Charles Pinel, directeur général de Proxinvest, aborde la consultation, lors de l'assemblée générale du groupe Stellantis, de la rémunération de l'ancien patron, Carlos Tavares. "On recommande à nos clients, investisseurs de Stellantis, de s'y opposer", a-t-il expliqué à l'antenne de BFM2.
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00:00Merci de nous retrouver sur BFM2 pour revenir sur cette rémunération de Carlos Tavares,
00:07l'ancien patron du groupe automobile Stellantis, qui a été écarté fin 2024 du groupe.
00:15Mais une dernière rémunération doit donc être examinée cet après-midi par les actionnaires du groupe.
00:21Ce sera tout à l'heure à 14h. Pour en parler, nous sommes avec Charles Pinel.
00:26Bonjour, vous êtes directeur général de ProxInvest, un cabinet de conseil aux investisseurs.
00:32Vous représentez notamment des petits actionnaires de Stellantis. Vous en représentez tout d'abord combien ?
00:41Ça, je n'en ai pas la moindre idée. On représente des actionnaires minoritaires, effectivement, mais ce sont plutôt des sociétés de gestion.
00:47On les représente, ce n'est pas tout à fait ça. On émet des recommandations de vote et après, nos clients font ce qu'ils veulent.
00:56Et je ne sais pas, in fine, c'est eux qui décident.
00:59Et vous recommandez, effectivement, de vous opposer à cette rémunération, c'est ça ?
01:06C'est ça. Lors de l'Assemblée qui va se tenir cet après-midi, il y a deux résolutions qui portent directement sur la rémunération au sein de Stellantis.
01:17Et donc, une qui porte sur la rémunération au titre de 2024. C'est le rapport de rémunération qui comprend la rémunération de Carlos Tavares.
01:25Et on va s'y opposer. En tout cas, on recommande à nos clients, donc investisseurs de Stellantis, de s'y opposer.
01:32Principalement pour, en raison des indemnités de départ qui vont être attribuées à Carlos Tavares.
01:41Parce qu'il faut bien sûr avoir en tête que Carlos Tavares, vous l'avez dit, a quitté l'entreprise fin 2024.
01:46Il a même démissionné le 1er décembre 2024. En tout cas, c'est le communiqué officiel de Stellantis qui l'indique.
01:53Et à ce titre, il nous paraît peu important qu'il bénéficie d'un indemnité de départ qui s'élève à 2 millions d'euros.
02:01Et donc, c'est ce qui, effectivement, justifie en partie cette opposition.
02:07Mais par le passé aussi, cette rémunération qui a beaucoup fait polémique aussi, vous a fait réagir les années précédentes.
02:14Oui. Depuis la création de Stellantis, Carlos Tavares bénéficie de nos rémunérations dont les montants sont très élevés chaque année.
02:26Après, il peut y avoir des problèmes, des différences plutôt, de méthodologie.
02:30Les chiffres qui sont annoncés par la presse d'environ 23 millions d'euros, plus 12 millions d'euros d'indemnités de départ.
02:38On n'a pas tout à fait les mêmes chiffres, mais peu importe.
02:41Enfin, d'une certaine façon, ce qui est important à avoir en tête, effectivement, c'est que depuis que Carlos Tavares dirige Stellantis,
02:50il bénéficie de rémunérations de montants très élevés, très proches des pratiques américaines.
02:57Stellantis s'en explique en disant que, ce qui est bien sûr vrai, une grande partie de son activité est réalisée aux États-Unis.
03:03Mais après, il se pose la question, notamment pour les actionnaires de Stellantis, de savoir, et d'une façon générale,
03:10de savoir qu'est-ce qu'on veut faire de ces rémunérations de dirigeants ?
03:14Est-ce qu'il y a un vrai marché des dirigeants international ?
03:17Est-ce qu'on veut vraiment faire venir en Europe, appliquer en Europe les pratiques américaines ou rester sur des rémunérations plus décentes ?
03:29En moyenne, la rémunération de Carlos Tavares, elle était de l'ordre de 20 millions d'euros, avec des pics.
03:39En France, la rémunération médiane des dirigeants du CAC 40, des 40 principales sociétés françaises,
03:46elle est de l'ordre de 5 millions, 5 millions 3. Donc on voit le gap.
03:50Et d'autant que du côté du gouvernement, le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, dimanche chez nos confrères de France 3,
03:58appelait lui à un principe de modération, justement, dans la question des rémunérations des grands patrons.
04:03Donc vous, vous plaidez dans ce sens-là, mais comment changer, évidemment, tout cela,
04:08quand le vote, par exemple, de cet après-midi ne sera que consultatif, vous, concernant ?
04:14Voilà. Ça, c'est aussi un des grands sujets.
04:18Lorsque Fiat, Chrysler et Peugeot se sont rapprochés, ils ont décidé d'implanter la nouvelle entité,
04:25donc Stellantis, aux Pays-Bas.
04:27Aux Pays-Bas, la rémunération des dirigeants est soumise à l'approbation des actionnaires,
04:33mais de façon consultative. Donc il n'y aura pas de conséquences.
04:35Et par exemple, en 2022, la rémunération de Carlos Tavares avait été refusée par les actionnaires,
04:42et il en a quand même bénéficié.
04:44La seule conséquence, qui n'était quand même pas négligeable, mais qui n'était quand même pas suffisante,
04:49est que Stellantis s'est tourné vers ses actionnaires pour essayer de voir comment,
04:52quels étaient les griefs et comment essayer d'y pallier.
04:56En France, c'est différent. Les résolutions, elles sont contraignantes.
05:02Donc ça veut dire que si une résolution est rejetée, le bénéficiaire, le dirigeant,
05:08ne pourra pas percevoir sa rémunération variable.
05:11Donc je pense que ça, ça va dans le bon sens.
05:12Et sinon, pour répondre aussi assez globalement à votre question,
05:17c'est de la responsabilité des actionnaires.
05:19C'est-à-dire, c'est aux actionnaires de prendre leurs responsabilités, de voter selon leurs critères.
05:26Alors, ça peut être des critères très factuels, on va pouvoir y revenir,
05:30ou alors des critères aussi, je pense que tout de suite, se mêlent aussi à un côté un peu éthique,
05:34vous voyez, d'une certaine façon.
05:36C'est-à-dire que beaucoup d'actionnaires disent,
05:43tant qu'il y a de la performance, je suis prêt à payer un dirigeant de façon très élevée.
05:48Mais on voit bien qu'à partir d'un certain bon temps,
05:52ça commence, les investisseurs, et d'une façon plus large,
05:57tout l'environnement se posent des questions.
06:03Parce qu'avec cette façon de voir les choses,
06:06il suffirait de dire, dans ce cas-là,
06:07on aurait pu payer qu'à l'os d'avresse encore plus élevée,
06:11quand il y avait de très bons résultats.
06:13Donc je pense que c'est vraiment une question de responsabilité des investisseurs,
06:16qui ont la clé, des actionnaires, qui ont la clé,
06:18puisque, en tout cas en France,
06:21puisque leur vote là est contraignant.
06:24Oui, si on vous comprend bien, Charles Pinel,
06:27effectivement, vous ne comprenez pas à la fois
06:29ces indemnités de départ, alors qu'il s'agit d'une démission,
06:32mais aussi une rémunération aussi forte,
06:35alors que l'année 2024 a été plutôt mauvaise pour le groupe Stellantis.
06:40Alors effectivement, on avait, lors des années précédentes,
06:44régulièrement critiqué les montants,
06:45comme je vous le disais, qui sont plutôt des montants de rémunération américains.
06:51Alors cette année, il faut reconnaître que, vous savez,
06:53la rémunération d'un dirigeant, elle est composée d'une rémunération fixe,
06:56on pourra y revenir d'ailleurs, une rémunération fixe,
06:58un bonus annuel, variable, en fonction des résultats de l'année,
07:02et une rémunération variable, mais de long terme,
07:05la plupart du temps accordée sous forme d'action de performance.
07:09Et alors il faut constater,
07:11et là reconnaître le bon travail du conseil d'administration de Stellantis,
07:15c'est que le bonus annuel,
07:16la rémunération variable annuelle au titre de 2024, est nulle.
07:19Elle s'élève à zéro.
07:20Donc il y a quand même une bonne prise dans cette rémunération
07:24des résultats de l'exercice 2024.
07:30Mais ce qui est un petit peu, enfin un petit peu ou beaucoup regrettable,
07:34c'est que Klaus Tavares a bénéficié,
07:37dans les années précédentes,
07:39de plans d'action de performance.
07:43Au départ, il n'y avait pas de critères de performance,
07:46ensuite il y a eu des critères de performance,
07:47mais en tout cas de plan d'action pour des montants élevés.
07:51Et également, il a eu un plan d'incitation à long terme
07:54pour transformer, si vous voulez, l'entreprise
07:57qui portait sur la période de 2021 à 2025.
08:02Et on en arrive, pour cette année,
08:05il va percevoir à ce titre 10 millions d'euros,
08:07parce qu'il aurait réalisé une partie des critères.
08:11Il avait déjà eu 10 millions précédemment.
08:14Et vous voyez, un tel plan de long terme,
08:19nous, on l'avait critiqué lors de sa mise en place
08:20parce qu'on ne connaissait pas les critères
08:22qui allaient être mis, appliqués.
08:24Et donc, on ne pouvait pas vérifier l'exigence.
08:27La société nous avait dit, mais s'ils sont très, très, très exigeants,
08:29on se rend compte que Stellantis est dans une situation difficile.
08:33Alors, ce n'est pas uniquement lié, bien sûr,
08:35c'est propre au secteur,
08:37ce n'est pas uniquement lié à la gestion de Klaus Tavares.
08:40Et donc, ils bénéficient, vous voyez, en partie de rémunérations précédentes
08:44en raison, visiblement, de critères pas assez exigeants
08:48ou mal choisis ou mal déterminés, etc.
08:51Et c'est ce qui, effectivement, nous choque.
08:56L'an dernier, notamment quand le débat s'était tourné du côté politique,
09:02la gauche, notamment, demandait de limiter les écarts de salaire dans l'entreprise.
09:06Là, quand l'on voit que les 23 millions d'euros
09:08que devraient, pourraient toucher, en tout cas, Carlos Tavares,
09:12représentent 350 fois le salaire moyen des salariés de Stellantis
09:17à travers le monde.
09:18On peut comprendre votre opposition et le côté choquant, évidemment,
09:24vis-à-vis des petits actionnaires que vous représentez.
09:28Oui. Alors, nous, on prend des montants, mais je ne vais pas rentrer,
09:31parce que là, c'est un petit peu trop, c'est des problèmes de méthodologie.
09:34Le chiffre de 23 millions que vous citez, il prend en compte des...
09:38C'est pour ça que j'en parlais précédemment.
09:40Il prend en compte des plans, si vous voulez, des années précédentes.
09:44La rémunération au titre de 2024, selon nos chiffres,
09:48elle n'est, entre guillemets, que de 5 millions 8,
09:50plus les années qui est de départ.
09:52Mais au-delà de ça, je pense, pour plus répondre à votre question,
09:58je pense que l'idée, c'est...
10:00Ce sont des montants qui sont publics, dont tout le monde a accès,
10:04que ce soit les salariés, mais, comme je vous disais,
10:07toutes parties prenantes.
10:08Et je pense que c'est vraiment important que les actionnaires soient responsables,
10:12mais que les dirigeants le soient eux-mêmes.
10:16Et vous voyez, une des façons pour nous d'essayer de voir comment...
10:19C'est compliqué d'estimer une rémunération équitable pour un dirigeant.
10:26Il faut l'attirer, il faut le retenir, il faut le motiver.
10:30Et les deux critères qui pourraient être bien mis en avant
10:36pour essayer de trouver ce bon équilibre,
10:39c'est tout d'abord d'attribuer des montants en ligne
10:44avec les sociétés comparables, et des pays comparables aussi.
10:48Je pense qu'il faut que Calostavarès puisse plutôt être comparé
10:52à des sociétés européennes, et diriger une société européenne,
10:55même si elle est très mondialisée.
10:57Et il faut qu'il y ait un réel alignement avec la performance.
11:00Donc, comme je vous le disais, sur l'année 2024,
11:01au niveau de sa rémunération variable annuelle,
11:04cet alignement a été réalisé.
11:07Mais en revanche, sur une façon de plus long terme,
11:11là, on est moins convaincus.
11:14Un mot là-dessus, Charles Pinel, justement,
11:17Carlos Tavarès, l'an dernier, quand il avait été pris à partie,
11:21en quelque sorte, par les politiques sur sa rémunération,
11:23avait dit « faites une loi dans ce sens-là,
11:26c'est une bonne solution, selon vous ? »
11:30En France, le sujet, comme on l'a évoqué,
11:36c'est une société de droit néerlandais,
11:38avec des résolutions qui sont uniquement consultatives.
11:44En France, je pense quand même qu'il y a un bon contrôle
11:46via l'Assemblée générale,
11:48où les actionnaires sont souverains, puisqu'ils décident.
11:51Donc, je ne sais pas si la solution,
11:52c'est réellement d'empiler les lois, les contrats, etc.
11:57Moi, je pense plutôt qu'il faut faire confiance à la responsabilité de chacun.
12:03Et celle-ci, la responsabilité, c'est celle du dirigeant,
12:07mais c'est aussi et surtout, j'allais dire, celle du conseil d'administration.
12:11Il ne faut pas oublier que c'est le conseil d'administration
12:13qui définit la politique de rémunération
12:20des dirigeants des entreprises où ils siègent.
12:25Un dernier mot, Charles Pinel.
12:27Vous représentez donc, je le rappelle, ProxInvest,
12:29un cabinet de conseil aux investisseurs.
12:32Vous êtes présent dans d'autres sociétés importantes.
12:36Est-ce que ces problématiques se posent là aussi ?
12:41Elles peuvent se poser.
12:41D'une façon générale, il faut quand même reconnaître
12:45qu'en France, il y a une certaine...
12:48Le sujet des rémunérations est extrêmement contrôlée
12:51par l'Assemblée générale.
12:53Il y a une certaine maîtrise.
12:55Mais chaque année, effectivement, on voit apparaître
12:57quelques dirigeants ou les actionnaires
13:03et au-delà de ça, les parties prenantes
13:07peuvent se poser des questions.
13:09Merci beaucoup, Charles Pinel, directeur général
13:12de ProxInvest, d'avoir été en direct avec nous
13:15pour revenir sur à nouveau cette polémique
13:19qui touche Carlos Tavares,
13:21l'ancien patron du groupe automobile Stellantis,
13:25dont sa toute dernière rémunération
13:27doit être examinée.
13:29Ce sera donc cet après-midi à partir de 14h
13:32par les actionnaires du groupe Stellantis.
13:35Merci de nous avoir suivis sur BFM,
13:36de rester bien avec nous.
13:38Un nouveau direct à suivre.
13:39Sous-titrage Société Radio-Canada
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