
05:22Et donc, l'idée, c'est de se réapproprier la rue collectivement pour montrer que l'espace public appartient à tout le monde,
05:28et y compris aux femmes.
05:29Vous avez grandi entre Vaud-en-Velin et une banlieue rurale de Bordeaux.
05:33Vous racontez un parcours familial instable, marqué par des absences et une forme de précarité aussi.
05:39Est-ce que ce rapport précoce à la débrouille et à la précarité a forgé votre engagement ?
05:44Oui, complètement, je pense.
05:45En quel sens ?
05:47Je pense, déjà, à cette idée qu'il faut trouver des solutions.
05:52Et puis, cette idée qu'il faut aller de l'avant et essayer d'être là, quoi, tout simplement.
05:57Il y a un concept que vous développez que j'adore, c'est celui de la pick-me et de la schtroumpfette.
06:02Vous avez été une fille au milieu de bandes de garçons, une fille des boys club.
06:05Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est et comment ça vous a placé en observatrice aussi des masculinités ?
06:11Oui, du coup, la schtroumpfette, c'est en général la seule fille tolérée dans une bande de mecs.
06:14En général, elle sort avec un des mecs du groupe, ce qui n'est pas toujours le cas, ce qui n'était pas mon cas, d'accord ?
06:21Mais du coup, elle est tolérée dans le boys club à condition, un peu comme les femmes d'extrême-droite finalement,
06:28d'être sages et de respecter les règles du jeu.
06:30Sinon, elle se fait tèche, ce qui a été mon cas, voilà.
06:34L'extrême-droite harcèle, elle menace.
06:38Comment vous vous protégez aujourd'hui avec l'apparition de ce bouquin ?
06:40Est-ce que vous subissez du cyberharcèlement ?
06:42Est-ce que vous avez mis en place quelque chose qui va se mettre en place avec l'apparition ?
06:46Est-ce que vous avez peur justement de sortes de représailles ?
06:49Comment vous faites ?
06:50Déjà, moi, je fais de l'EMDR pour ça.
06:52Ça fait cinq ans que je suis en ligne.
06:53L'EMDR, c'est de l'hypnose qui soigne les traumas, entre guillemets.
07:00Et puis, ça fait cinq ans que je subis du cyberharcèlement,
07:03notamment aussi beaucoup sur la question de la Palestine depuis deux ans.
07:07Donc, c'est assez intense, mais on fait comme on peut, quoi.
07:10Merci, Liane Alestra.
07:11Je rappelle le titre de votre ouvrage « Les Vigilantes »
07:13publié chez Jean-Claude Lattès au Nouveau Jour
07:15et le titre du précédent qui a été publié en poche
07:17et qui vient d'être réimprimé pour la sixième fois en grand format.
07:20Bravo.
07:21Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ?
07:23Merci.
07:23La réponse, non.
07:25Merci, Liane.

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