Est-ce que nous gagnerons un jour la bataille contre le cancer ? Trois chercheurs, qui nous donnent de l’espoir dans la lutte contre le cancer, étaient les invités de France Inter mercredi 16 avril. Rencontre avec Léa Montaigut, post-doctorante à l’hôpital Mont-Sinaï à New-York, Giacomo Cavalli, directeur de recherche au CNRS basé à l'Institut de génétique humaine de Montpellier, et Éric Vivier, professeur d’immunologie à l’Université d’Aix-Marseille et à l’école polytechnique.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00Gagnerons-nous un jour la bataille contre le cancer ?
00:03Ce qui est sûr, c'est que nos trois invités ce matin sont en première ligne et récompensés pour leurs travaux.
00:08La fondation ARC pour la recherche contre le cancer vient de leur remettre de prestigieux trophées.
00:15Le prix Léopold Griffel pour vous, Giacomo Cavalli et Éric Vivier.
00:19Bonjour, Giacomo Cavalli, vous êtes directeur de recherche au CNRS basé à l'Institut de génétique humaine de Montpellier.
00:26Éric Vivier, professeur d'immunologie à l'Université d'Aix-Marseille et à l'École Polytechnique.
00:32Président du Paris-Saclay Cancer Cluster et directeur scientifique de la société de biotechnologie Innate Pharma.
00:39Et le prix Oberling-Agno pour la qualité de votre thèse.
00:43Léa Montaigu, bonjour.
00:44Bonjour.
00:44Vous êtes post-doctorante aujourd'hui à l'hôpital prestigieux aussi Montsinaï à New York.
00:50Une partie du présent et de l'avenir de la recherche est donc avec nous dans ce studio ce matin.
00:56Recherche contre le cancer, rappelez-nous au 01 45 24 7000.
01:01Si on a choisi de vous inviter, évidemment, c'est avant tout pour parler d'espoir.
01:05Le credo de la fondation ARC qui vous a donc récompensé hier, c'est une conviction.
01:11La recherche vaincra le cancer.
01:14En un mot, vous partagez cette conviction.
01:16On en viendra à bout un jour.
01:17Éric Vivier.
01:18Oui, je pense qu'on travaille tous pour un monde sans cancer.
01:22On n'y est pas encore dans certaines pathologies, mais dans certains cancers, les progrès sont absolument considérables.
01:27Il y a certaines maladies cancéreuses qui étaient extrêmement sévères il y a encore quelques années qui maintenant sont quasi contrôlées.
01:35Maintenant, on n'est pas au bout.
01:36Léa Montaigu, vous, qui êtes post-doctorante.
01:40Alors, ça fait 10 ans que vous êtes dans le milieu de la recherche contre le cancer, mais vous dites que je suis encore une junior.
01:45Vous partagez vous aussi cette conviction et c'est pour ça, j'imagine, que vous vous êtes engagée.
01:49Oui, je pense que toutes les personnes qui sont ici autour de cette table, elles travaillent pour ça, dans cet objectif.
01:55Et on passe nos vies à ça.
01:57Alors, si on peut se permettre d'espérer, évidemment, c'est grâce à vous, chercheurs.
02:01Alors, présentez-nous les travaux qui vous valent ces prix prestigieux.
02:05Si j'en crois la Fondation, vous êtes à l'avant-garde de la recherche scientifique.
02:10Donc, on va essayer de comprendre pourquoi, Éric Vivier, vous, vous travaillez sur des cellules tueuses.
02:16J'aime assez, ça fait un peu titre de film de série B, mais c'est vraiment comme ça qu'on les appelle.
02:21Je préfère une série A, mais...
02:23Elles sont capables de tuer des cellules malades, c'est ça ?
02:25Oui, c'est ça. On travaille sur un type particulier de globules blancs que tout le monde a dans son organisme,
02:31qui circule dans le sang en particulier, et qui sont capables de reconnaître des cellules tumorales
02:35qu'elles vont contrôler, qu'elles vont éliminer, des cellules saines qu'elles vont épargner.
02:40Et nous, on essaye de mieux les comprendre pour mieux les manipuler.
02:43Elles sont déjà utilisées dans des traitements aujourd'hui ?
02:45Tout à fait, tout à fait. Par exemple, avec Kiné de Pharma, on développe plusieurs molécules maintenant
02:49qui sont en essai clinique, dont une en particulier qui est en phase 3 dans le cancer du poumon.
02:54Donc ça, c'est un grand espoir.
02:56C'est un grand espoir.
02:57Giacomo Cavalli, vous vous êtes récompensé pour vos travaux avec votre collègue Yangshi et votre équipe
03:03sur les modifications épigénétiques.
03:06Alors là, je pense qu'il va falloir essayer de bien vulgariser pour les auditeurs et pour moi
03:10qui sommes encore en train de nous réveiller.
03:12Mais en gros, l'épigénétique, si j'essaye de résumer, vous me corrigez évidemment si je me trompe.
03:17Disons que si le code, c'est le gène, l'épigénétique, c'est la façon dont ce code va être interprété,
03:24va être traduit par les cellules, c'est ça ?
03:27Oui, c'est un peu comme un texte d'un livre qui serait le code.
03:30Et après, la ponctuation qui serait l'épigénétique.
03:32Et selon la ponctuation, le code prend aussi un sens différent.
03:37Et donc vous, pour la première fois, vous montrez que certains cancers peuvent être causés
03:42par des modifications épigénétiques, donc par la transmission et pas forcément par des mutations
03:47du gène en lui-même, c'est ça ?
03:49Tout à fait.
03:50Alors, je pourrais vous dire, on est tous fait des milliers de milliards de cellules.
03:56Toutes ces cellules viennent d'une seule cellule.
03:58mais on a des cellules différentes, des cellules du foie, des cellules des muscles,
04:02des cellules nerveuses par exemple.
04:05Pourtant, on a dans toutes ces cellules le même code génétique.
04:09Et en fait, on admet facilement que du coup, il va falloir qu'il y ait d'autres choses
04:13qui déterminent dans chaque cellule qu'est-ce qu'elle fait.
04:16Or, pour le cancer, il y a un peu un paradoxe.
04:19On s'est toujours dit, il faut qu'il y ait des mutations dans la séquence d'ADN pour avoir des cancers.
04:25Et nous, on a un peu challengé cette idée.
04:28Et on s'est dit, peut-être qu'en fait, il y a aussi des dérèglements,
04:30tout autant que les cellules normales changent leur régulation pour devenir ce qu'elles sont.
04:35Peut-être que les cellules cancéreuses le font aussi, mais de manière pathologique.
04:38Et ce qu'on a prouvé, que c'est possible d'avoir des cancers avec des dérèglements de ce type.
04:42En quoi cette découverte est-elle si importante ?
04:45Peut-être que c'est pour le diagnostic, pour le traitement ?
04:48Il y a deux aspects.
04:50Un premier aspect, c'est vraiment de connaître la maladie, connaître l'émergence de la maladie.
04:54Donc là, il y a une nouvelle piste.
04:56Et la deuxième chose qui est très attrayante, c'est que ces modifications épigénétiques
05:00ont aussi une propriété qui est très intéressante, c'est qu'elles sont réversibles.
05:04En fait, on peut transformer une cellule à une autre cellule
05:07en changeant un peu son paysage, ce qu'on appelle épigénétique.
05:11Et du coup, on peut espérer aussi que pour le cancer, on peut ramener dans une certaine mesure,
05:15en tout cas, certaines cellules cancéreuses à une destinée plus normale.
05:19Et vous, Léa Montaigu, vous êtes donc récompensée pour votre thèse réalisée
05:25à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif, premier institut contre le cancer en Europe.
05:31Thèse sur une protéine qui peut aider à détecter un cancer avant même qu'il se développe, c'est ça ?
05:38Oui, exactement. Donc on a travaillé, nous, sur un marqueur sanguin, pareil qu'on peut détecter chez tout le monde,
05:44et qu'on connaissait déjà pour son rôle dans la gestion des graisses.
05:47Et on a regardé ce qui se passait dans le cancer et ce qu'on a remarqué, ce qu'on a découvert,
05:50c'est qu'il s'élevait de manière anormale chez les personnes qui allaient développer plus tard un cancer.
05:54Et ce jusqu'à quelques années avant l'apparition du cancer.
05:57Quelle piste ça peut ouvrir ? Quel espoir pour les malades, futurs malades malheureusement ?
06:02Déjà, c'est un signal d'alerte qu'on pourrait utiliser pour la détection.
06:04Et après, la question qui est venue de suite, c'était qu'est-ce qui se passe si on le diminue de force ?
06:10Et on a essayé de le diminuer dans des modèles de cancer.
06:12Et on a remarqué qu'on était capable d'améliorer la réponse du système immunitaire
06:16et d'améliorer aussi l'efficacité des thérapies que vous connaissez du cancer, la chimio, l'immunothérapie.
06:22C'est intéressant de vous avoir tous les trois ce matin,
06:25parce que vous, Léa Montaigu et Giacomo Cavalli, qui êtes dans la recherche fondamentale,
06:30et vous, Éric Vivier, dans la recherche appliquée, ce qu'on appelle la médecine appliquée,
06:36c'est-à-dire que vous traduisez les découvertes de vos collègues en médicaments, en traitements pour les malades, c'est ça ?
06:42Oui, complètement.
06:43Alors en fait, je ne pense pas qu'il faille opposer la recherche dite fondamentale
06:46et les applications de la recherche fondamentale.
06:49Je pense qu'il y a un continuum.
06:50L'un sert à l'autre, mais l'autre sert à l'un également.
06:53Par exemple, on le regarde tous les jours, les résultats de la clinique,
06:59les résultats qui viennent à partir des patients, nous servent à faire cette recherche transnationnelle
07:03qui nous permet de poser d'autres questions pour la recherche fondamentale.
07:07Le cancer en France, c'est 433 000 nouveaux cas par an,
07:12selon les derniers chiffres de l'Institut National du Cancer.
07:14Ça ne cesse d'augmenter, notamment chez les jeunes, les moins de 50 ans, on va en parler.
07:19Mais en face, il y a aussi des avancées, vous en êtes la preuve vivante,
07:23des avancées de la recherche qui se multiplient.
07:25Est-ce qu'on vit potentiellement, on l'entend parfois, une époque de révolution
07:29aujourd'hui dans la recherche et la lutte contre le cancer ?
07:32Et à Montaigu, qu'est-ce que vous en pensez ?
07:34Clairement, oui.
07:35J'ai commencé la recherche aussi pour ça, parce que c'était une période très enthousiasmante intellectuellement.
07:41C'est-à-dire que les deux sont valables.
07:44Quand je suis arrivée dans la recherche, l'immunothérapie venait d'être une découverte
07:47et maintenant, c'est déjà chez les patients.
07:51Et donc, c'est hyper enthousiasmant de se dire qu'on participe à cette révolution
07:54et on cherche qu'elle sera la prochaine, surtout.
07:57Lors d'un récent congrès européen qui réunissait les plus grands chercheurs dans votre domaine,
08:04le président de la Fédération des Centres Français de lutte contre le cancer a dit
08:07« Sur l'ensemble des travaux qui ont été présentés dans ce congrès,
08:10il n'y a pas un groupe de tumeurs qui n'est pas fait l'objet d'avancées significatives. »
08:15Giacomo Cavalli, c'est ça aujourd'hui.
08:17La réalité, c'est qu'on progresse partout.
08:19Quelles sont les avancées, vous, qui vous donnent le plus d'espoir ?
08:22Par exemple, si vous avez un exemple ce matin.
08:24Je pense qu'on avance sur tous les fronts, vraiment.
08:27C'est les diagnostics qui sont de plus en plus précoces.
08:30On a des nouvelles pistes thérapeutiques qui s'ouvrent, qui sont vraiment impressionnantes.
08:36Alors, moi, je parle d'épigénétique, on commence à envisager des thérapies épigénétiques
08:39de plus en plus fines et ciblées.
08:43Et puis, il y a aussi l'amélioration un petit peu de la prise en charge du patient.
08:47Donc, on améliore la qualité de la vie aussi.
08:50Donc, c'est le diagnostic de plus en plus précoce,
08:52des traitements de plus en plus adaptés aux patients individuellement,
08:57de moins en moins lourds, c'est ça, Éric Vivier ?
08:59Oui, on assiste à un développement des thérapies personnalisées.
09:02Parce qu'on ne voit pas parler du cancer, mais des cancers.
09:05Tous les cancers sont différents.
09:07Et même dans un même groupe de cancers,
09:09les patients qui présentent ces cancers sont aussi très différents les uns les autres.
09:14Donc, on essaye d'adapter les traitements aux patients et aux cancers.
09:18Là où l'on peut, où l'on doit sans doute progresser encore,
09:23où il y a un retard, c'est sur la prévention.
09:25Est-ce que c'est ça, aujourd'hui, le domaine où il faut agir particulièrement ?
09:31Léa Montaigu ?
09:33Oui, moi, c'est ce qui m'intéresse aussi en ce moment.
09:35Donc, ce par quoi je poursuis mes recherches,
09:38c'est de savoir un petit peu qu'est-ce qui fait que le système immunitaire en particulier,
09:43qui devrait nous protéger et faire en sorte qu'il n'y ait pas du tout de cancer,
09:46s'affaiblit à certains moments de la vie ou pendant la vieillesse.
09:48Et donc, laisse la place au cancer de se développer.
09:51Question de Chantal, justement, au Standard de France Inter.
09:54Bonjour, Chantal.
09:55Oui, bonjour.
09:56Bonjour, Simon.
09:58Bonjour, on vous écoute.
10:00Oui, ma question s'est posée parce que je suis déjà d'un âge un peu avancé.
10:05Dans ma jeunesse, maturité, on n'entendait jamais parler des cancers des enfants.
10:10Or, aujourd'hui, on en parle de plus en plus.
10:13Alors, ma question est la suivante.
10:15Est-ce que c'est dû à une évolution « normale » de l'espèce humaine
10:20qui ferait que ça passe par ça ?
10:23Ou bien est-ce qu'il s'agit d'autres conditions qui favorisent le cancer des enfants,
10:28à savoir l'alimentation moins bonne, moins naturelle,
10:32le changement climatique, le stress de l'époque ?
10:36Voilà ma question.
10:37Merci beaucoup, Chantal.
10:39Effectivement, beaucoup d'inquiétudes aujourd'hui sur le cancer des jeunes en général,
10:44des enfants en particulier.
10:46Éric Vivier, est-ce qu'on explique cette augmentation-là ?
10:49Est-ce que c'est dû, effectivement, comme le disait Chantal,
10:51à des causes environnementales et à nos modes de vie ?
10:54Alors, pour les cancers pédiatriques, je ne saurais me prononcer.
10:57Mais par contre, pour les cancers des jeunes adultes,
10:59comme il a été dit précédemment,
11:01c'est sûr qu'on assiste à une augmentation de certains cancers,
11:05en particulier les cancers digestifs, les cancers du pancréas.
11:09Et il y a plusieurs pistes.
11:10Les pistes, de manière générale, s'articulent autour de ce qu'on appelle l'exposome,
11:15c'est-à-dire l'ensemble de ce à quoi on est exposé.
11:19On parle des microplastiques en particulier.
11:23On peut parler aussi des pesticides.
11:26Et c'est sûr que ce sont des événements ou des éléments qui sont très importants pour prendre en considération.
11:31Giacomo Cavalli, sur les cancers pédiatriques en particulier,
11:35est-ce qu'on a... d'abord, est-ce qu'ils augmentent eux aussi sur les jeunes enfants ?
11:41Oui, alors, il y a une partie aussi, une détection qui est améliorée,
11:44mais effectivement, il y a une augmentation.
11:46On les détecte plus, donc forcément, les statistiques augmentent.
11:49Mais il y a aussi une augmentation.
11:53Et je reviens un peu à cette exposition qu'on a à différents insultes environnementaux.
11:58On sait que des expositions précoces...
12:03Déjà, chez l'individu adulte, on a des pathologies qui dépendent des expositions qu'on a eues des décennies avant.
12:11Et en fait, on sait aussi, malheureusement, que certaines expositions durant la vie fétale
12:16peuvent provoquer des pathologies comme le cancer.
12:20Ce sont des pathologies assez dures pour les sujets, mais aussi pour les familles.
12:26Nous essayons d'y travailler et en fait, on sait que dans ces cancers pédiatriques,
12:31très souvent, ce sont des composantes épigénétiques qui sont altérées.
12:35Donc, nous, nous avons beaucoup d'espoir d'améliorer un jour la thérapie de ces cancers.
12:41Mais il faut dire qu'aussi, là, il y a vraiment un travail sociétal.
12:44C'est très important de contrôler, de réduire aussi, si possible, cette exposition.
12:50La prévention et les cancers précoces, qui ne cessent encore une fois d'augmenter depuis 20 ans,
12:55ça, c'est le grand défi de la recherche.
12:57L'un des grands défis, évidemment, vous battez sur plusieurs fronts.
13:00Mais voilà, c'est quelque chose sur lequel vous avez beaucoup travaillé, j'imagine, les amonts aigus.
13:06Oui, et puis je pense qu'une des choses les plus difficiles dans ces thématiques de prévention,
13:10c'est de déterminer ce qu'on appelle la causalité,
13:13c'est-à-dire de savoir parmi 10 ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans d'exposition,
13:17quels sont les facteurs qui vont avoir une importance ou pas.
13:20Et ça, c'est des défis scientifiques qui font appel à la biologie,
13:23mais qui font aussi appel aux épidémiologistes, aux mathématiciens.
13:27Il faut vraiment avoir tout le monde qui travaille de concert
13:29pour comprendre qu'est-ce qui est important et qu'est-ce qui n'est pas.
13:32Éric Vivier ?
13:32Oui, je pense que c'est un point extrêmement important.
13:35Il ne faut pas travailler en silo.
13:37Là, à travers ce qu'on vient de dire, on se rend bien compte qu'on a besoin,
13:40effectivement, comme ça vient d'être dit, d'épidémiologistes, de mathématiciens,
13:44de chercheurs, de médecins, d'immunologistes, tous ensemble.
13:48Et c'est ce qu'on essaie de faire.
13:49Et peut-être l'une des bonnes nouvelles qu'on pourrait transmettre à celles et ceux qui nous écoutent,
13:54c'est qu'en France, on est en train de construire une ville nouvelle,
13:57totalement dédiée au cancer, autour de Gustave Roussy,
14:00qui s'appelle le Paris Sacré-Cancer-Coster.
14:02La vie juive, donc près de Paris, oui.
14:02Exactement.
14:0319 minutes maintenant par le nouveau métro, par l'extension de la 14.
14:07Et en fait, on met tout le monde ensemble.
14:09Il y a évidemment les patients, il y a les médecins, il y a les chercheurs,
14:12et les chercheurs dans toutes les disciplines,
14:14avec des chimistes, des immunologistes,
14:16des personnes qui travaillent sur l'épigénétique également,
14:19et aussi du monde industriel,
14:21de telle manière à transformer le plus rapidement possible
14:24les résultats de la recherche fondamentale
14:26en produits qui vont aider la prise en charge du cancer.
14:29Trois scientifiques, trois chercheurs en pointe dans la lutte contre le cancer
14:35avec nous ce matin dans le studio de France Inter,
14:38et Camille nous appelle au standard.
14:40Bonjour Camille.
14:42Oui, bonjour.
14:43Vous m'entendez ?
14:44Oui, on vous entend très bien et on écoute votre question.
14:46Oui.
14:47Alors déjà, je voulais vous remercier pour tout ce que vous faites.
14:51Je voulais remercier vraiment les chercheurs et les médecins,
14:55parce que c'est grâce à eux qu'on est toujours debout.
14:58Donc merci.
15:00Juste une petite suggestion, si je peux me permettre,
15:03il faudrait travailler sur les effets secondaires
15:05des médicaments et des produits.
15:08C'est très bien.
15:10Vraiment, moi je suis contente de pouvoir bénéficier de tous ces médicaments,
15:16mais juste pensez aux effets secondaires,
15:18parce que c'est ce qu'il y a de plus difficile à supporter en fait.
15:20Grand merci pour votre question Camille.
15:22Merci beaucoup.
15:23Nos trois chercheurs ont deux concerts.
15:25Oshé la tête quand vous avez posé cette question sur les effets secondaires.
15:29Éric Vivier.
15:30Oui, on y travaille beaucoup.
15:31Évidemment, c'est quelque chose de très important.
15:33Par exemple, dans l'immunothérapie,
15:35on s'aperçoit que les effets secondaires existent,
15:37mais qui sont par nature très très différents
15:39des effets secondaires de la chimiothérapie,
15:42et qui permettent quand même une meilleure qualité de vie de manière générale.
15:45Mais c'est effectivement quelque chose d'important.
15:47Et que notre auditrice soit rassurée, on y travaille tous les jours.
15:51Est-ce que vous travaillez dans de bonnes conditions ?
15:53Quel est l'état de la recherche aujourd'hui en France ?
15:56Est-ce que vous avez suffisamment de moyens ?
15:58Giacomo Cavalli ?
16:00La recherche française est à la pointe mondiale.
16:04Néanmoins, on a toujours la recherche des moyens.
16:08Et je pense qu'on pourrait encore faire des efforts.
16:13J'espère que nos tutelles nous écoutent
16:16et qu'elles continueront sur ces efforts.
16:19Des moyens, c'est le nerf de la guerre, évidemment,
16:21parce que d'abord, la recherche contre le cancer,
16:23c'est du temps long, parfois très long,
16:26et c'est énormément d'argent.
16:2920 à 25 ans en moyenne pour passer de la découverte aux médicaments.
16:33Éric Vivier, c'est ça ?
16:34Avec un investissement moyen par médicament, par molécule,
16:37d'un milliard et demi, ce sont les chiffres.
16:39Oui, exactement.
16:40On est effectivement dans le temps long
16:42et dans un temps long qui coûte cher.
16:43Mais pour revenir sur la question,
16:45est-ce qu'on a assez de moyens en France ?
16:46Je pense qu'il faut se réjouir d'avoir une infrastructure,
16:50un écosystème de recherche en France
16:51qui est absolument remarquable.
16:53Pour autant, il faut créer encore plus de liens,
16:55de ponts entre la recherche publique et la recherche privée.
16:59Et je voudrais en profiter,
17:00parce qu'on est tous récipiendaires de récompenses de l'ARC.
17:03Je voudrais aussi en profiter pour remercier
17:06toutes celles et tous ceux qui donnent de l'argent.
17:08Oui, parce que l'ARC, c'est 100% de dons.
17:09C'est ça ?
17:10L'ARC, c'est 100% de dons et délègue.
17:13Mais s'il n'y avait pas ces organismes caritatifs,
17:16l'Association de recherche contre le cancer,
17:18l'ARC, mais aussi la Ligue nationale contre le cancer,
17:20la FRM et d'autres,
17:21je pense qu'en tout cas, nous, dans notre laboratoire,
17:23ça ferait longtemps qu'on aurait mis la clé sous la porte.
17:25Et donc, merci à toutes celles et tous ceux
17:27qui continuent à nous encourager,
17:29à nous supporter financièrement.
17:30C'est du temps long, c'est de l'argent
17:33et c'est aussi accepter d'échouer,
17:35de se tromper sur 100 médicaments.
17:37Il y en a testés, on va dire,
17:39il y en a un ou deux qui deviendront de vrais médicaments.
17:41Est-ce qu'on accepte encore bien aujourd'hui,
17:44alors on parle sans cesse d'économie,
17:46où la conjoncture mondiale est très complexe,
17:49elle est à Montaigu,
17:50est-ce qu'on accepte encore que la recherche
17:52puisse tâtonner et se tromper ?
17:54Je pense que c'est ça qui est essentiel en termes de moyens,
17:56c'est de nous donner les moyens
17:57et aussi la confiance, la liberté d'exercer
18:00notre métier de scientifique
18:01pour avoir la place de chercher
18:05sur des thématiques qui sont ambitieuses,
18:07qui sont audacieuses,
18:09parfois de se tromper,
18:10mais de trouver où pivoter
18:11et où aller trouver la nouvelle révolution de demain
18:15et les nouvelles idées qui vont fonctionner.
18:17Giacomo Cavalli ?
18:18En fait, on dit se tromper,
18:20mais en réalité, il n'y a pas d'erreur.
18:23Ces erreurs, elles sont bien analysées
18:26et on apprend énormément de ces erreurs.
18:29C'est grâce à ces erreurs
18:30qu'on trouve la bonne piste.
18:32Et c'est là aussi que la recherche publique
18:34peut jouer un rôle très important,
18:36un rôle moteur,
18:37parce qu'elle a cette capacité
18:39de pouvoir prendre des risques,
18:41éventuellement ne pas trouver la piste immédiatement,
18:44mais prendre le temps
18:45de trouver enfin la bonne piste,
18:47peut-être une année ou deux plus tard.
18:49On a beaucoup de questions,
18:51à la fois au Standard Inter
18:52et sur l'application de Radio France.
18:53C'est évidemment sujet majeur
18:56du moment pour le monde scientifique
18:58en général, partout sur la planète,
19:01sur les attaques de l'administration Trump
19:04aux Etats-Unis
19:05contre le monde de la recherche.
19:07La recherche est décimée.
19:09C'est ce que disent 1900
19:10de vos collègues américains.
19:12Est-ce que vous ressentez
19:14directement les conséquences
19:16de ces coupes budgétaires ?
19:18Vous êtes à New York, vous,
19:20Léa Montaigu ?
19:20Oui, je suis arrivée en janvier à New York
19:22pour commencer en tant que chercheuse postdoctorale
19:24et je dirais que, immédiatement,
19:28la sidération a frappé
19:29la communauté scientifique.
19:31Quelques semaines après être arrivée,
19:33on a participé au mouvement
19:34Stand Up for Science
19:35qui a eu un écho en France,
19:36donc je pense que les gens
19:37savent de quoi je parle,
19:38qui a mobilisé des prix Nobel,
19:40des chercheurs,
19:41parce que l'écosystème américain,
19:43il est aussi leader mondial
19:45et il est important
19:47parce que la recherche,
19:48elle est collaborative.
19:49Donc, si on fragilise
19:51cette liberté dont on parlait,
19:52ces moyens
19:53et cette confiance
19:54en le système académique
19:56en Amérique,
19:57il y aura des conséquences
19:58au niveau mondial.
19:59Puis c'est aussi une opportunité
20:00et une responsabilité,
20:01je pense,
20:01pour le système français et européen
20:03de rester à la pointe
20:05et de donner les moyens
20:07pour ne pas qu'on perde
20:08en opportunité de recherche
20:10au niveau mondial.
20:11Quelle est l'atmosphère ?
20:12Vous avez parlé de sidération,
20:13mais simplement,
20:14juste pour qu'on comprenne bien
20:15ce qui se passe aujourd'hui
20:16aux Etats-Unis,
20:18pour vous,
20:19pour vos collègues.
20:20C'est quoi l'état d'esprit
20:22aujourd'hui ?
20:23Il y a des annonces ciblées
20:24ou plus générales aussi
20:25au niveau fédéral
20:26de retrait de financement
20:27qui créent beaucoup
20:29d'incertitudes
20:29sur ce qu'on va être capable
20:30de mener à bien
20:31parce qu'on l'a dit,
20:32on a besoin du temps long,
20:33on a besoin d'avoir
20:34de l'assurance
20:35sur les moyens
20:35de mener la recherche
20:36et ça crée une incertitude
20:38qui compromet un petit peu
20:41cette possibilité
20:42de s'engager
20:43sur des projets long terme.
20:44Et ce sont des décisions
20:45qui auront potentiellement
20:46des conséquences néfastes
20:47dans 5, 10, 15 ans.
20:49Éric Vivier ?
20:50Oui, ça va être difficile
20:51d'évaluer à ce stade,
20:53mais je pense qu'il faut
20:54se serrer les coudes.
20:56La recherche,
20:57la science n'a pas de frontières
20:58et je vois qu'en fait,
21:00il y a plein d'opportunités
21:02aussi pour l'Europe
21:04et pour la France
21:05d'accueillir nos collègues
21:07qui sont dans des difficultés
21:09parce qu'ils ne peuvent pas
21:10continuer à faire
21:11la recherche qu'ils voulaient.
21:12et donc je pense qu'effectivement
21:14il faut qu'on accueille
21:15ces chercheurs en difficulté.
21:16Il y a beaucoup d'initiatives
21:17effectivement pour les accueillir,
21:19de la fondation ARC encore une fois
21:21qui met 3,5 millions d'euros
21:23sur la table pour ça,
21:24Centrale Supélec,
21:26l'Université d'Aix-Marseille
21:28aussi qui lance des initiatives.
21:30Qu'est-ce que vous en pensez
21:30de Giacomo Cavalli ?
21:32Je pense que c'est très important.
21:34C'est important de le faire
21:35avec un vrai esprit aussi
21:37de générosité.
21:38Il ne faut pas oublier
21:39que les Etats-Unis
21:40qui sont parfois décriés
21:42ont accueilli généreusement
21:44énormément de chercheurs
21:45dans le monde entier
21:46et plutôt qu'essayer
21:48de tirer la couverture
21:49de dire
21:50peut-être je vais réussir
21:51à débaucher
21:52un chercheur américain
21:53vraiment de les accueillir
21:55pour qu'ils puissent
21:55continuer à faire leurs travaux.
21:57On a les moyens
21:57de les accueillir ?
21:58On a quelques moyens
21:59et le système français
22:01a aussi des atouts
22:03extraordinaires
22:04dont on ne se rend pas
22:05forcément compte
22:05mais on se rend mieux compte
22:07quand on le connaît mieux.
22:08Donc on a la possibilité
22:09de leur offrir
22:10des possibilités de poste
22:11par exemple
22:12un peu plus de stabilité
22:14donc ça peut leur donner
22:15envie d'avenir
22:16mais aussi ça peut donner
22:19envie de rester quelques années
22:20puis peut-être
22:21revenir aux Etats-Unis
22:22quand il sera le moment.
22:23Une question
22:24on comprend bien
22:26effectivement
22:26l'importance
22:27de ce qui se passe
22:28aux Etats-Unis
22:28pour tout le monde
22:29de la recherche
22:30qui est évidemment
22:31interconnecté
22:32c'est un milieu aujourd'hui
22:34avec énormément
22:34de coopération internationale.
22:36Une question
22:36beaucoup plus précise
22:38particulière
22:39sur un cas
22:40que nous soumet Cécile
22:41sur l'application
22:42de Radio France
22:42pour vous Léa Montaigu
22:43Cécile nous dit
22:45qu'on a découvert
22:46chez son conjoint
22:46un cancer du poumon
22:47il a 41 ans
22:48non fumeur sportif
22:49est-ce que vos travaux
22:50sur cette molécule
22:53cette protéine
22:53qui permet de détecter
22:54le cancer
22:55chez des patients
22:57sont potentiellement
22:59applicables
23:00à un cas
23:00comme celui-là ?
23:01Oui on a des signaux
23:02aussi assez forts
23:03dans le cancer du poumon
23:04Est-ce qu'on nous dit
23:06dit Cécile
23:06qu'il n'y avait pas
23:07de marqueur sanguin
23:07chez son conjoint ?
23:09Alors c'est un candidat
23:10parmi beaucoup
23:10il y a énormément
23:11d'équipes qui cherchent
23:12ce genre de marqueur
23:13précoce de cancer
23:14et donc oui bien sûr
23:15ce qu'on fait
23:16ce serait pour bénéficier
23:17aux personnes
23:18comme son époux
23:18Un dernier mot
23:19Eric Vivier
23:20sur l'intelligence artificielle
23:22parce que ça c'est
23:22évidemment
23:23un élément majeur
23:25aujourd'hui pour vous
23:26est-ce qu'on peut dire
23:28qu'un duo médecin
23:29intelligence artificielle
23:30est meilleur
23:31aujourd'hui
23:31qu'un médecin tout seul ?
23:32Oui je pense que oui
23:33bien sûr
23:34l'intelligence artificielle
23:35nous donne la possibilité
23:37d'explorer
23:38avec une efficacité
23:40inégalée
23:41maintenant il faut bien
23:42l'utiliser
23:42cette intelligence artificielle
23:44en particulier
23:45nous toujours
23:46au Paris-Saclay
23:46Cancer Cluster
23:47cette ville nouvelle
23:48qu'on développe
23:48contre le cancer
23:49on essaye de développer
23:51un programme
23:52pour organiser au mieux
23:53les données de santé
23:54dans des entrepôts
23:55de données de santé
23:55et on a besoin
23:56de l'intelligence artificielle
23:57pour les organiser
23:58pour pouvoir les utiliser
23:59de manière la plus efficace possible
24:01c'est une des applications
24:02mais il y en a plein d'autres
24:03Merci beaucoup
24:05à tous les trois
24:06Eric Vivier
24:07Giacomo Cavalli
24:08Léa Montaigu
24:09trois chercheurs
24:10je cite Yang Shi aussi
24:11avec qui vous travaillez
24:12Giacomo Cavalli
24:13et qui a été récompensé aussi
24:14comme vous donc
24:15par la fondation ARC
24:17trois chercheurs
24:18récompensés
24:18pour la qualité
24:19de leurs travaux
24:19dans la lutte contre le cancer
24:21et merci d'être venu nous parler
24:22de recherche et d'espoir
24:24ce matin sur France Inter
24:25et merci d'avoir regardé cette vidéo