Les députés ont commencé vendredi en commission l'examen de la proposition de loi relative à la fin de vie et approuvé la création d'un droit à l'aide à mourir, en élargissant les cas où la substance létale pourra être administrée par un soignant. Un second texte sur les soins palliatifs est également en discussion, alors qu'encore 21 départements ne sont dotés d'aucune structure palliative. Regardez le sentiment de Claude Grange médecin généraliste spécialisé dans les soins palliatifs.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 14 avril 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Tout de suite l'invité d'RTL Matin alors que la question de la fin de vie est sur le bureau des députés.
00:07Thomas, vous recevez le docteur Claude Grange, médecin très impliqué dans les soins palliatifs.
00:12Bonjour et bienvenue sur RTL, docteur Grange.
00:14Bonjour.
00:15On va bien sûr se pencher sur les lois sur la fin de vie qui sont en ce moment entre les mains de nos députés.
00:19Mais si vous voulez bien, on va commencer d'abord par regarder l'hôpital en face.
00:23Hier encore, ici sur RTL au Grand Jury, la porte-parole du gouvernement, Sophie Prima,
00:27disait qu'il reste de nombreux départements qui n'ont pas de services de soins palliatifs dans le pays.
00:33Quelle est la situation des soins palliatifs aujourd'hui en France, en quelques mots ?
00:36Eh bien, c'est une réalité.
00:38C'est vrai qu'il y a 21 départements qui n'ont pas d'unité de soins palliatifs.
00:42Moi-même, j'ai créé une unité de soins palliatifs à Houdan dans les Yvelines
00:47et qui malheureusement a fermé il y a un an et demi, faute de médecins.
00:54Ça veut dire qu'il y a un décalage entre les déclarations et les actes.
00:57Il y a une absence de volonté politique réelle ou pas ?
00:59Non, je pense qu'il y a une volonté de développer les soins palliatifs,
01:04mais il manque de médecins et il manque de soignants.
01:07Je pense que toutes les structures hospitalières cherchent des médecins.
01:13Et puis, quand on est jeune médecin, ce n'est pas forcément vers les soins palliatifs qu'on va aller.
01:18On va davantage vers la chirurgie, vers la cardiologie,
01:22mais peut-être pas vers ces services de soins palliatifs.
01:2521 départements, vous le disiez, qui n'ont rien pour les soins palliatifs aujourd'hui.
01:29La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, dit que la solution peut peut-être passer
01:32par la mise en place de soins palliatifs à domicile.
01:35Pour vous, c'est quoi ?
01:36Ça serait un cache-misère ou c'est une bonne idée, une idée à pousser, une idée réaliste ?
01:40Non, je pense qu'il est important de développer les soins palliatifs à domicile
01:44parce que quand on est atteint de maladies graves incurables,
01:47je veux dire que ce n'est pas forcément l'hôpital qui est le meilleur lieu pour terminer ses jours.
01:53Je pense que le domicile, avec des équipes formées,
01:58d'ailleurs la plupart des Français souhaiteraient,
02:01dans les statistiques, on dit qu'il y a 80% des personnes
02:04qui souhaiteraient mourir à domicile entourées de leurs proches.
02:08Mais il faut quand même du personnel, docteur, même si on fait ça à domicile.
02:10Donc on déplace le problème, mais c'est le même ?
02:13Exactement. Dans la formation initiale des médecins,
02:17il n'y a pas suffisamment de temps pour former les médecins aux soins palliatifs.
02:22Je veux dire que dans nos études de médecine,
02:25on formate les médecins davantage au guérir
02:28et pas à l'accompagnement des personnes en fin de vie.
02:31Racontez-nous, docteur Grange, ce qui se passe aujourd'hui dans une unité de soins palliatifs.
02:36À quoi ressemble la vie, les échanges avec les patients quand on y est ?
02:39On a une image des soins palliatifs comme un mouvoir.
02:43Eh bien, c'est tout le contraire.
02:46C'est des lieux où on vit le mieux possible les derniers moments de sa vie.
02:52Et pour ça, moi je dis souvent,
02:55ces personnes en fin de vie, elles ont besoin de trois choses.
02:59Ne pas souffrir, ne pas se sentir abandonné,
03:02et qu'on ne fasse des choses qui ont du sens que pour le patient.
03:04C'est construire un projet de soins en fonction de ce que souhaite le patient.
03:08Et ça, vous y parvenez ?
03:09Bien sûr.
03:10Bien sûr.
03:10Nous, on trouve qu'il y a un décalage entre ce qui se passe dans les unités de soins palliatifs,
03:15parce que nous, on a les personnes qui sont concernées par le sujet.
03:19Or, dans les médias, on dit
03:2280% des Français sont pour l'aide active à mourir ou pour l'euthanasie.
03:26Mais nous, on n'a pas cette réalité-là.
03:29Quand les gens sont confrontés à la fin de vie,
03:31même si quand ils arrivent, ils disent
03:33« Ben non, mais faites quelque chose ! »
03:34Parce que c'est les conditions du mourir
03:36qui font qu'ils demanderaient ça.
03:39Mais à partir du moment où ils sont soulagés,
03:41entourés, accompagnés,
03:42et qu'on ne fait des choses qui ont du sens que pour eux,
03:45ils ne demandent plus de mourir.
03:47On a aussi l'image, vous disiez, on a l'image d'un mouroir,
03:49on a aussi l'image d'une zone de douleur
03:52qui se joue dans les chambres d'hôpitaux,
03:53entre les médecins, le patient quand il est en état
03:56et les familles.
03:57Est-ce que c'est vraiment ça aussi, aujourd'hui,
03:59la réalité des soins palliatifs ?
04:02Non, non, non.
04:03Je veux dire que, moi, pendant 25 ans,
04:06j'ai accompagné plus de 4000 personnes.
04:09Je peux vous dire que, moi, j'ai des courriers
04:12à pleurer tellement c'est émouvant,
04:16des familles qui nous remercient
04:17alors que leur proche est décédé.
04:20Voilà, je ne peux pas vous dire plus que ça,
04:23c'est vrai que ce n'est pas partout pareil
04:26parce que c'est vrai aussi qu'il y a cette réalité,
04:30c'est qu'on meurt encore dans nos hôpitaux
04:32dans des conditions inacceptables
04:33parce que, justement, il n'y a pas cette pratique
04:36du soin palliatif de savoir utiliser les morphiniques,
04:41soulager la douleur même au risque d'abréger la vie
04:44à partir du moment où l'intention,
04:45c'est de soulager la personne,
04:47d'utiliser aussi ces pratiques de sédation,
04:50de faire dormir, mais faire dormir,
04:53ce n'est pas faire mourir.
04:54Mais est-ce qu'aujourd'hui, dans les faits,
04:56l'euthanasie, même si elle ne dit pas son nom,
04:58est pratiquée en France ?
05:00Sûrement que dans certains services,
05:03il y a des...
05:05Dans les années 80,
05:06on utilisait les cocktails lithiques,
05:08le cocktail DLP,
05:09et qu'il y a encore des pratiques.
05:11Mais, encore une fois,
05:13on n'a pas besoin de ça
05:14si on utilise les bonnes pratiques,
05:16soulager la douleur en utilisant les morphiniques,
05:18morphiniques,
05:19et puis, quand il y a des souffrances réfractaires,
05:22de mettre les personnes dans un sommeil.
05:25Docteur Granger,
05:25il y a deux textes qui vont donc être examinés au Parlement,
05:28l'un sur les soins palliatifs,
05:29qui a été adopté à l'unanimité en commission vendredi dernier,
05:32l'autre, beaucoup plus polémique,
05:33sur l'aide active à mourir que vous évoquiez.
05:36Ce dernier texte en l'état
05:37revient-il à proposer de mourir
05:39à des gens qui ne sont pas nécessairement en fin de vie ?
05:42Est-ce qu'il vous inquiète, vous, ce texte, ou pas ?
05:44Oui, moi, il m'inquiète
05:45parce qu'en fait, d'abord, on falsifie les choses.
05:48On parle d'aide, d'aide à mourir,
05:51sans nommer les choses.
05:53Déjà, ça paraît un petit peu bizarre
05:56de ne pas dire les choses.
05:57Comment faudrait-il les nommer ?
05:58De parler d'euthanasie, de suicide, d'exister.
06:01C'est ça, la réalité.
06:02Moi, je dis qu'il y a deux choses.
06:04Il y a les gens qui vont mourir.
06:06Pour les gens qui vont mourir,
06:07c'est développer les soins palliatifs.
06:09Par contre, il y a des gens qui veulent mourir.
06:11Et on voit très bien que cette loi,
06:15même si au départ, il y aura des critères restrictifs,
06:18on voit bien que ça va être, à un moment donné,
06:19une porte ouverte pour aller plus loin.
06:22Parce qu'on est dans une société
06:23de la liberté individuelle,
06:26de l'autonomie.
06:28Et il y a beaucoup de personnes qui disent,
06:29moi, je veux pouvoir décider du moment de ma mort.
06:32C'est-à-dire que s'il y a un moment donné,
06:34sans être vraiment gravement malade,
06:37si, à un moment donné, je suis dépendant,
06:40eh bien, je vais pouvoir mourir avant.
06:42On voit bien que c'est ouvrir la porte
06:45pour aller beaucoup plus loin
06:46que ce qu'ils veulent nous présenter.
06:49Le chef de service du département d'anesthésie
06:51et réanimation de l'hôpital La Piquet-Salpêtrière à Paris
06:53redoute, par exemple, que,
06:55vu le prix des maisons de retraite,
06:57certains patients préfèrent partir
06:58pour laisser un patrimoine à leurs enfants.
07:00Ce serait une sorte de fin de vie économique.
07:03Vous partagez cette inquiétude, aujourd'hui ?
07:05Il y a sûrement aussi...
07:06On voit très bien que, pour certaines personnes,
07:09à un moment donné,
07:10on peut être un poids pour ses proches.
07:12Des personnes qui sont dans des EHPAD
07:15où, quelquefois,
07:16les enfants doivent participer.
07:19Peut-être qu'à un moment donné,
07:20je ne suis qu'une charge pour mes enfants
07:22et je veux partir avant
07:24pour, en effet, laisser peut-être
07:26quelque chose à mes enfants.
07:29Mais c'est sûr qu'on a bien
07:30bien vu que le président, je pense,
07:33de la MGEN a pu faire des calculs
07:36et montrer qu'effectivement,
07:38c'était une source d'économie
07:40de faire partir plus vite
07:43des personnes qui étaient
07:46soit très âgées,
07:47soit très malades,
07:48soit...
07:49Et là aussi,
07:49moi, je travaille maintenant,
07:51après avoir travaillé dans l'internative,
07:52dans un foyer d'accueil médicalisé,
07:54qui sont des IMC,
07:58des infirmières moteurs cérébrales,
07:59des personnes lourdement handicapées.
08:02Et là, il y a une crainte
08:03dans ce monde d'handicap.
08:05Si on ouvre la porte,
08:07il y a une crainte
08:08qu'eux aussi,
08:09ils passent à la trappe.
08:10On entend vos inquiétudes,
08:12même.
08:12Si vous étiez parlementaire,
08:14docteur,
08:14est-ce que vous voteriez
08:15cette loi sur l'aide active à mourir ?
08:17Non, moi, je pense qu'encore une fois,
08:22on est dans une démocratie.
08:24Moi, je suis un médecin
08:25de soins palliatifs.
08:26Je pense que ce n'est pas
08:27un médecin ou un soignant
08:29de donner la mort.
08:32La main qui soigne
08:32ne peut pas être la main
08:33qui provoque la mort.
08:36Donc, je pense que ce n'est pas
08:38à nos établissements de santé
08:39d'organiser la mort de personnes,
08:44voire malades ou lourdement handicapées.
08:47J'entends aussi la demande
08:48de ces personnes
08:50pour des principes d'autonomie,
08:51de liberté,
08:52de vouloir décider.
08:54Eh bien, dans ce cas-là,
08:56allons vers une dépénalisation
08:57d'un suicide assisté,
08:59mais que les personnes
09:00assument et prennent
09:03cette responsabilité.
09:04Je veux mourir avant,
09:06peut-être, d'être dépendant.
09:08Eh bien, qu'il y ait la possibilité
09:09d'un circuit avec la kill pile,
09:11mais qu'on ne demande pas
09:13aux soignants d'organiser
09:15et de faire ce geste.
09:18Merci beaucoup,
09:19docteur Claude Grange,
09:19d'avoir été avec nous
09:20sur RTL ce matin.
09:22Je précise que cette interview
09:23a été enregistrée dimanche soir.
09:25Et tout de suite,
09:25on va retrouver Philippe.
09:26Sous-titrage Société Radio-Canada