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Nous vivons dans une ère du capitalisme régie par le « principe responsabilité » du philosophe Hans Jonas. Selon ce principe qui n’est plus discuté, le pouvoir que nous avons de détruire la planète nous impose le devoir de préserver les conditions de vie pour les générations futures, même au prix de sacrifices présents. Mais à qui incombe ce devoir ? Est-il individuel, collectif, et peut-il être délégué aux institutions et aux entreprises ? [...]

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Transcription
00:00Nous vivons dans une ère du capitalisme
00:10régie par le principe responsabilité
00:13proposé par le philosophe allemand Hans Jonas en 1979.
00:18Selon ce principe, qui n'est plus guère discuté,
00:21le pouvoir que nous avons de détruire la planète
00:24nous impose le devoir de préserver les conditions de vie
00:28pour les générations futures, même au prix de sacrifices présents.
00:33Mais à qui incombe ce devoir ?
00:35Est-il individuel, collectif ?
00:38Et put-il être délégué aux institutions et aux entreprises ?
00:43Cette question est au cœur de nos dilemmes contemporains.
00:48Consommer un saumon d'élevage ou rouler en SUV
00:51semble être une décision individuelle.
00:54Pourtant, ces choix s'inscrivent dans un système complexe
00:57de causalité où chaque action est conditionnée
01:01par des infrastructures, des politiques publiques,
01:04des imaginaires et des normes sociales.
01:07L'utilisateur d'une voiture polluante
01:09est certes responsable de son impact environnemental,
01:13mais ce choix est-il vraiment libre ?
01:16Il reflète souvent les limites d'un réseau
01:19de contraintes économiques et culturelles
01:21qui dépassent sa propre volonté.
01:23Ainsi, la responsabilité individuelle,
01:28souvent invoquée comme un idéal,
01:29fonctionne davantage comme une fiction opératoire.
01:33Elle repose sur l'idée, séduisante mais simplificatrice,
01:37que chaque individu peut exercer un contrôle absolu sur ses actes
01:41et en assumer pleinement les conséquences.
01:45Dans les faits, cette responsabilité est prise
01:48dans une toile de causalité diffuse,
01:51ce qui la transforme en un point de fixation
01:53plus symbolique qu'opérationnel.
01:55Mais si la responsabilité individuelle est un simulacre,
01:59que dira alors de la responsabilité collective ?
02:03Présentée comme une réponse aux défis systématiques
02:06tels que le changement climatique,
02:09elle semble servir moins à mobiliser
02:11qu'à masquer une forme d'impuissance.
02:14Elle permet à chacun de contribuer à un « nous » abstrait
02:18sans jamais mesurer concrètement l'impact de son engagement.
02:23Peut-être n'est-elle qu'un cadre
02:25permettant de donner un sens global
02:27à ce qui reste fondamentalement chaotique et indéterminé.
02:32Les appels à consommer éthique
02:34ou les engagements d'entreprises
02:36à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050
02:39sont des exemples emblématiques.
02:41Ces initiatives collectives
02:44sont bien souvent le fait d'individus
02:47qui ne seront plus en poste
02:49pour répondre de ses promesses dans 25 ans.
02:52La responsabilité collective
02:54devient alors un cadre narratif,
02:56une manière de perpétuer un système
02:58tout en feignant de le remettre en question.
03:02Face à ces paradoxes,
03:04le récit des bâtisseurs de cathédrales au Moyen Âge
03:07offre une perspective éclairante.
03:09Ces ouvriers anonymes
03:10gravant chaque pierre dans un projet
03:13qu'ils savaient ne jamais voir achever
03:15incarnaient une autre forme de responsabilité,
03:18celle d'un engagement
03:19qui dépasse l'individu
03:21et se déploie dans une dimension intergénérationnelle.
03:26Leur travail n'était pas guidé
03:27par une quête de résultats immédiats,
03:30mais par la volonté
03:31de contribuer à un héritage
03:33spirituel et communautaire.
03:36Ils œuvraient pour un bien commun
03:37dont ils ne profiteraient pas,
03:40mais qui transcenderaient leur propre existence.
03:41Ce modèle contraste avec la vision contemporaine
03:46où la responsabilité collective
03:48tente à diluer les devoirs individuels
03:50dans une abstraction confortable.
03:54Pour croire à cette responsabilité collective,
03:57il faudrait réhabiliter
03:58une forme d'humilité face à l'avenir,
04:01accepter que nos efforts
04:02ne produisent pas toujours
04:04des résultats immédiats et visibles,
04:06mais qu'ils peuvent néanmoins
04:07poser les fondations d'un monde
04:10que nous estimons meilleur.
04:12Dans une société dominée
04:14par la logique instrumentale
04:15et la recherche d'efficience,
04:17les bâtisseurs de cathédrales
04:19nous rappellent que l'œuvre humaine
04:21la plus noble est souvent celle
04:23dont les fruits ne seront récoltés
04:25que par d'autres.
04:26Ils incarnent une leçon précieuse,
04:28notre responsabilité,
04:30qu'elle soit individuelle ou collective,
04:32ne se mesure pas seulement
04:34à ses effets immédiats,
04:35mais aussi à la manière
04:37dont elle s'inscrit
04:38dans un horizon de sens
04:40plus vaste et plus durable.

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