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Art et designTranscription
00:00Musique
00:00Bienvenue dans cette nouvelle émission spéciale Archibat.
00:24Nous sommes en compagnie du professeur Yakouba Konate, professeur de philosophie et critique d'art.
00:30Bienvenue professeur.
00:31Bonjour madame et merci.
00:33Alors vous avez fait une présentation sur ce salon qui avait pour thème le patrimoine culturel dans le renouvellement urbain.
00:41Alors la première question que je vais poser c'est pourquoi est-ce que c'est important de s'interroger sur la place du patrimoine face aux dynamiques de renouvellement urbain ?
00:50Parce que la notion de patrimoine contrairement à ce qu'on pourrait entendre ne concerne pas seulement une culture de type patriarcal parce que ça concerne aussi l'engendrement.
01:03Il s'agit de voir et de comprendre que ce qu'on appelle le patrimoine, notamment culturel, nous engendre et que nous-mêmes, de par notre participation à ce patrimoine, nous engendrons le futur.
01:19C'est en cela que ça renvoie à quelque chose qui est comparable à ce qu'on appelle la langue maternelle.
01:26Moi je tiens le patrimoine pour une langue maternelle.
01:29Et à partir de cette hypothèse-là, la question que je me suis posée c'est quels sont les effets de labellisation intrinsèques au vécu culturel et à l'histoire de la Côte d'Ivoire
01:46qui peuvent permettre de dégager, par exemple, des schèmes de labellisation.
01:52Alors, quelles sont selon vous les principales menaces que pose l'urbanisation sur le patrimoine architectural, principalement en Côte d'Ivoire ?
02:01Historiquement, on peut noter que ça a été une volonté moderniste.
02:08Je pense que la Côte d'Ivoire est un pays très moderne.
02:12C'est un moderniste qui a été affiché, qui a été assumé et qui a fait malheureusement quelques dégâts.
02:22Par exemple, tout ce qui est architecture endogène a été piétiné.
02:27Il y a eu à un certain moment, de manière très claire, ce qu'on appelait la guerre autodis.
02:34L'autre chose qui est très, très importante, c'est que la Côte d'Ivoire d'Oufoué-Boigny avait une volonté très moderniste
02:43qui n'a pas accordé toute l'attention souhaitable, pour certains comme moi, à ce qu'on appelle le patrimoine colonial.
02:51Donc, sous ce rapport-là, on a pu préserver à partir de 1990, notamment, par des lois qui ont été votées par des décrets,
03:05une partie du patrimoine du plateau.
03:07Mais à la différence d'un pays comme le Sénégal, où, par exemple, le palais de la présidence de la République
03:14a été maintenu, préservé, modernisé, chez nous, on a construit en oeuf.
03:20Mais c'est une option que la Côte d'Ivoire a prise, qui fait que c'est l'un des laboratoires
03:25de ce qu'on appelle le modernisme africain.
03:30Donc, les résultats sont là.
03:35Mais le vrai problème que nous avons aujourd'hui, en somme, ce n'est pas un problème.
03:40Le constat qu'on peut faire, c'est que ces résultats ont fait que, d'une certaine manière,
03:46il y a une forte polarisation, il y a une grande construction, mais on ne sait pas encore,
03:53on ne peut pas décider de manière très claire d'un monument au plan culturel
04:00qui peut valoir de manière constante comme la belle d'une ville comme Abidjan
04:06ou tout simplement comme la belle d'une ville de toute la Côte d'Ivoire.
04:11Donc, c'est cette hypothèse que j'ai essayé d'instruire, en partant du fait que Douala a un label
04:18qui est un monument.
04:21Paris a un label qui est la Tour Eiffel.
04:24New York a un label qui est la Statue de la Liberté.
04:28Quels sont les monuments de la Côte d'Ivoire, les bâtiments de la Côte d'Ivoire
04:34qui pourraient jouer ce rôle-là ?
04:36Donc, mon exposé a passé en revue, non seulement des monuments, des bâtiments,
04:43mais aussi des lieux qui engendrent ce qu'on pourrait appeler l'histoire et la modernité,
04:50mais aussi l'identité ivoirienne.
04:52Et puis, pour montrer que la question reste ouverte,
04:56y compris au regard de tous ces ponts qui se construisent aujourd'hui
05:01et également au regard des lieux de vie qui s'inventent dans les quartiers
05:12et avec une sorte d'alternance que tout le monde peut constater.
05:15Le cœur d'Abidjan, dans les années 40 à 50, c'était Trècheville.
05:23Après, ça a été tendanciellement Kokodi.
05:27Et puis, Yopougon a pris le pouvoir, si j'ose dire.
05:32Et sous ce rapport-là, Yopougon, ce n'est pas parce qu'il y a de beaux bâtiments.
05:37Il y en a qui sont très beaux.
05:38Je veux dire, ce qui fait l'emblème de Yopougon,
05:41c'est sa capacité à animer des scènes, des lieux publics,
05:46dont la rue Princesse a été à un moment donné l'une des figures,
05:51des lieux qui font écho à ce que la rue 12 de Trècheville a été à un moment donné,
05:57avec l'hypothèse que c'est probablement à Trècheville
06:01que la notion de maquis, auquel tout le monde consacre aujourd'hui un culte
06:08quand on pense à la Côte d'Ivoire,
06:10Trècheville est l'un des hauts lieux où ce concept a été expérimenté,
06:15validé et popularisé, notamment autour d'un lieu qu'on appelle l'ONU.
06:20Mais bon, ça, ça parle un peu à l'histoire.
06:23C'est une hypothèse que j'ai essayé d'avancer.
06:26Très bien.
06:27Alors, j'allais justement vous demander des exemples de villes africaines.
06:30On en a donné en Europe et en Amérique.
06:34Donc, vous avez parlé de la Tour Eiffel, de la Statue de la Liberté.
06:37Vous avez aussi parlé de Douala, du Sénégal aussi.
06:40Mais est-ce qu'ailleurs, en Afrique surtout, on a des exemples de ce genre ?
06:45En Afrique du Sud, vous avez le Parlement,
06:49à côté duquel il y a d'ailleurs le musée national,
06:54qu'ils appellent la National Gallery.
06:58Mais je ne connais pas toutes les villes africaines.
07:02Mais je dis, je constate seulement qu'il y a une tendance,
07:06il y a une possibilité de labellisation.
07:10Alors, ça ne veut pas dire que sans cette possibilité,
07:16la ville ne peut pas prospérer.
07:19Mais ça veut dire aussi qu'il faut analyser
07:23toutes les procédures de validation des labels.
07:27Sous ce rapport-là, j'ai insisté sur les effets prescriptifs
07:33d'autres phénomènes culturels comme le cinéma.
07:37Mon aîné, Timité Bassori, nous disait qu'avant de faire un film,
07:44il faut se demander où tu vas le faire.
07:47Parce que le film, c'est un personnage,
07:50ou plutôt, le lieu, c'est un personnage du film.
07:53Mon hypothèse maintenant, c'est que les bâtiments dans nos villes,
07:56les monuments dans nos villes, sont aussi des personnages de la ville.
08:00Et le film d'Henri Duparc a joué beaucoup pour la reconnaissance
08:06et la labellisation de la rue Princesse
08:08comme un lieu emblématique d'Abidjan en général,
08:13et de Yopougou en particulier.
08:15Très bien. Alors, selon vous, comment impliquer justement
08:18les décideurs et les urbanistes dans une approche plus sensible au patrimoine ?
08:23Moi, je pense que les urbanistes et les architectes,
08:27ils y sont d'emblée.
08:28Le vrai problème que nous avons aujourd'hui,
08:32c'est d'arriver à élargir la sensibilisation
08:36au niveau de tous les preneurs de décisions.
08:40Mon exposé a consisté à faire une focale
08:43sur le patrimoine de Christian Lattier,
08:46qui est un patrimoine qui, à un certain moment donné,
08:49a été également maltraité par des déciseurs
08:53au plan de la Côte d'Ivoire.
08:55J'ai également mis en avant le fait que,
08:58dans l'espace public, il y a un certain nombre de monuments,
09:02comme l'envol de la liberté de la place Saint-Jean de Cocody,
09:06ou même comme le masque Ouaningou de l'université,
09:09qui ont été pris en ténaille par des jeunes
09:14ou par des leaders d'opinion qui les ont accusés
09:18d'émettre des émanations qui seraient négatives.
09:27Et c'est des monuments qui ont été désoclés.
09:33On les a, je ne dis pas détruits, on les a descendus.
09:36Et après, on a mis d'autres choses à la place
09:40dans le cadre de l'université,
09:42mais la place Saint-Jean aujourd'hui, il n'y a pas de monument.
09:45Donc, ça nous renvoie aussi au fond culturel
09:48qui est celui de notre identité,
09:53qui considère qu'un monument,
09:55ce n'est pas juste un bloc de pierre ou de bois,
09:57c'est une force vitale,
10:02ça apporte un potentiel,
10:04une énergie qui peut être positive,
10:07qui peut être négative.
10:08Donc, ça nous renvoie aussi à toute la problématique
10:11des procédures à mettre en place
10:13chaque fois que nous occupons l'espace public
10:15avec un monument qui va avoir une portée collective,
10:20de se donner les moyens d'impliquer dans la décision
10:24les populations qui vont être les premiers dessinateurs,
10:31les premiers dessinateurs de ces œuvres.
10:35Très bien.
10:36Donc, on va terminer sur ça.
10:37On va dire urbanisation, d'accord,
10:39mais préservation du patrimoine, d'abord.
10:42Préservation, ça ne suffit pas.
10:44Il faut la promotion.
10:45Promotion aussi.
10:46Promotion aussi.
10:47Très bien.
10:48Merci beaucoup, professeur Yacouba.
10:50Merci.
10:50Merci de nous avoir suivis.
10:52L'information continue sur cette info
10:54Oui, c'est info.ci.