Retrouvez « Amandine Lourdel n’a pas compris » dans la Bande Originale sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/amandine-lourdel-n-a-pas-compris
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AmusantTranscription
00:00C'est Amandine Lourdel !
00:02Salut Moussa, salut à tous, ça va ?
00:06Ça va et toi ?
00:07Écoutez, ça va.
00:08Semaine dernière, j'étais en tournée et en arrivant, Claude, bénévole depuis 1996
00:12sur le festival Rire à s'empéter les côtes du Rhône, m'a informé que je dormais chez l'habitant.
00:18Faut savoir que moi, j'aime bien dormir chez l'habitant, mais seulement quand je dors avec l'habitant.
00:23Sinon, paye ton hôtel le comité des fêtes, j'ai pas envie demain matin de me prendre une rasade d'eau glacée sous la douche
00:28parce que Michel a tiré la chasse d'eau.
00:30Mais après le spectacle, en arrivant chez Laurence et Thierry, qui vivent dans un très
00:35joli pavillon phoenix en crépit, en nez de bégonia, situé en chœur du lotissement
00:39nommé également « Les Bégonias », jusque-là la direction artistique était cohérente,
00:44ça m'a fait Madeleine de Proust, enfin pas Madeleine, en l'occurrence plutôt Curly
00:48de Proust.
00:49Soudainement j'avais 14 ans, je venais de garer mon typhoon dont Fab avait fumé l'arrière
00:52au chalumeau, devant chez celui ou celle dont les parents étaient absents pour préparer
00:56notre partie de cercueil.
00:57Pour ceux qui ne savent pas, un cercueil, c'est un jeu d'adolescent qui consiste à
01:01mettre dans une bouteille vide d'oasis un peu de chaque alcool dont le bar de tes parents
01:05dispose et de passer ensuite une soirée vomitif dans un arrêt de bus.
01:08C'est pas que l'adolescence hein !
01:11Voilà comment on tentait de remplir nos soirées du samedi aussi vite que la diagonale
01:15dans laquelle on grandissait.
01:16Enfin, chez nous on appelait ça un cercueil, mais j'ai entendu dire que du côté de Poitiers
01:19ils appelaient ça une Leïla, je sais pas.
01:22Et je peux te dire que quand t'as passé ton adolescence à la campagne, tu sais que l'amour
01:27n'est pas dans le pré.
01:28Non, l'amour est le long du pré.
01:29Avec un loulou qui porte une gourmette qui pèse bien plus lourd que son parcours scolaire
01:34et qui, étant donné qu'on est le 14 juillet et que le seul intermarché aux 25 kilomètres
01:39à la ronde est fermé, n'a pas pu s'acheter de gel pour remonter sa petite houppette de
01:43tintin qui couronne son crâne rasé et qui par conséquent a préféré garder son casque
01:48de scooter posé sur la tête pendant toute la soirée, même pendant le Madison.
01:53Que ce qui t'a séduit chez lui, c'est qu'il conduisait son auto-tamponneuse non pas assis
01:57dedans mais bien sur le côté du véhicule.
02:00Symbole ostentatoire de son refus d'adhérer aux règles sociétales mises en place et donc
02:04de sa virilité.
02:05C'était bien quand même.
02:06Quand je vois que maintenant je me retrouve dans des dîners entre deux tartinables à
02:09m'entendre dire des phrases comme « Franchement, mille balles une chaudière pour passer en
02:12des PED dans de l'ancien, ça va quoi ! » Ça me donne envie de me suicider en remplissant
02:17mes narines avec la taponnade mango curry.
02:19En général, l'entrée principale du pavillon se fait par le sous-sol slash garage slash
02:26cuisine d'été slash cellier slash atelier et pour accéder à l'escalier, tu dois
02:31longer la xantia familiale.
02:32Faut aimer l'odeur de l'essence ! 10 minutes passées dans un de ces sous-sols slash garage
02:36slash cuisine d'été slash cellier slash atelier, pour tes poumons c'est l'équivalent
02:40de deux cartouches de windstone rouge, sans filtre et sans S.
02:43En bas de l'escalier, tu dois enlever tes chaussures, parce que maman c'est pas esquinter
02:47à cirer le sol pour rien.
02:48Le sol c'est du carrelage, partout du carrelage, de la cuisine aux chambres, du carrelage, du
02:53carrelage, du carrelage tellement partout que t'as qu'une envie c'est de t'y étendre
02:55et de t'y laisser mourir.
02:56En bas des escaliers, on va te proposer de manière insistante des chaussons, si tu refuses
03:01les chaussons, on va te proposer des patins, tu refuses les patins ! Même si tu sais que
03:05si tu restes en chaussette trop longtemps avec la chaleur de ton corps sur le carrelage froid,
03:09ça fait de la buée.
03:10T'auras les pieds mouillés et Laurence te demandera tous les quarts d'heure si elle
03:13a pas froid, toi t'es gelée mais tu dis non, parce que plutôt crever que de mettre
03:16des chaussons devant des gens que tu connais pas, plutôt crever que de mettre des chaussons
03:19tout court d'ailleurs.
03:20Déjà que t'as bouffé une mini-pizza de l'assortiment Belin-Réception pour faire plaisir et que t'arrives
03:24plus à t'arrêter parce qu'il n'y a pas à dire, avec le vin cuit ça passe crème de cassis.
03:28Ces petits biscuits apéro ça s'appelle des crackers parce qu'en deux bouchées tu deviens drogué du truc.
03:33Je me suis dit faut que je m'arrête sinon dans deux jours on me retrouve à la gare de Charleville-Mézières
03:37à vendre mon corps en échange d'un Monster Munch.
03:39En général, la déco de la maison tourne autour d'une collection.
03:43Une collection de type moyen de transport ou animal.
03:46Ou les deux à la fois.
03:47Ça peut être téléphérique marmotte ou encore train éléphant.
03:50Je connais bien, j'ai grandi dans une maison voilier ours-brun.
03:53L'animal est partout.
03:54Du gant pour sortir les plats du four aux porte-torchons, de l'aimant frigidéral, en frise de papier peint
03:59et même parfois en gousse de couette.
04:00J'ai dormi en face d'une vitrine à poupée en porcelaine qui me regardait quand même très intensément.
04:04Et j'ai bien senti que la danseuse de flamenco me jugeait d'avoir avalé 14 tranches de chorizo.
04:09Le lendemain matin, je descends en petit-déj.
04:11Enfin, je ne descends pas, la maison est en plein pied.
04:13Thierry me demande ce que je prends.
04:14Je me dis c'est pas l'endroit pour demander s'il y a du lait d'avoine à mon avis.
04:17J'ai fini par craquer pour une brioche tressée pasquier.
04:20Et que les dieux des levures indigènes me pardonnent.
04:23Mais parfois, c'est quand même incroyable la bouffe industrielle.
04:26Après le petit-déj demande à un cendrier, ils m'ont regardé comme si j'avais demandé une seringue et un garrot.
04:30Mais j'ai pu aller fumer sur la terrasse sous la pergola à côté d'une communauté de nains de jardin.
04:34Dont un noir !
04:35Je me suis dit bon bah ça va ils votent pas ARN.
04:37Après ma clope, j'ai fait comme à l'époque, j'ai mâché du tuya pour pas que ma mère sente l'odeur du tabac.
04:41Je suis en partie de là avec l'adolescence en bandoulière et la mémoire à rembobiner au crayon de papier comme une bande de cassettes audio.
04:47Mais surtout avec les chaussettes mouillées et de la condensation du carrelage.
04:50Et je voudrais pour finir citer Jim Morrison qui disait
04:53Amo gli adolescenti perché quello che fanno lo fanno sempre per la prima volta.
04:57J'aime les adolescents parce que quoi qu'ils font, ils le font toujours pour la première fois.
05:01Je sais qu'il était pas italien Jim Morrison, mais c'est ce que ma correspondante napolitaine avait écrit dans son agenda et j'aimais bien.
05:06Merci de m'avoir écouté.
05:07Bravo Amandine !
05:08Elle est sur scène Daniel.
05:12A Paris tous les mardis à la Comédie de Paris et le 9 mai elle sera à Genève.