Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 10 avril 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Amandine Bégaud et Olivier Bois
00:048h15 sur RTL et au cœur de cette actualité rythmée par les humeurs de Donald Trump.
00:09Amandine, vous recevez Stéphanie Villers, économiste et conseillère économique chez PWC France.
00:15Bonjour et bienvenue sur RTL. Merci d'être avec nous ce matin en studio.
00:19Ces dernières heures, Olivier le rappelait, ont été bien agitées en effet sur le front économique.
00:23On va donc essayer, si vous le voulez bien, de prendre tout ça point par point.
00:27Ce nouveau coup de théâtre d'abord aux Etats-Unis avec cette pause de 90 jours dans la guerre commerciale annoncée hier par Donald Trump
00:34qui veut donc uniformiser pour trois mois les droits de douane à 10% sauf pour la Chine.
00:42Est-ce que c'est une bonne nouvelle ?
00:45Alors on va dire que c'est un mouvement d'apaisement mais il ne faut pas se leurrer.
00:50Pourquoi il a fait ce choix-là, ce volte-face ?
00:54C'est bel et bien parce que les bourses américaines et à travers le monde ont massivement chuté
01:00et que les taux d'intérêt américains se sont mis à bondir.
01:05Et ça, ça a un peu fait plier Donald Trump.
01:09Ce sont les marchés financiers qui l'ont fait plier ?
01:10Oui, on voit bien, c'est bel et bien ça.
01:12Parce que je vous rappelle que lorsqu'il a annoncé ses droits de douane la semaine dernière,
01:15il avait bel et bien dit que c'était non négociable.
01:17Et on voit que dix jours après, ça y est, il revient et revient sur son annonce.
01:22Ça montre bien que les marchés financiers ont une vraie pression sur l'économie américaine
01:28et par effet récoché sur Donald Trump.
01:29Donc ce n'est pas non plus une saute d'humeur ?
01:33Non, alors après ça devient quand même, on commence à connaître Donald Trump.
01:37C'est quand même un être relativement imprévisible et instable.
01:40Et ça par contre, ça inquiète l'ensemble du monde économique
01:45parce qu'on ne sait pas à quoi se fier en réalité.
01:49Et les entreprises ont besoin d'un cadre stable pour pouvoir se projeter.
01:53Donc même que le monde de l'entreprise et d'ailleurs les marchés financiers aussi
01:56n'aiment pas l'instabilité, l'incertitude.
01:58En fait, maintenant il y a une perte de confiance réelle dans la parole de Donald Trump.
02:03Les 90 jours de pause, en fait, ça ne va pas permettre grand-chose pour les entreprises
02:08puisque de toute manière, elles vont continuer à naviguer à vue.
02:11Pour leur coût de production, elles ne vont pas savoir en fait
02:14si les droits de douane après vont continuer à augmenter, baisser.
02:17Enfin vous voyez, il y a une...
02:19Pour une entreprise française par exemple, qui effectivement ferait du business avec les Etats-Unis,
02:24qu'est-ce que ça change ce matin ? Pas grand-chose en fait.
02:27C'est toujours...
02:27Déjà, c'est 10% au lieu de 20%,
02:31mais n'empêche que pour 90 jours ou pas,
02:36parce qu'il peut encore changer d'avis en fait.
02:38C'est toujours ça, sa parole en fait a moins en moins de valeurs.
02:41Mais par contre, a des conséquences.
02:43Donc qu'est-ce que ça va amener ?
02:44Les entreprises, elles vont être attentistes, elles vont attendre.
02:47Elles vont attendre et donc elles vont moins investir,
02:50elles vont moins embaucher.
02:52Et ça, ça peut avoir une incidence en fait sur la croissance française.
02:56Et c'est pour ça qu'Éric Lombard, le ministre de l'économie,
02:58a revu hier à la baisse les prévisions de croissance pour la France,
03:01pour 2025, de 0,9% à 0,7%.
03:040,2%, ça n'a l'air de rien.
03:07C'est pas grand-chose.
03:08Pas très grave, si ?
03:09Oui, alors c'est compliqué quand même
03:12de faire dans le contexte actuel une prévision économique.
03:16Véritablement, les économistes, on a bien du mal à se projeter
03:19puisque de toute manière, on n'a même pas les hypothèses de base
03:22et elles n'arrêtent pas de changer.
03:23On fait ça un peu au doigt mouillé ?
03:24Oui, on ne peut pas.
03:25En réalité, on ne connaît pas à quelle sauce
03:29en fait, on va se faire manger par Donald Trump.
03:32Et c'est véritablement ça le bac qui blesse,
03:35l'inquiétude qu'il faudrait résoudre au sein même de l'Union Européenne.
03:40Cette perte de confiance pour les entreprises européennes
03:43vis-à-vis des Etats-Unis implique en fait une réponse
03:47de la part de l'Union Européenne.
03:49Ça fait quand même un bout de temps que les entreprises européennes
03:51se disent qu'il faut faire attention,
03:53les Etats-Unis sont en train de vouloir nous attirer.
03:55Là-bas, il y a effectivement, avant Trump,
03:59il y avait quand même, Biden avait réussi en fait
04:02à faire un cadre attractif pour les entreprises.
04:06Il y avait des impôts déjà moins élevés,
04:08surtout de l'énergie.
04:09Oui, il y a un certain nombre de groupes français
04:10qui ont effectivement construit des usines
04:12au cours de ces dernières années aux Etats-Unis.
04:13Avec l'Ira, l'Union Européenne.
04:15Mais comment, Stéphanie Villers,
04:16l'Europe peut apporter une réponse face à quelqu'un
04:21qui, c'est vous qui le disiez finalement,
04:23aujourd'hui décide ça, mais hier décide autre chose
04:25et demain décidera peut-être autre chose ?
04:26Eh bien, l'Europe s'est construite en fait
04:28pour déjà développer son commerce intra-zone.
04:32Il faut savoir que les exportations totales de l'Europe
04:36vis-à-vis des Etats-Unis, ce n'est que 8%.
04:39Donc on est en fait taxé à 10% sur 8%.
04:44Donc effectivement, ça fait mal.
04:46Mais on va pouvoir en fait globalement s'en sortir.
04:48L'Union Européenne...
04:48On pourrait s'en passer tout court ou pas ?
04:49En fait, il faut trouver en fait à la fois,
04:51il faut dynamiser son commerce intra-zone.
04:54On sait faire en réalité.
04:56Il faut juste en fait créer un cadre encore plus attractif.
05:00Et puis aussi continuer à faire des partenariats.
05:03Parce que le seul pays aujourd'hui qui est contre le libre-échange,
05:06en réalité, c'est les Etats-Unis.
05:08Les autres pays en fait souhaitent continuer en fait,
05:11plus ou moins comme avant,
05:13en développant le libre-échange.
05:14Donc il faut être capable en fait d'aller trouver de nouveaux accords.
05:18Et ça, ça doit être possible.
05:19J'évoquais les propos du ministre de l'Économie, Éric Lombard,
05:21hier soir au journal de TF1.
05:24Il continue de dire, nous n'augmenterons pas les impôts en 2025.
05:27C'est sérieux ?
05:28Alors, il a aussi dit que compte tenu aujourd'hui du contexte,
05:33ça allait être compliqué d'atteindre,
05:36enfin d'arriver à baisser le déficit public.
05:39Donc déjà...
05:40Mais il maintient quand même l'objectif de 5,4% ?
05:42Il le maintient, mais il dit en même temps que ça va être compliqué
05:45et que surtout, il ne baisserait pas la dépense publique
05:49et il ne toucherait pas les impôts.
05:50Dans cette équation, si la croissance baisse,
05:52il n'y a pas de secret,
05:54il y aura certainement en fait de nouvelles,
05:56enfin de mauvaises nouvelles sur le déficit public.
05:59Mais en fait, on est tellement en fait,
06:01dans un cadre totalement incertain,
06:03il peut y avoir quand même un sursaut du côté européen.
06:07Je vous rappelle que quand même,
06:08l'Allemagne a décidé de mettre 500 milliards d'euros
06:11dans son économie, il y a de quoi véritablement stimuler à la fois.
06:14Tout à l'heure, Étienne Jarnel nous disait
06:16que cet accord de coalition justement en Allemagne
06:19était sans doute la meilleure bonne nouvelle pour l'Europe
06:21depuis des années et des années.
06:23Des années, ça fait des années en fait
06:24que l'Allemagne avait décidé la rigueur budgétaire,
06:28n'avait pas massivement investi dans son pays.
06:30Je parle de la dépense publique.
06:32Et là, visiblement, ça y est,
06:34ils ont changé de logiciel
06:35et véritablement, ils se détournent
06:37des deux partenaires principaux
06:39qui étaient les Etats-Unis et la Chine
06:41et se disent, finalement,
06:42on va peut-être un peu plus explorer
06:43notre marché intérieur, l'Union Européenne.
06:46Donc ça, c'est quand même une très, très bonne nouvelle.
06:48Reste qu'en France, quand même,
06:48on n'a pas ces marges de manœuvre
06:50parce que je vous rappelle
06:50qu'on a une dette publique très élevée
06:52et un déficit chronique.
06:53Et ça, on ne peut pas le régler en un claquement de doigts.
06:56Stéphanie Villers, Patrick Martin,
06:58le patron du Medef était à votre place
06:59ici même hier matin
07:00et il nous a dit qu'il n'exclouait pas une récession.
07:03Ça vous paraît possible d'aller jusque-là ?
07:06C'est possible, mais après, c'est possible.
07:08Mais on a quand même des leviers pour s'en sortir.
07:11C'est les Etats-Unis, en fait,
07:13qui se sont mis dans une situation un peu délétère.
07:15Il n'empêche que l'Union Européenne
07:16a quand même un beau potentiel,
07:18notamment celui, en fait,
07:19d'arriver avec un accord avec la Chine
07:22parce que si la Chine continue
07:23à être massivement taxée vis-à-vis des Etats-Unis,
07:26bien sûr, elle va essayer de déverser ses produits
07:27au sein de l'Union Européenne.
07:30Donc il faut quand même maîtriser
07:31qu'on ne se retrouve pas à avoir...
07:32Donc finalement, la priorité,
07:33c'est presque un accord avec la Chine
07:34plutôt qu'avec les Etats-Unis ?
07:35Oui, oui, oui, parce qu'il faut effectivement
07:37travailler en deux concerts
07:40plutôt que s'affronter avec un partenaire
07:43qui ne veut rien laisser entendre, en fait,
07:45en réalité, où on ne sait pas où il veut aller.
07:46Donc je pense que la Chine,
07:48d'ailleurs, la Chine et l'Union Européenne
07:50ont l'intention, en fait,
07:51de se réunir avant l'été
07:53pour essayer de discuter sur ce point-là.
07:56Il ne faudrait pas qu'il y ait trop de biens chinois
07:58qui arrivent sur le marché,
07:59qui inondent le marché européen,
08:00parce que ça ferait trop de concurrence
08:01à nos produits français et européens.
08:03Il n'empêche que ça,
08:04ça va permettre, en fait,
08:05de stabiliser les prix.
08:07Il n'y aura pas de problème d'inflation avec ça.
08:08Il n'y aura pas d'inflation et de déflation.
08:10Patrick Martin disait,
08:11ce n'est pas impossible.
08:12Oui, alors, on en est loin.
08:14Je pense que c'est pas...
08:15La déflation, c'est mauvais
08:17pour le consommateur aussi ou pas ?
08:18Baisse des prix ?
08:19Non, c'est surtout mauvais
08:20pour son emploi, en fait.
08:22Lorsqu'il n'y a pas d'emploi,
08:23ça stimule le chômage, en fait,
08:25en réalité, une baisse des prix.
08:26Donc, non, il faut plutôt...
08:28Enfin, on imagine que si les produits chinois arrivent,
08:31l'inflation va être stable.
08:33Et ça, ça va permettre à la BCE
08:34de continuer de baisser ses taux d'intérêt.
08:36Et ça, c'est très bon.
08:36La fois pour l'économie française,
08:37je vous rappelle,
08:38qui est fortement endettée,
08:39mais aussi pour tous les projets,
08:41en termes de défense.
08:42Il faut massivement investir dans la défense
08:44au sein de l'Union européenne.
08:45Et si les taux d'intérêt sont plus bas,
08:47eh bien, ça va stimuler ce secteur-là.
08:50Merci beaucoup, Stéphanie Villers,
08:51d'être venue nous voir ce matin.
08:52avec...